Touvains

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Touvains
Touvines
Touvines-Todjines
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Joueur de doshpuluur (en) touvain à Paris.

Populations importantes par région
Drapeau de la Russie Russie

263 934, dont 1 858 touvines-todjines (en) (2010)[1]

Drapeau de la Mongolie Mongolie 5 500[4] ou environ 21 000[5] (2013)
Drapeau de la République populaire de Chine Chine 4 200[6]
Drapeau de l'Ukraine Ukraine 43 (2001)[7]
Population totale 300 000
Autres
Régions d’origine Asiatique
Langues Touvain, Russe (en Russie), Mongol (en Mongolie)
Religions Bouddhisme, Chamanisme
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Carte de répartition

Les Touvains, Touvines ou Touvines-Todjines (en touvain : Тывалар, Tyvalar) sont un peuple turc de Sibérie, essentiellement installé dans la république de Touva. Ils constituent la population non-russe la plus importante numériquement de la région Altaï-Saïan, en Sibérie méridionale. Dans le Touva, ils représentent la majorité de la population avec plus de 200 000 personnes, (64,1 % en 1989). Les Touvains ont aussi été dénommés historiquement Uriankhai (mongol : ᠤᠷᠢᠶᠠᠩᠬᠠᠶ, VPMC : uriyangqay, cyrillique : Урианхай, MNS : uriankhai), terme d'origine mongole[Note 1].

Histoire[modifier | modifier le code]

Protohistoire[modifier | modifier le code]

Les premiers ancêtres des Touvains sont les peuples turcophones d'Asie centrale ayant séjourné sur le territoire de l'actuel Touva vers le Ve siècle av. J.-C. et s'y étant mêlé à des peuples de langues kete, samoyèdes et indo-européennes. Les similitudes entre les caractéristiques génétiques des touvains et des amérindiens montrent avec certitude que les ancêtres des touvains ont pris part au premier peuplement de l'Amérique[8]. Beaucoup de spécificités des traditions et de la culture touvaines proviennent de l'époque des premières migrations, quand les peuples sakas occupèrent le territoire de l'actuel Touva et les régions adjacentes saïano-altaïennes (du VIIIe au IIIe siècle av. J.-C.). Ils présentaient des similitudes importantes avec les Scythes de la mer Noire, les peuples du Kazakhstan, de l'Altaï, et de Mongolie notamment dans leurs armes, harnachements équestres et formes d'art. Leur influence peut se retrouver dans la culture matérielle (dans la forme des ustensiles, des vêtements et surtout dans l'art décoratif et appliqué). Ils passèrent à un mode de vie nomade pastoral, qui resta la principale activité des peuples de Touva jusqu'à leur sédentarisation entre 1945 et 1955. Dans le cadre de l'expansion Xiongnu à la fin du Ier millénaire avant notre ère, de nouveaux peuples nomades pastoraux envahirent les régions steppiques de Touva, différant pour la plupart des peuples indigènes, non seulement par leur apparence, mais aussi par leur culture. Les découvertes archéologiques prouvent de manière convaincante qu'à partir de ce moment, la culture comme la morphologie de ces peuples indigènes a changé.

Vers la fin du Ier millénaire, dans la région orientale de Touva (taïga montagneuse des monts Saïan, qui correspond à l'actuel district de Todjine (en)), habitée initialement par des peuples de langues samoyèdes, kete, et probablement toungouze, s'installa la tribu turcophone touba (ou doubo selon les sources chinoises), parente des Ouïghours. Au XIXe siècle, tous les peuples de Touva orientale devinrent turcophones, et l'ethnonyme touba (tyva) devint l'appellation de tous les touvains.

Moyen Âge[modifier | modifier le code]

Période du XVIIe au XVIIIe siècle[modifier | modifier le code]

En 1726, l'empereur mandchou Yongzheng de la dynastie Qing envoie le khan mongol Buuvei Beise accompagner un amban informer les habitants de la région Tannu Uriankhai (ancien nom de Touva) des édits Qing[9]. Le pays est alors considéré, au même titre que la Mongolie-Extérieure, intégrée à l'Empire chinois.

XIXe siècle[modifier | modifier le code]

XXe siècle[modifier | modifier le code]

À la fin du XIXe siècle, la Russie et la Chine (alors semi-colonie de puissances occidentales), se préoccupèrent du devenir des territoires qu'ils avaient acquis au cours du XVIIIe siècle par voie pacifique ou militaire.

Au début du XXe siècle, les cercles d'affaires russes se posèrent la question de la propriété du Tannu Uriankhai, qui avait une importance stratégique extrêmement importante pour la Russie. De 1903 à 1911, cette région et les régions adjacentes furent étudiées de manière approfondie par des expéditions militaires, de reconnaissance et scientifiques.

Après la révolution mongole de 1911 (en), la communauté touvaine se divisa en trois : certains soutenaient l'indépendance, d'autres proposaient de rejoindre la Mongolie, et les autres cherchaient à rejoindre la Russie[10]. Des troupes russes s'installèrent alors à Touva[11].

En janvier 1912, Ambyn-noyon s'adressa au tsar russe pour demander sa protection, puis le kamby-lama (ru) Lopsan-Tchamzy, le noyon Mongouch Bouyan-Badyrguy (ru) et d'autres dirigeants se joignirent à sa demande. Cependant, craignant des complications diplomatiques avec la Chine et l'Occident, le tsar mit du temps à répondre à cette demande, et n'accorda sa protection au Tannu Uriankhai qu'à partir du 17 avril 1914[12].

Le 14 août 1921, la république populaire de Tannou-Touva fut formée. À partir de 1926, elle s'appela République populaire touvaine. Le 13 octobre 1944[12], la république devint membre de l'URSS, incluse dans la RSFSR en tant qu'oblast autonome. En 1961, la république soviétique socialiste autonome de Touva fut formée, qui devint en 1991 la république de Tyva, puis en 1993 la république de Touva.

Répartition géographique et effectifs de population[modifier | modifier le code]

Carte montrant la frontière russo-mongole. La répartition des Touvains se fait de part et d'autre.
Lieux d'implantation actuels des Touvains en Russie et des Tsaatan (Doukha) dans la Mongolie voisine

Le nombre total de Touvains est d'environ 300 000 personnes.

Russie[modifier | modifier le code]

En 2010, la fédération de Russie compte 263 934 Touvains[13], selon les données du recensement. En 1970, elle dénombrait environ 140 000 Touvains, et en 1959, environ 100 000.

République de Touva[modifier | modifier le code]

Il existe deux groupes principaux de Touvains dans le Touva : les Touvains occidentaux et les Touvines-Todjines (Тувинцы-тоджинцы). Ces derniers vivent dans le district de Todjin (Тоджинский кожуун Тывы), appartenant à la république de Touva, et constituent environ 5 % de l'ensemble des Touvains.

On trouve dans le district d'Oka, en Bouriatie, un peuple de langue similaire au touvain. Ils se nomment eux-mêmes les Soyots (сойоты) ; on les appelle parfois les Touvains d'Oka.

Le nombre de Touvains habitant Touva est d'environ 250 000[14].

Mongolie[modifier | modifier le code]

Une proportion non négligeable de Touvains réside en Mongolie (entre 5 500[4] et 21 000[5]). Les Doukhas habitent dans la province de Khövsgöl. Les Touvains les plus nombreux en Mongolie sont les Touvains Tsengel[15]. Environ 1 500 d'entre eux vivent dans le district de Tsengel (Tsengel Sum) de la province de Bayan-Ölgii, et parlent le tsengel (ru). On trouve d'autres Touvains dans la province de Khovd et dans la Dépression d'Oubsou-Nour.

Chine[modifier | modifier le code]

Les Touvains de Chine, qui habitent principalement dans la région autonome du Xinjiang, sont considérés comme appartenant à la minorité mongole[15]. On a signalé des Touvains vivant autour du Lac Kanas, dans la partie nord-ouest du Xinjiang, où il ne bénéficient pas d'une reconnaissance officielle, étant considérés comme faisant partie de la communauté mongole oïrate. Les enfants oïrats et touvains fréquentent des écoles où ils pratiquent le tchakhar[16] et le mandarin, langue nationale, qui ne sont les langues maternelles d'aucun de ces deux groupes[réf. nécessaire]. Même si le touvain est réservé au cercle familial et aux interactions communautaires, certains Kazakhs et Mongols sont capables de le parler[17].

Ils sont concentrés principalement dans les villages de Chemirchek et d'Alagak (sous l'administration de la ville d'Altay), dans le village de Komkanas du Xian de Burqin et dans le village d'Akkaba du Xian de Habahe, dans la préfecture d'Altay et la préfecture autonome kazakhe d'Ili du Xinjiang, représentant environ 3 500 personnes.

Culture[modifier | modifier le code]

Photographie d'un homme à cheval dans la neige.
Cavalier touvain.
Danse "orla".
Photographie de groupe dans un stade : devant, des jeunes femmes en vêtements colorés, derrière, les lutteurs en tenue de combat.
Champions de lutte et championnes "danguyna" au Naadym (ru) de 2016.

Les éléments les plus caractéristiques de la vie culturelle de Touva sont les suivants :

  • la langue maternelle et la littérature : la plupart des touvains parlent touvain ;
  • les chants khöömii, dont les plus grands maîtres touvains pratiquent tous les aspects (kharkhiraa, khërektèèr, khëëmeï, sygyt, borbannadyr, èzengilèèr, kargyraa, etc.) ;
  • la fête pastorale Naadym (ru), l'une des plus importantes à Touva, qui a lieu à la fin de l'été ;
  • la fête chagaa (russe : Шагаа), qui célèbre le nouvel an lunaire ;
  • la lutte khourech (en), d'où le nombre de champions de lutte et de sumo touvains ;
  • le concours de beauté ""danguyna" (russe : Даңгына) (pour les jeunes filles) et le concours de bravoure "jajy" (russe : Тажы) (pour les jeunes hommes) ;
  • les vêtements traditionnels touvains et leurs variantes contemporaines ;
  • les courses de chevaux ;
  • les échecs (usuellement joués avec des pièces dans le style touvain) ;
  • la sculpture sur pierre ;
  • l'hommage rendu aux volontaires de la Grande Guerre patriotique (un monument en l'honneur des volontaires touvains est en cours de construction à Kyzyl) ;
  • le respect traditionnel envers la nature ;
  • un style de vie traditionnel, etc.

Langue[modifier | modifier le code]

Le touvain appartient à la branche septentrionale, ou sibérienne, de la famille des langues turques. On distingue quatre dialectes : central, occidental, du sud-est et du nord-est (todjin). La langue écrite utilise depuis 1940 l'alphabet cyrillique.

Religion[modifier | modifier le code]

Photographie d'un homme couvert de fourrure dansant près d'un feu.
Un chamane pendant une cérémonie autour du feu à Kyzyl (Touva).

La religion traditionnelle des Touvains est une forme de tengrisme, ou chamanisme animiste turco-mongol. Elle est encore largement pratiquée, à côté du bouddhisme tibétain.

Musique[modifier | modifier le code]

Il existe au Touva une forme de musique partagée par l'ensemble des peuples mongols et une partie des peuples turcs, connue sous le nom de Khöömei, ou chant de gorge (ou chant diphonique). Le khöömei comprend des techniques diverses, dont certaines produisent un effet multitonal en accentuant les harmoniques.

Parmi les chanteurs et les groupes musicaux touvains qui pratiquent le chant de gorge, et des formes traditionnelles de musique, on peut citer Huun-Huur-Tu, Chirgilchin, l'Ensemble Alash, le chanteur Kongar-ol Ondar, icône du genre dans le pays, Tyva Kyzy.

D'autres expérimentent des formes plus contemporaines, c'est le cas de la chanteuse Sainkho Namtchylak, qui fait de la musique expérimentale. Le groupe Yat-Kha, influencé par le punk rock et le heavy metal, mêle khöömei, instruments traditionnels, batterie et guitares électriques. Enfin, le khöömei touvain est un des sujets de prédilection du bluesman cap-verdien, Paul Pena qui le mélange au blues et joue avec des Touvains.

Photographie d'un lutteur en slip hissant un drapeau, entouré d'une foule bigarrée dans un stade.
Lever de drapeau par le vainqueur de khourech (en) catégorie juniors du tournoi de Naadym de 2016.

Vêtements nationaux[modifier | modifier le code]

Quatre jeunes femmes en costumes aux couleurs vives posent devant les drapeaux de Russie et de Touva en prenant une posture gracieuse.
Jeunes filles danguyna au Naadym de 2016.

Les vêtements nationaux sont très populaires à Touva de nos jours : on les porte lors des grandes fêtes, au cours des grandes compétitions traditionnelles (khourech, tir à l'arc, courses de chevaux...), lors des concours de beauté et de bravoure, aux remises de diplômes, aux mariages et parfois dans la vie courante. Il est possible d'en acheter dans la plupart des centres commerciaux de Kyzyl, la plupart cousus à la main.

Les étudiants de Touva tiennent régulièrement des concours de beauté et de bravoure "Tajy bile Danguyna" (en touvain : Prince et Princesse)[18] où peuvent participer tous les représentants des peuples de Touva.

Touvains célèbres[modifier | modifier le code]

Hommes politiques[modifier | modifier le code]

Écrivains[modifier | modifier le code]

Gastronomie[modifier | modifier le code]

Comme chez de nombreux autres peuples nomades pastoraux, le plat de base est constitué de viande et de lait. Les mets les plus fins sont constitués de viande d'agneau, le plus connu étant le boudin « Izig-khan » (touvain : Изиг-хан - sang brûlant).

Parmi les plats nationaux touvains, on peut citer les boorzaks (boulettes de pâte frite), le dalgan (sorte de pain), et le taraa (sorte de porridge).

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Charles Stépanoff, Chamanisme, rituel et cognition : chez les Touvas, Sibérie du Sud, Éd. de la Maison des sciences de l'homme, Paris, 2014, 413 p. (ISBN 978-2-7351-1631-7)
  • (en) D. Shurkhuu, « Similarities and Differences between Mongolia and Tuva in the Evolution of Bilateral Ties », Senri Ethnological Studies, vol. 86,‎ , p. 127‐144 (DOI 10.15021/00002408, lire en ligne)

Filmographie[modifier | modifier le code]

  • (en) The herders of Mongun-Taiga, film de John Sheppard, Royal anthropological institute, London, 2012, 51 min (DVD)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. « Uriyangqad, qui est la forme plurielle de Uriyangqan, lui-même originellement un pluriel de Uriyangqai. » (John Krueger, Tuvan Manual, 1977, citant Henry Serruy, Les Mongols en Chine durant la période Hung-wu, Mélanges chinois et bouddhiques, vol 11. pp. 282-283, Bruxelles 1959.)

Références[modifier | modifier le code]

  1. (ru) « Données du recensement de population de 2010 de la Fédération de Russie » [[xls]] (consulté le ).
  2. (ru) « Données du recensement de population de 2010 de la Fédération de Russie : Population par nationalité par sujet de la Fédération de Russie » [[xls]] (consulté le ).
  3. a b c d e f g h i j k l m n et o (ru) « Population par nationalité et maîtrise de la langue russe par sujet de la Fédération de Russie » [[xls]] (consulté le ).
  4. a et b (en) « Tuvinian, Uriankhai in Mongolia », sur Joshua Project, (consulté le ).
  5. a et b (en) Jeffrey Hays, « Minorités en Mongolie », (consulté le ).
  6. (en) « Tuvinian, Tuva in China », sur Joshua Project, (consulté le ).
  7. (uk) « Recensement par nationalité et par langue en Ukraine », .
  8. (en) Jeffrey T. Lell, Rem I. Sukernik, Yelena B. Starikovskaya, Bing Su, Li Jin, Theodore G. Schurr, Peter A. Underhill et Douglas C. Wallace, « The Dual Origin and Siberian Affinities of Native American Y Chromosomes », The American Journal of Human Genetics, Elsevier Inc, vol. 70, no 1,‎ , p. 192-206 (ISSN 0002-9297, lire en ligne, consulté le ).
  9. Modèle:Qi
  10. (mn) L. Jamstar (rédacteur), A. Nyamaa et T. Battsetseg, Орос дахь монгол угсааны улсууд [« Entités administratives mongoles en Russie »], Oulan-Bator, Олон УЛС Судлалын Хүрээлэн,‎ .
  11. (en) 2008 Statistical Business Profile for the Siberian Federal District of the Russian Federation, Business Information Agency, , 796 p. (ISBN 978-1-4187-5480-8, lire en ligne), p. 726.
  12. a et b (en) « TANNU TUVA 1911 - 1944 », sur The World at War (consulté le ).
  13. (ru) « Recensement de toute la Russie de 2010 », sur Demoskop Weekly, (consulté le ).
  14. (ru) « Données du recensement de population de 2010 de la fédération de Russie » [[xls]] (consulté le ).
  15. a et b (en) M. V. Mongush, Institute of Asian Culture & Development, « Tuvans of Mongolia and China », International Journal of Central Asian Studies, Séoul, Talat Tekin, no 1,‎ , p. 225-243.
  16. (en) « Kalmyk-Oirat », sur Endangered Languages (consulté le ).
  17. (en) « Tuvans in China », sur The New Research of Tuva, (ISSN 2079-8482, consulté le ).
  18. (ru) « Le concours «Danguyna et Tajy 2016» a eu lieu à Moscou », sur Représentant plénipotentiaire de Touva à Moscou, (consulté le ).
  19. Boris Toumanov>Correspondant à Moscou, « Sergueï Choïgou, l’invulnérable écuyer de Vladimir Poutine », sur La Libre.be (consulté le )