Vermillon

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Le pigment de vermillon

Le vermillon est une couleur rouge éclatante, plus ou moins orangée. Son nom est tiré du français vermeil, terme utilisé pour désigner un rouge éclatant, légèrement plus foncé que l'incarnat et tirant sur le rouge cerise[1], et qui lui-même vient du latin vermiculus, une teinture rouge obtenue à partir de la cochenille Kermes vermilio parasite du Chêne Kermès.

On distingue la forme naturelle appelée cinabre (du minerai de mercure de cinabre), très difficile à trouver dans la croûte terrestre, et le vermillon ou vermillon de mercure, sa forme artificielle à partir de sulfure de mercure.

Le vermillon de mercure a très vite été synthétisé. Il est connu depuis la plus haute Antiquité en Chine mais n'aurait été introduit en Occident qu'au XIe siècle.

Le vermillon d'antimoine, apparu au XIXe siècle pour frauder le vermillon véritable (de mercure), est une variante plus terne, fabriquée à partir du sulfure rouge d'antimoine.

Ce pigment minéral est référencé au Colour Index comme PR106.

Composition et propriétés

Le vermillon (alpha HgS) est produit par la synthèse (par voie sèche ou humide) du soufre et du mercure. En raison de la toxicité du mercure, ce pigment a été retiré du commerce (voir Toxicologie).

Le vermillon a une structure cristalline trigonale. Le mercure a tendance à former seulement deux liaisons fortes comme dans les halogénures. Le groupe de recouvrement est C312 ou P3121. La maille contient trois molécules de HgS. La cellule élémentaire a pour dimensions : a=4,160 ou 4,15 ou 4,14 Å pour c=9,540 ou 9,51 ou 9,49 Å selon les auteurs. Chaque atome de mercure est entouré de six atomes de soufre.

Le vermillon comme le cinabre est un semi-conducteur.

Il est photosensible et peut noircir lorsqu'il est exposé à la lumière du jour.

Fabrication

Garçons bangladeshi à la sortie d'une fabrique de vermillon.

Pour la préparation du vermillon, on sublime un mélange de mercure et de soufre. C'est ainsi que la synthèse du vermillon a été rapportée par Geber au VIIIe siècle en Perse. À partir du XVIe siècle, il serait fabriqué industriellement à Venise puis en Hollande. Durant le processus, se forme d'abord un sulfure noir puis rouge. Le sulfure noir précipité est dit amorphe, il était autrefois appelé éthiops minéral et il est produit par combinaison directe du soufre et du mercure quand on les triture ou qu'on les chauffe.

Actuellement, le sulfure de mercure rouge se prépare par réaction du soufre purifié avec le mercure : le sulfure noir de mercure résultant est chauffé à 580°C puis traité avec NaOH ou KOH. On peut également le préparer suivant un processus de sulfurisation hydrothermique.

Historique

Les documents manquent et sont souvent imprécis. Les Chinois pourraient être les premiers à avoir découvert comment fabriquer le vermillon par voie sèche au début de notre ère. Une autre tradition veut que ce soit Zosime de Panopolis, savant et alchimiste grec né en Égypte qui au IIIe siècle de notre ère aurait pour la première fois mentionné dans ses écrits, ou découvert que le cinabre était composé de soufre et de mercure. Vers la même époque, le philosophe péripatéticien Théophraste, dans son traité Des Pierres[2] met en avant la qualité du vermillon de l'île de Céos, qu'il dit meilleure que celui de Lemnos et celui de Sinope.

Le procédé de synthèse est ensuite rapporté par Geber, alchimiste arabe du VIIIe siècle, né en Iran. Il aurait démontré que si le cinabre pouvait être décomposé, on pouvait le créer par la synthèse du soufre et du mercure ou la chaleur pouvait recombiner ces éléments en vermillon. Ce seraient donc les Arabes qui auraient introduit le vermillon artificiel en Occident.

Vermillon, Collection historique de colorant de l'université technique de Dresde (Allemagne)

La découverte de la synthèse du sulfure de mercure fut une innovation majeure du Moyen Âge dans le domaine de l'art. En rendant le vermillon abondant, la palette des peintres s'accroît et d'autres couleurs vives sont requises pour l'harmoniser. L'art de cette période, principalement religieux est riche en vermillon, en feuilles d'or et en bleu outremer, qui sont les trois couleurs principales de la palette médiévale. Le vermillon, de même composition élémentaire que le cinabre, peut être fabriqué presque partout sur de petits creusets, et il est notamment très répandu, entre autres, comme encre rouge dans les manuscrits.

Timbre d'un franc vermillon.

Le moine bénédictin Théophile décrit la fabrication du vermillon à la fin du XIe siècle dans l'ouvrage nommé Schedula diversarum artium. Il faut, du soufre qui peut être de trois sortes : noir, blanc ou jaune. Il est rompu sur une pierre sèche et l'on additionne une part égale de mercure. Quand tout est mélangé et déposé dans un flacon de verre lutté d'argile de manière à en sceller l'ouverture pour éviter que la fumée ne puisse s'échapper, on le plonge dans les charbons ardents et quand le pot devient chaud, on entend des craquements, c'est le sulfure que s'unit au mercure. Quand le bruit s'arrête, on peut retirer le pot du feu et y prélever le pigment. Théophile mentionne une technique où le pigment est préparé, semble-t-il, par combinaison de soufre et de mercure, le pigment qui en résulte doit par conséquent être assez pur, bien que la nature exacte des trois types de soufre ne soit pas connus.

L'alchimiste Albert le Grand est souvent mentionné comme étant le premier à avoir réalisé la synthèse du sulfure de mercure durant le Moyen Âge. Il connaissait les travaux des écoles arabes et, dans ses traités, il accepte et utilise des travaux de Geber en y joignant ses propres observations. Selon lui, les métaux sont formés grâce aux mélanges de sulfure et de mercure. Le mercure et le sulfure s'unissent et se combinent dans la terre en durcissant comme un minéral duquel le métal peut être extrait. Il décrit donc la synthèse du vermillon par sublimation d'un mélange de soufre et de mercure.

Les recherches concernant la fabrication du vermillon de synthèse se sont beaucoup développée du XVIIIe siècle au XIXe siècle. En effet, à cette époque, les Hollandais gardaient jalousement secret leurs processus de fabrication. Le vermillon anglais avait une très mauvaise réputation puisque sa couleur s'altérait rapidement. Le pigment naturel cesse d'être commercialisé au XIXe siècle. En Europe, le procédé de fabrication du vermillon par voie humide commence à être utilisé en Allemagne au XVIIIe siècle. Au début du XXe siècle, le vermillon est remplacé par les rouges de cadmium (PR108) qui en sont une bonne alternative.

Toxicologie

Ce pigment est extrêmement toxique. Tout contact avec la peau et les muqueuses doit être évité.

Les principes de prévention techniques sont les suivants : il est nécessaire de disposer d’un bon système de ventilation, de nettoyer quotidiennement les plans de travail, de stocker en récipients étanches et d’éliminer le matériel utilisé pour le nettoyage des composées de mercure. Les survêtements de travail ne devraient pas comporter de poches et de revers. Concernant l'hygiène personnelle, il est recommandé de se laver régulièrement les mains et les ongles, le visage, le brossage des dents et le rinçage de la bouche. Une interdiction formelle de fumer, de manger ou de boire sur le lieu de travail.

Dans la mesure où le vermillon est pulvérulent ou se présente sous forme de poudre, des mesures strictes de protection sont vivement recommandées. L'utilisation de gants permet de se protéger lorsque l'on manipule des pigments toxiques, le port d'un masque est singulièrement recommandé lorsque le pigment est pulvérulent, dans l'idéal il devrait comporter un filtre spécial pour le mercure, les lunettes de protection sont aussi fortement conseillées.

Notes et références bibliographiques

  • Hofer et Rudolf-Meier, 1999 : Hofer, Lothar et Rudolf Meier, Johannes. Risques professionnels dus au mercure et à ses composés, Division Médecine du travail, Suva, Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents, Lucerne, 2e édition – mai 1999, Lucerne, 1999, p. 1-32.
  • Auteur inconnu : Auteur inconnu. Archives des découvertes et des inventions nouvelles, faites dans les Sciences, les Arts et les Manufactures, tant en France que dans les Pays étrangers, pendant l’année 1815. Treuttel et Würtz, Paris, 1816.
  • Baillaud et al., 2004 : Baillaud B., de Gramont J., Hüe D. Encyclopédies Médiévales, discours et savoirs. Textes rassemblés et édités par B. Baillaud, J. de Gramont et D. Hüe. Presses universitaires de Rennes et Association Diderot. Cahiers Diderot, 2004, 10, p.67-99.
  • Brard C. P., 1821 : Brard C. P. Minéralogie appliquée aux Arts, ou Histoire des Minéraux qui sont employés dans l'agriculture, l'économie domestique, la médecine; la fabrication des sels, des combustibles et des métaux; l'architecture et la décoration; la peinture et le dessin; les arts mécaniques; la bijouterie et la joaillerie. Tome second. Chez F. G. Levrault, Strasbourg, 1821, 474p.
  • Breuer, 2000 : Breuer Hams. Atlas de la Chimie. Librairie Générale française, Italie, 2000. Chapitre IV, Groupe du zinc, 212p.
  • Cennino Cennini, 1982: Cennino Cennini. Le Livre de l’Art, traduction de Victor Mottez, F. de Nobelle, Paris, 1982, p.29.
  • Daniels, 1987 : Daniels Vincent. The Blackening of Vermilion by Light. Recent Advances in the Conservation and Analysis of Artifacts. Summer Schools Press, London, 1987, p.280-282.
  • Feller, 1967 : Feller R. L.. Studies in the darkening of vermillon by light. Report and studies in the history of Arts. National Gallery of Art, Washington D.C., 1967, p.99-111.
  • Gettens et al., 1972 : Gettens Rutherford J., Feller Robert L., Chase W.T.. Vermilion and Cinnabar. Studies in Conservation, 1972, 17, 2, p.45-69.
  • Grant Edward ed., 1974 : Edward Grand (ed.). À Source Book in Medieval Science. Harvard University Press Cambridge, Massachusetts, 1974.
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  • Lamure et Brusset, 1962 : Lamure J et Brusset H. Mercure. In, Pascal Paul (dir.). Nouveau traité de chimie Minérale, Tome V : Zinc-Cadmium-Mercure. Masson et Cie, Éditeurs, Paris, 1962, p. 433, 733-797.