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Le pain bouilli, « pô buli » ou pain noir de Villar-d'Arêne est un pain traditionnel fabriqué une fois par an, au Haut-Oisans. Il est constitué uniquement de farine de seigle et d'eau bouillie, pétri et cuit dans l'ancien four banal du village et il était autrefois consommé tout au long de l'année. D'autres communes de l'Oisans ou du Briançonnais fabriquaient leur pain noir sur le même principe, avec des particularités liées à chacune. Chaque pain est nommé « tourte » et pèse entre 4 et 5 kilogrammes ; il a une mie brune et dense et une croûte très sombre et dure. Il semble que la fabrication de ce pain, confectionné à Villar-d'Arêne sous le nom de « pain bouilli » et dans le village voisin de La Grave sous le nom de « pain noir », ait été décrite par diverses personnalités au cours des siècles.

La tradition de la fabrication du pain bouilli et la société dans laquelle elle s'insère ont été étudiés dans la seconde moitié du XXe siècle par l'ethnologue Marcel Maget.

Historique[modifier | modifier le code]

Le pain bouilli est un pain composé uniquement de farine de seigle et d'eau bouillie ; chaque pain se présente sous la forme d'une « tourte », façonnée à la main, qui pèse entre 4 et 5 kilogrammes ; sa mie est brune et dense et sa croûte très sombre[1].

La tradition du pain bouilli à Villar-d'Arêne daterait du XIVe siècle[2] ; les écrits connus les plus anciens à son sujet datent de 1450[3]. Ce pain était fabriqué et cuit en novembre, dans le four communal. Ceci a perduré jusqu'en 1961 pour des raisons de subsistance[4], avant que la fabrication soit reprise en 1976, afin à la fois de poursuivre la tradition, de rénover le four[5] et de maintenir les éléments sociaux liés[4],[3]. Cette fabrication a toujours lieu le troisième week-end de novembre dans la commune[2],[3]. D'autres communes de l'Oisans ou du Briançonnais voisins fabriquaient leur pain noir sur le même principe, chacune ayant eu ses particularités dans la fabrication[4].

Autrefois, la fabrication était réalisée par des spécialistes : à l'automne, dans chaque village, étaient élus un fournier et des pétrisseurs, alors responsables de la réalisation du pain[6]. Au XIXe siècle, une quinzaine de fournées se suivaient[3].

Vue du village principal de Villar-d'Arêne et de ses alentours.

Le pain servait pour la consommation de toute l'année[7],[8],[9],[6]. Il était conservé par les familles sur des séchoirs spécifiques ; un outil, le « tchaplaplan », permettait de briser le pain devenu très dur au bout de quelques mois : il était alors consommé émietté dans de la soupe, du lait ou du vin[6].

En 1986, la reprise de la traditionnelle fabrication a lieu à Villar-d'Arêne et au Chazelet, un hameau de la commune voisine de La Grave[6].

À Villar-d'Arêne, d'autres plats du terroir sont également cuits dans le même four avant ou pendant la cuisson de ce pain : tourte au chou, pognes (tartes à la purée de pommes de terre ou à la compote de pomme), rissoles [10], ou « girades »[1]. Après les fournées dédiées au pain bouilli, d'autres fournées sont faites pour du « pain de ménage », composé de farines de blé et de seigle, également pétries et cuites dans le four communal[5].

Le bâtiment du four communal, où est fabriqué le pain bouilli, a vu sa rénovation terminée en 2013, avec des financements du Conseil départemental des Hautes-Alpes, du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, du Parc National des Écrins et de l’association locale du four de Villar-d'Arêne[11],[3].

Il semble qu'au cours des siècles, plusieurs personnalités aient décrit le pain bouilli de Villar-d'Arêne[1],[6].

Étude ethnographique[modifier | modifier le code]

À partir de 1946, Marcel Maget mène une étude ethnographique autour de la tradition de la fabrication du pain bouilli à Villar-d'Arêne, à partir de la fin du XVIIIe[4],[1]. Il publiera notamment un livre à ce propos en 1984. Il étudie ainsi la configuration du bâtiment du four communal, composé de plusieurs pièces, la suite des étapes de fabrication du pain, les horaires et les durées liées à celles-ci, ainsi que les différents règlements et organisations liés au bâtiment, au personnel, à l'organisation de la fabrication par les villageois[4]. Il met en lumière, outre la nécessité de la fabrication de cet aliment pour la communauté, les dimensions sociales et de valeurs de celle-ci[4].

Fabrication[modifier | modifier le code]

La fabrication du pain bouilli se fait entièrement dans le bâtiment du four communal. Celui-ci comporte deux salles en rez-de-chaussée : « l'enfer » où se trouve le four de cuisson, et la salle des pétrins, où sont situés six pétrins de grande taille, une sorte de table pour le façonnage des pains et des étagères. Une ouverture dans le mur permet de passer les « tourtes » de pain de cette salle à celle du four. Un escalier raide monte de la salle du four à celle nommée « paradis » où refroidiront les pains après cuisson. À l'extérieur du bâtiment, une fontaine distribue de l'eau et du bois de chauffe est entreposé. Le four communal connaît une première chauffe, qui dure plusieurs heures, puis les fournées se succèdent avec de nouvelles chauffes entre chacune : la chaleur restant des fournées précédentes permet de consommer moins de combustible pour les suivantes. Toutes les douze heures, à midi ou minuit, commence la préparation d'une nouvelle fournée[1].

Une fournée va concerner environ 500 kilogrammes de farine de seigle ; elle est répartie dans trois pétrins en bois de mélèze logés dans une pièce du bâtiment du four communal, proche de la pièce où sont le four et l'endroit où l'eau est bouillie dans de grands chaudrons. L'eau est transportée dans des seaux nommés « seilles », qui donnent aussi une mesure de volume pour cette fabrication : la « seillée ». Dans un premier temps, sont confectionnés les levains, à base de farine de seigle et d'eau bouillie, battus avec deux bâtons en bois. Ces levains sont couverts d'étoffes et laissés à reposer quelques heures. Puis de la farine de seigle et de l'eau bouillie sont à nouveau ajoutés et le tout est pétri à la main. Quelques heures de repos plus tard, les pains sont façonnés et marqués, puis enfournés pour une cuisson de sept heures. Lorsqu'ils sont défournés, ils sont entreposés dans une pièce appelée « paradis », où ils refroidissent quelques heures[5],[1],[3].

Lors de la sortie des pains du four, l'un d'eux est amené dans la pièce des pétrins où les personnes rassemblées font « gouchette » ou « gauchette » : un morceau de pain trempé dans de l'eau de vie et enflammé est happé par chacun[5],[1],[3].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f et g Paul-Louis Rousset, Au pays de la Meije, Grenoble, Éditions Dardelet, (ISBN 2-901193-01-3), p. 191-195
  2. a et b « Sous le pic de la Meije, pour la tradition du pain bouilli. du 12 janvier 2014 - France Inter », sur www.franceinter.fr (consulté le )
  3. a b c d e f et g « Le pain bouilli à Villar d'Arène », sur Parc national des Ecrins, (consulté le )
  4. a b c d e et f Laurence Fontaine, « Marcel Maget, Le pain anniversaire à Villard d'Arène en Oisans », Annales, vol. 45, no 3,‎ , p. 688–688 (lire en ligne, consulté le )
  5. a b c et d « Le pain bouilli à Villar d'Arène », sur Parc national des Ecrins, (consulté le )
  6. a b c d et e France ; Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France ; Commission régionale Provence-Alpes-Côte d'Azur., Canton de La Grave : Hautes-Alpes, Aix-en-Provence, Edisud, coll. « Images du patrimoine », , 62 p. (ISBN 2-85744-250-5), p. 37-39
  7. « Le pain d'automne de Villar d'Arène sur Arte », sur Parc national des Ecrins, (consulté le )
  8. Jacky Girel, Fabien Quétier, Alain Bignon et Serge Aubert, Histoire de l'agriculture en Oisans : Haute Romanche et pays faranchin ; Villar d’Arène, Hautes-Alpes, Jardin botanique alpin du Lautaret, coll. « Les cahiers illustrés du Lautaret », , 82 p. (ISBN 978-2-9535562-0-9, lire en ligne), p. 29
  9. « Villar-d'Arêne . Le pain bouilli en fête », sur www.ledauphine.com, (consulté le )
  10. « Cuisines des terroirs : les Hautes-Alpes », sur ARTE (consulté le )
  11. Alpes 1, « Alpes 1 », sur Alpes 1, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Marcel Maget, Le pain anniversaire à Villard d'Arène en Oisans, Éditions des archives contemporaines, coll. « Ordres sociaux », , 237 p.
  • Marcel Maget, « Le pain bouilli » à Villar d'Arène, société suisse des traditions populaires, tome 45, Bâle,1948, pages :1 à 39.
  • Aline Mercan, Isabelle Girard et Serge Aubert, Ces bonnes choses que l'on mange et savoure en Haut-Oisans : Ethnographie de l’alimentation en Haute-Romanche(La Grave et Villar d’Arène), Jardin botanique alpin du Lautaret, coll. « Les cahiers illustrés du Lautaret », , 82 p. (ISBN 978-2-9535562-9-2, lire en ligne)

Filmographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]