Théorie de l'arc de crise

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La théorie de l'arc de crise (en anglais : Crescent of Crisis) est un concept de géopolitique visant à définir la politique américaine puis occidentale face au monde musulman. Le concept a beaucoup évolué et connu divers avatars, entre son développement initial par l'américain Zbigniew Brzeziński en 1978, sa reprise par l'historien britannique Bernard Lewis dans les années 1980, et son développement le plus récent par les penseurs de l'armée française dans les années 2000 et 2010.

Origine[modifier | modifier le code]

La théorie de l'arc de crise a été d'abord théorisée par le britannique Bernard Lewis, conseiller au Département d'État des États-Unis entre 1977 et 1981[1], puis reprise et popularisée par le politologue américain Zbigniew Brzeziński en 1978[2]. Cette stratégie géopolitique américaine puis otanienne est similaire au Plan Yinon de la politique israélienne des années 1980. Son objectif était d'abord la déstabilisation de l'URSS et de l'Iran[1].

Développement[modifier | modifier le code]

Les partisans de la théorie de l'arc de crise, à savoir les puissances occidentales pour lesquelles Brzeziński et Lewis ont développé cette théorie, voient en elle la possibilité de créer des mini-États pétroliers plus faciles à contrôler que les états souverains à forte identité, comme l'Iran et l'Irak. Le moyen utilisé est la « balkanisation » du Moyen-Orient[3],[1].

Son étendue géographique a varié au fil du temps. Qualifiant en 1978 l'ensemble des pays musulmans de langues turques et iraniennes qui s'étend du Bosphore à l'Indus[2] puis reliant en 1979 le Pakistan à la Somalie en passant par l'Égypte et l'Éthiopie[4], en 2010, la courbure du croissant s'est inversée, reliant désormais le Proche-Orient, l'Irak, l'Iran et plus à l'Est, l'Afghanistan et le Pakistan[5].

La notion d'« Arc de crise » est présente dans le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale de 2008 en France. Ce concept a toutefois été abandonné lors de sa nouvelle mouture de 2013. Cette notion, quoique voisine, ne recouvre pas totalement la notion développée par Lewis dans les années 1980, à l'époque de la guerre froide. L'arc de crise « à la française » a été développé dans le contexte de la Guerre contre le terrorisme sur le continent africain, principalement au niveau du Sahel, sans aller jusqu'au Proche-Orient. Il s'étend de la Mauritanie à la Somalie, reliant dans une même mouvance les djihadistes d'AQMI, la secte Boko Haram, le MUJAO et les Shebab somaliens[6].

Ce « nouvel arc de crise[7] » a été raccroché par certains à l'ancien arc de crise, faisant courir globalement cette zone d'incertitude depuis la Mauritanie jusqu'à l'Afghanistan[8]. On voit là un développement progressif de la notion initiale, pressenti au début des années 2000[9], mais aussi une sorte de tendance au « mot-valise », où tout ce qui ressemble à un terrorisme d'origine plus ou moins islamique est rassemblé, parfois sans tenir compte de véritables oppositions dans les plans d'action ou les motivations[6].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Eurorient, L'Iran paradoxal : Un péril ou en péril ? Dogmes et enjeux régionaux, L'Harmattan, , 277 p. (ISBN 978-2-296-05538-4 et 2-296-05538-9, lire en ligne), p. 175.
  2. a et b Alexandre Adler, « Iran-Turquie: l'arc de crise », L'Express,‎ (lire en ligne).
  3. « Crise Iranienne : de la Théorie Arc de Crise de Bernard Lewis à la Révolution Islamique… », Les apprentis sorciers de Washington, sur www.iran-resist.org, Iran Resist, (consulté le ).
  4. Voir la couverture du Time du 15 janvier 1979.
  5. Jean-Christophe Victor, « L'arc de crise au Moyen-Orient », Le Dessous des Cartes, sur ddc.arte.tv, Arte, (consulté le ).
  6. a et b Thomas Hofnung, « Un arc de crise jhadiste », Libération (en ligne),‎ (lire en ligne).
  7. Adrien Hart, « Le Sahel de tous les dangers », Slate Afrique (en ligne),‎ (lire en ligne).
  8. Marc Foucher, La bataille des cartes : Analyse critique des visions du monde, Paris, François Bourin Editeur, , 2e éd., 191 p.. Voir la [PDF] carte extraite du livre au présent lien. Voir également la recension faite dans la Revue de géographie et aménagement : Pierre-Jacques Olagnier, « Michel Foucher : La Bataille des cartes. Analyse critique des visions du monde », Territoire en mouvement. Revue de géographie et aménagement [En ligne], 17-18 | 2013, mis en ligne le 05 janvier 2014, consulté le 23 avril 2014.
  9. [PDF] (fr + en) Denis Bauchard, Du Liban au Pakistan. Un « arc de crise » hors de contrôle ?, Paris, IFRI, , 30 p. (lire en ligne).

Bibliographie[modifier | modifier le code]