Venance Payot

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Venance Payot, né le à Chamonix où il est mort le , est un naturaliste savoyard.

Guide, collectionneur, érudit, éditeur, marchand, élu local : Venance Payot a été tout cela ; mais le qualificatif que lui-même emploie le plus volontiers à son égard est « naturaliste à Chamonix » et c’est sans doute celui qui le caractérise le mieux.

Ses multiples activités révèlent son caractère éclectique, ainsi que son aptitude à tirer profit du monde qui l’entoure ; il faut souligner qu’elles ont toutes un lien avec la faune, la flore et la minéralogie de la vallée du Mont-Blanc.

L’étude des sciences naturelles, sa principale passion, va le mener à concevoir une riche collection naturaliste dont il aura le souci de faire don avant sa mort, au musée et à la bibliothèque de la ville d’Annecy.

Un chamoniard au XIXe siècle[modifier | modifier le code]

Le guide de haute montagne[modifier | modifier le code]

La génération du père de Venance Payot complète ses revenus d'agriculteurs en guidant les visiteurs, de plus en plus nombreux, dans les montagnes environnantes : les montagnards s’offrent à conduire les touristes « à la glace ».

Pierre-Joseph Payot, le père de Venance était lui-même guide ; il fut celui d’Alexandre Dumas quand l’écrivain visita Chamonix en 1832 et rencontra Jacques Balmat qui avait réussi, avec Michel Paccard la 1re ascension du Mont Blanc.

Venance Payot apprend d’abord le métier en tant que porteur, puis devient aspirant. Après un examen devant un jury de pairs, il obtient le titre de guide à la Compagnie des guides de Chamonix (créée en 1821). Dès l’âge de 15 ans, en 1841, il atteint le sommet du Mont Blanc.

Par sa profession, il acquiert une sagesse et une maîtrise de soi qui lui permettent d’accompagner les caravanes de touristes sur les sites alors à la mode : le chemin du Montenvers et la Mer de Glace, la Flégère, les Aiguilles Rouges, le Brévent, etc.

Lors de ses courses, il développe un intérêt marqué, pour la géologie, les glaciers, la faune et la flore de sa région.

Sa curiosité et ses connaissances naturalistes lui permettent de faire partie d’expéditions scientifiques, comme celles de Filippo Parlatore, botaniste sicilien, en 1849 et celle du Dr William Pitschner en 1861.

L’homme politique[modifier | modifier le code]

Son intérêt pour sa région, les montagnes et les glaciers manifeste sa passion pour les sciences naturelles, et exprime tout autant le souci des Chamoniards (plus particulièrement des guides), de se protéger « des étrangers », de préserver leur identité locale. C’est dans cet esprit qu’il est à plusieurs reprises conseiller municipal et obtient deux mandats de maire : le premier de 1863 à 1864 et le second mandat de 1881 à 1882.

Il achève sa carrière politique en obtenant un siège de conseiller d’arrondissement de la Haute-Savoie de 1892 à 1898. Peu après son élection, des financiers suisses et français déposent un projet de chemin de fer reliant Chamonix au Montenvers, promontoire dominant la Mer de Glace. Mais un important mouvement de protestation ralentit leur entreprise.

Cette course est le principal itinéraire touristique de la vallée, et par là même une des courses les plus rentables. Les caravanes s’y succèdent ; la visite au Montenvers est l’attraction la plus populaire. Les guides, les muletiers (loueurs de mulets pour les touristes ne souhaitant pas marcher), les porteurs et les élus des communes de Chamonix, Vallorcine et Servoz protestent vivement. Tous craignent la perte de leur travail et de leurs revenus liés au tourisme. Venance Payot fait partie des opposants les plus virulents au projet. Sous son impulsion, un livret de contestations Chemin de fer d’intérêt local de Chamonix au Montenvers : protestations, est édité en 1893 à Annecy, chez J. Dépollier, dans lequel il dénonce un « attentat au pittoresque ».

Malgré la condamnation publique du projet, le département et la préfecture sont séduits et déclarent le chemin de fer d’utilité publique le . La voie est inaugurée en 1908.

Le collectionneur[modifier | modifier le code]

Un passionné de sciences naturelles[modifier | modifier le code]

Pendant plus de cinquante ans, Venance Payot s’intéresse à l’ensemble de la faune, de la flore et des roches de la vallée du Mont-Blanc. Lors de ses courses en montagne, il réalise donc une véritable nomenclature botanique et minérale des alentours du Mont-Blanc en collectant principalement des plantes, des cristaux, des insectes, et des œufs d’oiseaux.

Collectionneur éclairé, il adopte une démarche scientifique. Il mentionne sur chaque échantillon ramassé son nom et le lieu le plus proche de la cueillette. Tout spécimen est ainsi identifié, classé et étiqueté.

Il réalise des herbiers, dans lesquels les plantes sont soigneusement placées sur des vélins et accompagnées d’étiquettes avec indication du lieu de cueillette.

Venance Payot possédait plusieurs herbiers : certains constitués par lui, d’autres achetés à des confrères naturalistes, comme Pierre Tranquille Husnot pour les mousses ou Auguste-François Le Jolis pour les algues.

En bon commerçant, il classe les cristaux qu’il ramasse dans de petits coffrets et les vend. Ainsi, il a l’idée de remplacer son cabinet naturaliste où sont présentés des échantillons des « trois règnes : animal, végétal et minéral » par une boutique de souvenirs, nommée « Au cristal de roches ». Installé Place de l’église à Chamonix, Payot vend aux touristes des plantes, des cristaux de roches, des champignons, etc.

Une bibliothèque de savant[modifier | modifier le code]

Grâce aux ex-libris qu’il portait sur tous ses livres, nous savons que Venance Payot a commencé très jeune à acquérir des ouvrages de référence qui lui permettent d’étayer ses passions scientifiques.

Sa bibliothèque contient environ 300 ouvrages de sciences naturelles, principalement de biologie, botanique et zoologie. Elle rassemble plus d’un siècle d’édition scientifique, de 1772 au début du XXe siècle, avec une orientation régionale.

De nombreux livres de cette bibliothèque sont considérés comme des travaux majeurs. On relève la présence d’ouvrages de Charles Lyell (1797-1875) ou de James Dwight Dana (1813–1895), éminents géologues, de René-Just Haüy (1743-1822), un des fondateurs de la minéralogie moderne, de Gabriel de Mortillet (1821-1898), géologue, archéologue et anthropologue.

À proximité de ces savants « classiques », des études d’auteurs de renommée locale ou régionale forment la partie la plus importante de la collection comme Alphonse Favre, écrivant sur les Alpes ou Joseph Vallot (1854-1925) relatant ses expériences faites au Mont-Blanc.

Si la géologie et la minéralogie ont une véritable place dans sa bibliothèque, la botanique reste la science la mieux représentée. Outre une multiplicité de petites études, il possède des livres de botanique de référence, comme La botanique enseignée en 22 leçons de Louis Demerson.

D’autres sciences complètent sa collection de livres : la zoologie, l’entomologie, l’ornithologie et la météorologie.

Enfin, sa bibliothèque contient beaucoup de textes relatifs à la région savoyarde.

Une vie consacrée à la recherche[modifier | modifier le code]

Venance Payot a créé une collection savante. Échantillons d’espèces, livres de référence, dictionnaires, études détaillées avec des illustrations pour faciliter l’identification sur le terrain : ils servent tous la recherche.

Il considère sa bibliothèque comme un outil de travail ; et n’hésite pas à faire des ajouts aux textes originels et à noter des inscriptions pour alimenter ses propres travaux.

Cette conception d’une collection de recherche s’inscrit dans le contexte d’effervescence scientifique qui touche le XIXe siècle. Des sciences telles que la botanique, la zoologie et la géologie prennent leur essor. Apparaît alors la figure du naturaliste, dont Venance Payot est un représentant.

Cristaux et plantes ne sont plus considérés comme des objets prestigieux ou des « curiosités » mais prennent le statut d’objets d’étude scientifique.

Venance Payot ouvre sa collection scientifique, en particulier son herbier, aux chercheurs.

Parallèlement, l’ensemble réuni par ce naturaliste chamoniard est considéré aujourd’hui comme « savant » parce qu’il contient de très nombreuses études scientifiques.

L’érudit[modifier | modifier le code]

L’auteur : des communications savantes aux publications touristiques[modifier | modifier le code]

La passion de Venance Payot pour les sciences naturelles l’amène rapidement à rédiger et publier des études sur ses trois sujets de prédilection : la botanique, la minéralogie et les glaciers.

En 1844, alors qu’il est élève au collège royal de Bonneville, paraît un Herbier des Alpes ou collections de plantes alpines recueillies dans les montagnes de Chamonix qui avoisinent le Mont-Blanc ; il s’agit d’un catalogue de plantes recueillies dans l’herbier de Venance Payot et classées par Louis Coppier, professeur au collège de Bonneville.

À partir des années 1850, Payot fait régulièrement paraître des livres et des brochures édités à Genève, Lyon ou Paris où la botanique prédomine.

Il complète ces éditions par des articles dans des revues scientifiques comme le Bulletin de la Société botanique de France ou l’Annuaire du Club alpin français, la Revue savoisienne

Les glaciers constituent un autre sujet d’intérêt pour Payot ; il fait de nombreuses observations sur le mouvement des glaciers de la chaîne du Mont-Blanc, donnant lieu également à des publications.

Mais le scientifique a aussi le sens du commerce : il est l’auteur de divers guides destinés aux touristes dont le nombre ne cesse d’augmenter ; Venance Payot les vend dans son magasin, mais aussi les dépose dans les hôtels de Chamonix. Ainsi, il édite en 1869 un Guide-itinéraire du Mont-Blanc qui va provoquer un incident avec les nouvelles autorités préfectorales françaises. En effet, Payot a « omis » de payer les droits de douane de cet ouvrage imprimé à Genève et la couverture de l’ouvrage porte un slogan assez irrévérencieux à l’égard du régime impérial français. Une manière de rappeler que les Chamoniards n’étaient pas favorables au rattachement de la Savoie à la France ?

Le scientifique : Venance Payot au cœur d’un réseau…[modifier | modifier le code]

Selon les usages de l’époque, Venance Payot est en relation avec de nombreux autres érudits et scientifiques en France et en Europe.

Il est membre ou correspondant de très nombreuses sociétés savantes : Société botanique de Lyon, Société murithienne du Valais, Société phytologique et micrographique de Belgique, Academia pittagorica de Naples, etc. Il appartient notamment à l’Académie florimontane, dont le siège est à Annecy.

Il est élu le à l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, avec pour titre académique Correspondant[1].

La présence dans la bibliothèque de Payot de nombreux envois d'auteurs atteste de son appartenance à un réseau de scientifiques et des relations qu'ils entretiennent. Les échanges sont réguliers, qu’il s’agisse d’écrits ou de spécimens (plantes, minéraux, animaux naturalisés) .

Le donateur : à la recherche de l’éternité…[modifier | modifier le code]

Alors qu’il atteint l’âge de 70 ans, Payot se soucie de trouver un emplacement pour abriter ses collections après sa disparition, et c’est vers le musée le plus important du département de la Haute-Savoie qu’il se tourne, celui d’Annecy. Le , il fait part de son désir d’offrir ses collections à la Ville : « je veux que ces collections restes (sic) séparées du musée actuel sans jamais être confondues dans celui existant dans une pièce voisine ou contiguë de celui existant et portant le nom de musée Venance Payot naturaliste de Chamonix à l’entrée… »

Suit un descriptif des collections qu’il envisage de donner :

Les objets sont accompagnés d’un petit capital dont les intérêts « serviraient à perpétuité à l’entretien de ces collections ».

À partir du mois d’, Payot commence à envoyer des spécimens.

En 1898, il pense que l’installation de ses collections au Musée, dans les conditions qu’il impose, semble traîner. Il réclame des précisions et finit par se déplacer jusqu’à Annecy pour constater l’état de présentation de ses objets : il n’en est pas très satisfait mais continue néanmoins ses envois. À partir de 1900, ses collections sont enfin installées dans une pièce particulière du Musée d’Annecy portant le nom de Venance Payot. La bibliothèque et le musée d’Annecy conservent encore dans leurs collections les dons de Payot, mais aujourd’hui rangés dans des magasins et réserves.

Conclusion[modifier | modifier le code]

Bien qu’il soit apparenté à une famille renommée de Chamonix, on connaît peu de détails sur la vie personnelle de Venance Payot ; un seul portrait a pu être retrouvé au Musée alpin de Chamonix. Son magasin, Au cristal de roche, a disparu au lendemain de sa mort pour faire place à la banque Payot, créée par son neveu Paul Payot. De sa vie publique restent surtout deux péripéties : le conflit qui l’oppose au sous-préfet de Bonneville au sujet d’une publication qu’on lui ordonne de retirer de la vente et sa prise de position contre le chemin de fer du Montenvers. C’est son activité de naturaliste qui est la mieux connue grâce à ses publications et aux collections qu’il a léguées à la ville d’Annecy.

Œuvres de Venance Payot[modifier | modifier le code]

Payot est l’auteur de plusieurs livres, brochures et nombreux articles parus dans des revues savantes ou locales. Il a principalement écrit sur 3 sujets : la botanique, la minéralogie et les glaciers.

Quelques titres choisis[modifier | modifier le code]

  • Herbier des Alpes, ou collection de plantes alpines recueillies dans les montagnes de Chamonix qui avoisinent le Mont- Blanc, par Venance Payot et Louis Coppier, Bonneville : A. Chavin, 1844.
  • Guide du botaniste au Jardin de la Mer de glace, Genève, 1854.
  • Guide-itinéraire au Mont-Blanc, à Chamonix et dans les vallées voisines, Genève : C.Gruaz ; Chamonix, 1857
  • Catalogue des fougères, prêles et lycopodiacées des environs du Mont-Blanc…, Paris : Cherbuliez, 1860.
  • Erpétologie, malacologie et paléontologie des environs du Mont-Blanc, Lyon : impr de Barret, 1864.
  • Lithologie – catalogue de la série des roches de la chaîne du Mont-Blanc, 3e édition. Genève : impr. Soullier et Wirth, 1872.
  • Géologie et minéralogie des environs du Mont-Blanc, Genève : H.Georg, 1873.
  • Guide du botaniste ou catalogue des plantes rares de la Suisse française, Lausanne : impr. Vue S. Genton et Fils, 1878.
  • Florule du Mont-Blanc : guide du botaniste et du touriste dans les Alpes Pennines, Paris : Sandoz et Thuillier, 18… 1886 . 3 volumes : 1 Phanérogames ; 2 Cryptogames ; 3 Florule bryologique.
  • Oscillations des quatre grands glaciers de la vallée de Chamonix et énumération des ascensionnistes au Mont-Blanc…, Genève, J.Sandoz, 1879
  • Description pétrographique des roches des terrains cristallins primaires et sédimentaires du massif de la chaîne du Mont-Blanc…, Genève : impr. Richter, 1885
  • Excursion au Mont Lachat et au pavillon de Bellevue, 1895
  • Statistique minéralogique et pétrographique des roches de la chaîne du Mont-Blanc. Lyon : impr. L. Jacquet, 1895.
  • Enumération des lichens des roches des Grands Mulets. Genève : impr. Romet, 1899.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Chemin de fer d'intérêt local de Chamonix au Montenvers, Annecy : impr. J. Depollier, 1882.
  • Herbier des Alpes. Venance Payot, Présenté par Sylviane de Decker-Heftler, Ed. de l’amateur, 2006.

Documentation[modifier | modifier le code]

  • Bibliothèque d’Annecy : correspondance, manuscrits de Payot, documents divers.
  • Musée d’Annecy : dossier de correspondance et diverses pièces concernant la donation.
  • Archives municipales d’Annecy : dossier lié au don et au legs (correspondance de Payot avec le Maire et Marc Le Roux, délibérations etc).
  • Archives départementales : dossier sur « l’affaire » du Guide itinéraire du Mont Blanc, retiré de la vente en 1869.
  • Émilie Grognux : Étude du fonds Venance Payot ; diplôme national de master, Université Lyon 2, 2007.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]