Tabularium

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Tabularium
Image illustrative de l’article Tabularium
Les restes du Tabularium

Lieu de construction Forum Romanum
Date de construction 78 av. J.-C.
Ordonné par Lucius Cornelius Sylla
Type de bâtiment Archives
Le plan de Rome ci-dessous est intemporel.
Carte de la Rome antique montrant la localisation de Tabularium.
Tabularium
Localisation du Tabularium dans la Rome antique (en rouge)

Coordonnées 41° 53′ 34″ nord, 12° 29′ 01″ est
Liste des monuments de la Rome antique
Vue du Tabularium prise du forum romain. Il reste aujourd'hui le soubassement du Tabularium et quelques colonnes qui soutiennent le palais des Sénateurs, à la façade ocre.

Le Tabularium était le bureau officiel des archives de la Rome antique (de Tabulae, tablettes), il fut également siège de nombre de bureaux pour les fonctionnaires de la ville. Il est situé dans le Forum Romanum, sur la pente du Capitole, en contrebas du Temple de Jupiter Optimus Maximus, au sud-est des roches de l’Arx et Tarpéienne. Derrière le Tabularium, se dressaient le Temple de Vespasien et de Titus et celui de la Concorde, les Rostres et le reste du forum en direction du Colisée.

Les origines du Tabularium

Contexte historique

Au Ier siècle av. J.-C., Rome devient le théâtre d'accès au pouvoir qui menacent la République. Prenant leur origine avec les Gracques en 133 av. J.-C., plusieurs crises se suivent et de 88 à 83, des guerres civiles confrontent Marius et Sylla. Ce dernier ne respecte pas le poemerium en 82 et établi sa dictature qui se terminera avec sa mort en 79. En 83, alors que la guerre civile continue, le Capitole est presque entièrement détruit par un incendie qui détruit le temple de Jupiter qui date de plus de quatre siècles. Sa reconstruction s’impose et un vaste programme de réaménagement comprenant tout le Capitole est lancé, incluant des nouveaux bâtiments dont le Tabularium, les nouvelles archives publiques de Rome[1].

Construction et origine du nom

Supprimant définitivement les fortifications de l’époque royale, le Tabularium fut construit aux alentours de l’année 78 av. J.-C. (676 en années romaines) sous la dictature de Sylla (et surement sous son ordre) et sous le consulat de M. Aemilius Lepidus et de Q. Lutatius Catulus. Ce dernier fut consul en 78 av. J.-C. puis censeur, immédiatement démissionnaire, en 65 av. J.-C., et chargé de la reconstruction du Capitole après l’incendie de 83 av. J.-C. Les travaux durèrent au moins jusqu’en 69 av. J.C. et ont ainsi été achevés beaucoup plus rapidement que ceux du temple de Jupiter Capitolin, édifice pourtant le plus important de la colline. Le Tabularium a été reconstruit puis rénové sous le règne de l’empereur Claude, en 46 ap. J.-C.

Aucun texte antique ne mentionne ce monument et son nom provient des documents qui y étaient conservés : les tabulae (tablettes). Une inscription restée en place jusqu’au XVIe s., copiée au Moyen Âge et aujourd’hui disparue nous a transmis le nom de l’édifice et de son constructeur ainsi que sa date :

« CIL VI, 1314 : Q(intus) Lutatius Q(uinti) f(ilius) Q(uinti) n(epos) Catulus co(n) s(ul) / substructionem et tabularium / de S(enatus) s(ententia) faciundum coeravit eidemque / probavit

(« Quintus Lutatius Catulus, fils de Quintus, petit fils de Quintus, consul, par décret du Sénat, fut chargé de la construction et de la réception des substructions et du bâtiment des archives publiques »)[2]. »

Une inscription, gravée sur des blocs d’une plate-bande, presque identique, mais sans la mention de l’édifice fut découverte en 1845 lors de travaux de déblaiement et replacée par Luigi Canina sur le côté nord-est du monument où elle se trouve encore aujourd’hui. Nous pouvons constater que le nom de Tabularium correspond à deux éléments différents : l’ensemble du bâtiment d’une part, et la partie supérieure aux substructions d’autre part. Une épitaphe découverte sur la Via Prenestina a restitué le nom d’un des architectes qui travailla sous la direction de Lutatius Catulus et qui pourrait être l’auteur de l’édifice.

« CIL VI, 40910 : L(ucius) Cornelius L(uci) f(ilius) Vot(uria) / Q(uinti) Catuli co(n)s(ulis) praef(ectus) fabr(um) / censoris architectus

(« Lucius Cornelius, fils de Lucius, de la tribu Voturia, préfet du génie de Quintus Lutatius Catulus quand il était consul, architecte du même quand il était censeur »). »

Architecture

Le Tabularium repose directement sur le tuf de la colline du Capitole. De forme trapézoïdale, il présente deux façades, l’une donnant sur le Capitole, et l’autre sur le forum portée sur de hautes substructions (mentionnées sur la plaque dédicatoire de Q. Lutatius Catulus). Ces deux façades mesurent 80 et 85m de long et sont épaisses de 4m, tandis que les deux flancs du bâtiment mesurent 45m chacun et convergent vers la place du Capitole. L’ensemble est construit en blocs de péperin (pierre volcanique) longs de 1,10m à 1,15m et hauts de 0,50m à 0,55m disposés alternativement dans le sens de la longueur et de l’épaisseur. Le plan et la disposition intérieure du Tabularium sont assez irréguliers car ils tiennent compte des constructions et des voies d’accès préexistantes (temple de la Concorde, portique des Dii Consentes, Clivus Capitolinus, Scalae Gemoniae), et se heurtent à l’écart de niveau d’environ 24m qui existe entre le forum et la plate-forme de la colline. Le Tabularium se présente sur trois niveaux dont seul le plus élevé est accessible de la place du Capitole. On ne connait pas la hauteur originelle de l’édifice mais 70m sont actuellement conservés.

Les substructions

Le premier niveau est celui des substructions qui étaient masquées au nord-est et au sud-est par le temple de la Concorde et le portique des Dei Consentes. Il s’agit d’une façade sombre et massive avec des petites portes et six petites fenêtres larges de deux pieds à l’origine protégées par des grilles – correspondant à un long corridor interne [3]; la dernière fenêtre à droite est nettement déplacée vers la gauche pour respecter le temple de la Concorde de l’époque Républicaine[2] – en blocs de tuf et de péperin, suivant la technique de l’opus quadratum. La substruction s’élevait sur un palier taillé dans le tuf et soutenait un grand terre-plein, qui régularisait la surface de la colline. Le grand mur de soutènement, qui constitue la partie la plus remarquable aujourd’hui, long de 73,60m, est construit en grand appareil de pierre de Gabies à l’extérieur et de tuf de l’Aniene à l’intérieur. Les substructions étaient composées d’une série de chambres construites au niveau du forum et communiquant entre elles par un passage voûté. Ces chambres dont la paroi postérieure est formée par le tuf de la colline avaient des murs en béton et étaient éclairées par les petites fenêtres citées plus haut. Elles étaient accessibles du premier étage par un escalier situé à l’extrémité nord-est de l’édifice

Le premier étage

Au-dessus de ces substructions, une série de onze arcades en plein-cintre – aujourd’hui murées sauf trois – hautes de 7,5m et larges de 3,7m étaient supportées par douze piliers massifs de péperin, ornés à l’extérieur de colonnes doriques engagées et cannelées. Les secteurs carrés qui en résultent sont couverts par des voûtes d’arêtes. Les chapiteaux des colonnes, les bases et l’entablement étaient construits en travertin. L’architrave était probablement surmontée d’une frise dorique commune à triglyphes et métopes, aujourd’hui disparue. Ces arcades éclairaient une galerie voûtée large de 7m et haute de 10,5m qui permettait de rejoindre l’Arx de l’aire capitoline par des escaliers débouchant à chaque extrémité[3]. La galerie voûtée du deuxième niveau avait son sol pavé de blocs de basalte polygonaux dont des vestiges ont été retrouvés en 1830. On a également retrouvé dans la partie nord-est neuf pièces dont quatre grandes et dont la fonction n’est pas définie.

Le deuxième étage

Un dernier étage qui devait constituer la partie principale de l’édifice et disparu à ce jour présentait une façade monumentale côté Capitole. Du côté du Forum, il s’ouvrait en une série d’arcades de presque 13m de haut, ornées de colonnes d'ordre corinthien, symétrique avec le niveau inférieur. Les éléments de ce niveau retrouvés dans la partie inférieure (chapiteaux, bases, tambours de colonnes…) ont montré une restauration de l’époque impériale, probablement demandée par Domitien après l’incendie de 80 ap. J.-C. Au dernier étage s’étendait un hall voûté qui a été divisé en deux parties, postérieurement à la construction de 78, sans doute sous l’Empire, par une rangée de piliers disposés dans le sens de la longueur. Ce hall communiquait à la fois avec la galerie à arcades du premier étage et avec le Forum : avec la première grâce à un escalier voûté, découvert en 1843, qui se trouvait dans la partie nord-est de l’édifice et débouchait dans la galerie, vis-à-vis de la seule arcade qui soit restée ouverte ; avec le forum par un long escalier de soixante-sept marches découvert en 1850[2].

Les accès

Au sud-ouest, s’ouvraient deux entrées qui donnaient accès à l’édifice du côté du forum : l’une d’elles, au niveau du sol, se présentait comme une grande porte couverte d’un linteau à plate-bande, surmonté d’un arc de décharge. Le seuil est constitué par un bloc de marbre du Pentélique. À l’origine, cette entrée conduisait, au moyen de deux rampes d’escaliers perpendiculaires à la façade, à l’étage de la galerie à arcades et, de là, à l’étage supérieur aujourd’hui disparu. Les voûtes en berceau de la première rampe et les soixante-dix marches en travertin sont conservées.

Apports dans l'histoire architecturale

Le Tabularium représente un exemple des plus intéressants de cette architecture républicaine qui, entre le milieu du IIe s. et le milieu du Ier s. av. J.-C., s’est propagée en Italie centrale et "a pour caractéristique la masse des matériaux, l’ampleur du chantier et l’ordonnancement monumental"[1]. Cela se retrouve notamment dans les sanctuaires de Palestrina ou de Terracina. Le tabularium s’apparente de façon particulière au sanctuaire d’Hercule à Tivoli, de l’époque de Sylla, par l’introduction systématique de quelques nouveautés comme l’arc entre deux colonnes purement décoratives qui aura beaucoup de succès par la suite dans l’architecture romaine et la voûte d’arêtes. L’effet de la superposition des étages avec la symétrie des arcades aura aussi une influence sur de grands monuments comme le Colisée ou le théâtre de Marcellus[4].

Fonctions

Les Tabularia

« Tabularium » est le nom général pour les bâtiments contenant des archives. Il y avait un certain nombre d'autres tabularia dispersés autour de la ville de Rome et dans d'autres villes romaines antiques. Il était conservé à l’intérieur de l’édifice les lois, les décrets, les traités promulgués par les Magistrats, et toutes les autres archives d'État.

Organisation du Tabularium

Considéré comme agrandissant de l'Aerarium[1] où étaient d'abord conservées de nombreuses tabulae, le Tabularium que nous traitons était le bureau officiel des archives de la Rome antique, il fut également siège de nombre de bureaux pour les fonctionnaires de la ville. Les archives publiques nécessitaient un personnel spécialisé et furent d’abord administrées par les censeurs puis par les deux questeurs de Rome. En 16 ap. J.-C., Tibère les remplaça par trois curators remplacés à leur tour sous Néron en 56 par deux anciens préteurs. D’autres employés, comme des scribes, des affranchis ou des esclaves publics aidaient à l’enregistrement des lois et décrets du Sénat qui n’étaient valables qu’une fois déposés et enregistrés parmi les actes publics[5]. Les tablettes en bois étaient numérotées et rassemblées entre elles pour former des codices qui étaient réunis en série et classés par ordre chronologique d’années. On leur ajoutait une poignée de bois afin que leur épais volume soit plus aisément transportable. Des copies en étaient faites et devaient être certifiées par le sceau de sept témoins. On ne pouvait les emprunter qu’avec l’autorisation du conservateur[5]. Sous l'Empire, son importance décrut quelque peu avec la création des archives impériales qui étaient plus complètes[5].

Un lieu de passage pratique

Le Tabularium, nous l’avons vu, permettait un raccord entre le Forum Romanum, la colline du Capitole et celle de l’Arx. Ainsi, il permettait de relier le Temple de Saturne sur le Capitole, où était exposé le Trésor de Rome, aux ateliers de monnaie de l’Arx. L’or et l’argent du trésor, après leur frappe, pouvaient être transportés dans le Tabularium par le corridor muni de fenêtres qui les reliait directement.

Histoire post-romaine et modifications architecturales

Le Tabularium a eu, dans son histoire, une continuité monumentale puisqu’il reste encore aujourd’hui les deux premiers étages du bâtiment et malgré plusieurs modifications architecturales. Cependant, sa fonction a souvent changé au cours des siècles. Domitien, avec la construction du temple de Vespasien et de Titus barra une des entrées du Tabularium[3]. Ce dernier fut, au Moyen Âge, utilisé comme entrepôt de sel dans sa partie supérieure et de prison dans sa partie inférieure. Durant le règne de Boniface VIII (1235-1303), une tour à l'extrémité nord a été érigée et un palais sénatorial a été construit sur les ruines du tabularium (soit à la place du dernier étage primitif) entre 1250 et 1325. Vers 1560, des travaux débutèrent sous la direction de Michel Ange et en parallèle avec des modifications sur le palais des conservateurs pour revêtir le toit de statues et, d’après Rodocanachi, « on mit une architrave de travertin autour de la porte qui conduisait aux prisons, un mascaron sur une porte, un plancher dans la salle neuve du premier collatéral ; il y eut des ouvrages de charpente et de maçonnerie ; on travaillait donc tant à l’extérieur qu’à l’intérieur et fort activement »[3]. La partie supérieure utilisée par Michel-Ange abrite aujourd’hui la mairie de Rome. Le Tabularium reste un des seuls monuments du Forum Romanum de la période républicaine qui nous est parvenu en état.

Notes et références

  1. a b et c Y. Perrin, Rome, ville et Capitale. Paysage urbain et histoire (IIe siècle av. J.-C. – IIe siècle ap. J.-C.), Paris, Hachette, 2001.
  2. a b et c F. Coarelli, Guide archéologique de Rome, Paris, Hachette, 1994.
  3. a b c et d E. Rodonachi, Le capitole romain antique et moderne, Hachette, 1905.
  4. P. Gros, L’architecture romaine : vol.1, les monuments publics, Paris, 1996.
  5. a b et c C. Daremberg & E. Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Paris, 1877.

Bibliographie

  • F. Coarelli, Guide archéologique de Rome, Paris, Hachette, 1994
  • C. Daremberg & E. Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Paris, 1877, voir en ligne
  • P. Gros, L'architecture romaines: vol.1, les monuments publics, Paris, 1996
  • J. Leclant (dir.), Dictionnaire de l'Antiquité, PUF, Quadrige, Paris, 2005
  • Y. Perrin, Rome, ville et Capitale. Paysage urbain et histoire (IIe siècle av. J.-C. - IIe siècle ap. J.-C.), Paris, Hachette, 2001
  • E. Rodocanachi, Le Capitole romain antique et moderne, Hachette, 1905
  • J.-P. Thuillier (dir.), Dictionnaire de l'antiquité grecque et romaine, coll. Dictionnaires, Carré Histoire, Hachette, Paris, 2002

Voir aussi

Articles connexes

Plan du Forum Romain
Liste des édifices du Forum Romain
Plan du Forum à la fin de l'époque républicaine.
Plan du Forum à la fin de l'Empire.