Transition démographique

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La théorie de la transition démographique part d'un constat simple, à savoir que les variations spatiales de la mortalité et de la natalité sont dues à des différences d'évolution démographique selon les pays et les régions concernées. Le schéma de la transition démographique est un modèle spatio-temporel permettant de décrire le passage d'une population ayant des taux de natalité et de mortalité élevés à une population ayant des taux de natalité et de mortalité faibles. L'hypothèse de base de la théorie de la transition démographique est que toutes les populations du monde vont évoluer de la même façon, avec des décalages de calendrier dans cette évolution. Ce modèle a été bâti par les démographes, d'après leurs observations et leurs analyses sur l'évolution des populations des pays européens et nord-américains. La finalité était d'expliquer le passage d'un régime de forte natalité et mortalité à un régime de faible natalité et mortalité. C'est ce qui a intéressé notamment Adolphe Landry en France et sa collègue Louise Duroy, repris par Notestein aux États-Unis au début du XXe siècle. Le modèle de la transition démographique sert à l'ONU pour prévoir la population future.

Les quatre temps

La transition démographique

Régime démographique traditionnel (pré-transition)

La situation ancienne (ou traditionnelle) est une situation d'équilibre, caractérisée par un fort taux de natalité et un fort taux de mortalité, ce qui provoque donc un accroissement naturel faible. Cette phase est ponctuée de nombreux pics de mortalité dus à des guerres, des épidémies ou encore des famines. Le fort taux de natalité compense à la fois ces pics de mortalité et le fort taux de mortalité infantile.

Première phase de transition

Le taux de mortalité chute fortement (amélioration de l'alimentation, de l'hygiène, progrès sanitaire, industrialisation dans le cas des pays riches...) tandis que la natalité reste forte voire augmente. L'accroissement naturel est donc fort, ce qui signifie une croissance rapide de la population.

Seconde phase de transition

La mortalité continue à baisser mais plus lentement et la natalité se met elle aussi à décroître par un changement des mœurs adaptés aux précédents progrès. Le maximum de l'accroissement naturel est atteint au début de cette deuxième phase. Puis la natalité baisse plus fortement et on a donc une décélération du rythme d'accroissement de la population.

Régime démographique moderne (post-transition)

On observe ici des taux de natalité et de mortalité faibles. La mortalité est à peu près égale d'une année à l'autre et la régulation de la population se fait désormais par la natalité qui connaît des fluctuations (pendant le régime traditionnel c'était la mortalité qui avait ce rôle régulateur). Quelquefois, le taux d'accroissement naturel peut devenir négatif, ce qui entraîne alors le problème du vieillissement de la population, et plus tard, une diminution de celle-ci. On retrouve ce cas dans plusieurs pays occidentaux, où le taux d'accroissement naturel est négatif.

Exemples de transitions

Les premiers pays à avoir connu la transition démographique sont les pays européens. La durée de la transition est variable selon les pays. Par exemple, la transition a duré un siècle et demi en Suède ou en Angleterre alors que la Corée du Sud l'a réalisée en 50 ans. On estime que la plupart des pays d'Europe, plus particulièrement l'Allemagne et l'Italie, vont connaître une forme extrême de ce phénomène, où le vieillissement s'accompagnera d'une diminution de la population.

Aujourd'hui, tous les pays ont au moins commencé la première phase de baisse préalable de la mortalité. L'espérance de vie à la naissance va ainsi d'environ 40 ans en Afrique dans certains pays moins avancés et fortement touchés par le Sida à 80 ans et plus au Japon contre 25 ans dans les sociétés pré-transitionnelles. Quasiment tous les pays ont aussi commencé la deuxième phase de baisse de la fécondité : l'indicateur conjoncturel de fécondité correspondant au nombre moyen d'enfants par femme est, en 2010 (d'après des estimations de 2009) de 2,5 pour la population mondiale, inférieur à 3 pour plus de 75 % des pays et inférieur à 6 pour plus de 96 % des pays, une dizaine de pays dépassant ce seuil : la majorité des pays du Sahel et de l'Afrique centrale.

Critiques du modèle

Le modèle français

L'observation de la transition démographique française doit faire douter de l'universalité du schéma classique. En effet, en France on observe (à partir de 1750) et tout au long de la transition une chute relativement conjointe et simultanée des taux de natalité et de mortalité[1] ce qui empêche la France de connaître un essor démographique rapide lors de cette transition.

Système ouvert / fermé

Les étapes de la transition démographique se placent dans l'hypothèse d'un système fermé, c'est-à-dire où l'on néglige les migrations internationales pour se baser uniquement sur les entrées et sorties « naturelles ». Or, les populations sont des systèmes ouverts avec une régulation interne (natalité et mortalité) et une régulation externe (migrations). Cette dernière a des conséquences sur le volume de la population et cela de façon directe (arrivée - départ) ou indirecte (fécondité différente des populations immigrées...).

Émigration et durée de la transition démographique

Il y aurait un rapport entre la possibilité d'émigrer et la durée de la transition démographique : en effet, la grande émigration européenne du XIXe-XXe siècle correspond à la phase d'accroissement maximale de la transition démographique. La relative longueur de la transition démographique n'est-elle donc pas liée à cette possibilité d'émigrer ? À cette question, on peut risquer l'hypothèse suivante : lorsque l'accroissement d'une population est maximale, il y a généralement un danger de déséquilibre entre le nombre d'hommes et des moyens d'existence (récoltes à se partager, nombre d'emplois disponibles...). Ce déséquilibre est source d'appauvrissement. Il s'ensuit une nécessaire émigration. C'est le cas de l'Irlande affamée du XIXe siècle vers les États-Unis (crise de la pomme de terre) ou de l'Italie après le second conflit mondial vers des pays plus au Nord. Or, ce sont majoritairement les jeunes qui émigrent. Leur départ a pour conséquence de faire chuter le nombre des naissances dans leur pays d'origine. Taux de natalité et taux de mortalité se rejoignent donc plus rapidement du fait de cette émigration. Le raisonnement est inverse pour le pays d'accueil : l'apport de jeunes immigrants maintient un haut niveau de natalité et par là même prolonge la transition démographique. On pourrait énoncer la loi suivante : « Les vagues d'immigration ont pour conséquence de réduire le nombre d'années de la phase de transition démographique pour le pays de départ et de l'allonger pour le pays d'accueil.» Ceci n'est — rappelons-le — qu'une hypothèse. À l'inverse, on observe une transition démographique rapide dans les pays du tiers monde, là où l'on a des restrictions de plus en plus fortes d'émigration vers les pays du Nord.

Natalité et mortalité

La transition démographique ne se focalise que sur la natalité et la mortalité or il existe d'autres indicateurs et notamment la structure par âge, qui influence la natalité et la mortalité. Indépendamment de la natalité et de la mortalité, un système démographique peut maintenir sa structure par âge si des politiques d'émigration ou d'immigration interviennent comme facteur de régulation. Inversement, une stabilité des taux de natalité et de mortalité peut s'accompagner de modifications de la structure par âge notamment dans le cas du vieillissement d'une population post-transitionnelle.

Une autre critique, généralisant l'évolution européenne ou de pays comme l'Iran ou le Brésil, souligne que le taux de natalité à la fin de la transition, loin d'idéalement se stabiliser environ au niveau du taux de mortalité, poursuivrait sa baisse, provoquant un déclin démographique précédé puis encore accompagné du vieillissement des populations.

Diversité des cultures

L'interprétation de la transition démographique est éminemment politique et idéologique : pour certains, elle nie la diversité des peuples et des cultures et prétend rendre compte de l'une de leur dimension les plus profonde et complexe - la reproduction - à l'aide d'un schéma de pensée unique. Il n'est pas en effet démontré que les peuples africains et européens aient les mêmes réactions démographiques face à un même événement. Ainsi, les progrès de la médecine font chuter le taux de mortalité infantile. L'histoire démographique des pays européens montre que cette chute s'est accompagnée quelques décennies après d'une réduction volontaire des naissances. Or, en Afrique, la transition est plus lente. La transition démographique est également question de mentalité et de culture mais aussi de contrôle volontaire des naissances notamment par l'accès à l'apprentissage et aux moyens de contraception.

Cependant ce facteur culturel est à relativiser. En effet le retard de l'Afrique subsaharienne dans la transition de la fécondité peut s'expliquer par la conjonction de facteurs natalistes non uniquement culturels : isolement géographique dans la période pré-coloniale, donc retard technique favorisant la fragmentation ethnique ; saignée de l'esclavage et faible densité jusqu'aux années soixante ; faiblesse des infrastructures de soins primaires et d'éducation de base, importance du Sida depuis les années 80... Depuis le début des années 90 l'amélioration lente des indicateurs sanitaires et éducatifs, l'urbanisation, la crise de l'emploi et du logement dans les zones urbaines, celle de l'accès au foncier dans beaucoup de zones rurales, un meilleur accès à la contraception moderne expliquent une transition de crise de la fécondité, c'est-à-dire sans amélioration notable du niveau de vie.

Globalement ces différentes critiques permettent de mieux expliquer la variété des chemins suivis par les différents pays. À l'échelle internationale la transition démographique a été confirmée dans les pays du Sud et devrait durer trois siècles de 1750 à 2050. Les problèmes liés à la basse fécondité, au vieillissement accéléré vont devenir alors progressivement plus importants, particulièrement en Europe et Asie Orientale.

Voir aussi

Liens internes

Sources

  • Thompson, Warren S. (1929): "Population". American Sociological Review 34(6): 959-975
  • Landry, Adolphe, 1982 [1934], La révolution démographique - Études et essais sur les problèmes de la population, Paris, INED-Presses Universitaires de France
  • Notestein, Frank W. (1945): "Population — The Long View," in Theodore W. Schultz, Ed., Food for the World. Chicago: University of Chicago Press

Notes

  1. Jacques Vallin, Graziella Caselli "Quand l'Angleterre rattrapait la France", Population et société n°346, mai 1999, n° ISSN 01847783, http://www.ined.fr/fichier/t_publication/60/publi_pdf1_pop_et_soc_francais_346.pdf