Théorème de Śleszyński-Pringsheim

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En mathématiques, et plus précisément en analyse, le théorème de Śleszyński-Pringsheim donne des conditions de convergence de certaines fractions continues généralisées. Il fut découvert par Ivan Śleszyński[1] puis par Alfred Pringsheim[2],[3] à la fin du dix-neuvième siècle[4].

Énoncé[modifier | modifier le code]

Soient an et bn, pour n = 1, 2, 3…, des nombres complexes tels que |bn| ≥ |an| + 1 pour tout n, et soient ƒn les réduites de la fraction continue généralisée

  1. La fraction converge absolument, c'est-à-dire que la série numérique suivante est absolument convergente :
  2. Les modules des réduites ƒn sont strictement inférieurs à 1[5].
  3. Le cas limite |ƒ| = 1 a lieu si et seulement si les trois conditions suivantes sont réunies :
    • |bn| = |an| + 1 pour tout n ;
    • tous les an+1/(bnbn+1) sont des réels négatifs ;
    • la série est divergente.
      Dans ce cas, la valeur de la fraction est

Corollaires[modifier | modifier le code]

On peut déduire d'autres critères de convergence de celui de Śleszyński-Pringsheim, parmi lesquels[6],[7] :

Théorème de Worpitzky[modifier | modifier le code]

Pour tous complexes a1, a2, a3… de modules inférieurs ou égaux à 1/4, la fraction continue généralisée

converge, et ses réduites sont de modules strictement inférieurs à 1/2.

Ce théorème, publié en 1865 par Julius Worpitzky[8],[9], passe pour avoir été le premier critère de convergence concernant des fractions continues à coefficients complexes[10].

C'est un cas particulier du théorème de Śleszyński-Pringsheim, d'après l'équivalence de fractions :

Autre critère de Pringsheim[modifier | modifier le code]

Pringsheim a formulé le corollaire suivant de « son » théorème[11],[12] :

Pour tous complexes b1, b2, b3… vérifiant, pour tout entier i > 0

la fraction continue régulière[13] suivante converge :

Ce critère est un cas particulier du théorème de Śleszyński-Pringsheim, d'après l'équivalence de fractions :

Il s'applique par exemple si tous les bn sont de module au moins 2 (cf. § Exemples ci-dessous).

Théorème de convergence de Tietze[modifier | modifier le code]

Le théorème de Śleszyński-Pringsheim est complété par certains critères classiques de convergence ou de divergence, parmi lesquels ce théorème de Tietze[14],[15],[16] :

Soient an et bn, pour n = 1, 2, 3…, des réels tels que pour tout indice n, bn ≥ |an| > 0 et même, chaque fois que an+1 < 0, bn ≥ |an| + 1.

  • Pour que la fraction associée
    converge, il suffit que les an soient négatifs à partir d'un certain rang[17] ou que l'une des trois séries suivantes diverge :
  • Si la fraction converge, la limite ƒ des réduites vérifie : 0 < a1ƒ ≤ |a1|, et ne peut être égale à ±1 que si an < 0 pour tout n > 1 et bn = |an| + 1 pour tout n > 0.
  • Si les an et bn sont entiers alors, sauf dans un cas exceptionnel, la fraction converge et la limite ƒ est irrationnelle[18]. Le cas exceptionnel est celui où, à partir d'un certain rang, an < 0 et bn = |an| + 1.

Exemples[modifier | modifier le code]

Fractions régulières de période 1[modifier | modifier le code]

Pour un complexe z (non nul), une étude directe (cf. article détaillé) montre que la fraction

converge si et seulement si z n'appartient pas à l'intervalle imaginaire pur ]−2i, 2i[.

La convergence était prévisible pour z de module supérieur ou égal à 2 par le théorème ou le corollaire de Pringsheim[19] (et pour z réel positif, par le théorème de Seidel-Stern).

Fractions « négativement régulières »[modifier | modifier le code]

Définition[modifier | modifier le code]

Pringsheim s'intéresse aux fractions qu'il qualifie de « négativement régulières ». Ce sont les fractions de la forme

où les bn sont entiers et, pour n > 0, bn ≥ 2.

Il s'agit donc de la variante des fractions continues simples[20] obtenue en remplaçant les signes « + » par des signes « – » et en interdisant la valeur 1 pour les bn (sauf pour b0).

Théorème de représentation[modifier | modifier le code]

Les fractions « négativement régulières » convergent d'après le théorème de Śleszyński-Pringsheim, de même que les fractions simples convergent d'après le théorème de Seidel-Stern[21]. De plus — de même que les fractions simples infinies sont en bijection avec les irrationnels — les fractions « négativement régulières » infinies sont en bijection avec tous les réels, par le théorème suivant[22],[23] :

Tout réel est la limite d'une unique fraction « négativement régulière » infinie.

Caractérisation des rationnels[modifier | modifier le code]

Alors qu'avec les fractions simples, un rationnel se reconnaît à ce que son développement est fini, avec les fractions « négativement régulières », il se reconnaît au fait qu'à partir d'un certain rang, tous les bn sont égaux à 2[22],[23].

Algorithme[modifier | modifier le code]

L'analogue de l'algorithme de développement en fraction simple, pour déterminer les dénominateurs partiels bn du développement en fraction négativement régulière d'un réel x, est le suivant[22],[23]. Pour tout réel t, notons ⌊t⌋ la partie entière de t et G(t) l'entier ⌊t⌋ + 1. On a donc 1/(G(t) – t) ≥ 1.

On définit alors par récurrence deux suites (xn) et (bn) par :

Exemples de développements[modifier | modifier le code]

Par exemple[24] :

  • Développements de période 1 :
    en particulier :
    • pour n = 2 : le développement de –1 est un cas limite du théorème de Śleszyński-Pringsheim ;
    • pour n = 2m :
  • Développements de période 2 :
    en particulier (pour n = 2m)

Notes et références[modifier | modifier le code]

(en)/(de) Cet article est partiellement ou en totalité issu des articles intitulés en anglais « Śleszyński–Pringsheim theorem » (voir la liste des auteurs) et en allemand « Konvergenzkriterium von Pringsheim » (voir la liste des auteurs).
  1. (ru) И. В. Слешинскій, « Дополненіе къ замѣткѣ о сходимости непрерывныхъ дробей », Матем. сб., vol. 14, no 3,‎ , p. 436-438 (lire en ligne).
  2. (de) A. Pringsheim, « Ueber die Convergenz unendlicher Kettenbrüche », Sitzungsberichte der mathematisch-physikalischen Classe der k. b. Akademie der Wissenschaften zu München, vol. 28,‎ , p. 295-324 (JFM 29.0178.02, lire en ligne).
  3. (de) A. Pringsheim, « Über einige Konvergenzkriterien für Kettenbrüche mit komplexen Gliedern », S'ber. math.-phys. München, vol. 35,‎ , p. 359-380 (lire en ligne).
  4. Wolfgang Joseph Thron a découvert des indices montrant que Pringsheim était au courant des résultats de Śleszyński avant de publier son article ; comparer (en) W. J. Thron, « Should the Pringsheim criterion be renamed the Śleszyński criterion? », Comm. Anal. Theory Contin. Fractions, vol. 1,‎ , p. 13-20 (MR 1192192) et (en) John J. O'Connor et Edmund F. Robertson, « Ivan Vladislavovich Sleszynski », sur MacTutor, université de St Andrews avec Pringsheim 1898, p. 312. D'ailleurs, selon (de) Oskar Perron, Die Lehre von den Kettenbrüchen, Teubner, (lire en ligne), p. 255, « Le contenu essentiel de ce théorème se trouve déjà pour des réels bn positifs et an négatifs dans (de) M. A. Stern, Lehrbuch der algebraischen Analysis, Leipzig, (lire en ligne) ». Voir plus généralement la critique, sur l'habitude qu'avait Pringsheim de ne pas créditer ses prédécesseurs, dans (en) C. N. Moore (en), « Review: Alfred Pringsheim, Vorlesungen über Zahlen- und Funktionenlehre », Bull. Amer. Math. Soc., vol. 28, no 9,‎ , p. 425-503 (lire en ligne).
  5. (en) Lisa Lorentzen et Haakon Waadeland, Continued Fractions : Convergence theory, Atlantic Press, (lire en ligne), p. 129.
  6. Perron 1913, p. 258-259.
  7. (en) William B. Jones et W. J. Thron, Continued Fractions : Analytic Theory and Applications, London/Addison-Wesley/Cambridge, Addison-Wesley, coll. « Encyclopedia of Mathematics and its Applications » (no 11), , 428 p. (ISBN 0-201-13510-8), p. 94.
  8. (de) Julius Daniel Worpitzky, « Untersuchungen über die Entwickelung der monodromen und monogenen Functionen durch Kettenbrüche : Erste Folge », Friedrichs-Gymnasium und Realschule Jahresbericht, Berlin,‎ , p. 3-39 (lire en ligne), p. 29-30.
  9. Lorentzen et Waadeland 2008, p. 135.
  10. Jones et Thron 1980, p. 10, 94.
  11. Pringsheim 1898, p. 320 et (de) A. Pringsheim, Vorlesungen über Zahlen- und Funktionenlehre, vol. I, , chap. 3, p. 880.
  12. Perron 1913, p. 260.
  13. Une fraction continue est dite régulière si tous les an sont égaux à 1.
  14. Perron 1913, p. 244 et s., le redémontre et confirme (p. 253) que ce critère est, comme l'écrit Tietze, une généralisation d'un résultat de Stolz (Vorlesungen über allgemeine Arithmetik, 1885), mais signale l'antériorité de Stern, Theorie der Kettenbrüche und ihre Andwendung, 1834.
  15. (de) Heinrich Tietze, « Einige Kettenbruch-Konvergenzkriterien », Monatshefte für Mathematik und Physik, vol. 21, no 1,‎ , p. 344-360.
  16. (de) Heinrich Tietze, « Über Kriterien für Konvergenz und Irrationalität unendlicher Kettenbrüche », Math. Ann., vol. 70, no 2,‎ , p. 236-265 (lire en ligne).
  17. Perron 1913, p. 244, attribue ce critère à Stern 1860.
  18. Ceci généralise un lemme de Lambert formalisé par Legendre : voir § « Résultat de Lambert » de l'article « Fraction continue et approximation diophantienne ».
  19. Lorentzen et Waadeland 2008, p. 32.
  20. Dans Pringsheim 1921, p. 752 et s., 773 et s., 812 et s., les fractions régulières sont qualifiées de « regulär ». Elles incluent les fractions simples, dites « regelmäßig ». Les fractions « négativement régulières » sont appelées « negativ-regelmäßig ». Il est facile de les convertir en fractions régulières dont les dénominateurs partiels sont de signes alternés.
  21. Pringsheim 1921, p. 773.
  22. a b et c Pringsheim 1921, p. 818-819.
  23. a b et c (en) Wacław Sierpiński, Elementary Theory of Numbers, Elsevier, coll. « North-Holland Mathematical Library » (no 31), , 2e éd., 513 p. (ISBN 978-0-08-096019-7, lire en ligne), p. 336-338.
  24. Sierpiński 1988, p. 337-338, donne les développements en fraction négativement régulière de 1 = 1 + 12 – 1, 2 = 22 – 2, 3 = 22 – 1 et 7 = 32 – 2.

Lien externe[modifier | modifier le code]

(en) « Continued fractions », sur Encyclopædia Britannica 1911