Sadia (Starmania)

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Sadia
Personnage de fiction apparaissant dans
Starmania.

Naissance Monopolis (probablement)
Décès Monopolis
Sexe Féminin
Cheveux Bleu azur
Activité Etudiante, agent double
Affiliation
Entourage
  • Zéro Janvier (patron)
  • Ziggy (animosité puis intérêts réciproques)
Ennemie de

Créée par Michel Berger, Luc Plamondon
Interprétée par
Première apparition 1978 : Starmania, ou la passion de Johnny Rockfort selon les évangiles télévisés (album)
Dernière apparition 2022 - : Starmania (spectacle mis en scène par Thomas Jolly et Samy Zerrouki)

Sadia est un personnage de Starmania, l'opéra-rock de Michel Berger et Luc Plamondon.

Présentation[modifier | modifier le code]

Genre[modifier | modifier le code]

Le genre de Sadia n'est pas clairement défini. Le personnage est genré au féminin par les autres protagonistes mais affirme lui-même ne pas vouloir être appelé madame et insiste sur le fait qu'il n'est pas une femme[1]. La chanson Travesti est en outre au masculin.

Wenta, qui l'interprète en 1988, et Michel Berger s'opposent d'ailleurs sur ce point. « Pour lui, c'était une femme qui se faisait passer pour un travesti par provocation. Pour moi, c'était vraiment un travesti. C'était plus fort, plus excitant à jouer. » explique la chanteuse. « Et ça justifiait d'autant mieux pour moi que Johnny la quitte pour une vraie femme et qu'elle ait envie de tout détruire. Elle ne s'accepte pas telle qu'elle est, elle ne trouve pas sa place, d'où sa violence. Ce qui compte, ce sont les motivations intérieures qui vous font comprendre le personnage. [...] Pour moi, Michel n'assumait pas l'idée du travesti. Luc était plus à l'aise avec ça »[2].

Certains spectateurs perçoivent Sadia comme gender-fluid, une position partagée par The New York Times[3].

L'équipe de la tournée 2022-2024 use du pronom féminin[4].

L'article qui suit se conforme à la présentation officielle faite du personnage à chaque version et emploie également le féminin.

Biographie fictive[modifier | modifier le code]

Sadia est une étudiante agitatrice travestie issue de la haute société. Marie-Jeanne, serveuse à l'Underground Café, la définit comme une révolutionnaire, une « fille à papa qui a des idées bien arrêtées », tout juste diplômée de l'université[5]. Elle ne cache pas sa véritable nature et la revendique fièrement[1] :

« Si vous pouviez me voir toute nue
Me voir sous toutes mes coutures
Messieurs vous n'seriez pas déçus
De découvrir ma vraie nature
[...] N'm'appelez pas Madame
Sans savoir qui je suis
Je n'suis pas une femme
Je suis un travesti »

Très vite, elle se rapproche de Johnny Rockfort et son gang à l'Undergound Café (devenu leur lieu de ralliement), sous le regard méfiant de Marie-Jeanne. Sadia exerce aussitôt une forte fascination sur le chef de la bande. Selon la serveuse, l'alchimie entre eux est palpable : dès leur première rencontre, « ils sont restés debout au bar [et] ont parlé très tard »[6].

Sadia prétend voir en Johnny l'arme qu'il lui faut pour « briser Zéro Janvier », un milliardaire aux idées totalitaires et candidat à la présidence. Johnny refuse dans un premier temps de se joindre à Sadia dans sa croisade contre Janvier, par crainte de la récupération politique (« Moi, j'fais pas ça pour des idées »). Sadia joue alors sur le besoin de reconnaissance du jeune homme en lui promettant qu'il deviendra quelqu'un d'important. C'est aussi elle qui propose à Johnny le nom des Étoiles Noires, arguant que « dans les souterrains les étoiles ne brillent pas fort, Monsieur Johnny Rockfort »[7].

Par la suite, ils deviennent inséparables et Sadia s'impose en tête pensante du groupe. Sous son impulsion, la notoriété des rebelles explose. Aux informations, Johnny et sa bande font régulièrement les gros titres.

La relation entre Sadia et Johnny reste très ambiguë. Leur complicité est évidente et Rockfort accepte ses ordres sans tergiverser ; ils semblent entretenir une certaine forme de romance (ce que la jalousie de Sadia corroborera par la suite).

Pour augmenter le prestige du groupe, Sadia arrange une interview de Johnny avec Cristal, la présentatrice-vedette de l’émission télévisée Starmania[8]. L'entretien a lieu trois jours plus tard, à l'Underground Café. Entre Sadia et Cristal, la rencontre est houleuse (Marie-Jeanne affirme qu'elles sont « comme le feu et l'eau ») ; Sadia prend ombrage de la présence de Cristal, surtout lorsque Johnny la congédie froidement (« mêle-toi de c'qui te regarde »)[9]. Sa jalousie n'est pas sans fondement : au premier regard, c'est le coup de foudre entre Johnny et Cristal. Dès la fin de l'entretien, Cristal s'enfuit avec Johnny et rejoint le groupe[10].

Alors que les Étoiles Noires se sont retranchées dans un hangar désaffecté, Johnny délaisse Sadia au profit de la présentatrice. La nouvelle venue déplaît d'autant plus à cette dernière que son influence décline inexorablement sur la bande. Une dispute éclate entre eux lorsque Sadia reproche à Johnny de suivre aveuglément Cristal[11] :

« Johnny Rockfort : O.K. à partir d'aujourd'hui / C'est moi qui prends les décisions !
Sadia : Oui, mais si moi j'ai pas envie / De jouer les seconds violons ?
Johnny Rockfort : Alors personne ne te retient / Tu fais ce que tu veux !
Sadia : Johnny, je te préviens / Tu joues avec le feu... »

La rivale de Cristal quitte donc les Étoiles Noires sur cette menace à peine voilée.

Sadia propose à Ziggy, un jeune disquaire homosexuel et ami de Marie-Jeanne, de devenir disc-jockey à Naziland. Il s'avère que cette discothèque populaire est la propriété de Janvier. Par l'intermédiaire de Ziggy, Marie-Jeanne comprend avec stupeur que Sadia travaille en réalité pour le milliardaire[12].

Sadia apprend que Johnny, Cristal et les Étoiles Noires s'apprêtent à poser une bombe à Naziland. Elle les dénonce, sans qu'il ne soit précisé s'il s'agit d'un acte politique ou d'une revanche provoquée par sa jalousie. Sa trahison entraîne la mort de Cristal et le déclin des Étoiles Noires. Dans certaines versions, la présentatrice est tuée par la garde de Janvier ; dans la tournée 2022-2024, c'est Sadia elle-même qui abat Cristal de sang-froid.

Si elle survit dans la plupart des versions, le spectacle mis en scène par Thomas Jolly propose un dénouement différent : Johnny se suicide en activant la bombe, la dépouille de Cristal serrée contre lui. Il entraîne dans la mort toutes les personnes présentes à Naziland parmi lesquelles Janvier, Ziggy et Sadia.

Caractère[modifier | modifier le code]

Sadia est une figure profondément tragique, ambigue, violente, excessive, caractérisée par son extrême détermination. Son charisme est évident : dès qu'elle fait son apparition, les clients de l'Underground Café restent cois et Johnny la vouvoie lors de leur première rencontre[6]. Il n'y a guère que Marie-Jeanne pour lui tenir tête dans certaines versions, notamment dans celle de 1989 au Théâtre Marigny où la serveuse la défie ouvertement lors de La chanson de Ziggy[13]. Elle démontre un sens de la stratégie remarquable et une grande intelligence, doublée d'un caractère de caméléon qui lui permet à la fois de frayer dans les bas-fonds de Monopolis et les hautes sphères de la capitale. C'est une leader de l'ombre, elle tire les ficelles en coulisses et s'avère vite le cerveau des Étoiles Noires ; la production 2022 estime que Sadia évolue « dans le monde de la violence, telle une lumière dans la nuit qui guide et rassemble les forces obscures »[4].

Ses véritables motivations restent troubles et ne sont jamais clairement explicitées. Selon les interprétations, elle peut soit être une taupe envoyée par Zéro Janvier pour faire des Étoiles Noires la cible à abattre, jouer sur la peur qu'inspire le groupe au grand public et augmenter ainsi le prestige du candidat à la présidence ; soit être une révolutionnaire qui trahit sa cause par dépit amoureux. Par ailleurs, rien n'exclue l'idée que Sadia ait été envoyée par Janvier auprès de Johnny et soit tombée amoureuse de lui au point de trahir son patron : dans tous les cas, l'arrivée de Cristal et le rejet de Rockfort la poussent à se rallier au milliardaire.

Les créateurs de la tournée 2022-2024 estiment que son revirement repose sur « la désillusion et le désespoir de ne pas être aimée par [Johnny Rockfort] »[4]. En ce sens, elle semble éprouver une affection sincère pour le chef des Étoiles Noires, amour qui s'écroule avec l'apparition de Cristal. Selon Thomas Jolly, Sadia provoque elle-même sa mort, via la chanson prophétique Ce soir on danse à Naziland où elle entonne les paroles suivantes : « on est tous des morts en vacances mais on s'en fout ce soir on danse »[14]. En assassinant Cristal et en laissant la vie à Johnny, elle sait que ce dernier finira par déclencher la bombe, emportant l'édifice et l'ensemble des personnes présentes à Naziland dans l'explosion. Toujours selon Jolly, Sadia possède « cet orgueil de connaître la fin de l'humanité et de ne prévenir personne. [...] Parce qu'elle va finalement profiter de cette chute-là pour mettre fin à ses jours »[15].

Représentation physique[modifier | modifier le code]

L'une des caractéristiques de Sadia : les cheveux bleus.

Femme fatale dans l'âme, Sadia est définie comme une personne attirante, très à l'aise avec son corps, qui attire d'emblée l'attention[6]. Elle possède un style marqué, assumant totalement son look au gré des différentes versions.

Si elle se caractérise par une « chevelure d'un bleu azur »[1], il est rare que sa couleur capillaire iconique apparaisse sur scène. La créatrice du rôle, Nanette Workman, porte très brièvement une perruque bouclée bleue avant de revenir à sa coupe brune naturelle. Wenta arbore les cheveux noirs, là où Jasmine Roy et Maude Grenier possèdent toutes les deux une pixie cut destructurée blonde. Seules Kwin et Manet-Miriam Baghdassarian affichent la fameuse crinière turquoise de Sadia.

Interprètes[modifier | modifier le code]

La question du genre[modifier | modifier le code]

Au sein des différentes productions, Sadia a toujours été campée par des femmes.

Dans les années 90, le metteur en scène Lewis Furey avait proposé à Norman Groulx (alias Johnny Rockfort dans les productions 1986, 1988 et 1994) d'endosser le rôle. Groulx a refusé, un choix dont il doutera plus tard : « J'ai refusé de jouer Sadia. Je ne comprenais pas cette proposition étrange. Aujourd'hui, je le regrette un peu, d'autant que, du coup, ils n'ont pas gardé l'idée. Ils n'ont peut-être pas trouvé l'homme qu'il leur fallait pour interpréter une Sadia masculine »[16].

Quant au spectacle de 2022, si Thomas Jolly avait lui aussi envisagé un homme pour incarner Sadia, ouvrant de ce fait un casting mixte, c'est finalement Manet-Miriam Baghdassarian qui décroche le rôle : transcendé par son audition, le metteur en scène estime que la proposition de l'artiste est telle qu'il se doit de lui confier le personnage[15].

Lors des émissions organisées en hommage à l'opéra rock, la chanson phare de Sadia, Travesti, est également confiée à des femmes : Jenifer pour Starmania 1979-2009 : Une histoire pas comme les autres[17] puis Sofia Essaïdi à l'occasion des 40 ans de Starmania : Les stars chantent pour le Sidaction[18]. Yannick Noah fait figure d'exception en s'essayant au titre durant Les Enfoirés chantent Starmania[19].

Liste des interprètes[modifier | modifier le code]

Sur scène, Sadia est campée successivement par Nanette Workman (1978-1979), Sylvie Boucher (1980), Maude Grenier (1986-1987), Wenta (1988-1989), Bruna Giraldi (1989), Gundula (1991), Jasmine Roy (1993), Kwin (1997) et Manet-Miriam Baghdassarian (2022-2024) et Julie Vergès (2023).

Vision des interprètes et des créateurs sur le rôle[modifier | modifier le code]

Pour Wenta (Starmania 88), s'imprégner du personnage se révèle une expérience éprouvante : « J'ai beaucoup ramé au début. Sadia était si violente que j'ai eu des problèmes émotionnels pour l'interpréter. Sans entrer dans les détails, j'ai subi de la violence quand j'étais petite [...]. Quand, chaque soir, j'entrais en chantant Je suis sur la violence personnifiée, je faisais des crises de tachycardie paroxystique épouvantables ». La chanteuse doit aussi se plier à des exercices rigoureux en compagnie du chorégraphe Hervé Lebeau afin de s'approprier « la démarche, l'énergie » de Sadia[16].

Dans les années 90, après avoir renoncé à son idée de voir Sadia incarnée par un homme, Lewis Furey porte son choix sur Jasmine Roy. Pour cette dernière, l'explication est toute trouvée : « Un jour, on m'a téléphoné en me disant que j'étais beaucoup plus agressive et violente que les garçons auditionnés, et que le rôle était à moi »[16].

Manet-Miriam Baghdassarian, dernière interprète en date du rôle, estime que « Sadia peut modifier sa forme pour s'adapter à toutes les situations dont elle a besoin. C'est un prédateur, un personnage avec une beauté dramatique. Une séductrice. Moi, dans la vie, je suis une personne calme, je suis totalement dénuée d'agressivité, j'aime les gens ; je suis aux antipodes de Sadia. Quand je la joue, il y a quelque chose qui s'anime en moi, un état d’esprit que je suis incapable d'activer quand je ne suis pas elle. Sadia n'est pas juste une manipulatrice, c'est aussi une femme en souffrance. C'est vraiment un personnage passionnant à interpréter »[4]. De par leur complexité, Stella Spotlight et Sadia sont les anti-héroïnes préférées du metteur en scène Thomas Jolly[15].

Chansons dans l'opéra rock[modifier | modifier le code]

Sadia interprète les titres suivants :

  • Quand on arrive en ville, duo avec Johnny Rockfort[20] ;
  • Travesti ;
  • Sadia et Johnny, duo avec Johnny Rockfort ;
  • Le coup de téléphone, trio avec Johnny Rockfort et Cristal ;
  • Trio de Jalousie, trio avec Johnny Rockfort et Cristal ;
  • Ce soir on danse à Naziland ;
  • Le Tango de l'Amour et de la Mort (uniquement en 1979)

Liens externes[modifier | modifier le code]

Références et notes[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Chanson de Starmania : Travesti.
  2. « STARMANIA...Interview de Wenta !!! », sur starm.free.fr (consulté le )
  3. (en-US) Laura Cappelle, « France Cheers for a Musical It Loves but Hasn’t Watched », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  4. a b c et d « Sadia », sur Starmania (consulté le )
  5. Chanson de Starmania : Scène 1
  6. a b et c Chanson de Starmania : Scène 2 (Flash-back).
  7. Chanson de Starmania : Sadia et Johnny.
  8. Chanson de Starmania : Scène 2 (« Je vais lui proposer / Une interview / En exclusivité / Avec Johnny Rockfort / A l'Underground Café [...] C'est le scoop de sa vie / Elle peut pas passer à côté »).
  9. Chanson de Starmania : Le coup de téléphone.
  10. Chanson de Starmania : Scène 8 (Le bulletin spécial de Télé Capitale).
  11. Chanson de Starmania : Trio de la Jalousie.
  12. Chanson de Starmania : Duo d'adieu (« Si tu veux savoir la vérité / Sadia travaille pour Zéro Janvier »).
  13. Captation du spectacle réalisée par Gérard Pullicino et sortie en DVD le 24 novembre 2000.
  14. Chanson de Starmania : Ce soir on danse à Naziland.
  15. a b et c « Entretien avec Thomas Jolly dans le podcast Les rois du monde est stone » (consulté le )
  16. a b et c François Alquier, L'aventure Starmania, Hors Collection, , 168 p. (ISBN 978-2258142855), p. 100-101 ; 127
  17. « Jenifer : les 10 moments les plus sexy de la bombe de "The Voice Kids" », sur www.puretrend.com, (consulté le )
  18. « Vidéo : Sofia Essaïdi chante Travesti pour le Sidaction. », (consulté le )
  19. « Travesti | Les Enfoirés », sur www.enfoires.fr, (consulté le )
  20. Sadia n'interprète pas Quand on arrive en ville dans la version 2022-2024, la chanson apparaissant comme un titre solo de Johnny Rockfort.