Tibétain

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Tibétain
Bod-skad / བོད་སྐད་
Pays Chine, Bhoutan, Népal, Inde et Pakistan
Région Tibet, Cachemire (Ladakh, Baltistan)
Nombre de locuteurs de 3 à 7 millions selon les sources
Typologie SOV
Classification par famille
Statut officiel
Langue officielle Région autonome du Tibet
Codes de langue
IETF bo
ISO 639-1 bo
ISO 639-2 tib, bod
ISO 639-3 bod
Tibet libre - 4 styles de script tibétain

Le tibétain est une langue parlée par plusieurs millions de locuteurs (de 3 à 7 millions selon les sources)[1] dans l'ancien Tibet (c'est-à-dire la Région autonome du Tibet, les zones à population tibétaine du Qinghai (Amdo), du Gansu, du Sichuan et du Yunnan (Kham) en République populaire de Chine, et dans certaines régions de pays environnants, de l'Himalaya et de l'Asie centrale, comme le Ladakh et le Sikkim en Inde, le Baltistan pakistanais, le Bhoutan et le nord du Népal.

Introduction

Le tibétain (en tibétain : peugué pour la langue parlée et peuyi pour la langue écrite ; བོད་ཡིག translittération Wylie : bod yig) est une langue appartenant à la famille des langues tibéto-birmanes.

Le tibétain se subdivise en un grand nombre de dialectes. Leur classification varie selon les sources. Christopher I. Beckwith par exemple[2] distingue cinq groupes géographiques : tibétain du Nord-est, de l'Est, du Sud, du Centre, de l'Ouest[3].

Parmi le groupe du Centre, le dialecte de Lhassa, qui sert de lingua franca parmi les Tibétains, est une langue à tons. Toutefois, certains autres dialectes, comme le ladakhi et ceux de l'Amdo, n'ont pas de tons et ont des groupes de consonnes initiaux, qui reflètent ceux qui sont marqués dans l'orthographe. Le dzongkha, un autre dialecte tibétain, est la langue officielle du Bhoutan. Le balti est parlé dans le nord du district de Kargil, dans la région du Jammu et Cachemire indien.

Le tibétain est noté au moyen d'un alphasyllabaire qui, selon la tradition, aurait été créé au VIIe siècle par Thonmi Sambhota, un ministre du roi Songtsen Gampo, à partir du brahmi, écriture qui donna naissance à plusieurs langues en Inde. L'écriture tibétaine comprend trente lettres qui se combinent avec quatre signes diacritiques servant à noter les voyelles i, u, e, o. À cela s'ajoutent trois consonnes suscrites, qui permettent de changer de ton ou de supprimer une aspiration, et 4 consonnes souscrites pour noter des palatales ou des rétroflexes. Il est classé dans les écritures brahmiques

Parmi les langues tibéto-birmanes, le tibétain est l'une des plus anciennement attestées, avec le tangoute, le birman, le néware et le meitei.

Le fondateur des études tibétaines en Europe est le savant hongrois Alexandre Csoma de Körös, auteur d'un dictionnaire et d'une grammaire du tibétain classique. Son œuvre fut poursuivie par le premier tibétologue français, Philippe-Édouard Foucaux (1811-1894).

Langue classique du bouddhisme de la Haute-Asie, le tibétain véhicule depuis le VIIIe siècle une riche littérature.

Enseignement et usage

Les cinq langues de la dynastie Qing (palais d'été à Chengde) : de gauche à droite, le mandchou, l'ouïghour, le chinois han, le tibétain et le mongol bitchig, témoin de l'importance passée du tibétain dans l'Empire chinois, dans cette ville abritant aussi le Petit Potala. La traduction de 麗正門 est Porte de la Beauté et de la Droiture.

Dans une bonne partie du Tibet, l'enseignement dans le primaire se fait principalement ou entièrement en tibétain, l'enseignement bilingue commençant rarement avant que les élèves atteignent le secondaire. Toutefois, le chinois est la langue d'enseignement de la plupart des écoles secondaires tibétaines. Les élèves qui continuent ensuite dans le supérieur ont la possibilité d'étudier les disciplines relatives aux sciences humaines dans une des facultés pour les minorités d'autres provinces[citation nécessaire][4]. En revanche, dans les écoles tibétaines de Dharamsala en Inde, les directives du Ministère du développement des ressources humaines exigent que les matières soient enseignées en anglais à partir du secondaire[citation nécessaire][5].

Selon le linguiste et tibétologue Nicolas Tournadre, l'usage de la langue tibétaine écrite a régressé durant la révolution culturelle au Tibet où elle était interdite. Elle a pris un nouvel essor dans les années 1980 mais régresse de nouveau depuis le milieu des années 1990 en raison de la prédominance du chinois dans l'éducation. Un nouveau règlement pour protéger la langue tibétaine est adopté le 22 mai 2002, sans toutefois obtenir le résultat escompté. Les jeunes dans les zones urbaines parlent le plus souvent un mélange tibéto-chinois[6].

Nicolas Tournadre écrit qu'« en moins de cinquante ans, la langue tibétaine est devenue une langue menacée, condamnée à un déclin irréversible, voire à la disparition en deux générations si la politique linguistique actuelle est maintenue. La responsabilité du gouvernement régional et du gouvernement central est, dans ce domaine, évidente. » [7]. Comme l'indique le linguiste Claude Hagège : « C'est ainsi que les langues meurent. » [8]. De même le linguiste Jacques Leclerc considère aussi que la langue tibétaine est en voie de régression constante du fait qu'elle n'est plus valorisée, au contraire, et qu'elle est devenue inutile sur le marché du travail[9].

Pour le philosophe communiste italien Domenico Losurdo, « du fait de la diffusion de l'instruction, la langue tibétaine est aujourd'hui parlée et écrite par un nombre de personnes bien plus élevé que dans le Tibet prérévolutionnaire » [10].

De même, en 2003, le professeur de l'université des Sciences et Techniques de Hong Kong Barry Sautman, affirme qu'aucune des études récentes sur les langues en péril ne donne le tibétain comme langue en danger. Pour lui, le maintien de la langue chez les Tibétains tranche avec l'érosion des langues dans les régions marginales des états occidentaux réputés pour leur politique tolérante. Les affirmations selon lesquelles les écoles primaires de la RAT enseignent le mandarin standard sont erronées. En 1996, Le tibétain était la principale langue d'enseignement dans 98 % des écoles primaires, et actuellement le mandarin standard est introduit dans les premières années uniquement dans les écoles urbaines[11].

Le tibétologue Elliot Sperling est d'avis, pour sa part, que « Dans certaines limites, la République populaire de Chine fait quelques efforts pour laisser s'exprimer une expression culturelle tibétaine » et « l'activité culturelle qui a lieu sur l'ensemble du plateau tibétain ne peut être ignorée[12]. »

Selon Stéphane de Tapia, directeur de recherche au CNRS[13], le tibétain n'est parlé que par environ 1 million de Tibétains sur les près de 5 millions que compte la Chine et la langue tibétaine centrale, langue classique et littéraire, mais aussi langue religieuse, est devenue la langue d'usage pour la diaspora tibétaine[14].

Alphasyllabaire

Sous Unicode, les caractères tibétains sont codés de 0F00 à 0F7F. Voici l'alphasyllabaire tibétain, en dbu can (caractères d'imprimerie), dbu med (écriture cursive) et en translittération Wylie.


 v · d · m 
en fr
0123456789ABCDEF
U+0F00
INSÉC
U+0F10 བ༘ བ༙
U+0F20
U+0F30 བ༵ བ༷ བ༹ བ༾ བ༿
U+0F40  
U+0F50
U+0F60  
U+0F70   བཱ བི བཱི བུ བཱུ བྲྀ བཷ བླྀ བཹ བེ བཻ བོ བཽ བཾ བཿ
U+0F80 བྀ བཱྀ བྂ བྃ བ྄ བ྆ བ྇ བྍ བྎ བྏ
U+0F90 བྐ བྑ བྒ བྒྷ བྔ བྕ བྖ བྗ   བྙ བྚ བྛ བྜ བྜྷ བྞ བྟ
U+0FA0 བྠ བྡ བྡྷ བྣ བྤ བྥ བྦ བྦྷ བྨ བྩ བྪ བྫ བྫྷ བྭ བྮ བྯ
U+0FB0 བྰ བྱ བྲ བླ བྴ བྵ བྶ བྷ བྸ བྐྵ བྺ བྻ བྼ   ྿
U+0FC0 བ࿆  
U+0FD0  
U+0FE0  
U+0FF0

L'écriture Phagspa

L'écriture Phagspa, alphasyllabaire, fut créée par le lama tibétain Phagspa pour l'empereur Kubilai Khan au cours de la dynastie Yuan en Chine, comme écriture unifiée pour toutes les langues de l'Empire mongol. Phagspa la dériva de son écriture natale, l'écriture tibétaine. Elle tomba en désuétude quand l'Empire mongol fut renversé par la dynastie Ming.

Lexique

Cardinaux

Le tableau ci-après donne les nombres cardinaux en tibétain, en japonais, en birman, en cantonais, en shanghaïen, en mandarin, et leur traduction en français :

Tibétain Japonais Birman Cantonais Shanghaïen Mandarin Français
གཙིག་ gcig いち [ichi] ထိ thi/ထာ tha jat iq un
གཉིས་ gnyis に [ni] ဟနိ hni i gnî èr deux
གསུམ་ gsum さん [san] ထဩုန thoun sam se sān trois
བཞི་ bzhi し [shi]; よん [yon] လေိ lei sei quatre
ལྔ་ lnga ご [go] nga ng cinq
དྲུག drug ろく [roku] ဆဩ chao lok loq liù six
བདུན་ bdun しち [shichi]; なな [nana] ကုန ဟနိ kun hni tsat tsiq sept
བརྒྱད་ brgyad はち [hachi] သဟိတ shit pat paq huit
དགུ་ dgu く [ku]; きゅう [kyû] ကဩ ko kau cioê jiǔ neuf
བཅུ་ bcu じゅう [jû] သေ se sap zaq shí dix

Notes et références

  1. (en) UCLA Language Materials Project (en), Tibetan : « Tibetan - Number of speakers: According to different accounts, from 3 to 7 million speakers. »
  2. (en) Christopher I. Beckwith, « Tibetan », in Facts about the World’s Languages: An Encyclopaedia of the World’s Major Languages, Past and Present (sous la direction de Jane Garry and Carl Rubino), The H. N. Wilson Company, New York and Dublin, 2001.
  3. UCLA Language Materials Project, op. cit. : « The numerous dialects of Tibetan have been classified in different ways by different scholars. According to Beckwith, the Tibetan dialects fall into five groups based on their geographical location: Northeastern, Eastern, Southern, Central, Western. »
  4. (en) Jiao and Gyatso Postiglione, Education in Rural Tibet: Development, Problems and Adaptations, in China: An International Journal, volume 3, numéro 1, mars 2005, pp. 1-23.
  5. (en) Mary Ann Maslak, School as a site of Tibetan ethnic identity construction in India, in China: An International Journal, volume 60, numéro 1, février 2008, pp. 85-106.
  6. Le bilinguisme tibétain-chinois : situation et enjeux, Nicolas Tournadre.
  7. Le bilinguisme tibétain-chinois : situation et enjeux, op. cit.
  8. Analyse de Claude Hagège.
  9. Jacques Leclerc Université Laval (Canada).
  10. Domenico Losurdo, La Chine, le Tibet et le Dalaï Lama, in L'Ernesto, Revista Communista, n° 5, nov.-déc. 2003, pp. 54-57 (traduit de l'italien par Marie-Ange Patrizio pour le site Mondialisation.ca).
  11. (en) Barry Sautman, "Cultural genocide" and Tibet, in Texas International Law Journal, 1er avril 2003 : « […] none of the many recent studies of endangered languages deems Tibetan to be imperiled, and language maintenance among Tibetans contrasts with language loss even in the remote areas of Western states renowned for liberal policies ». « […] claims that primary schools in Tibet teach putonghua are in error. Tibetan was the main language of instruction in 98% of TAR primary schools in 1986 ; today putonghua is introduced in early grades only in urban schools ».
  12. (en) Elliot Sperling, Exile and Dissent: The Historical and Cultural Context, dans TIBET SINCE 1950: SILENCE, PRISON, OR EXILE, pp. 31-36 (Melissa Harris & Sydney Jones eds.[Quoi ?], 2000), voir The Historical and Cultural Context par Elliot Sperling.
  13. Stéphane de Tapia - autour de l'ouvrage La Turquie, géographie d'une puissance émergente - 15/04/2013
  14. Stéphane de Tapia, Kazakhs, Kalmouks et Tibétains en France : minorités discrètes, diasporas en devenir ?, éditions L'Harmattan, 2007, 273 p., en part. p. 63.

Apprendre le tibétain

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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