Sport féminin

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« La divine » Suzanne Lenglen

Le sport féminin couvre l'ensemble des pratiques sportives féminines, professionnelles, amateurs ou de loisirs. Présent dans certaines civilisations antiques comme en témoignent des vestiges archéologiques, il semble connaître une éclipse relative au cours du Moyen Âge et surtout des Temps Modernes. Il réapparaît timidement sous la forme de gymnastique au cours du XIXe siècle mais les formes sportives proprement dites ont beaucoup de difficulté à s'imposer et il faut attendre les Jeux olympiques de 1928 pour que le sport féminin fasse son apparition dans le programme olympique. Au XXIe siècle de très grandes disparités subsistent encore souvent dans le traitement des professionnalismes sportifs masculin et féminin.

Histoire

Antiquité

Mosaïque de la Villa romaine du Casale.

En Grèce, une stricte séparation des sexes est de mise dans la société, et le sport n'échappe pas à cette règle. Les femmes peuvent ainsi pratiquer librement, mais n'ont pas accès aux compétitions masculines, pas même en tribunes. Les Jeux Héréens constituent le rassemblement sportif féminin le plus important. Une course à pied d'environ 160 mètres est la seule épreuve de ce rendez-vous sportif qui se tient au mois de septembre tous les quatre ans. Les gagnantes, classées selon des catégories d'âge, reçoivent une couronne d'olivier et une portion de la vache sacrifiée à Héra. Ces épreuves ont une importance certaine. Sappho nous indique ainsi avec fierté qu'elle fut la monitrice d'une grande championne de course à pied[1].

Seule exception à l'interdit grec concernant les Jeux masculins, la course de chars. Dans cette épreuve, c'est le propriétaire du ou des chevaux qui reçoit le titre olympique et non le cocher. C'est toujours le cas aujourd'hui dans les courses hippiques. Ainsi, il était possible à une femme propriétaire de chevaux d'aligner un attelage aux Jeux masculins et de remporter un titre. C'est notamment le cas de Bellistiche de Macédoine qui est couronnée en 268 avant notre ère dans l'épreuve des biges (chars à deux chevaux) ou de la fille d'Agésilas II (396 avant notre ère et 392 avant notre ère).

À Rome, la présence des femmes en tribunes ne pose aucun problème. Elles peinent toutefois à entrer en lice dans les épreuves sportives masculines. Pas de femmes auriges (conducteur de chars), notamment. En revanche, on notera l'existence de rares cas de femmes gladiatrices, mais il est vrai que la gladiature n'est pas considérée comme un sport par les Romains mais comme un spectacle. La pratique sportive des romaines est toutefois attestée par des textes et des mosaïques, les jeunes filles au bikini de la Piazza Armerina au premier chef. Il s'agit essentiellement de sports loisirs et non de compétition.

Peinture médiévale montrant plusieurs femmes armées et montées sur des chevaux de guerre.
Femmes armées sur des chevaux de guerre.

Du Moyen Âge au XVIIIe siècle

La pratique sportive féminine reste limitée au Moyen Âge en Occident. Outre l'équitation, on trouve toutefois quelques rares traces de sportives en jeu de paume comme Margot la Hennuyère (née vers 1427) ou Anne de Beaujeu, future régente de France sous le nom d'Anne de France (1461-1522)[2]. Le concept même de loisirs (desport) est difficilement compatible avec la place de la femme dans la société médiévale[3].

Des études montrent que certaines femmes semblent s'entraîner et combattre dans les tournois médiévaux mais les représentations de Frauentournier (tournoi de femme) mettant en scène des chevaliers déguisés en femmes[4] peuvent induire en erreur.

XIXe siècle

La publication à Londres en 1820 du premier traité de gymnastique féminine marque le coup d'envoi d'un siècle qui est celui de nombreuses premières en matière de sport féminin, notamment dans l'aéronautique et l'alpinisme où les femmes rompent avec le modèle de l'« excursionnisme féminin » qui laissait les prouesses physiques aux hommes pratiquant un « excursionnisme cultivé » et aux bourgeois éclairés et aristocrates l'« alpinisme sans prétention » à but uniquement touristique[5]. Inévitablement, cela donne lieu à de très virulentes réactions de certains conservateurs : « la confusion des sexes est la Grande Peur de l'homme de l'an 1880 »[6]. Ce mouvement d'hostilité au sport féminin né au cours du XIXe siècle se poursuit au début du siècle suivant. En France, comme pour les hommes, les établissements d’éducation féminine font une place de plus en plus large aux exercices physiques au cours de la Restauration et du second Empire : le succès de l’ouvrage de Clias Callisthénie pour les jeunes filles en témoigne[7]. Et la Troisième République encourage le développement de la gymnastique chez les jeunes filles afin de donner aux hommes républicains des compagnes républicaines[8].

Pratiques sportives de classes sociales favorisées, elles sont plutôt mixtes (tennis, équitation) dans la noblesse alors qu'elles sont plutôt réalisées séparément (natation, gymnastique) dans la bourgeoisie intellectuelle et d'affaires[9].

Le développement du sport stricto sensu est cependant plus laborieux : les femmes ont beaucoup de mal à trouver place à l'Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA) créée en 1887 et Pierre de Coubertin est peu enclin à les accueillir aux Jeux olympiques : « Aux Jeux olympiques, leur rôle devrait être surtout, comme aux anciens tournois, de couronner les vainqueurs » car « une olympiade femelle est impensable, elle serait impraticable ... »[10]. Cette position s'appuie alors sur les réserves de la Faculté quant aux effets de l'effort violent sur la physiologie féminine : « ... peu importe la force de la sportive, son organisme n'est pas fait pour supporter certains chocs ». En 1922 l'éminent docteur Boigey rappelle encore que : « La femme n'est pas faite pour lutter mais pour procréer »[11]. Les anthropologues, médecins ou philosophes reconnaissent que les femmes peuvent être admises dans une activité sportive que lorsque celle-ci met en évidence leur grâce afin de pouvoir plaire à leur futur mari ou favorise leur fécondité[9]. Des injonctions normatives leur sont imposées, notamment au niveau de leur tenue morale et de leur costume. Ainsi, le port du pantalon par une femme est permis en gymnastique mais la jupe reste obligatoire pour les sports féminins qui se pratiquent dans un lieu public (vélo, sport équestre)[12].

XXe – XXIe siècle : vers la parité

Cependant ce sont bien les Jeux olympiques de 1900 tenus à Paris qui voient l'entrée en lice des premières femmes, six parmi les 1 066 athlètes, uniquement dans le tennis et le golf[13]. Et à la même époque les premières sections féminines de gymnastique apparaissent à Paris, Valenciennes, Le Havres puis Lyon un peu plus tard. L’Union française de gymnastique féminine (UFGF) les fédère lors d'une assemblée tenue à Lyon le 21 avril 1912 et celle-ci est déclarée à la préfecture du Rhône le 21 novembre[14]. Sous la présidence masculine de Monsieur Podestat (puis Amy à partir de 1921) elle comptabilise 80 associations affiliées en 1914[15].

La Grande Guerre signe l'émancipation des femmes et favorise l'éclosion de leur sport comme en atteste le premier match de football féminin disputé en France le 30 septembre 1917[16]. Le sport féminin proprement dit se développe au sein de l'Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA)[17] alors qu'à la fin de l'année 1916 deux associations parisiennes, Femina Sports et Académia, fondent une fédération dissidente destinée clairement à contrebalancer l'influence de l'UFGF : la Fédération des sociétés féminines sportives françaises (FSFSF)[18]. Celle-ci est déclarée officiellement le 18 janvier 1918 et Alice Milliat[19] en devient présidente l'année suivante. Le sport catholique féminin s'organise également à partir de 1919 et Marie-Thérèse Eyquem en devient une des grandes figures.

Bien que le baron de Coubertin y soit toujours défavorable, les femmes sont progressivement admises aux Jeux olympiques dans des sports de démonstration : boxe féminine aux Jeux olympiques d'été de 1904, natation et tennis aux JO de 1908 et de 1912, athlétisme et gymnastique aux JO de 1924[20].

1921 est l'année de tous les changements. Les sections féminines qui participent depuis 1917 aux compétitions d'athlétisme de l'USFSA en cours de dissolution se regroupent quelque temps au sein d'une éphémère Fédération féminine française des sports athlétiques (FFFSA) avant de fusionner avec l'UFGF au sein d'une Fédération féminine française de gymnastique et sports (FFFGS) qui devient dans l'année même Fédération féminine française de gymnastique et d'éducation physique (FFFGEP)[17] alors que la FSFSF poursuit son propre chemin sous le sigle simplifié de Fédération féminine sportive de France (FFSF)[21].

La première moitié du XXe siècle est marquée par une grande réserve des autorités sportives, politiques et médicales vis-à-vis du développement du sport féminin. Malgré cette campagne de dénigrement systématique parfois machiste, certaines championnes parviennent à exister médiatiquement telles la joueuse française de tennis Suzanne Lenglen et la très controversée Violette Morris dans les années 1920 ou l'américaine omnisports Mildred Didrickson Zaharias à partir des années 1930 et l'action d'Alice Milliat, entre autres, aboutit à la pleine reconnaissance du sport féminin lors des Jeux olympiques d'été de 1928. Cela se traduit par une augmentation constante de la proportion des femmes aux olympiades qui passent de 2 % du total des athlètes en 1912 à 30 % en 1992[22].

Il faut attendre les Jeux olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi pour voir les femmes admises au concours olympique de saut à ski, 90 ans après le premier concours olympique masculin à Chamonix en 1924.

Articles liés

Notes

  1. Sappho, frag. 66, citée par Violaine Vanoyeke, La naissance des Jeux Olympiques et le sport dans l'Antiquité, Paris, Les Belles Lettres, 1992, p.31
  2. Jean-Michel Mehl, Les jeux au royaume de France du XIIIe au début du XVIe siècle, Paris, Fayard, 1990, p.216
  3. Bernard Merdrignac, Le sport au Moyen Âge, Presses Universitaires de Rennes, 2005, chapitre « Le deuxième sexe », p.120-125
  4. (en) Allen Guttmann, Sports : The First Five Millennia, Univ. of Massachusetts Press, , p. 55
  5. Cécile Ottogalli-Mazzacavallo, Femmes et alpinisme. Un genre de compromis 1874-1919, Éditions L'Harmattan, , p. 292
  6. « Les femmes qui parlent », L'Echo, 23 mai 1886, cité par Bruno Dumons, Gilles Pollet et Muriel Berjat, Naissance du sport moderne, Lyon, La Manufacture, 1987, p.186
  7. Claude Piard 2001, p. 69
  8. Yvon Tranvouez 1999, p. 228
  9. a et b Emmanuel Laurentin, « Sport féminin » dans l'émission La Fabrique de l'histoire sur France Culture, 28 novembre 2013
  10. Pierre de Coubertin, Pédagogie sportive, 1922
  11. Florence Carpentier, Le sport est-il éducatif, Rouen, 2004, p.146
  12. Muriel Barbier, Shazia Boucher, Les Dessous Féminins, Parkstone International, , p. 136
  13. Michel Pautot, Le sport spectacle. Les coulisses du sport business, Éditions L'Harmattan, (lire en ligne), p. 65
  14. Raymond Barrull 1984, p. 235
  15. Raymond Barrull 1984, p. 244
  16. Laurence Prudhomme-Poncet, Histoire du football féminin au XXe siècle, Paris, L'Harmattan, 2003, p.36 (ISBN 2747547302)
  17. a et b Raymond Barrull 1984, p. 246
  18. Raymond Barrull 1984, p. 243
  19. [PDF]Biographie d'Alice Milliat sur le site du Ministère de la jeunesse et des sports
  20. Fernand Landry, Marc Landry, Magdeleine Yerlès, Sport, the Third Millennium, Presses Université Laval, , p. 364
  21. Raymond Barrull 1984, p. 247
  22. Michel Pautot, op. cité, p.66

Bibliographie