Al-Kawthar

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108e sourate du Coran
L’Abondance
Le Coran, livre sacré de l'islam.
Le Coran, livre sacré de l'islam.
Informations sur cette sourate
Titre original سُورَةُ ٱلْكَوْثَرِ
al-Kawthar
Titre français L’Abondance
Ordre traditionnel 108e sourate
Ordre chronologique 15e sourate
Période de proclamation Période mecquoise
Nombre de versets (ayat) 3
Ordre traditionnel
Ordre chronologique

Al-Kawthar (arabe : سُورَةُ ٱلْكَوْثَرِ, français : L’Abondance) est le nom traditionnellement donné à la 108e sourate du Coran, le livre sacré de l'islam. Elle comporte 3 versets. Rédigée en arabe comme l'ensemble de l'œuvre religieuse, elle fut proclamée, selon la tradition musulmane, durant la période mecquoise.

Origine du nom[modifier | modifier le code]

Bien que ne faisant pas partie de la proclamation, la tradition musulmane a donné comme nom à cette sourate L’Abondance[1], en référence au contenu du premier verset : « 1. Certes, Nous t'avons donné l'Abondance. ».

Historique[modifier | modifier le code]

Il n'existe à ce jour pas de sources ou documents historiques permettant de s'assurer de l'ordre chronologique des sourates du Coran. Néanmoins selon une chronologie musulmane attribuée à Ǧaʿfar al-Ṣādiq (VIIIe siècle) et largement diffusée en 1924 sous l’autorité d’al-Azhar[2],[3], cette sourate occupe la 15e place. Elle aurait été proclamée pendant la période mecquoise, c'est-à-dire schématiquement durant la première partie de l'histoire de Mahomet avant de quitter La Mecque[4]. Contestée dès le XIXe par des recherches universitaires[5], cette chronologie a été revue par Nöldeke[6],[7], pour qui cette sourate est la 5e.

Les sourates de la fin du Coran[Note 1] sont généralement considérées comme appartenant aux plus anciennes. Elles se caractérisent par des particularités propres. Elles sont brèves, semblent issues de proclamations oraculaires (ce qui ne signifie pas, pour autant, qu’elles en sont des enregistrements), elles contiennent de nombreux hapax[8]...

Pour Nöldeke et Schwally, la quasi-totalité des sourates 69 à 114 sont de la première période mecquoise. Neuwirth les classe en quatre groupes supposés être chronologiques. Bien que reconnaissant leur ancienneté, certains auteurs refusent de les qualifier de « mecquoise », car cela présuppose un contexte et une version de la genèse du corpus coranique qui n’est pas tranchée. Cette approche est spéculative[8].

En effet, ces textes ne sont pas une simple transcription sténographique de proclamation mais sont des textes écrits, souvent opaques, possédant des strates de composition et des réécritures Cela n’empêche pas ces sourates de fournir des éléments contextuels (comme l’attente d’une Fin des Temps imminente chez les partisans de Mahomet). Ces textes sont marqués par une forme de piété tributaire du christianisme oriental[8].

Pour Nöldeke[Note 2], Schwally et Blachère, cette sourate date de la première période mecquoise. Certains exégètes considèrent qu’elle fait référence à la mort de l'un des fils de Mahomet et qu’elle serait plus récente. Bell considère que la référence au sacrifice l’inclue dans les sourates médinoises. Pour certains auteurs, le début de cette sourate pourrait être perdu. Bell considère cette sourate comme un fragment, proposant qu’il est la suite du verset Q.74 :36[9].

Certains exégètes ont voulu rapprocher cette sourate d’épisodes de la vie de Mahomet. Cela ne va nullement de soi, cette sourate étant allusive et près d'un mot sur quatre qu'elle contient est un hapax. Pour Neuenkirchen, « il est facile de lui faire dire ce que l’on veut »[9].

Interprétations[modifier | modifier le code]

De nombreux traducteurs, tout au long de l'histoire, ont été embarrassés par la traduction de cette sourate[10]. Deux interprétations traditionnelles principales de cette sourate existent. Soit elle parle d'un des fleuves du Paradis offert par Allah au prophète Mahomet le jour du Jugement dernier - à la fin des temps -, soit d'un « bien abondant » qui lui est donné. Bien que la première prévale, elle n'a, pour Claude Gilliot, « aucun fondement lexical ». Pour corriger cette incohérence, ce fleuve est parfois associé à des biens reçus en récompense comme le musc. « L’imaginaire paradisiaque a vu le jour dans le milieu des sermonnaires et des combattants de la guerre sainte », « on pouvait encore « broder » sur les traditions attribuées au Prophète »[10].

Alors que les traductions canoniques de Al-Kawthar sont « abondance », « bienfait » ou encore « affluence » (dans celle de Jacques Berque), ce terme est un hapax et Luxenberg y voit un terme d’origine syro-araméenne, et le traduit par « persévérance ». L'étude des autres mots ambigus de cette sourate lui permet d'y reconnaître une réminiscence de la première épître de Pierre (5, 8-9) de la Peshitta[11].

La tournure du début de la sourate a permis à Theodor Nöldeke d'émettre l’hypothèse d'un début de sourate qui serait aujourd'hui perdu[12].


Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • P. Neuenkirchen, "Sourate 108", Le Coran des Historiens, 2019, p. 2157 et suiv.
  • R. Paret, Der Koran. Kommentar und konkordanz, 1980[Note 2].

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. L’auteur précise que ces remarques, si elles sont dans une partie consacrée aux sourates 69 à 99, s’appliquent aussi aux sourates 100 à 114.
  2. a et b Les islamologues ont utilisé plusieurs approches pour tenter de dater les différentes sourates du Coran. Paret et Neuwirth appartiennent à l’« école allemande » qui, à la suite de Nöldeke, s’appuie sur la chronologie traditionnelle et sur un récit « laïcisé » des traditions musulmanes. Autrefois dominant dans les études islamologiques, ce paradigme nöldekien n'est plus qu'« en partie présent ». Les auteurs du Coran des historiens appartiennent davantage à l’autre courant (dit « sceptique ») qui prend davantage en compte une critique des sources traditionnelles. Voir : Historiographie de l'islam et du Coran

Références[modifier | modifier le code]

  1. A. Chouraqui, Le Coran : L'appel, France, Robert Laffont, , 625 p. (ISBN 2221069641)
  2. G.S. Reynolds, « Le problème de la chronologie du Coran », Arabica 58, 2011, p. 477-502.
  3. R. Blachère, Introduction au Coran, p. 244.
  4. R. Blachère, Le Coran, 1966, p. 103.
  5. M. Azaiez, « Chronologie de la Révélation »
  6. G. Dye « Le Coran et son contexte Remarques sur un ouvrage récent », Oriens Christianus no 95, 2011, p. 247-270.
  7. E. Stefanidis, « The Qur'an Made Linear: A Study of the Geschichte des Qorâns' Chronological Reordering », Journal of Qur'anic Studies, X, II, 2008, p. 13.
  8. a b et c G. Dye, « Introduction aux sourates 69-99 », Le Coran des historiens, 2019, p. 1789 et suiv.
  9. a et b P. Neuenkirchen, "Sourate 108", Le Coran des Historiens, 2019, p. 2257 et suiv.
  10. a et b Claude Gilliot. L’embarras d’un ex´eg`ete musulman face `a un palimpseste. M¯atur¯id¯i et la sourate de l’Abondance (al-Kawthar, sourate 108), avec une note savante sur le commentaire coranique d’Ibn al-Naq¯ib (m. 698/1298). R. Arnzen and J. Thielmann. Words, texts and concepts crusing the Mediterranean area. Studies on the sources, contents and influences of Islamic civilization and Arabic philosophy and science. Dedicated to Gerhard Endress on his sixty-fifth birthday, Peeters, p. 33-69, 2004
  11. Claude Gilliot, « L'origine syro-araméenne du Coran », le Nouvel Observateur Hors-série, avril/mai 2004, p. 64-65.
  12. Th.Nöldeke, Geschichte des Qorans, I, p. 92-3