Walpola Rahula

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Walpola Rahula (1907 - 1997) est un moine bouddhiste théravadin (École des Anciens), né et mort au Sri Lanka (ex Ceylan). Après ses études initiales, il s'intéressa également au bouddhisme mahāyāna (Grand Véhicule), qu'il étudia à l'Université Paris-Sorbonne dans les années 1950.

Son engagement politique, non négligeable durant une certaine période de sa vie, s'apparentait à une certaine forme de socialisme religieux. Aujourd'hui, il est célèbre pour son érudition.

Écrivain, il est surtout connu pour son ouvrage L'Enseignement du Bouddha paru en français en 1961, un « exposé lumineux et accessible à tous, des principes fondamentaux de la doctrine bouddhique, tels qu'on les trouve dans les textes les plus anciens »[1]. Il a également participé à la fondation du premier centre et temple theravāda aux États-Unis, en 1962.

Enfance espiègle et entrée au Sangha[modifier | modifier le code]

Walpola Rahula est né le à Walpola, petit village situé dans le sud du Sri Lanka. Enfant espiègle et indiscipliné, il refusait de se soumettre à l'autorité du maître d'école. Aussi ne fut-il pas longtemps scolarisé. Quand il eut atteint l'âge de treize ans, ses parents confièrent les soins de son éducation au Sangha (communauté des moines bouddhistes) de la région. Il y étudia le pâli, le sanskrit, l'anglais, la philosophie, les mathématiques et l'histoire du bouddhisme, conformément à la tradition[2].

Carrière académique[modifier | modifier le code]

En 1936, soit seize années plus tard, il obtint le grade de bachelier ès arts à l'université de Ceylan. Il poursuivit son cursus à l'University of London (UOL), devenant ainsi le premier moine bouddhiste à être admis en qualité d'étudiant.

Durant ses années d'études longues et difficiles, il bénéficia de l'aide et de l'amitié de Evelyn Frederick Charles Ludowyk (1906-1985) et de S. Thangarajah, ses professeurs d'anglais et de mathématiques. Cette amitié était d'autant plus remarquable que, n'étant ni Sri Lankais ni bouddhistes, ils se démarquaient ainsi de l'attitude de certains de leurs collègues plus conservateurs, qui n'appréciaient pas particulièrement la présence de ce religieux bouddhiste au sein de l'université.

En 1941, il obtint le titre de Bachelier ès Arts et décrocha une bourse pour effectuer des études post-universitaires à Calcutta. L'occupation de la Birmanie voisine par les forces japonaises le contraignit à retourner à Ceylan. En 1950, il obtint le grade de docteur en philosophie « une thèse hautement érudite sur l'histoire du bouddhisme à Ceylan »[3]. Parallèlement, il occupait les postes de Secrétaire Académique, de Secrétaire Général et de Professeur Principal à la Faculté Monastique de Vidyalankara Pirivena, l'une des plus importantes universités du pays.

En 1950, à la suite d'une recommandation de Paul Demiéville, membre de l'Institut et professeur au Collège de France, il obtint une bourse du gouvernement français pour faire une étude sur le bouddhisme mahayana tel qu'enseigné par Asanga, philosophe indien du IVe siècle de notre ère.

Car, bien qu'étant de la Tradition des Anciens, Walpola Rahula avait exprimé le souhait « de s'initier à la pratique des textes tibétains et chinois pour élargir son œcuménisme »[3]. En effet, durant son précédent séjour en Inde, il avait noué ses premiers contacts avec des adeptes du bouddhisme mahayana, et depuis, l'envie d'en apprendre plus sur cette tradition titillait son esprit de chercheur. Aussi ne laissa-t-il pas passer l'occasion qui s'offrait à lui.

Puis, en 1964, sur invitation d'Edmund Perry, directeur du Département des Religions à l'Université Northwestern, à Evanston dans l'Illinois, il se rendit aux États-Unis. Il y enseigna l'histoire comparative des religions, à raison de un ou deux trimestres annuellement, et ce pendant plus de dix ans. Il enseigna également dans plusieurs autres universités américaines : Swarthmore College, en Pennsylvanie (1977), UCLA (1979), etc. Il séjourna également plusieurs fois en France.

Cela ne l'empêcha pas d'accepter, en 1966, le poste de vice-recteur de l'Université de Vidyodaya, au Sri Lanka, proposé par le gouvernement. Cependant, il démissionna de ses fonctions trois ans plus tard, afin de continuer ses travaux de recherche à Paris[2].

En 1974, il s'installa à Londres pour participer aux travaux de la célèbre Pali Text Society (PTS), alors présidée par Isaline Blew Horner. Avec elle également, il dirigea la British Buddhist Association.

Très actif jusqu'à la fin de sa vie, il multiplia les voyages (Europe, États-Unis, Asie, Extrême-Orient), pour enseigner, diriger des séminaires ou participer à des conférences.

Sa contribution dans la diffusion du bouddhisme en Occident ne s'est pas limitée au rayonnement de son érudition. Il a aussi participé à une réalisation importante : la fondation du premier centre et du premier temple theravāda aux États-Unis, le Washington Vihara, à Washington DC, en 1965.

Aujourd'hui, l'École des Anciens compte plus de 500 temples en Amérique du Nord, où enseignent de nombreux moines srilankais. À titre de comparaison, en Europe – et en France plus particulièrement – cette branche du bouddhisme est très peu connue et a du mal à se développer, contrairement au bouddhisme tibétain (mahayana /vajrayana) et au zen japonais, lesquels rencontrent un vif succès depuis de nombreuses années. La couverture médiatique des différentes écoles étant proportionnelle à leur notoriété, le bouddhisme theravāda, par ailleurs discret par nature, se développe plus lentement.

Engagement politique[modifier | modifier le code]

Dès le début des années 1930, Walpola Rahula exerça son éloquence pour dénoncer les abus du pouvoir en place. Il n'hésita pas à publier et diffuser gratuitement des articles et des pamphlets fort critiques à l'égard du pouvoir. Il milita pour l'octroi de plus de libertés. Selon lui, les religieux doivent s'impliquer politiquement et non pas seulement rester confinés dans leurs monastères: attitude pour le moins révolutionnaire à l'époque. En 1947, il apporta son soutien aux ouvriers en grève et fut emprisonné trois jours à Colombo pour trouble de l'ordre public[2].

La même année, il participa à l'Inter-Asian Relations Conference à New Delhi où il rencontra Jawaharlal Nehru.

En 1958, il fut membre de la délégation de Ceylan à la Conférence générale de l'Unesco qui se tint à Paris. Durant plusieurs semaines, il y côtoya quotidiennement le cardinal Angelo Roncalli, futur pape Jean XXIII, alors nonce apostolique. Les deux hommes se lièrent d'amitié. À une réception organisée à la nonciature, le religieux catholique accueille le religieux bouddhiste à bras ouverts, le présentant aux autres invités comme étant « le vrai Ambassadeur universel »[2] .

Distinctions[modifier | modifier le code]

Il a reçu de nombreuses distinctions et a plusieurs fois été nommé docteur honoris causa, en Europe, Asie et Amérique du Nord.

En 1965, Sri KalyapiSamagri Sangha-Sabbha, supérieur du Sangha de Ceylan, lui décerne le titre de Tripitakavagisvaracarya (« Maître suprême en écritures bouddhiques »). À cette occasion, il reçoit également le titre de Sri (Gracieux), que seuls les grands érudits se voient décerner (ils ne sont jamais plus de deux ou trois au total).

En Birmanie (aujourd'hui Myanmar), autre terre du bouddhisme theravāda, le titre d'Aggamatha Panditha lui est conféré[2].

Walpola Rahula est mort à Colombo le , à l'âge de 90 ans.

Écrits[modifier | modifier le code]

Walpola Rahula est un auteur prolifique. Il a rédigé de nombreux essais, articles et textes divers. Son œuvre peut être classée en deux catégories, du fait de son engagement politique durant sa jeunesse, et de ses recherches dans le domaine religieux durant la seconde partie de sa vie.

La plupart de ses ouvrages ont été publiés en anglais et ensuite traduits en 14 langues. Seuls deux sont disponibles en français (voir liste des œuvres ci-après).

Écrits politiques[modifier | modifier le code]

Dès le début des années 1930, alors qu'il était encore étudiant (bien avant que sa notoriété en qualité d'érudit en bouddhisme soit établie), il rédige plusieurs pamphlets dénonçant certaines pratiques du bouddhisme populaire. Ceux-ci sont diffusés gratuitement sous le titre générique de Satyodaya Patrika (« Pamphlets révélant la vérité »). Il y exprime des idées révolutionnaires pour l'époque. Outre des considérations religieuses, il y aborde le problème de la liberté et du bien-être social[2].

En 1946, il publie Bhikusuvage Urumaya, rédigé en cingalais, puis traduit en anglais et réédité en 1974, sous le titre The Heritage of the Bhikku(voir liste des œuvres). Dans cet ouvrage, il encourage les moines à ne plus rester enfermés dans les monastères, mais à revenir au bouddhisme des origines, quand les bhikkhus consacraient leur énergie au bien-être et au bonheur de tous. Son appel à un bouddhisme plus engagé trouve écho, non seulement auprès des jeunes religieux, mais également auprès des ouvriers et de certains hommes politiques.

Dans son ouvrage L'enseignement du Bouddha, d'après les textes les plus anciens, Walpola Rahula décrit les principes qu'un gouvernement bouddhiste doit respecter tels qu’exposés par le Bouddha Sakyamuni dans un enseignement appelé les "Dix devoirs du Roi". Il s’agit de :

  1. La générosité : le souverain doit se garder d’un attachement pour les richesses et propriétés, mais l’utiliser pour le bien de son peuple.
  2. La moralité : il ne doit ni tuer, ni voler, ni mentir, ni tromper, ni s’enivrer, selon les cinq préceptes laïcs.
  3. Le sacrifice : il doit pouvoir sacrifier tout ce qui lui appartient dans l'intérêt de son peuple.
  4. L’intégrité : il doit être sans peur dans ses actions et sincère dans ses intentions.
  5. L’amabilité : il doit être d’un tempérament doux.
  6. L’austérité : il doit mener une vie simple et avoir une maîtrise de soi.
  7. L’absence de haine : il ne doit conserver aucune rancune envers quiconque.
  8. La non-violence : il ne doit faire de mal à personne, mais aussi faire régner la paix.
  9. La patience : il doit supporter toute épreuve sans s'emporter.
  10. La non obstruction : il ne doit pas s'opposer à la volonté populaire et se maintenir en harmonie avec son peuple.

En Inde, le roi Ashoka aurait établi son royaume sur ces principes.

Écrits religieux[modifier | modifier le code]

La plupart de ses ouvrages ont été publiés en anglais. Seulement deux sont disponibles en français :

  • Le Compendium de la Super-Doctrine (voir références complètes, rubrique Œuvres).

Il s'agit de la première traduction en français d'un important texte du bouddhisme mahayana.

  • L'Enseignement du Bouddha d'après les textes les plus anciens, paru en 1961 (traduction de l'édition originale en anglais, parue en 1959 sous le titre What the Buddha taught).

Il s'agit d'une présentation simple, complète et lumineuse du bouddhisme des Anciens, ou des origines, plus connu sous le nom de theravāda. Aujourd'hui encore, près d'un demi-siècle après sa parution, il est considéré comme étant « la » référence.

Présentation de l'ouvrage :

Dans sa préface, Paul Demiéville écrit: « Voici une apologie du bouddhisme conçue dans un esprit résolument moderne par un des représentants les plus qualifiés et les plus éclairés de cette religion[3]. »

Dans l'introduction, Walpola Rahula part du constat que l'intérêt croissant pour le bouddhisme suscite de nombreux ouvrages, lesquels sont malheureusement trop souvent rédigés par des auteurs qui ne maîtrisent pas toujours leur sujet.

Après avoir cité un exemple concret pour étayer son affirmation, il précise que son ouvrage s'adresse à un public cultivé, non versé dans le bouddhisme, et désirant connaître ce que le Bouddha enseigna réellement. Il précise que son unique source de documentation a été le Tipitaka, recueil de textes en pâli, unanimement considéré comme les archives originales les plus anciennes.

En appendice de l'ouvrage figure un choix de textes essentiels, traduits par lui-même du pâli en français (dont le Satipatthana Sutta (L'Établissement de l'attention), le Sigalovada Sutta (Le discours à Sigala sur les devoirs), ainsi que bien d'autres textes tous aussi riches en enseignements.

Enfin, un glossaire des principaux termes pâli traduits en français (et souvent en sanskrit) conclut l'ouvrage, dont le plan général est le suivant :

  • Biographie très succincte du Bouddha historique, résumée en deux pages (l'essentiel), suivie de 8 chapitres :
  1. L'attitude mentale bouddhiste
  2. La Première Noble Vérité : Dukkha
  3. La Seconde Noble Vérité : Samudaya (en), l'apparition de Dukkha
  4. La Troisième Noble Vérité : Nirodha, la cessation de Dukkha
  5. La Quatrième Noble Vérité : Magga, le sentier
  6. La doctrine du Non-Soi : Anatta
  7. Meditation ou culture mentale : Bhāvanā
  8. La morale bouddhiste et la société.

Extrait d'une interview de W. Rahula en 1994[modifier | modifier le code]

Extrait d'une interview de Walpola Rahula par Thierry Truillet, pour le compte de la revue Sangha, à l'occasion de sa venue à la pagode du Bourget, le [4].

Q : « Que pensez-vous de l'ego et des émotions perturbatrices ? Si la personne n'est pas guidée correctement, comment peut-elle atteindre la réalisation ? »

R : « Dans le bouddhisme, ce n'est pas la connaissance ni la mémoire qui comptent, mais la compréhension et non pas celle qui repose sur la mémoire. La connaissance du Dharma, c'est la mémoire et ce n'est rien du tout. Ce n'est qu'un processus. La compréhension de la vérité n'est pas mémoire. On ne peut oublier la vérité et dans la vérité il n'y a rien à se souvenir. Après son Illumination, le Bouddha a insisté là-dessus : il y a la vision, c'est tout. Si vous voyez une fleur, vous la voyez, c'est tout. Il n'y a là rien de mauvais. Mais tout vient après, quand vous réfléchissez sur cela. »

Œuvres[modifier | modifier le code]

En français
En anglais
  • What The Buddha Taught, Grove Press, New York, NY 1003zGby, 1959 (ISBN 0-8021-3031-3) et (ISBN 978-0-8021-3031-0)
  • History of Buddhism in Ceylon: The Anuradhapura period, 3rd Century BC-10th Century AD, M. D. Gunasena, 1966
  • Humor in Pali Literature and Other Essays, Walpola Sri Rahula Foundation Trust, 1997 (ISBN 955-650-000-6)
  • The Heritage of the Bhikku: A Short History of the Bhikku in Educational, Cultural, Social and Political Life, Grove Press, 1974 (ISBN 0-394-17823-8)
  • The Heritage of the Bhikku: The Buddhist Tradition of Service, Grove Press, 2003 (ISBN 0-8021-4023-8)
  • Zen and Taming of the Bull: Towards the definition of Buddhist Thought: Essays, G. Fraser, 1978 (ISBN 0900406690)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Paul Demiéville, professeur au Collège de France, Directeur des Études bouddhiques à l'École pratique des hautes études, in Préface de L'enseignement du Bouddha
  2. a b c d e et f (en) Venerable Walpola Rahula, A brief biographical sketch by Udaya Mallawarachchi. Tiré du livre :(en) Somaratna Balasuriya, Buddhist Studies in Honour of Walpola Rahula, Royaume-Uni, (Londres) : Gordon Fraser ; (Sri Lanka) : Vimamsa, , 293 p. (ISBN 0860920305 et 9780860920304, OCLC 6801322)
  3. a b et c Walpola Rahula (trad. Paul Demiéville), L'Enseignement du Bouddha, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points, Sagesses » (no 13), (1re éd. 1961), 293 p. (ISBN 2020047993 et 978-2-0200-4799-9, OCLC 468533153)
  4. La vérité ne relève pas de la mémoire ni de la connaissance mais de la compréhension

Liens externes[modifier | modifier le code]