Saturation des inégalités de Heisenberg

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Le principe d'incertitude de Heisenberg en mécanique quantique est lié à un théorème d'inégalité. Cette inégalité est dite saturée quand il y a égalité. Quand cette saturation est vérifiée, l'état |> est souvent intéressant à étudier :


Soit A et B deux opérateurs observables qui ne commutent pas, et iC leur commutateur, et soit A et B centrés, alors au mieux


Rappel de la démonstration du théorème d'inégalité[modifier | modifier le code]

L'énoncé du théorème est (cf principe d'incertitude) :

Soit A et B deux opérateurs observables qui ne commutent pas : alors on ne peut pas mesurer simultanément A et B ! Le manque de précision est relié à leur commutateur iC. L'opérateur C est hermitien, donc la grandeur observable <C> est réelle. Soit dans l'état | , var(A) la variance de A , et de même var(B), celle de B, l'inégalité se réécrit aussi :

Démonstration :

Soit l'observable centrée :. (idem pour )

L'inégalité de Schwarz appliquée à > et donne

Or (avec , et donc est réel)

Donc , avec saturation ssi

Saturation[modifier | modifier le code]

Il y a saturation si  : cet état réalise le minimum d'incertitude.

Par addition, qui est nulle dans ce cas (on dit parfois que la corrélation quantique de et est nulle); et par soustraction que ,

d'où la valeur de  ; ce qui permet souvent d'évaluer .

Alors on dit que annihile l'état saturé.

Application à la particule libre[modifier | modifier le code]

Si la particule est libre, en considérant et , on trouve immédiatement :

, donc , d'où la valeur de , et dans l'état saturé. Soit en résolvant cette équation différentielle du premier ordre:

, avec

C'est le paquet d'ondes gaussien, avec évidemment .

Retrouver une gaussienne n'est pas trop étonnant; mais une faille importante s'introduit dans la dépendance temporelle, à cause de la dispersion inévitable de  : le paquet d'onde va s'étaler dans le temps. Il faudra donc qu'un potentiel intervienne pour limiter la dispersion : c'est le cas de l'oscillateur harmonique.

Application à l'oscillateur harmonique[modifier | modifier le code]

Dans le cas du potentiel 1/2 K x², on a toujours :

var(X).var(P) = 1/4 ,

Donc l'énergie E = 1/2 K.var(X)+1/2 var(P)/m est bornée inférieurement par :

.

  • pour la saturation, E= Eo et l'opérateur d'annihilation donnera encore un paquet d'onde gaussien, mais cette fois la variance est indépendante du temps et on a :

.

  • Ce paquet d'onde est stationnaire (l'énergie est parfaitement connue) et s'étale dans le fond de la cuvette de potentiel; son gradient donne une énergie cinétique moyenne, moitié de l'énergie Eo.
  • Remarque : le théorème du viriel, aussi, donne <Ec> = <Ep> = Eo/2.
  • Ordre de grandeur : dans le cas d'une molécule diatomique covalente, la distance d(A-B) varie toujours un peu, à cause de la fluctuation quantique, d'une grandeur dont la variance est, on l'a vu, <X²>= , où ici m est la masse réduite de A et de B, et K la raideur de la liaison covalente (typiquement donnée par 2V"(x=d), où V(x) est le potentiel de Morse du modèle d'interaction covalente, soit K = 13,6 eV/(0,52 Å)^2 = ~ 2000N/m, ce qui conduit à var(X)~ d² 1/1836. A.B/(A+B); inutile donc de donner les distances interatomiques à mieux que 3 %.
  • Cas de l'hélium : il existe des cas plus surprenants. Supposons que la liaison ne soit pas covalente mais plutôt de Lenard-Jones (modèle des liaisons de Van der Waals) comme dans un cristal de gaz rare. Alors K est bien moins élevée et on peut dans le cas de l'hélium se retrouver avec une vibration quantique à température nulle, var(X) ~ d²/10. Or ce critère est celui de Lindemann, pour la possibilité de diffusion des atomes du cristal; celui-ci perd sa cohésion, c'est un LIQUIDE. Ainsi explique-t-on l'anomalie de l'hélium qui est le seul corps impossible à cristalliser par refroidissement seul; il faudra en quelque sorte "raidir" la valeur de K en appliquant une pression pour obtenir l'hélium stable en phase solide.

Application à la cuvette 1/n A x^n[modifier | modifier le code]

À nouveau, l'état fondamental correspondra à la saturation, avec cette caractéristique <Ec> = 1/4 . /m v(X). et le théorème du viriel donnera <Ec>/n-1 = <Ep> = Eo/n ; ce qui donne (ne serait-ce que par analyse dimensionnelle):

  • le paquet d'onde "saturé" reste donc gaussien.

Application à l'oscillateur 3D[modifier | modifier le code]

Dans le cas du potentiel 1/2 k (x² + y² + z²), il est clair que la séparation des variables donne immédiatement la fonction d'onde : , avec :

Inégalité de Heisenberg radiale[modifier | modifier le code]

Afin de pouvoir traiter l'atome d'hydrogène, on va introduire l'inégalité de Heisenberg radiale, ce qui est relativement moins étudié dans la littérature.

On considère uniquement les états s, à symétrie radiale.

  • Soit R l'opérateur tel que R² = X² + Y² + Z² := X1² + X2² + X3², en changeant de notation afin de pouvoir éventuellement généraliser (idem pour P )

Le commutateur de P1 et de R est [P1, R] = -i X1/r (on a pris ).

Et donc on reconnaît la dérivation usuelle : [P1,g(R)] = -i (X1/r).g'(R).


  • Soit A1 l'opérateur A1 := P1 + k X1.f(R), k réel, f(r) aussi.

Soit N l'opérateur N := A1*. A1 + A2*. A2 + A3*. A3 (parce qu'on pense à la généralisation de l'opérateur nombre de bosons)

Le calcul donne : N = P² +k².r².f(R)² + k (3f(R) + R.f'(R)), opérateur positif pour tout k.

D'où l'inégalité de Heisenberg radiale pour les états s de symétrie radiale :

, pour toute f(r) réelle.

En saturation, on retrouve bien les résultats précédents de l'oscillateur 3D, en prenant f(r)=1.

Si f(r) = r^k, on trouve :

avec la même limitation qu'en mécanique classique: k > -3.

Application à l'atome d'hydrogène[modifier | modifier le code]

Dans le cas du potentiel V(r) = -e²/r, choisir f(r) = 1/r :

L'inégalité de Heisenberg saturée s'écrit cette fois:

, en appelant a la moyenne harmonique de R (c’est-à-dire la moyenne de l'opérateur 1/R).

  • la valeur de k assurant la saturation est juste k = -/a
  • on en déduit que la fonction d'onde est annihilée par A1 := P1 -/a.1/R, soit aussi, puisque la fonction d'onde ne dépend que de r ,

.

D'où il résulte que  :

Il s'agit de la fonction d'onde saturée (naturellement, on vérifie que <1/R> = 1/a) .

  • Énergie minimale: l'inégalité de Heisenberg donne aussi:

E = <Ec> +<Ep> > = var(P)/2m -e²<1/R> = ,

égalité toujours vraie, pour tout état s.

Cette énergie est minimale quand elle est saturée et que a (moyenne harmonique de r) vaut :

, d'où

(conformément au théorème du viriel).

On a ainsi trouvé ce que ne pouvait pas donner la théorie de l'atome de Bohr (il y avait inexistence des états s) : la non-commutativité et la saturation de l'inégalité de Heisenberg sont ainsi inscrits au cœur profond de la Mécanique quantique.

Remarque interrogative : y a-t-il une relation avec le fait que c'est <1/r> qui intervient, et le changement de variable de Binet u(t) = 1/r(t) en mécanique classique ?

note, les états cohérents : Plus généralement, il se trouve souvent que les cas de saturation se retrouvent être des états propres de l'hamiltonien. Il y a beaucoup de liens entre cette remarque anodine et la théorie plus sophistiquée des états cohérents.

Compléments sur l'Énergie cinétique radiale[modifier | modifier le code]

Ce paragraphe se place dans le cadre des précédentes réflexions, où la non-commutativité joue un rôle crucial.

L'opérateur impulsion vaut, d'après Dirac, .

L'opérateur énergie cinétique s'écrit donc : .

L'habitude est de séparer l'opérateur P² en deux opérateurs quand le champ est central, en faisant intervenir l'opérateur moment cinétique L et l'opérateur impulsion-radiale Pr et il convient d'être très prudent :

,

étant précisé que L.P = 0 et L.r = 0 en tant qu'opérateurs.

L'opérateur P²r agit sur une fonction d'onde découplée S(r)/r . f( ) comme -

Le calcul de l'opérateur dr/dt est donné par le théorème usuel :

 ;

avec , il vient :

dr/dt = Pr/m , ce qui est somme toute assez facile à retenir mnémotechniquement.

Si la symétrie radiale est respectée, [L², H] = 0 et dans l'état de moment cinétique l, L² = l(l+1) , alors :

.

ceci conduira à une équation radiale assez simple à mémoriser (cf atome d'hydrogène).

Mais il reste à expliquer pourquoi tous les calculs se combinent aussi bien. Et de plus, dans le cas coulombien, expliquer la symétrie SO(4) qui donne le vecteur excentricité. Voir aussi vecteur de Runge-Lenz.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]