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Rav Saadia Gaon (hébreu רב סעדיה גאון), dit le Rassag (רס״ג) ou Sa`īd ibn Yūsuf al-Fayyūmi (arabe سعيد إبن يوسف الفيّومي), ainsi qu'il signait lui-même (Égypte, 882 ou 892[Note 1]Babylonie, 942 EC), est un rabbin, polémiste, exégète, grammairien, philosophe, théologien, législateur, poète liturgique, et l'un des plus illustres représentants du judaïsme de la période gaonique.

Incarnation de l'érudit méditerranéen qui possède l'ensemble des domaines de savoir religieux et profanes de son temps, doublé d'une personnalité énergique et d'une haute moralité, Saadia est le seul « étranger, » c'est-à-dire juif égyptien et non babylonien, à avoir occupé le prestigieux poste de Gaon (directeurs des académies talmudiques de Babylonie, équivalent juif des scholarques grecs) de Soura, de 928 jusqu'à sa mort (avec une période d'interruption due à un conflit avec l'exilarque David ben Zakkaï).
Sa vie et son œuvre sont une suite de luttes et de combats, menés en vue d'unifier le judaïsme oriental contre des adversaires souvent acharnés, tant du dehors que de l'intérieur du judaïsme babylonien[1].

Saadia vit en effet une période doublement critique de l'histoire juive.
D'une part, le judaïsme babylonien, centre spirituel autrefois puissant de la diaspora juive, périclite face à la civilisation arabo-musulmane, conquérante récente de l'Orient, alors à son apogée politique et culturelle. Du fait du prosélytisme musulman, et parfois de la perspective d'avantages matériels, les conversions sont nombreuses dans les populations de dhimmis (sujets non-musulmans dans un État régi par la loi musulmane), qu'elles soient chrétiennes, zoroastriennes ou juives. De plus, l'instabilité politique, qui résulte de la conquête arabe, entraîne chez les Juifs des luttes d'influence entre les instances temporelles (représentées par l'exilarque) et spirituelles (les Gueonim), minant au final les autorités juives.
Le judaïsme est d'autre part confronté à une crise interne, avec la montée du karaïsme, un courant contestant radicalement le Talmud. La remise en question de la tradition orale musulmane par certaines factions du monde musulman s'est en effet accompagnée d'un phénomène analogue chez les Juifs[Note 2]. Les contestataires de la tradition orale juive, principalement représentée par le Talmud, se confédèrent au VIIIe siècle sous la houlette d'Anan ben David en un mouvement appelé le karaïsme (de Miqra, la Bible hébraïque, seule source reconnue par les adhérents à cette mouvance). Ce mouvement prône un judaïsme basé sur l'interprétation libre du seul Texte biblique, et démontre la compatibilité de sa démarche avec la raison au moyen d'une version juive du Kalâm, où la théologie discursive est appliquée à la Torah et non au Coran. Face à un judaïsme rabbinique élitiste, figé dans son interprétation traditionnelle et mysticisante, donc perçue comme irrationnelle, le karaïsme rencontre un succès croissant auprès de nombreux Juifs.

Saadia se fait d'abord connaître en empêchant un nouveau schisme religieux lors de la controverse du calendrier, mais il passe véritablement à la postérité en devenant le premier partisan du Talmud à produire une œuvre intellectuelle et théologique susceptible de faire pièce à l'influence intellectuelle et religieuse du karaïsme, et accessoirement de l'islam.
Pour ce faire, il est obligé d'innover, ou à tout le moins de réaliser une présentation systématique pour des domaines de l'activité intellectuelle juive dans lesquels il n'en existe aucune, notamment la grammaire hébraïque et la philosophie juive.
C'est ainsi que Saadia jette les bases d'un renouveau intellectuel et culturel au sein du judaïsme rabbinique, acquérant une place et une réputation dans l'histoire et la pensée juive orientales à laquelle nul d'autre que Moïse Maïmonide n'a pu prétendre par la suite[2].

Biographie[modifier | modifier le code]

AharonimRishonimGueonimSavoraïmAmoraimTannaimZougot

Malgré l'importance du personnage, la vie de Saadia était mal connue jusqu'au début du XXe siècle, faute de sources détaillées. Lui-même ne s'est pas soucié de laisser des notes biographiques, à l'exception de son Sefer HaGalouï (« Le Livre Ouvert, » cf. infra), dont la tonalité était toutefois fortement apologétique, et qui n'était guère connu que par des citations ultérieures.

L'un des premiers témoignages sur le Gaon et son époque est le fait d'un autre Gaon, Sherira bar Ḥanina, dans une lettre circulaire destinée à la communauté de Kairouan et consacrée à l'histoire de la Mishna et du Talmud. L'évocation de Saadia est assez concise, mais élogieuse. Le contenu de cette lettre, repris par Abraham ibn Dawd Halevi dans son Sefer HaQabbala (Le Livre de la Transmission), sera la base de l'historiographie traditionnelle de Saadia.

Au XIXe siècle, la Wissenschaft des Judentums (« science du judaïsme ») porte un intérêt renouvelé aux pionniers de la science et de la civilisation juives, et l'orientalisme scientifique permet de redécouvrir l'œuvre de Saadia dans le texte. On lui consacre de nombreuses études et biographies, parmi lesquelles le Toledot R. Sa'adyah Gaon de S.J.L. Rapoport[3]. La génération suivante, dont font partie Heinrich Graetz et Isaac Hirsch Weiss, complète le tableau en compilant les témoignages traditionnels avec d'autres sources, dont la littérature polémique de l'époque, et le récit de Nathan HaBavli. Celui-ci, destiné aux mêmes Juifs de Kairouan, a été intégré à une édition des Youḥassin d'Abraham Zacuto, une chronique d'histoire juive. Légèrement postérieur à celui de Sherira (tous deux parlent des mêmes personnages, mais Sherira ne connaît pas Nathan[4]), il est plus circonstancié, se focalisant sur les conflits entre exilarques et gueonim, ainsi que sur les mœurs de leur époque. Il n'est cependant pas exempt d'erreurs et d'approximations[Note 3].

L'étude des documents de la Gueniza du Caire[Note 4], entreprise vers la fin du XIXe siècle mais véritablement lancée au début du XXe siècle par Solomon Schechter, et en cours jusqu'aujourd'hui, a révolutionné les études juives, y compris celles sur Saadia. Elle a en effet permis la découverte d'œuvres auparavant considérées comme perdues, voire inconnues, ainsi que des pièces de correspondance et de nombreux autres documents jetant un éclairage neuf sur la vie de Saadia et son époque.

Jeunes années[modifier | modifier le code]

Sur les jeunes années, la famille et la formation de Saadia, rien ne peut être considéré comme certain, sinon sa région de naissance : l'épithète d' Al-Fayyoumi tend à indiquer qu'il serait né dans le district de Fayyoum en Égypte. La région était identifiée à l'époque, et par Saadia lui-même, au lieu biblique de Pithom, d'où son nom hébraïque de HaPithomi.

D'après l'historiographie traditionnelle, Saadia naît à Dilatz, un village dans la région d'Abou Souweir, dans une famille pieuse et instruite[5]. Il compte des personnages illustres dans son ascendance, dont Hanina Ben Dossa, un Hassidéen du Ier siècle célébré dans maints récits du Talmud, a nommé l'un de ses fils Dossa pour cette raison, et peut faire remonter son lignage à Shelah fils de Juda[6].
Cependant, cette version des faits se base sur son Sefer haGalouï, conçu pour répondre aux attaques dont il fait l'objet. Ses adversaires prétendent tenir de source sûre que la famille du « grand Saadia » se serait en réalité convertie au judaïsme de fraîche date, et qu'il serait le fils d'un modèle de débauche, qui se serait fait muezzin (membre de la mosquée chargé de lancer l'appel à la prière), boucher ou barbier, avant d'être contraint par la pauvreté de quitter l'Égypte pour Jaffa, et de mourir en terre d'Israël dans le dénuement. Henry Malter, qui a analysé ces assertions, ne juge ni implausible ni dégradant que Saadia ait pu descendre de prosélytes ; il fait toutefois montre d'un certain scepticisme quant aux autres affirmations, et considère l'hypothèse de la diffamation la plus probable : ces rumeurs ont en effet été émises par des adversaires acharnés, au cours de polémiques particulièrement violentes, et sont contredites par d'autres sources, notamment la lettre de Sherira qui affirme que son père était un homme pieux et instruit[5],[7] ; de plus, elles ont souvent été abandonnées après la résolution de leur conflit[Note 5].

Saadia quitte le foyer familial encore jeune, pour étudier auprès des maîtres de Tibériade. Un certain Abou Kathir Yaḥia al Kathib, qu'on ne connait que par une mention d'Al-Masudi, historien et voyageur arabe, avec lequel il aurait polémiqué en Palestine[8], est souvent cité. Abou Kathir pourrait avoir été un Massorète, et aurait enseigné à Saadia les systèmes de niqqoud (marques de vocalisation de l'hébreu) et de cantillation (méthode de prononciation et de récitation le texte biblique), ainsi que la massora[9] (notes critiques en marge du texte biblique), toutes choses dont Saadia fait usage dans ses œuvres ultérieures, notamment grammaticales[10]. Cependant, le théologien Ibn Hazm compte Abou Kathir aux nombres des Mutakallimûn juifs, et il semble ressortir des écrits d'Al-Masudi qu'Abou Kathir était un philosophe[11]. Saadia rencontre sans doute des écrivains mahométans, ainsi que des Karaïtes instruits, ce qui influencera sa production, surtout polémique, ultérieure[11].

Contrairement à de nombreuses figures illustres du judaïsme, on ignore tout des premiers maîtres de Saadia, tant pour son éducation juive que pour son apprentissage de la philosophie et des sciences : si l'on sait que Saadia échange dans sa jeunesse une correspondance avec le philosophe néoplatonicien Isaac Israeli[Note 6], et que l'on pense qu'il a rencontré David ibn Merwan Al-Mukkamas[Note 7], rien ne permet d'indiquer avec certitude qu'ils l'aient inspiré[9], sur le plan des idées tout au moins. Il paraît cependant vraisemblable que Saadia avait lu les oeuvres d'Al-Mukkamas avant de composer les siennes[12]. D'autre part, l'Égypte de son temps était un terrain favorable à l'apprentissage des sciences. Toutefois, si elle était un terreau fertile pour le karaïsme, elle n'avait pas produit de talmudiste d'envergure[13], or Saadia manifeste dès ses premières œuvres anti-karaïtes une connaissance étendue non seulement de la littérature karaïte mais aussi de la tradition orale du judaïsme.
Certains pensent que Saadia se développa par sa seule intelligence[9],[13]. On préfère estimer dans les milieux traditionnels, sur base de la lettre de Sherira, que le premier maître de Saadia fut son père[7], Mar Yossef, dont Moshe Gil pense qu'il a été Alouf ou Resh Kallah[Note 8],[Note 9].
Les karaïtes, quant à eux, voudraient lui attribuer, dans un but polémique évident, un maître karaïte, peut-être même Salman ben Yerouḥam, son contemporain et futur antagoniste[Note 10] ; il se pourrait toutefois qu'Abou Kathir, qui ne fut pas son premier maître, ait été un Karaïte[12].

Encore jeune, il compose deux grands ouvrages, le Sefer Egron (que Graetz lit « Iggaron[13] »), premier lexique hébraïque connu, à 20 ans et, trois ans plus tard[Note 11], le Livre de la Réfutation d'Anan, attaque en règle contre Anan ben David, traditionnellement considéré comme le précurseur, sinon le fondateur du karaïsme (un mouvement juif scripturaliste, ne reconnaissant au Talmud ni caractère révéle, ni force de loi).
La lutte de Saadia avec le karaïsme en général, et Salman ben Yerouḥam en particulier, commence. Elle durera toute sa vie.
Cette même année, il quitte l'Égypte, et fait route pour la terre d'Israël avec l'intention de s'y fixer, peut-être par suite de représailles de la part de Karaïtes comme l'affirment certaines sources traditionnelles[7].

La dispute du calendrier[modifier | modifier le code]

Alors que le calcul du calendrier hébreu, dont dépend la fixation des jours de fêtes juives est assurée depuis des siècles par les Sages juifs de Babylone, une autorité populaire et influente du centre juif palestinien, le Rav Aaron ben Meïr, Nassi (« Prince » dirigeant) de la communauté palestinienne et directeur de la yeshiva de Ramle, instaure en 921 une modification de la règle du dehiya molad zaken. Cette règle décide du décalage de la date du Nouvel An juif, si le molad (la conjonction lunaire) se produit plus de douze heures après le début du jour[Note 12].
Selon la modification de Ben Meïr, les dates du Nouvel An et, par conséquent, de la Pâque juive et des fêtes fixées d'après elle, se produiraient deux jours plus tôt que ne le prévoient les calculs des Sages babyloniens pour les années 922, 923 et 927 du calendrier grégorien.
La dispute du calendrier éclate, opposant la direction babylonienne au centre palestinien. Ses enjeux sont religieux, mais aussi probablement politiques, car celui qui parvient à convaincre les membres, a fortiori les dirigeants et notables, de communautés juives obtient de facto la prééminence sur celles-ci.

La mise à jour de diverses pièces de la Gueniza du Caire, comportant de nombreuses missives tant de Saadia que de Ben Meïr, permet de reconstituer une dispute qui dura cinq ans au moins.

Ainsi qu'il l'écrit à ses disciples demeurés en Égypte, Saadia se trouve à Alep lorsqu'il est mis au courant de l'affaire. Il adresse incessamment plusieurs missives à Aaron ben Meïr, en tentant de lui démontrer que le calendrier établi par les Gueonim est correct (lui-même a adressé une missive à Yehouda Gaon quatre ans plus tôt au sujet de cette méthode[14]) ; il l'avertit aussi des conséquences déplaisantes qu'occasionnerait tout changement.
Cependant, lorsque Saadia arrive à Bagdad, il apprend que Ben Meïr a proclamé la règle officiellement, à une date inconnue (probablement Hoshanna Rabba, jour de rassemblement traditionnel des Juifs en terre d'Israël[15]) de l'an 4682, c'est-à-dire 921 dans le calendrier grégorien.

Les Gueonim, ainsi que l'exilarque (chef officiel du judaïsme babylonien) de l'époque, David ben Zakkaï et probablement Saadia, lui adressent donc une lettre officielle dont la teneur est similaire à la première lettre de Saadia.
Les Gueonim rédigent également des lettres circulaires adressées à de nombreuses communautés, les priant de ne pas adopter l'innovation proposée. Saadia en fait autant, preuve du prestige dont il jouit déjà dans le monde juif[16].

Ben Meïr fait peu de cas des lettres qui lui sont envoyées de Babylonie, et envoie son fils réitérer à Jérusalem les changements proposés. Par ailleurs, il répond aux Gueonim et à Saadia en affirmant que le calcul du calendrier devrait être laissé entre les mains des sages en terre d'Israël, comme auparavant. De religieuse, la querelle s'exprime maintenant en termes de pouvoir institutionnel.
Dans une longue lettre à ses adhérents en Babylonie, il explique les raisons de ses réformes, attaquant Saadia et « ses arrogants disciples ». Ceux-ci ont en effet tenté, suite à une autre missive de Saadia, de convaincre les Juifs d'Égypte de ne pas se plier aux régulations de Ben Meïr, mais à celles des Gueonim[14]. Cette lettre, malgré l'impériosité de sa demande, ne contenait pas la moindre attaque contre Ben Meïr[16].

Ben Meïr, fort de sa réputation et de ses compétences d'astronome, bénéficiant de soutien de personnages influents, dont le grand financier Aaron ben Amram[14], réussit à faire accepter sa règle par certaines personnes et communautés ; en 922, celles-ci célèbrent la Pâque un dimanche, alors que ceux qui suivent l'ordonnance des Gueonim de Babylone l'observent un mardi, le décalage se répercutant sur les fêtes juives de Chavouot (la Pentecôte juive), Roch Hachana (le Nouvel An juif), Yom Kippour (le Jour du Grand Pardon) et Soukkot (la fête des Cabanes). Les documents extraits de la Gueniza du Caire permettent de se faire une idée de la confusion qui régna alors. Les proportions de cet événement sont telles qu'un historien syrien chrétien le mentionne dans ses chroniques[14].

La querelle s'envenime entre les partis, particulièrement entre Saadia et Ben Meïr, et les attaques personnelles se multiplient[Note 13].
Les autorités religieuses babyloniennes, incapables de contenir Ben Meïr envisagent de faire appel au gouvernement, puis, pour une raison inconnue, chargent Saadia d'écrire en 922, au plus fort de la crise, le Sefer Zikkaron ouMeguila LeDorot (Livre [de] mémorial et Rouleau pour les générations), à l'intention des communautés de la diaspora. Ce livre, dont il ne reste que des fragments, devait être lu le 20 Eloul. Il rappelle les « méfaits » de Ben Meïr depuis le début de la controverse, et est assorti d'un avertissement contre des troubles de ce genre à l'avenir. Par ailleurs, Saadia compose aussi un ouvrage intitulé Sefer haMo'adim (Livre des Temps fixés), lui aussi en bonne partie disparu ; il y réfute les arguments d'Aaron ben Meïr, moins pour des raisons arithmétiques, que pour préserver la communauté rabbinique d'un nouveau schisme, celle-ci ayant déjà subi la dissidence des karaïtes.
Ces livres firent apparemment leur effet, puisque l'agitation se calma, les Juifs de la terre d'Israël adoptèrent définitivement le calcul babylonien, et Ben Meïr n'est plus mentionné lors des années suivantes[16]. Selon Alexander Marx, les deux livres auraient d'ailleurs été rédigés alors que la controverse avait déjà été réglée[14].

Aaron ben Meïr avait-il cherché à profiter, comme le pensent certains[17], de la faiblesse de l'exilarche David ben Zakkaï, peu respecté par la population et contesté par le Gaon de Poumbedita, Mar Cohen Tzedek[13],[Note 14], pour le priver de l'une de ses plus importantes prérogatives, la fixation des fêtes et du calendrier, et ainsi redonner au centre palestinien sa primauté ? Ou bien avait-il trouvé une méthode permettant d'optimiser la règle du dehiya molad zaken et souhaitait-il la faire appliquer de son vivant, le prochain décalage significatif n'ayant pas lieu avant 181 ans[18]?

La question n'a pas été résolue, même s'il est probable que Ben Meïr ait réellement été convaincu de la justesse de ses mesures, et des conséquences à en tirer[19]. Il est en revanche certain que c'est à Saadia que l'on doit la défaite de Ben Meïr. Lui-même écrit à ses partisans que son intervention empêcha une profonde division communautaire. L'influence de Saadia sur la fixation du calendrier actuelle a traversé les pays et les temps[16].

Cette controverse favorisa par ailleurs l'ascension de Saadia, l'assurant de la faveur de Ben Zakkaï, ce qui lui ouvrit la voie vers le gaonat[16].

Carrière académique et nomination au poste de Gaon[modifier | modifier le code]

À Poumbedita[modifier | modifier le code]

Les services rendus par Saadia en faveur de la cohésion communautaire, ainsi que la reconnaissance de ses compétences dans les domaines d'études scientifiques et juives, valent à Saadia d'être élevé au rang d'Alouf et de Resh Kalla à Poumbedita en Babylonie.

Sans cesser de polémiquer avec les Karaïtes, qui s'en prennent à leur tour au calendrier hébraïque, Saadia entreprend de restaurer auprès de ses étudiants, très majoritairement arabophones, la compréhension de la Bible hébraïque. Il rédige pour ce faire les traités réunis sous le nom de Kitāb faṣīḥ lughat al-ʿibrāniyyīn (« Livre de l'Élégance de la Langue des Hébreux »), premiers ouvrages systématiques de grammaire et de philologie hébraïques. Il diffuse ensuite le « Tafsir » (arabe : تفسير exégèse), traduction interprétative de la Bible, à laquelle il adjoint un commentaire qui s'appuie, pour la première fois, autant sur le Texte que sur la tradition[20].
Ces deux livres sont écrits en caractères arabes, et non hébraïques, afin de les rendre accessibles aux intellectuels arabes non-juifs. Ils comptent parmi les ouvrages majeurs de Saadia.

C'est aussi à cette époque qu'il commence à composer son livre de prières, destiné aux communautés d'Égypte[21], en se basant sur le précédent d'Amram Gaon. Là aussi, Saadia vise à harmoniser les nombreuses variantes en matière de liturgie, et à proposer un rite de prières unique, valable toute l'année et pour l'ensemble de la Diaspora juive.

Par ailleurs, Saadia découvre, dans le cadre de ses activités de directeur, que des instituteurs utilisent des livres élémentaires basés sur l'enseignement de Hiwi al Balkhi, un Juif afghan précurseur de la critique biblique[22]. Saadia interdit l'usage de ces livres, et réfutera longuement les idées qui s'y trouvent.

À Soura[modifier | modifier le code]

Lorsqu'en 924, Yaaqov ben Natronaï, le Gaon de Soura, décède, l'académie est dans une situation critique. Plus fortement éprouvée par la conquête musulmane que Poumbedita, son collège ne comporte plus d'éléments brillants, depuis la mort de Rav Naḥshon en 879[23]. Mar Cohen Tzedek, a en outre obtenu qu'elle ne soit plus prioritaire dans la répartition des subsides financiers[24], privilège dont elle avait joui jusque là pour avoir été fondée par Rav, le père des études talmudiques en Babylonie. Et le nouveau Gaon, Yom Tov Kahana bar Yaaqov, fils du précédent et élu pour cette raison à défaut de meilleurs candidats, est un humble tisserand, sans grandes connaissances[13]. Lorsqu'il meurt deux ans plus tard, David ben Zakkaï envisage, sur les conseils de Cohen Tzedek, de transférer l'académie de Soura à Poumbedita, et d'y nommer un Gaon honoraire qui aurait son siège à Poumbedita. Cependant, Nathan Alouf, fils du directeur de Poumbedita Yehouda Gaon, et oncle de Sherira, meurt alors qu'il venait d’être revêtu de cette nouvelle dignité ; les contemporains y voient une injonction céleste à maintenir Soura[13].

L'exilarque hésite entre deux candidats: Saadia, Alouf de Poumbedita, et Tzemaḥ ben Shahin, peu connu, mais d'ancienne noblesse[13]. Il se prononce finalement en faveur de Saadia, malgré les nombreuses voix qui s'élèvent pour protester contre la nomination d'un « étranger », et la réticence de Nissim Nahrawani, un Resh Kallah de Soura qui, malgré son admiration pour Saadia, craint que sa forte personnalité, sa droiture morale et son refus des compromis ne soient incompatibles avec la docilité que David ben Zakkaï attend d'un Gaon[25]. Saadia ben Yosseph est proclamé Gaon de Soura en 928.

Sous sa direction, l'académie retrouve sa prédominance[26]. D'une part, il sollicite les donateurs, non seulement en Babylonie et en Égypte, mais aussi en Espagne[27] ; d'autre part, la renommée dont il jouit attire de nombreux élèves de toute la Babylonie, et même d'ailleurs, comme Dounash ibn Labrat, né au Maroc.
Saadia se concentre sur la Halakha (loi rabbinique), rédigeant les premières monographies en la matières, dans un style clair, exact et accessible, et en arabe, dans un souci d'accessibilité, et non en judéo-araméen babylonien comme il était d'usage jusque là. Là aussi, le but est de contrer l'influence des Karaïtes, en aidant les juges à rendre plus aisément un verdict en accord avec la Torah et la tradition rabbinique.

Dispute avec David ben Zakkaï[modifier | modifier le code]

Deux ans plus tard, en 930, une dispute oppose le scholarque Saadia ben Joseph à l'exilarque David ben Zakkaï, ainsi que l'avait prédit Nissim Nahrwani. Il est possible, au vu de l'évènement relativement insignifiant qui la déclenche, que des tensions se fussent déjà produites entre les deux hommes[19], à moins que leur controverse n'ait pas tant porté sur une divergence idéologique que sur une lutte d'infuence[28].

Selon Nathan HaBavli, tout commence par une affaire d'héritage. L'héritier se présente avec une ordonnance déjà signée par l'exilarque, et demande à Saadia de la contresigner, comme le veut la règle. Saadia refuse, estimant que David use de sa position pour en percevoir un bénéfice important. Ne souhaitant cependant pas effaroucher l'exilarque, il renvoie l'homme à Cohen Tzedek. Celui-ci signe (ce qui semble indiquer que le cas était difficile à trancher, mais ne constituait pas un abus de pouvoir à proprement parler[19]), mais Saadia campe dans son refus. L'exilarque lui envoie alors, à plusieurs reprises, son fils Juda, pour obtenir sa signature. Lorsque, fatigué d'effectuer des allers-retours entre les partis, Juda s'emporte contre Saadia et le menace physiquement, il est promptement expulsé par le serviteur de Saadia.
David ben Zakkaï dépose alors Saadia, nommant à sa place Yosseph ben Yaacov ibn Satya, érudit mineur mais frère de Yom Tov Kahana, l'ancien gaon, et fils du précédent, Yaaqov ben Natronaï. Saadia riposte en destituant David, et en conférant la dignité d'exilarque au frère cadet de celui-ci, Yoshia (Hassan) ben Zakkaï.

Deux camps se constituent : Saadia aurait, selon Nathan HaBavli, été soutenu par « tous les hommes riches de Babylonie, les étudiants de l'académie, et les membres éminents de la communauté », mais cette assertion est probablement exagérée[19], au moins en ce qui concerne les riches. David est en effet soutenu par Aaron ibn Sardjadou, riche commerçant d'une certaine érudition, mais maladivement jaloux de Saadia, et sans doute par Cohen Tzedek. Une lutte d'influence commence à la cour du calife Al-Muqtadir, doublée d'une campagne de propagande publique, au cours de laquelle David ben Zakkaï et Aaron ibn Sarjadou se répandent en pamphlets haineux contre Saadia, l'accusant par exemple d'avoir profané effrontément le chabbat, ou d'avoir des relations intimes avec des jeunes garçons dans sa chambre[29]. Ils ressortent aussi les calomnies autrefois lancées par Aaron ben Meïr contre Saadia, lequel ne manque pas de leur répondre, et compose le Sefer HaGalouï.

Bien que polémique, ce livre, qui exsude une grande confiance de l'auteur en la résolution du conflit à son avanatge, est écrit sur un ton mesuré, à l'inverse de ses adversaires. Les réponses, en particulier celles d'Aaron ibn Sarjadou, sont si féroces qu'un Karaïte contemporain a jugé bon de la recopier, en raillant l'intensité des disputes chez les Rabbanites[30] ; Saadia produit une nouvelle édition de ce livre, avec une traduction et une introduction en arabe[14].

L'affaire prend un tournant décisif en 932, à l'accession au pouvoir du calife Al-Qahir. Celui-ci, en besoin de fonds, accueille volontiers le « présent » apporté par les partisans de l'exilarque, alors que l'influence des fils de Netira, partisans de Saadia, décline. Il exile Hassan ben Zakkaï, qui mourra dans le Khorassan. Comme cela ne ramène pas le calme au sein du judaïsme babylonien, il en fait de même pour Saadia, et l'empêche de prendre la moindre part à la vie publique.

Les dernières années[modifier | modifier le code]

C'est donc en exil que Saadia, mettant à profit son congé forcé, rédige ses œuvres maîtresses, le commentaire du Sefer Yetsirah étant achevé en 931, et le Emounot veDeot deux ans plus tard. Ce faisant, sa réputation ne cesse de grandir.

Selon Nathan HaBavli[31], il se produit en 937 une résurgence de la dispute lors d'un procès, où l'un des partis réclame l'arbitrage de Saadia, malgré la colère de David ben Zakkaï.
L'un des grands financiers de la ville, Bishr ben Aaron ben Amram, ancien soutien de Saadia et incidemment beau-père d'Ibn Sardjadou, convoque l'exilarque, et lui signifie que cette querelle a assez duré.
La réconciliation entre Saadia et Ben Zakkaï a lieu le jour du jeûne d'Esther. Après tirage au sort, il est décidé que Saadia sera l'hôte de David au cours de la fête des Sorts, qui est célébrée après le jeûne.

Saadia est réinvesti à la tête de Soura avec les honneurs, et en redevient l'autorité incontestée, lui rendant une fois de plus sa splendeur, perdue lors de la dispute. À la mort de David ben Zakkaï, vers 940, Saadia soutient l'investiture de Juda. Juda étant lui-même assassiné quelques mois plus tard, Saadia s'occupe personnellement d'élever et d'éduquer son petit-fils Hizkiya[13]. C'est le petit-fils de celui-ci, également nommé Hizkiya, qui sera, selon les sources traditionnelles, le dernier Gaon de Poumbedita, ainsi que le dernier exilarque[Note 15]. Cependant, affaibli par une vie de luttes, Saadia Gaon décède à Soura le 26 Iyar 4602[32] (ce qui correspond au 21 mai 942[33]), de « bile noire », selon une tradition rapportée par Ibn Dawd, et dont la source est vraisemblablement Dossa.

Après sa mort, Yosseph ben Yaaqov ibn Satya est réinvesti. Il n'a cependant pas l'envergure de Saadia, et l'académie de Soura ferme jusqu'en 990. Suite à une ultime tentative, menée de concert par le collège de Soura et celui de Poumbedita, Soura connaît sa dernière période d'éclat sous la tutelle de Samuel ben Hofni, institué en urgence par son beau-fils, Haï Gaon.
C'est dans ce contexte qu'Ibn Dawd situe la tradition des quatre captifs : quatre étudiants des académies babyloniennes sont capturés en mer par Ibn Ruḥamis, un amiral andalou, avant d'être revendus en divers pays, chacun de ces quatre ayant fait de son pays d'adoption un important centre d'études talmudiques. L'historicité de ce récit est controversée (pour la majorité des érudits de la Wissenschaft des Judentums, il s'agit d'un mythe étiologique visant à expliquer l'influence grandissante d'écoles talmudiques fondées en Europe et en Afrique du Nord[34]).
Toutefois, c'est bel et bien Moshe ben Hanokh, l'un des quatre captifs, supposé avoir été racheté par la communauté d'Espagne, qui y transmet l'héritage des Gueonim. C'est aussi lui qui fait connaître à Hasdaï ibn Shaprout l'œuvre de Saadia. Hasdaï en est si impressionné, qu'il commandita à Dossa une biographie de son père. C'est sans doute par celle-ci, ainsi que par Dounash ben Labrat, que Saadia est popularisé en Espagne. L'épître de Dossa n'est cependant pas parvenue à nous.

Œuvre[modifier | modifier le code]

La production de Saadia est estimée à environ cent ouvrages, dont la plupart sont perdus ou restent à découvrir. Elle touche à de nombreux domaines qu'il aurait, selon la littérature rabbinique, inventés : Abraham ibn Ezra le qualifie, dans l'introduction à son Moznayim (p. 1b) de Rosh hamedabrim bekol maḳom (« le premier, et plus grand, de ceux qui parlent »), et Menaḥem Hameiri le considère comme « autorité en toute matière[35]. »
Des études modernes ont démontré au contraire, que Saadia avait souvent été précédé, par des rabbanites comme des karaïtes, et connaissait vraisemblablement leurs travaux[12],[36]. Il n'en reste pas moins qu'il fut souvent le premier à en donner une présentation systématique, et son influence dans les domaines qu'il a abordés a été si importante, tant auprès de ses sectateurs que de ses adversaires, le plus souvent karaïtes, qu'il en a effectivement fait oublier la plupart de ses prédécesseurs.

Il participe, tant par ses œuvres propres, que par les travaux qui reprennent ou contredisent ses opinions, au développement d'une riche littérature judéo-arabe. Mû par un souci d'accessibilité, Saadia a en effet préféré dispenser son enseignement dans la langue vernaculaire des Juifs, le judéo-arabe, et non en judéo-araméen, langue par trop littéraire. Quant à l'hébreu, bien que Saadia ait également œuvré à sa redécouverte parmi les Rabbanites, il était réservé à la poésie liturgique et aux responsa.

Les thèmes et méthodes de son enseignement, ainsi que ses grandes lignes de pensée, sont elles aussi fortement teintées de culture arabe, et répondent aux mêmes questions que se posent les philosophes et théologiens musulmans de son temps. Il utilise les mêmes outils scientifiques et logiques pour défendre la tradition révélée contre ceux qui la dénigrent au nom de la science et de la raison. De ce point de vue, Saadia n'est pas un penseur original, sans être pour autant dénué de toute indépendance vis-à-vis de ses modèles. Le rapprochement qu'il opère entre raison (c'est-à-dire Logos) et tradition, exemplifié par son œuvre la plus mémorable, le Emounot veDeot, première tentative systématique d'intégrer à la théologie juive certaines composantes de philosophie grecque, est inédit, novateur, et salutaire au sein d'un judaïsme rabbinique considérant jusqu'alors que la révélation divine se suffit à elle même et n'a pas à être justifiée.
En permettant aux Juifs de participer à la culture tout en demeurant authentiquement attachés à la tradition rabbinique, Saadia réjuvène la civilisation juive, laquelle s'épanouira en Espagne musulmane, sous l'égide de Hasdaï ibn Shaprout.

Grammaire et lexicographie[modifier | modifier le code]

Outre les nombreuses notes linguistiques contenues dans d'autres ouvrages, Saadia a développé trois livres indépendants sur le sujet. Ses travaux de linguistique, bien que n'étant conçus qu'en auxiliaires de l'exégèse biblique, forment la base de la philologie hébraïque, et font de la grammaire hébraïque un objet d'étude indépendant, bien au-delà des notions contenues dans la Massora et de la tradition grammaticale karaïte[36]. La maîtrise de la grammaire devient d'ailleurs une arme de la propagande contre les Karaïtes, en laissant entendre que les prémices de leur analyse exégétique sont faux.

L'Egron[modifier | modifier le code]

Le Sefer haEgron (hébreu: ספר האגרון Livre de la Collection[37]), ouvrage lexicographique et en partie grammatical (son introduction comprend entre autres la subdivision des lettres entre fortes et faibles), est une œuvre de jeunesse, composée en 903, alors que Saadia se trouve encore en Égypte.
Écrit en hébreu avec voyelles et accents, il se présente comme un double dictionnaire. Chaque partie est arrangée selon l'ordre alphabétique des initiales et des lettres finales respectivement, et a pour but d'aider les Juifs à rédiger des poèmes, dans lesquels les acrostiches et rimes jouent un rôle de premier plan. Saadia le réédite ensuite en y ajoutant la traduction arabe de chaque mot, et inclut des passages concernant divers « sujets mémorables des poètes ; » cette nouvelle mouture est appelée Kitab al-Shi'r (plus exactement Kitab Atsoul al-Shir al-Ivrani).
L'impact du Sefer HaEgron a été tel que le terme d'ègron a non seulement été repris par les Karaïtes pour désigner un ouvrage lexicographique[38], mais sert encore à désigner en hébreu moderne un lexique[39]. Il a été édité par N. Allony en 1969, avec annotations critiques[40].

La subdivision des lettres effectuée par Saadia entre lettres « fortes » et « faibles » (lettres-racines et lettres fonctionnelles) sera adoptée par tous, karaïtes inclus : elle constitue le principe fondamental de la théorie de formation des mots, et mène, d'une part, à la connaissance de la racine comme une partie essentielle et permanente de la forme du mot et, d'autre part, à la détermination exacte des fonctions grammaticales des autres éléments qui s'y rattachent[38].

Livres sur la langue[modifier | modifier le code]

Le Kitāb faṣīḥ lughat al-ʿibrāniyyīn (arabe: كتب اللغة ; en hébreu, ספר צחות הלשון העברים Sefer ẓaḥout halachon ha'Ivrim, « Livre de l'Élégance de la Langue des Hébreux ») est une série d'ouvrages de linguistique hébraïque, rassemblant douze livres, appelés eux-mêmes Kutub al-Lughah (arabe : كتب اللغة, « Livre de la Langue »).

Rédigé en judéo-arabe et sous l'influence de la philologie arabe, il a pour but, ainsi que l'écrit Saadia dans le Sefer HaGalouï (cf. infra), « d'expliquer l'irab (inflexion grammaticale) de la langue des Hébreux ». Il s'agit donc d'un manuel, destiné aux étudiants de l'académie de Poumbedita, dans laquelle Saadia enseigne au moment de sa composition.
Ce travail, le plus ancien traité de grammaire hébraïque recensé, n'était connu qu'à travers les citations, plus ou moins longues, préservées dans le commentaire de Saadia sur le Sefer Yeẓirah, et dans le livre de son disciple, Dounash ben Labrat, qui critique ses conclusions[41].
Il a été édité en 1997 sur base de manuscrits originaux et des recherches du professeur Aron Dotan[42].

L'un des douze livres du langage de Saadia traite des inflexions des verbes ; il fournit une revue systématique des formes qui peuvent être produites par inflexion à partir de la forme infinitive du verbe (contrairement aux Karaïtes, qui infléchissaient à partir de l'impératif[43]), en prenant le verbe shama (שמע) comme modèle[38]. Ce sont là les premiers paradigmes en grammaire hébraïque.
Saadia traite aussi dans ses autres ouvrages des anomalies de la grammaire, auxquelles ses successeurs portèrent une attention soutenue[38].

Livre des 70 mots[modifier | modifier le code]

Le Tafsir al-Sab'ina Lafẓah (arabe: تفسير السبعين لفظة ; en hébreu, פתרון שבעים מילים Pitaron chiv'im millim, « Exégèse (ou Résolution) des 70 mots ») fournit une liste de 70 (en réalité 90) hapax ou mots (hébraïques et araméens) rares dans la Bible hébraïque, et les explique au moyen de la littérature traditionnelle, en particulier des néo-hébraïsmes de la Mishna[44].
La polémique n'est pas absente du livre, puisque Saadia entend prouver que les Karaïtes ne peuvent se fier à leur exégèse personnelle pour comprendre ces mots sous peine d'erreur.

Ce petit ouvrage, qui semble avoir fait partie d'un ouvrage plus important, a connu de fréquentes réimpressions, notamment celle de Dukes & Ewald, en 1844[45]. La liste a été traduite en anglais et commentée par Samuel Krauss[46].

Étant « le premier grammairien », le travail de Saadia ne souffrirait pas la comparaison avec les auteurs juifs andalous, et comporte de nombreuses erreurs : Dounash, critiquant la traduction biblique effectuée par Saadia (cf. infra), démontre que son maître se méprend souvent sur le sens d'un terme ou d'un passage, et que dans sa recherche philologique, il s'appuie abusivement sur la ressemblance externe entre les racines hébraïques et arabes, quand bien même leurs significations réelles seraient totalement différentes[47]. Cependant, ces erreurs-là mêmes ont été selon Graetz « utiles à ses successeurs[13]. »

Exégèse[modifier | modifier le code]

Saadia a traduit en arabe la majeure partie, voire toute la Bible hébraïque (à l'exception, semble-t-il, des Chroniques) et y a ajouté en outre un commentaire en arabe. Dans de nombreux Livres, dont celui des Psaumes, Saadia tend cependant à limiter le nombre de gloses, car il entend faire de la traduction un commentaire en elle-même. C'est pourquoi il appelle son œuvre Tafsir (arabe : تفسير « Commentaire »).

La traduction est rédigée en arabe, avec des caractères arabes, afin de la rendre accessible à tous, Juifs comme Arabes chrétiens et musulmans. Bien que ne comportant pas de paraphrase, elle est assez libre, particulièrement dans la syntaxe : Saadia n'hésite pas à s'écarter de la division du texte en versets, et à traduire d'une pièce des versets et des fragments de versets, afin de former un tout compréhensible[20]. Comme il tend à traduire de nombreux termes et passages de façon à les harmoniser avec l'interprétation rabbinique traditionnelle, en particulier le Targoum Pseudo-Jonathan, il « fait souvent dire au texte plus et autre chose qu’il ne dit en réalité[13]. » Ce reproche de Graetz est déjà formulé en termes sévères par Abraham ibn Ezra, mais il suppose que le texte, également destiné aux mahométans, devait être absolument clair, de peur qu'on ne raille les Juifs de ne pas comprendre leurs propres Écritures[48].
Quant au commentaire, il contient non seulement une interprétation exacte du Texte (selon l'auteur), mais aussi une réfutation des objections lancées à la tradition par les hérétiques, les incroyants et les sceptiques. Par conséquent, le commentaire, s'appuyant sur la tradition et la philosophie, s'oppose à la fois aux interprétations ananites de la Bible et aux lectures littéralistes qui voudraient prendre les anthropomorphismes bibliques au premier degré. Il établit par ailleurs quelles sont les bases des prescriptions explicables par la raison (mitzvot sikhlyot), sur lesquelles il est permis de spéculer, et celles qui, bien qu'inaccessibles à la raison, doivent être observées parce qu'elles ont été révélées (mitzvot shmouot), et qui ne doivent pas être appréhendées autrement que par la tradition.
Ce faisant, il conteste souvent les opinions et méthodes karaïtes ; ceux-ci répondent sur un ton vigoureux, et souvent hargneux, à ses attaques[49]. De cette compétition naît un regain d'intérêt parmi les Rabbanites pour leur champ de bataille commun, la Bible hébraïque, que l'étude du Talmud avait fait quelque peu négliger[Note 16].
Le système d'herméneutique de Saadia ne se limite pas à l'exégèse de passages particuliers, mais tend à traiter chaque Livre biblique comme un tout, et à montrer les connections existant entre ses diverses sections. Les développement détaillés caractérisant selon Ibn Ezra les exégèses gaoniques de la Bible, semblent avoir été particulièrement importants dans le commentaire de Saadia sur le Pentateuque car, selon une citation de Juda ben Barzilaï, un volume entier était consacré à l'introduction.

Outre le fait qu'il a grandement stimulé l'activité d'exégèse de la Bible, et non plus seulement du Talmud, le Tafsir joue une autre fonction importante dans l'histoire de la civilisation juive : conçue pour répondre à l'arabisation d'une importante partie des communautés juives, la traduction sert à familiariser l'esprit juif avec la culture arabe, en un temps ou celles-ci étaient considérées comme incompatibles. Saadia ramène ainsi au judaïsme de nombreux Juifs qui avaient envisagé de l'abandonner afin de pouvoir embrasser non pas l'islam, mais la culture et l'éducation, qu'ils associent à lui[50]. À cet égard, le Tafsir joue un rôle comparable à la Septante dans l'Antiquité ou à la traduction en allemand de Moses Mendelssohn : avec son langage clair et sa forme rationnelle, il éduque les contemporains de Saadia et les ouvre à la spéculation philosophique, tout en veillant à prémunir contre les arguments de sceptiques rationalistes.
Réciproquement, cette traduction fit également connaître Saadia dans le monde arabe non-juif : Massoudi, un musulman contemporain de Saadia donne des détails sur sa vie, et un auteur du Xe siècle, Mohammed ibn Iṣḥaḳ al-Nadim, donne, dans son Fihrist al-'Ulum, une liste de onze œuvres de Saadia.

La traduction judéo-arabe de la Torah issue du Tafsir al-Toraa (commentaire sur le Pentateuque) a été incluse dans les Bibles Polyglottes de Constantinople (1546), de Paris (1645), et de Londres (1657), et dans les Bibles des Juifs du Yémen, qui la faisaient figurer au côté du Targoum d'Onkelos (Keter Torah, Jérusalem, 1894-1901). Elle a été reproduite, avec les traductions sur les autres Livres dans les Œuvres Complètes éditées sous la supervision de Derenbourg, qui contiennent aussi des portions du commentaire sur Isaïe, celui sur les Proverbes et sur le Livre de Job (intitulé Kitab al-taadil, « Livre de la justification » ou « de la théodicée »).
Les traductions des Cinq Rouleaux attribuées à Saadia ne sont pas de lui, mais basées sur son commentaire. Les commentaires sur Daniel et Ezra seraient le fait d'un autre Saadia, qui aurait vécu au XIIe siècle[51], bien qu'un commentaire original de Saadia existe[52].

Poésie et liturgie[modifier | modifier le code]

Le Siddour deRav Saadia Gaon[modifier | modifier le code]

La contribution la plus connue de Saadia à la liturgie, a longtemps été le Kitāb Jamīʿ al-Ṣalawāt wa al-Tasabīḫ (« Livre de la Collection de Toutes les Prières et Louanges »). Compilé afin de pallier la multiplication de rites liturgiques et coutumes propres à chaque communauté, ce livre, qui comprend également de nombreux poèmes liturgiques et un commentaire en judéo-arabe, est la plus ancienne tentative authentifiée d'organiser (lèssadèr en hébreu, d'où le nom de siddour donné au livre de prières juives) le rituel des prières juives tant pour les jours de semaine ordinaires que pour les Sabbaths et jours fériés. En effet, bien que le premier siddour ait été rédigé par Amram Gaon, à la demande des dirigeants communautaires d'Espagne, il en existe tant de variantes, qu'il est impossible de reconstituer le texte original.
Il semblerait que le siddour de Saadia, destiné aux communautés d'Égypte, ait inspiré de nombreux compilateurs ultérieurs, et joui d'une grande popularité dans les pays où l'arabe était la langue vernaculaire, moins pour l'arrangement de son rituel, qui ne fut jamais accepté, que pour son commentaire ; il fut cependant déclassé par le Mishneh Torah de Maïmonide[21].

Il n'existe pas de manuscrit complet du siddour de Saadia, mais une version quasi-complète est conservée à Oxford. Des fragments ont également été retrouvés dans la Gueniza du Caire. C'est sur base de ces manuscrits que Davidson, Assaf et Yoel l'ont publié, sous le titre de Siddour Rav Saadia Gaon (Jérusalem, 1941), avec une traduction hébraïque des sections rédigées en judéo-arabe dans les colonnes en vis-à-vis.

Poèmes liturgiques[modifier | modifier le code]

Saadia fut aussi un payytan (poète liturgique) renommé, dont la découverte de nombreuses pièces, dans la Gueniza du Caire, a démontré la popularité, ainsi que sa maîtrise et sa versatilité en la matière.

Son style est une tentative, moyennement réussie, de s'émanciper du style, reconnu mais hermétique, d'Eleazar Hakalir et ses prédécesseurs. Bacher, citant Zunz, le qualifie de « curieux mélange de simplicité biblique et d'affectation payytanique[41] » : Saadia mêle une narration de type biblique, imitant celle du Siracide (dans sa version hébraïque), et un vocabulaire, tiré lui aussi de l'hébreu biblique, avec des artifices stylistiques dans la formation des mots.

En ce qui concerne le contenu, Saadia est le premier à introduire dans certaines de ses pièces liturgiques les idées philosophiques qu'il exposera ultérieurement dans son Emounot veDeot ; ces poèmes philosophiques serviront d'inspiration à des poètes liturgiques espagnols majeurs, dont Salomon ibn Gabirol et Juda Halévi.
Le Shir shel HaOtiyot (Poème des Lettres) occupe une place plus particulière encore dans son œuvre, tant par son sujet, grammatical plutôt que liturgique, que par sa maîtrise des enseignements massorétiques : Saadia a composé deux couplets pour chaque lettre de l'alphabet hébraïque, y compris les lettres finales ; par les mots et les allusions bibliques, il indique le nombre d'occurrences de chaque lettre dans la Bible, tout en assurant une cohérence interne à chaque couplet, qui peut donc être lu comme une méthode mnémonique ou un hymne édifiant[19].

Ses baḳḳashot (hymnes liturgiques chantés avant la prière du matin), furent prisées au point qu'on demanda à Maïmonide s'il était nécessaire de se lever pour les réciter[53]. Abraham ibn Ezra, dans sa critique ravageuse des poètes liturgiques[54], n'épargne précisément que Saadia.

On a également cité ses hoshanot (hymnes d'appel au secours divin) et ses azharot (« avertissements ») sur les 613 commandements, qu'il a signées Saadia Alouf, et a par conséquent composées avant 928.

Enfin, Saadia aurait joué un rôle indirect mais important dans l'histoire de la poésie liturgique juive en complimentant l'adaptation par son élève Dounash ibn Labrat de la métrique arabe à la poésie hébraïque. Bien que Saadia lui-même n'en ait pas fait usage, et que l'assertion provient de Dounash en personne, sa caution, réelle ou supposée, a contribué à populariser un genre qui ferait fortune parmi les Juifs d'Al-Andalus[55].

Halakha[modifier | modifier le code]

Les travaux de Saadia en matière de Halakha (Loi juive) se trouvent encore pour la plupart à l'état manuscrit, dispersés dans des milliers de fragments de Gueniza attendant d'être étudiés, ou découverts[19]. Cependant, le peu qu'on en connaît permet de se faire une idée générale de leur nature et leur dimension.

Monographies[modifier | modifier le code]

La partie la plus importante, en quantité comme en qualité, consiste vraisemblablement en monographies sur les articles de loi qui sont actuellement couverts par la section Ḥoshen Mishpat du Choulḥan Aroukh, ainsi que des livres sur la pureté rituelle, la Nidda (impureté rituelle liée aux menstrues), la sheḥiṭa (abattage rituel), les terefot (chairs impropres à la consommation), l'inceste, les festivals et la proclamation du nouveau mois.
De ces traités, rédigés en judéo-arabe dans un souci d'accessibilité aux masses juives arabisées, seuls les titres et quelques extraits nous sont connus, à l'exception du Kitab al-Mawarith (« traité des successions »), dont il existe des fragments plus longs, et le traité sur les lois de la sheḥiṭa ; tous deux ont été traduits en hébreu par Joël Müller, et édités dans les Œuvres Complètes[56].

Leur importance dépasse le champ de la Halakha proprement dite : avec ces livres, Saadia est l'un des pionniers, sinon le créateur, de la littérature rabbinique, le premier à écrire des « livres » au sens moderne du terme, et à établir une approche systématisée de son travail.
Des codes de loi, les Halakhot Guedolot et les Halakhot Pesouḳot, avaient certes été rédigés avant Saadia, et tentaient de clarifier la pratique à adopter en conformité avec la tradition juive en réponse aux attaques des Karaïtes contre celle-ci[57]. Cependant, ils suivaient le modèle des discussions talmudiques, et n'avaient pas encore acquis la structure d'un véritable code.
Saadia, au contraire, assigne un sujet par livre, inventant de ce fait la monographie halakhique[58]. Il divise chacun de ces livres en sections et sous-sections, commence par définir brièvement le sujet exposé, avant de détailler assez complètement chaque point, avec preuves talmudiques à l'appui. Saadia omet cependant souvent des halakhot entières malgré leur rapport avec le sujet ; on suppose qu'il aurait souhaité les traiter dans leur contexte ou qu'il ne les a pas jugées assez importantes pour la discussion en cours. Sa méthode, et l'usage du judéo-arabe, seront quasi-unanimement adoptés par ses successeurs[19],[58].

Responsa[modifier | modifier le code]

Saadia a par ailleurs contribué, comme la plupart des Gueonim, au fleuron de la littérature gaonique, les responsa (réponses à des questions portant le plus souvent sur un point de Halakha, adressées par un individu ou une communauté). Joël Müller a pu identifier cinquante responsas de Saadia au sein du corpus gaonique. Ils n'existent pour la plupart qu'en hébreu, et ont probablement été rédigés dans cette langue[59]. Selon Müller, « Ici, comme en ses autres écrits, Saadia aime à présenter le nombre de possibilités qui peuvent se poser en rapport avec un sujet donné. Il tire ses preuves en premier de la Bible, ensuite du Talmud, enfin de la raison ; ses arguments sont toujours convaincants ; et ses conclusions procèdent d'un jugement sain et d'un esprit sobre[41]. »
Outre ces responsa, Müller a en outre compilé de nombreuses citations de Saadia au sujet de la Halakha[60] ; son siddour (cf. supra) en comporte d'autres.

Traités de méthodologie[modifier | modifier le code]

La dernière partie de l'œuvre halakhique de Saadia consiste en divers traités destinés à faciliter l'apprentissage et la compréhension du Talmud de Babylone.

Son commentaire des treize principes d'herméneutique attribués à Rabbi Ishmaël, préservé en hébreu uniquement, a été inclus dans les Œuvres Complètes[61].
Une autre méthodologie du Talmud, servant vraisemblablement d'introduction générale, et mentionnée par H.Y.D. Azoulaï sous le nom de « Klalei haTalmud[62], » n'est connue que par les quelques citations faites par Beẓalel Ashkenazi, dans un travail similaire[63].
Quant à la traduction en judéo-arabe de la Mishna, dont Petahia de Ratisbonne attestait qu'elle était encore en usage à Bagdad au XIIe siècle, rien n'en est connu depuis[41].

Autres travaux[modifier | modifier le code]

Bien qu'il s'agisse d'un poème liturgique, et non halakhique, les Azharot de Saadia, mentionnées plus haut, ont été rééditées sous le nom de Sefer HaMitzvot lèRassag par le rabbin Yerouham Fischel Perla, avec un commentaire fort complet, qui effectue entre autres une comparaison entre le comput des 613 mitzvot de Saadia Gaon et celui des rabbins du Haut Moyen Âge[19]. Saadia, en divisant les 613 commandements bibliques selon leur sujet, anticipe Maïmonide. Cependant, dans une autre classification qu'il a effectuée en les rattachant au Décalogue[64], il semble suivre le modèle karaïte, lequel pourrait lui-même s'inspirer de Philon[41].

Ouvrages de polémique[modifier | modifier le code]

Saadia et le karaïsme[modifier | modifier le code]

À l'époque de Saadia, le karaïsme, bien que n'existant que depuis un siècle et demi, a gagné de nombreux pans de la communauté juive, et menace même l'existence des académies babyloniennes. Dénonçant l'hégémonie du Talmud dans la pratique et la vie intellectuelle juives, son inertie (car ce qui a été décrété ne peut être défait par les générations ultérieures), ses méthodes d'interprétation de la Bible hébraïque (qui s'écartent assez souvent du sens littéral des versets, quand elles ne semblent pas le contredire), et la présence en son sein de nombreux éléments de la mythologie persane[65] (lesquels sont au demeurant propres au Talmud de Babylone, ne se retrouvant pas dans le Talmud de Jérusalem), incompatibles avec la Torah de Moïse, les karaïtes ont développé une interprétation de la Miqra (Bible hébraïque) se voulant basée sur le texte de la Miqra elle-même, libre de toute tradition imposée, et en accord avec la raison.

En réalité, l'exégèse d'Anan ben David, habituellement considéré comme le fondateur du karaïsme, était loin d'être littéraliste ; elle tendait plutôt à prouver qu'il était possible, en utilisant les méthodes d'herméneutique talmudique, d'aboutir à des conclusions qu'Anan jugeait plus conforme au texte biblique ; par ailleurs, ces conclusions étaient en inadéquation avec une pratique quotidienne et, avant la fin du Xe siècle, les Juifs qui tentaient de se conformer aux seuls enseignements d'Anan, et étaient pour cette raison appelés Ananites, avaient disparu[66]. Cependant, l'idéal exalté d'une exégèse personnelle, libre de toute autorité autre que la Bible, fondée sur la grammaire et, ultérieurement, le Kalâm, continuait de se propager, avec d'autant plus de facilité que les interprétations de Benjamin al-Nahawendi retrouvaient ou s'accordaient souvent avec celles des rabbins, permettant l'acceptation de nombreuses ordonnances et pratiques rabbiniques, sans leur reconnaître un caractère normatif[67].
Encouragés par leur succès, les Karaïtes multipliaient leurs interprétations, et morcelaient le judaïsme oriental en une multitude de courants professant chacun une pratique différente : à titre d'exemple, les Karaïtes du Khorassan célébraient la néoménie à une date différente des Rabbanites (ainsi que les partisans du judaïsme traditionnel étaient dénommés par leurs adversaires) mais aussi des autres Karaïtes[68]. Cette situation n'était sans rappeler celle qui existait à l'époque du Second Temple, à laquelle le Talmud avait précisément tenté de mettre fin, et les adhérents à la tradition orale craignaient que celle-ci ne se perde, ce qui revenait, à leurs yeux, à perdre la Torah même[69].

L'activité contre-missionnaire de Saadia semble avoir commencé en Égypte, et se serait d'abord déroulée oralement. De cette période, où il n'était pas encore accaparé par ses obligations communautaires, on ne possède que les propos d'un débat avec un nommé Ben Zouta, rapportés par Ibn Ezra dans son commentaire sur Exode 21:24 et Lévitique 23:15. Il s'agit d'ailleurs de l'une des seules traces de Ben Zouta, qui n'est pas mentionné dans la littérature karaïte, et semble par conséquent avoir été un érudit mineur[70].

Désirant toucher un public plus large, Saadia publie ensuite le Kitab al-Radd 'alei Anan (« Livre de la Réfutation d'Anan »), probablement en 905, vraisemblablement en Égypte. De ce pamphlet, et des deux autres réunis avec lui sous le nom de Kitab al-Radd (« Livre de la Réfutation »), on connaît surtout, outre quelques fragments publiés[14], les allusions qu'y font les auteurs karaïtes ultérieurs. Son ton a toutefois dû être assez violent pour que l'on attribue, erronément, à Saadia le récit des origines du karaïsme[71], selon lequel Anan aurait fondé le karaïsme suite à des ambitions politiques frustrées[13],[72].
Au vu de la vigueur, puis de l'acrimonie des débats, les attaques ad hominem contre Saadia, l'accusant notamment d'ivrognerie pendant la prière[49], se multiplient. C'est à la suite de celles-ci qu'il rédige le Kitab al-Radd 'alei Ibn Saḳuyah (« Livre de la Réfutation d'Ibn Saḳouyah » ou « Saḳawaih »), en réponse au Kitab al-Faḍa'iḥ (« Livre des Infamies ») de cet auteur. Marx, citant Davidson, l'identifie à Salman ben Yerouham ; c'est probablement contre lui qu'est également dirigé le Kitab al-Radd 'ala mutaḥamil hayyum (« Livre de la Réfutation d'un assaillant acharné »)[14], composé vers 933[41].

Saadia a également produit 7 ans plus tôt, en 926, le Kitab al-Tamyiz (appelé en hébreu Sefer haHakkarah ou Sefer HaMivḥan, le « Livre de Distinction, »). D'un ton moins passionné, car dirigé contre les doctrines karaïtes, et non l'un de leurs adeptes, l'ouvrage couvre en huit traités la plupart des différences et points d'achoppement entre Rabbanites et Karaïtes[14]. Ce livre, probablement le plus complet de Saadia en matière de polémique, était encore cité au XIIe siècle, et de nombreux passages sont retranscrits dans les commentaires bibliques du Hakham karaïte Yaphet ben Ali[73].

Deux autres ouvrages moins importants ont été mentionnés. En ce qui concerne le premier, deux feuillets du Kitāb Taḥṣīl al Sharā'i al-Sam'iyya (« Livre de la Compréhension des Commandements Révélés ») ont été retrouvés et édités par Moshe Zucker ; Saadia y réfute l'opinion des Karaïtes, qui estiment que le sens des commandements révélés peut être déduit par analogie (qiyās, équivalent du heḳesh talmudique, dont les Karaïtes font un usage plus élargi). Toutefois, il n'exclut pas de recourir à la spéculation rationnelle pour tenter de les élucider[74], un thème sur lequel il reviendra dans son Emounot veDeot. Quant au second, le Kitāb al-'Ibbour (« Livre du Calendrier »), on n'en connaît que l'intitulé, mais il est possible de retrouver dans les citations que fait Yaphet de Saadia, ses principaux arguments contre la méthode de fixation des mois et années par les Karaïtes, par l'observation du premier croissant de lune et de la maturation des épis de blés (l'« Aviv ») respectivement[73].

Saadia n'était pas le premier Rabbanite à réagir contre le karaïsme[66]. Il a néanmoins été le premier dont les coups ont porté, et ce avec une telle violence, qu'il demeure dans la conscience karaïte, nonobstant l'évolution historique et intellectuelle des deux courants, l'adversaire, voire l'ennemi idéologique, à réfuter, et ce jusqu'au XIXe siècle (Samuel Poznanski a rassemblé des fragments d'ouvrages contre ses idées de plus de quarante-neuf auteurs)[14]. Cet aspect de l'œuvre de Saadia est si fortement associé à la lutte contre le karaïsme, que son Alā Essā Meshāli : 'al radd ala Ben Asher 'ivrani (« Ala Essa Meshali : la réponse à Ben Asher, en hébreu »), a été considéré par certains, dont Graetz, comme une preuve solide de l'appartenance au karaïsme d'Aaron ben Asher, le Massorète dont le code est la plus ancienne version connue de la Bible hébraïque, selon la massora tibérienne, et fait autorité en matière de rédaction des rouleaux de Torah. Aron Dotan a au contraire produit des arguments en faveur de l'adhésion au rabbanisme d'Aaron ben Asher, arguant que le Ben Asher invectivé par Saadia est un certain Abul Tayyib Samuel ben Asher al-Jabali[75]. Cette controverse académique se poursuit à ce jour.

Bien que Saadia semble avoir eu un ascendant considérable sur ses antagonistes, il n'est pas exempt, là non plus, d'erreurs. Emporté dans son zèle contre-missionnaire, il lui arrive de proclamer des théories à la fois contraires à la Torah et au Talmud[73]. Il soutient aussi l'authenticité et l'antiquité de la Meguilat Antiochos (« Rouleau d'Antiochos, » qui relate une version riche en miracles des guerres hasmonéennes), et la traduit en arabe. Il s'agit certes de parer les attaques des Karaïtes contre la fête de Hanoukka, en démontrant son ancienneté. Cependant, le caractère légendaire et pseudépigraphique est par trop évident, et sera aisément établi lors des études critiques du XIXe siècle[76].

Sa propagande ramène de nombreux juifs dans le giron du judaïsme rabbinique, mais d'autres se convertissent à l'islam. Par ailleurs, en clamant l'hérésie[77], puis la non-judéité des Karaïtes[78], il amorce le schisme entre ces deux courants du judaïsme, qui culminera plus tard avec l'excommunication des Karaïtes, considérée comme définitive par certains décisionnaires[79].
La lutte engagée entre Rabbanites et Karaïtes se perpétuera pendant des générations, et traversera les continents, se déplaçant de Babylonie en Espagne, et en terre d'Israël. La compétition permanente pour la suprématie dans les sciences et domaines liés à l'exégèse, philosophique ou non, de la Bible, aura un effet paradoxalement bénéfique pour leur développement. Le karaïsme connaîtra même, au cours du Xe siècle et de la première moitié du XIe siècle, un véritable « âge d'or, » qui prendra fin avec le sac de Jérusalem lors de la Première Croisade et moins d'un siècle plus tard, l'action de Moïse Maïmonide et ses descendants sur le karaïsme égyptien[80].

La réfutation de Ḥiwi al-Balkhi[modifier | modifier le code]

Dans le cadre de ses responsabibilités à Poumbedita, Saadia avait découvert que l'instruction des enfants se basait sur les livres de Hiwi al Balkhi, un rationaliste radical dont les critiques et objections portent non seulement la Torah orale, mais aussi la Torah écrite (notamment sur le serpent parlant d'Eden et l'ânesse de Balaam, les miracles du livre de l'Exode, la sorcière d'Endor, etc.).
Saadia rédige une réponse aux « deux cents questions » d'Al Balkhi dans un livre intitulé Kitāb al-Radd 'ala Ḥawaya al Balkhi (« Livre de la Réfutation de Ḥiwi al Balkhi »), dont d'importants fragments ont été publiés en 1915 par Israël Davidson[81]. Il tente de produire des preuves, tirées de la tradition et la philosophie grecque, pour chacune d'elles, et affirme la supériorité de la révélation sur la raison.

Saadia était particulièrement fier d'avoir contrecarré l'influence de Ḥiwi, ainsi qu'il l'indiquera dans le Sefer HaGalouï[14] (cf. infra). Cependant, son succès n'aura été que partiel : au XIIe siècle, Abraham ibn Ezra devra lui aussi réfuter Ḥiwi, dont les écrits semblent n'avoir rien perdu de leur pouvoir de séduction[82]. Par ailleurs, le rationalisme radical défendu par Ḥiwi s'insinuera dans le commentaire biblique de Samuel ben Hofni Gaon, qui se montre ironiquement sceptique devant les miracles contraires à la raison[83].

Autres ouvrages de polémique[modifier | modifier le code]

Le Sefer HaMoa'dim (« Livre des Moments Fixés ») est un ouvrage commandité à Saadia par les instances juives de Babylone, afin de retracer la controverse du calendrier, en insistant sur les méfaits de son instigateur, Aaron ben Meïr. Ce livre, dont de grands fragments furent découverts dans la Gueniza du Caire, a l'apparence, ainsi que l'écrit son auteur, de la Bible : écrit en hébreu, dans le style propre à Saadia, il est divisé en versets, vocalisé et accentué.

Le Sefer haGalouï (« Livre Ouvert »), est lui aussi écrit en hébreu, en réponse à l'exilarque David ben Zakkaï et ses partisans, dans un style similaire au précédent ; les opposants à Saadia ne manqueront pas de lui reprocher qu'il s'agit de l'apanage exclusif des textes bibliques. L'auteur lui-même en a effectué une traduction en arabe dont l'introduction a été conservée
Ce livre, dont il ne reste que des fragments, comportait sept chapitres. Le second est une chronologie, et a probablement donné au livre son nom arabe de Kitab al-Ta'rikh[84] ; dans le troisième, Saadia décrit l'infortune qui accable un peuple gouverné par un despote (probablement David ben Zakkaï) ; dans le quatrième, il écrit que Dieu appointe à chaque génération un Sage (lui-même, en l'occurrence) qu'Il inspire et illumine pour guider le peuple juif dans le droit chemin. Saadia ne manque pas à cette occasion d'énumérer ses mérites personnels dans la lutte contre les « hérésies » ; dans le sixième, il décrit les souffrances que lui infligent ses adversaires, avant de les mettre en garde dans le dernier chapitre, car Dieu punit sévèrement ceux qui oppriment injustement l'innocent.
Le livre, bien que polémique, couvre d'autres sujets (déjà évoqués plus haut).
De l'assurance qui émane de ce livre, et de son absence d'agressivité (à l'exception de jeux de mots sur les noms de ses adversaires ; le plus célèbre de ceux-ci est Kelev met, « chien crevé, » pour désigner Aaron ibn Sardjadou, dont le prénom arabe est Halaf[Note 17]), on peut supposer qu'à ce moment de la controverse, Saadia tient aisément tête à ses antagonistes, et qu'il l'emporte peut-être même sur eux[19],[41].

Philosophie et pensée juive[modifier | modifier le code]

Au cours de son repos forcé (932 - 937), Saadia est libre de se consacrer à ses travaux sur la spéculation philosophique. C'est au cours de cette période que paraissent deux de ses œuvres majeures, à commencer par le Tafsīr Kitāb al-Mabādiʾ (traduit en 1891 par Mayer Lambert, en français, sous le titre de « Commentaire sur le Sefer Yesira par le Gaon Saadya »), en 932, suivi deux ans plus tard, du Kitāb al-Amānāt wal-lʿtiḳādāt (« Livre sur les Articles de Foi et les Doctrines du Dogme », traduit en hébreu par Juda ibn Tibbon sous le nom de Emounot veDeot, ultérieurement devenu Sefer haemounot vehadeot, « Livre des croyances et convictions »). De toutes les œuvres de Saadia, c'est sans conteste celle dont la pérennité est la plus importante.

Commentaire sur le Sefer Yetsira[modifier | modifier le code]

Ce livre, présenté comme un travail d'établissement du texte dont il existe de nombreuses versions, est une traduction et commentaire en arabe du Sefer Yetzira, l'un des plus anciens sinon le premier ouvrage rabbinique (et le seul à l’époque de Saadia) à traiter de cosmogonie.

Bien qu'il soit devenu l'un des ouvrages fondamentaux de la Kabbale, et que la littérature mystique fût déjà enseignée aux initiés dans la période gaonique, le fait que Saadia rejette la doctrine de la métempsycose, suffit à prouver qu'il n'avait aucune connaissance de ces théories ésotériques[85]. Bien mieux, son commentaire vise à limiter la spéculation, tant philosophique que mystique, sur les sujets abordés dans le livre, et semble tout particulièrement dirigé contre la théorie des Idées[86], c'est-à-dire la philosophie platonicienne, dont les kabbalistes provençaux tireront au XIIe siècle l'interprétation mystique des Sefirot[87].

Ce livre serait donc, avec sa défense de la doctrine de la création ex nihilo au moyen du rationalisme, contre ses détracteurs qui concluent à l'éternité du monde, un précurseur de l'Emounot veDeot, particulièrement de sa première section. Toutefois, si l'on retrouve le même plan de réfutation des systèmes doctrinaux, Saadia ne semble pas avoir considéré la théorie cosmogonique du Sefer Yetzira comme philosophiquement sérieuse (elle n'apparaît d'ailleurs pas dans l'exposition des diverses opinions sur le sujet par laquelle Saadia entame son Emounot), et a fait abstraction, en le commentant, des spéculations théologiques du Kalâm. Il considérait néanmoins le livre comme digne d'être profondément étudié[41],[88].

Emounot veDeot[modifier | modifier le code]

Portant la marque de l'école motazilite d'al-Dubbaï dans sa méthode, comme dans son découpage et dans son choix des thèmes, Saadia montre également des influences stoïciennes, platoniques et aristotéliciennes, probablement acquises au cours de ses voyages de jeunesse. Ses idées influenceront à leur tour les philosophes juifs néo-platoniciens, dont Baḥya et Abraham ibn Ezra, et jusqu'à Abraham ibn Dawd, partisan d'Aristote[19].

L'objet de ce livre n'est pas véritablement philosophique : si Saadia s'intéresse à la spéculation philosophique, c'est parce qu'elle est, ainsi qu'il explique dans son introduction, trop souvent utilisée pour déstabiliser le juif dans sa foi ; les maîtres d'école se basent sur les idées de Hiwi, rationaliste radical qui en fait une arme contre elle ; de nombreux juifs ont cru la sauver en abandonnant la tradition orale, qui en est selon Saadia et les Rabbanites, l'un des fondements du judaïsme ; quant aux docteurs de la tradition, en se figeant dans une attitude fidéiste, et en refusant la spéculation, ils préservent une foi privée et incommunicable, qu'ils sont incapables de défendre publiquement contre ces attaques. Or, « si la philosophie est guidée par la foi, elle ne s’égarera pas, elle confirmera au contraire les vérités de la Révélation et pourra réfuter les objections faites par les incrédules contre la Révélation[13]. »
C'est pourquoi, jouxtant les « preuves » rationnelles destinées à conforter les dogmes de la Torah écrite et de la Torah orale, la réfutation des arguments des Karaïtes, des sceptiques comme Ḥiwi al-Balkhi, des chrétiens, et, accessoirement, des musulmans, prend une place tout aussi importante.
Ce faisant, et bien que son livre ne puisse pas à proprement parler être qualifié de « premier système complet de philosophie religieuse[13] »[19], Saadia expose et développe une vision personnelle sur des points authentiquement philosophiques, dont une théorie de la connaissance, la création du monde, la nature de Dieu, celle de l'homme et le problème du mal ; il réalise donc bien la première présentation systématique des principes de foi du judaïsme[19].

Saadia n'est pas le premier à tenter d'intégrer au judaïsme des éléments de philosophie grecque : l'école judéo-alexandrine s'y était consacrée, et en particulier Philon, auquel Saadia a souvent été comparé[41]. Toutefois, son œuvre a laissé une trace bien plus profonde dans le monde juif[89] : l'Emounot veDeot était fréquemment cité jusqu'à la Haskala, et bien qu'éclipsé par le Guide des Égarés de Maïmonide, les opposants philosophiques à ce dernier s'en servirent comme source doctrinale alternative[19].
Le succès de l'Emounot, qui utilise la philosophie, abhorrée des Sages du Talmud, est probablement dû à son préjugé foncièrement rabbinique : la raison étant, chez Saadia, subordonnée à la Révélation, la philosophie n'est qu'un outil qui confirme la tradition, et celui qui en fait usage n'est pas en rupture mais en continuité avec elle, selon le principe qu'« un sage est préférable à un prophète[90]. » Maïmonide critiquera cependant cette approche kalamite, qui consiste à produire des « preuves » rationnelles s'accordant avec des prémisses doctrinaux préétablis — une telle méthode invalide ses propres résultats, et est, aux yeux de Maïmonide, incompatible avec une démarche philosophique sérieuse[91].

Influence[modifier | modifier le code]

Saadia est l'une des figures dominantes dans l'histoire du judaïsme, devant être considéré, selon Henry Malter[92], comme « un phénomène remarquable dans l'histoire de la nation juive, une étape sur la longue route du développement d'Israël en tant que peuple du livre. » Il joue, par l'intermédiaire de son disciple Dounash ben Labrat, un rôle indirect, mais capital, dans la naissance de l'âge d'or de la culture juive en Espagne. En effet, c'est officiellement afin de défendre son maître contre les critiques de Menaḥem ben Sarouḳ, que Dounash entame avec lui une dispute, bien qu'il ait lui-même ultérieurement rédigé des objections aux vues de Saadia) qui, si elle nuira à Menahem, profitera fortement à la grammaire, la philologie et la poésie hébraïques[93].
Par la suite, ses successeurs, en tous domaines, n'ont eu cesse de lui rendre hommage : pour Abraham ibn Ezra, il est HaGaon (« Le Gaon »), et Moïse Maïmonide écrit, en dépit de leurs désaccords philosophiques, que « peu s'en fallut que la Torah ne disparût, s'il n'avait été là[88]. » Selon Alexander Marx, Maïmonide est d'ailleurs en grande partie tributaire du travail de Saadia et n'a, en de nombreux domaines, rien fait d'autre que développer pleinement ce que Saadia avait entamé[14].
Son influence fut initialement moindre dans le centre franco-allemand du judaïsme ashkénaze, où le judéo-arabe était une langue étrangère. Rachi ne connaissait vraisemblablement pas Saadia[Note 18], bien qu'il en ait subi l'influence indirecte, via les ouvrages grammaticaux et lexicographiques de Menaḥem ben Sarouḳ et Dounash ibn Labrat, qu'il cite à plusieurs reprises dans son commentaire biblique. Les travaux de Saadia étaient cependant connus des Tossafistes[94] (rabbins et talmudistes ayant vécu dans les communautés juives de France au XIIe siècle), qui leur réservèrent un accueil comparable à celui des Juifs d'Espagne : Rabbenou Tam, petit-fils de Rachi, ayant eu vent de la dispute du calendrier, évoque Saadia comme le père et le fondateur de la science du calendrier juif[16].

Pour les chercheurs de la Wissenschaft qui le redécouvrent, Saadia est aussi l'initiateur de la civilisation juive, qui s'épanouira les siècles suivant en Andalousie[13]. Cet aspect est fortement investigué, particulièrement en 1942, année millénaire de son décès, où l'on tente aux États-unis de « transmettre quelque chose de positif, d'empreint d'érudition[95] ». L'un des articles de ces numéros spéciaux, en particulier, souhaite rappeler la solidité des bases que Saadia a construites pour cette civilisation que l'« Archi-Haman du siècle » veut détruire[96], ignorant encore que celui-ci vient de s'en donner les moyens.

Parallèlement, l'on rappelle dans le monde orthodoxe, la lutte de Saadia, farouche opposant à l'assimilation (mais non à l'acculturation) des Juifs[78],[97],[98], tout en demeurant ouvert au monde et aux sciences[99], champion de l'unité du peuple juif observant les préceptes de la Bible et de la tradition, un principe ainsi énoncé dans son Emounot veDeot (3:7) : « Notre Nation n’est nation qu’au travers de ses lois. »

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Outre les ouvrages, articles et sites mentionnés dans les références, ont également été consultés :

  • (en) Pessin S., Saadya (Saadiah), The Stanford Encyclopedia of Philosophy (édition 2003), Edward N. Zalta (ed.)
  • (he) Cet article contient des extraits de l'article "Rav Saadia" de l'encyclopédie Otzar Israël de 1912 dont le contenu se trouve dans le domaine public.
  • (he) Saadia sur le site de l'encyclopédie juive Daat
  • Sylvie Anne Goldberg La Clepsydre II, Albin Michel, 2004, p. 181-195
  • Yaffa Ganz & Berel Wein, Sand and Stars, The Jewish Journey, pp. 94-99, Mesorah Publications 1994, Brooklyn NY, (ISBN 0-89906-036-6)
  • Berel Wein, Herald of Destiny: The Story of the Jews 750-1650, pp. 4-12, Shaar Press 1993, Brooklyn, NY, (ISBN 0-89906-237-7)
  • S. Munk, Notice sur R. Saadia Gaon, Paris, 1838; (voir aussi les additions à la Notice, Paris 1843)
  • (he) Weiss, Dor, iv. ch. 13-16, pp. 115-143 ;
  • Erwin Isak Jakob Rosenthal, Saadya Studies, 1980 (réimpression du n° 282 des Publications of the University of Manchester, 1943, en l'honneur du millénaire du décès de Saadia).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens et documents externes[modifier | modifier le code]

Notes, références et citations de l'article[modifier | modifier le code]

Notes

  1. Seule l'année 892 était citée avant 1921 et l'est encore occasionnellement depuis. Cette date repose sur l'assertion du Rav Abraham ibn Dawd dans son Sefer HaQabbala, selon laquelle Saadia était âgé d'« environ » cinquante ans à son décès.
    La date de 882 est déduite d'un fragment daté de 1113 EC retrouvé dans la gueniza du Caire, lequel fragment contient un fihrist (un inventaire) des œuvres de Saadia établi par ses fils She'erit et Dossa onze ans après sa mort, survenue à ses « soixante ans moins quarante… jours. »
    Malter rejetait 882 qui entraînait des conflits avec d'autres évènements de la vie de Saadia, et suspectait un lapsus calami de copiste. 882 est toutefois généralement accepté, car le fragment de la gueniza est plus proche tant dans le temps que dans l'espace, de sa mort. — Henry Malter, "Postscript", Saadia Gaon: His life and works (1921) 421–428 ; Jocob Mann, A fihrist of Sa'adya's works, The Jewish Quarterly Review new series 11 (1921) 423-428.
  2. Cette vision classique d'une importante influence de l'islam sur le karaïsme a toutefois été récemment critiquée — Meira Pollack, Medieval Karaism, dans The Oxford Handbook of Jewish Studies, 2002, pp.302-303.
  3. L'une des erreurs les plus flagrantes dans ce témoignage est l'exagération du rôle joué par le gaon Kahana ben Joseph, dit Cohen Tzedek, qui est comme Nathan, d'ascendance sacerdotale : ce dernier le crédite d'avoir tenu tête à deux exilarques, Mar Oukba et David ben Zakkaï, alors qu'il s'agit en réalité, respectivement, de Yehoudaï ben Samuel, grand père de Sherira (cf. Netira, in Encyclopedia Judaica 2d ed., Keter Publishing House 1972, vol. 12, pp. 999-1000), et de son successeur Mevasser ben Kimoï, rival de Cohen Tzedek (cf. KOHEN ẒEDEḲ II. KAHANA BEN JOSEPH, in Jewish Encyclopedia, 1901-1906)
  4. Il s'agit d'une importante collection de plus de 100 000 pages, feuillets et fragments de manuscrits religieux et textes médiévaux de littérature juive, entreposés dans une annexe prévue à cet usage de la synagogue Ben Ezra du Vieux Caire, parce qu'ils ont été jugés impropres à l'usage, périmés ou simplement dignes d'être conservés
  5. Il s'agit d'assertions répétées à plusieurs reprises par Aaron ben Meïr dans au moins deux missives à ses élèves (cf. Note 10) ; l'appellation de « Gentil de Dilatz » a également été reprise pas Aaron ibn Sardjadou - Malter, Saadia, his life and works, p. 27
  6. Dans son introduction au Sefer Yetzira, Dounash ibn Tamim fait référence à la correspondance entre Saadia et son maître, Isaac Israeli, qui s'est tenue lorsque Dounash avait environ 20 ans, et qui a eu lieu avant l'arrivée de Saadia en Babylonie[1]. Cela est également confirmé par un autre commentateur de ce même livre, Jacob ben Nissim[2].
  7. D'après une note de Juda ben Barzilaï dans son commentaire sur le Sefer Yetzira — Henry Malter, op. cit., p. 67
  8. Dans les académies babyloniennes, le titre d'Alouf désigne le juge en chef, troisième en rang derrière le Gaon. Le titre proviendrait de aloufeinou (Ps. 144:14), « bêtes de somme, » qui, selon le Talmud (T.B. Ber. 17a), est une appellation figurative des hommes pieux et érudits dans l'assemblée d'Israël
    Quant au Resh Kallah, littéralement « directeur de la kalla, » c'est l'un des érudits les plus en vue des académies babylonienne lors de la kallah, assemblée qui se tient deux mois par an dans les académies, lors de la morte-saison agricole. Chaque académie compte sept reshe kallah, qui siègent au premier rang, et ont pour fonction d'expliquer aux étudiants les sujets d'étude sélectionnés par le gaon, pendant les trois premières semaines de ces mois. La fonction est héréditaire, et le fils succède à la mort de son père, même s'il est encore mineur.
    Il semblerait que ces distinctions particulières aient été octroyées à des érudits éminents non-babyloniens, en particulier ceux de Palestine. On connaît également un certain « Eliezer Allouf, » ou « Resh Kallah, » en Espagne, au IXe siècle. — d'après ALLUF, de Louis Ginzberg, et RESH KALLAH de Wilhelm Bacher & Schulim Ochser
  9. Saadia signait en effet « Saïd ibn Yussuf Alluf, » et non « Saïd Alluf. » Moshe Gil y voit un indice que le titre s'appliquait en réalité à son père et non à lui-même — Moshe Gil, Jews in Islamic Countries in the Middle Ages (traduit par David Strasler), p. 350, Brill 2004, (ISBN 90-04-13882-X)
  10. Cette légende figure dans Review: The Milḥamōth ha-Shēm of Salmon ben Jeroham by Leon Nemoy, The Jewish Quarterly Review, New Series, Vol. 28, No. 1 (Jul., 1937), pp. 91-94 ; selon une autre légende rapportée par Nemoy, vraisemblablement inventée par des Rabbanites, Salman ben Yerouḥam aurait été un Rabbanite, devenu karaïte par suite à un conflit personnel avec son rival Saadia.
  11. Selon le Yessod Mispar d'Ibn Ezra , Saadia l'aurait écrit 23 ans — cf. SAADIA B. JOSEPH, in Jewish Encyclopedia ; ceci correspondrait à la fin du règne des Toulounides, sous lesquels le karaïsme fut particulièrement encouragé en Égypte — cf. Moshe Gil, Jews in Islamic Countries in the Middle Ages, p. 353, note 211
  12. Depuis Hillel II, la fixation du calendrier hébraïque est basée sur une série de règles, et non plus sur l'observation des phases lunaires ; ces règles sont rappelées dans le Mishneh Torah, Hilkhot Kiddoush HaLevana, chap. 6-10, écrit vers 1170.
  13. C'est Ben Meïr qui, le premier, diffame Saadia et sa famille, affirmant « de source sûre » que son père était muezzin au service des Mahométans, s'impurifiait en ingurgitant des abominations, jusqu'à ce qu'il soit expulsé d'Égypte, et meurt à Jaffa. Saadia riposte, en traitant Ben Meïr d'« obscurantiste » et de « maudit, » toutes deux étant des allusions satiriques au nom Meïr (« éclairant »), et ses fils de « veaux ». -- Henry Malter, op cit., p. 88, note 188
  14. Selon la lettre de Sherira, et des manuscrits retrouvés dans la Gueniza du Caire, il ne s'agirait en réalité pas de Cohen Tzedek, mais de son rival, le Rav Mevasser ben Kimoï Gaon — Cf. Marx
  15. Ceci d'après le Sefer HaKabbala d'Ibn Dawd ; voir aussi Grätz, Gesch. v. 428. Moshe Gil émet de nombreux doutes sur cette version des faits — M. Gil, Jews in Islamic countries, pp. 111 - 116
  16. Toutefois, l'opinion de Simhah Pinsker, selon laquelle tout érudit du Texte antérieur à Saadia aurait été karaïte, est fortement exagérée — Bernard Revel, Karaite Halakah and its relation to Sadducean, Samaritan and Philonian Halakah, p. 2, Philadelphia 1913
  17. Ce surnom lui est si bien resté que Graetz (voir références) prend Kalb (ou Caleb) pour l'autre prénom d'Ibn Sardjadou
  18. Il existe plusieurs mentions de Saadia dans le commentaires de Rachi. Néanmoins, pour celle du Psaume 45:10, il s'agit vraisembablement d'une interpolation de copistes ((he) A. Dotan, Niqqud rav Seʿadya : fact or fiction ?, Tarbiz 1997, vol. 66, no2, pp. 247-257). Quant au Saadia, que Rachi dit avoir personnellement rencontré, il aurait été identifié par Ḥayyim Michael à un homonyme, Saadia ben Naḥmani (Executive Committee & M. Seligsohn, SAADIA BEN NAḤMANI, in Jewish Encyclopedia, 1901-1906)

Références

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  2. Élie Barnavi et al., Histoire universelle du judaïsme, le temps des ghe'onim, p.87, éd. Hachette, Paris, 1992, (ISBN 978-2-0123-5617-7)
  3. In Bikkure ha-'Ittim, 1828, ix. 20-37
  4. (he) Yehouda David Eisenstein, Otzar Israël, Nathan Habavli
  5. a et b Iggeret deRav Sherira Gaon (Épître de Sherira), ed. Neubauer, Medieval Jewish Chronicles I, 40
  6. Genèse 38:5, 46:12 et 1 Chroniques 4:21
  7. a b et c Rabbi Saadia Gaon sur chabad.org
  8. Steinschneider, Die Arabische Literatur der Juden, a/M 1902 §23.
  9. a b et c (he) Simha Bounam Urbach, Rabbenou Saadia Gaon, l'homme et son œuvre littéraire
  10. Solomon L. Skoss, Saadia, the earliest hebrew grammarian, in Proceedings of the American Academy for Jewish Research
  11. a et b Henry Malter, op. cit., p. 36
  12. a b et c Sarah Stroumsa, Saadia and Jewish Kalam, in Frank, Daniel H. & Leaman, Oliver, The Cambridge Companion to Medieval Jewish Philosophy, Cambridge: Cambridge University Press, pp. 71–90, (ISBN 978-0-521-65207-0)
  13. a b c d e f g h i j k l m et n Heinrich Graetz, Histoire des Juifs, troisième période, deuxième époque, chapitre premier
  14. a b c d e f g h i j k et l Alexander Marx, « Saadia Gaon » in Jacob Neusner, Understanding Rabbinic Judaism, from Talmudic to Modern Times, pp. 149 - 171
  15. Our Very Own Y2K Problem The Rabbi Sa'adia Gaon - Rabbi Aharon ben Meir Controversy, pp. 219-220
  16. a b c d e et f Henry Malter, op. cit., pp. 70-88, consultables en ligne
  17. Isaac Broydé, Ben Meïr, dans la Jewish Encyclopedia
  18. Henry Malter, op. cit., p. 80; Remy Landau, The Meir-Saadia Calendar Controversy.
  19. a b c d e f g h i j k l et m Encyclopedia Judaica (ed. 1972), SAADIAH (Ben Joseph) GAON, pp. 543 - 555
  20. a et b Executive Committee of the Editorial Board, Wilhelm Bacher, Kaufmann Kohler & J. Frederic McCurdy, Bible exegesis, in Jewish Encyclopedia, 1901-1906
  21. a et b Prières, Livre de, in Dictionnaire Encyclopédique du Judaïsme, p. 819, éd. Cerf, Paris, 1998
  22. Abraham ibn Dawd, in Medieval Jewish Chronicle i. 66
  23. (he) La Yeshiva au temps des Gueonim, du Dr. Y. Horowitz, sur le site daat
  24. Solomon Schechter and Max Schloessinger, KOHEN ẒEDEḲ II. KAHANA BEN JOSEPH, Jewish Encyclopedia, 1901-1906
  25. Récit de Nathan HaBavli, inclus dans les Youḥassin d'Abraham Zacuto, section 3
  26. Iggeret de Rav Sherira Gaon, pp. 39-40 de l'édition Oxford
  27. Abraham ibn Dawd, Sefer HaKabbala, éd. Cohen 1967, 79
  28. Voir Ellis Rivkin, The Saadia-David ben Zakkaï Controversy : A Structural Analysis, in Studies and Essays in Honor of Abraham A. Neuman, President, Dropsie College for Hebrew and Cognate Learning, Philadelphia, p. 388, E.J. Brill, Philadelphia, 1962
  29. Abraham Harkavy, Zikaron la-Rishonim (St. Petersburg, 1892), 5:230
  30. D.S Margoliouth, cité par Henry Malter, op. cit., p. 114
  31. Ed. Neubauer, pp. 81-82
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  33. Calculé sur le Calendrier hébraïque de chiourim.com
  34. Houshiel, dans la Jewish Encyclopedia
  35. Menaḥem Hameiri, préface à Beit Habeḥira, cité dans (he) S.K. Mirski, Rav Saadia Gaon (millénaire de sa mort), éd. Vaad Haḥinoukh Haḥaredi, New York, 1942, pp. 5-6
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  38. a b c et d Richard Gottheil & Wilhelm Bacher, Hebrew grammar, dans la Jewish Encyclopedia, 1901-1906
  39. Marc M. Cohn, Nouveau dictionnaire hébreu-français, éd. Larousse, 2001, (ISBN 2-03-451212-X)
  40. (he)Nehemiah Allony, HaEgron - Kitab Atsoul al-Shir al-Ivrani de Saadia Gaon, publications de l'académie de la langue hébraïque, Jérusalem, 1969
  41. a b c d e f g h et i Saadia ben Joseph dans la Jewish Encyclopedia
  42. (he) Aron Dotan, « À l'aube de la linguistique (hébraïque) — Le Livre de l'Élégance de la Langue des Hébreux, du Rav Saadia Gaon, » en 2 volumes, World Union of Jewish Studies, Jérusalem, Rabbi David Moses and Amalia Rosen Foundation, 1997, 668 pages, (ISBN 965-90148-2-1)
  43. (en) Revue des travaux du Pr. Dotan
  44. Aron Dotan, A New Fragment of Saadiah's "Sab'īn Lafẓah", The Jewish Quarterly Review, New Series, Vol. 80, No. 1/2 (Jul. - Oct., 1989), pp. 1-14
  45. (he) Pitaron chiv'im millim, in Debarim Attikim, Leipzig 1844
  46. (en) Saadya Studies, pp. 47-77
  47. Morris Jastrow, Jr., Jewish Grammarians of the Middle Ages, in Hebraica, Vol. 4, No. 2 (Jan. 1888), pp. 118-122, The University of Chicago Press
  48. Commentaire sur Genèse 2:11
  49. a et b (en) Salman ben Yerouḥam, Milḥamot YHWH, in Leon Nemoy, Karaite Anthology, Yale University Press, 1952, pp.71-82. Lire un extrait en ligne
  50. Naomi E. Pasachoff, Great Jewish Thinkers, Their Lives and Work, p. 15, Behrman House, Inc., 1992, (ISBN 0874415292)
  51. Porges, Monatsschrift, xxxiv. 63-73; Ha-Goren, ii. 72 et seq.
  52. Online Encyclopedia, SEADIAH (or SAADIA; in Arabic Said) BEN JOSEPH (892-942)
  53. Responsa Maimonides n° 14, édition Blau — cité par l'Encyclopedia Judaica
  54. Abraham ibn Ezra, commentaire sur Ecclésiaste 5:1, voir article Eleazar Haqalir sur le site daat (he)
  55. C.H. Toy & W. Bacher, DUNASH BEN LABRAT, in Jewish Encyclopedia, 1901-1906
  56. Derenbourg (dir. gén.), Œuvres complètes tome 9, pp. 1-53, 1897
  57. Rodkinson, History of the Talmud, chap VII, p.30
  58. a et b Gabrielle Sed-Rajna, Saadia ben Joseph ou Saadyah ibn Yusuf al-Fayyumi, Encyclopédie Universalis (entièrement consultable sur abonnement)
  59. Œuvres complètes tome 9, pp. 87-142
  60. ibid. pp. 145-173
  61. ibid., pp. 73-83
  62. Shem haGuedolim, 2:16
  63. Publié par A. Marx dans le Festschrift zum Siebzigsten Geburtstage David Hoffmann (1914)
  64. Cf. Commentaire sur le Séfer Yetzira, éd. Verdier p.61
  65. Avraham ben Rahamiel Qannaï, Unwitting Disciples of Zoroaster: The Influence of Zoroastrianism on Rabbanism in the Talmud and Midrash sur le site de la congrégation karaïte Orah Saddiqim (inaccessible le vendredi et le samedi, afin de respecter les différentes dates du Shabbat possibles sur la planète)
  66. a et b Kaufmann Kohler & Abraham de Harkavy, KARAITES AND KARAISM, in Jewish Encyclopedia, 1901 - 1906
  67. K. Kohler & I. Broydé, Benjamin ben Moses Nahawendi, in Jewish Encyclopedia, 1901-1906
  68. Cf. Graetz, Histoire des Juifs, Troisième période, livre i., chap. 14
  69. Cf. Maïmonide, Épître au Yémen
  70. (he) Ben Zouta dans Otzar Israël, disponible en ligne sur le site daat.co.il
  71. Moshe Gil, A History of Palestine, 634-1099, p.779
  72. Voir Harkavy, ANAN BEN DAVID, in Jewish Encyclopedia
  73. a b et c Salomon Munk, Additions à la Notice sur Rabbi Saadia Gaon, in La Bible Cahen, Tome douzième, pp. 104-114
  74. Moshe Zucker, Ketaïm meKitāb Taḥṣīl al Sharā'i al-Sam'iyya, in Tarbiz 41, 1972, 373-410
  75. Moshe Gil, A History of Palestine, 634-1099, p. 182
  76. Louis Ginzberg, ANTIOCHUS, SCROLL OF
  77. Simon Szyszman, Le Karaïsme, éditions L'Âge d'Homme, Lausanne, 1980, pages 17-18.
  78. a et b Saadia Gaon sur la Jewish Virtual Library
  79. Josy Eisenberg, Une histoire des Juifs, P. 222; Voir aussi On the attitude of posekim toward the Karaites
  80. « La dissidence des Karaïtes », Histoire universelle des Juifs, éditions Hachette, Paris, 1992, pages 88-89
  81. Israel Davidson, Saadia's Polemic Against Hiwi Al Balkhi: A Fragment Ed. from a Genizah Ms, publié par Jewish Theological Seminary of America, 1915. Cette publication comporte aussi des fragments de la littérature anti-karaïte de Saadia
  82. David H. Aaron, Pre-Modern Biblical Interpretation and the Challenge of New Historicism, sur le site de la Society of Biblical Literature
  83. Bacher & Schlœssinger, SAMUEL BEN ḤOFNI, in Jewish Encyclopedia, 1901-1906
  84. Neubauer, Med. Jew. Chron. ii. 85; voir aussi R. E. J. xlix. 298
  85. Aryeh Kaplan, The Bahir: Illumination, introduction p. xx
  86. David Neumark, Saadya's Philosophy, in Saadiah Gaon (compilation d'articles par Steven T. Katz), Ayer Publishing, 1980, p. 521
  87. Guershom Scholem, Origins of the Kabbalah, Princeton University Press, 1987, p. 363
  88. a et b Notice des éditions Verdier au Commentaire du Séfer Yetzira
  89. Ivry, Alfred L., The contribution of Alexander Altmann to the study of medieval Jewish philosophy, in The Leo Baeck Institute Year Book XXXIV, London, Arnold Paucker, .
  90. T.B. Baba Batra 12a ; voir Harold Weil, Raison et Révélation - Hommage aux grands maîtres: Saadia Gaon
  91. Moïse Maïmonide, Le Guide des Egarés, pp. 174-175, éd. Verdier
  92. Malter, op. cit., p. 294
  93. (he) Menahem ben Sarouk et Dounash ben Labrat : la controverse, sur le site daat
  94. SAADIAH (BEN YOSEF) GAON, un article du Dictionnaire Encyclopédique du Judaïsme, pp. 889-891, éd. Cerf, Paris 1996
  95. CROYANCE ET ATTRIBUTS ESSENTIELS DANS LA THÉOLOGIE MÉDIÉVALE ET MODERNE
  96. Robert Gordis, Saadia in the light of today, in Rab Saadia Gaon: Studies in His Honor, chap VI, p.171
  97. (he) S.K. Mirski, Rav Saadia Gaon (millénaire de sa mort), éd. Vaad Haḥinoukh Haḥaredi, New York, 1942
  98. (he) Yehezqel Isidore Epstein, Rav Saadia Gaon et notre génération
  99. Préface du Rabbi Dr. Tzvi Hersh Weinreb au livre The Camel, The Hare, And The Hyrax de Nosson Slifkin

Citations (en) Cet article contient des extraits de l'article « SAADIA B. JOSEPH (Sa'id al-Fayyumi) » par Wilhelm Bacher de la Jewish Encyclopedia de 1901–1906 dont le contenu se trouve dans le domaine public.