Sébastien Peytel

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Sébastien Peytel
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Sébastien-Benoît Peytel, né le à Mâcon et mort le à Bourg-en-Bresse, est un critique littéraire français, actionnaire du journal Le Voleur. Devenu notaire dans l'Ain en 1838, il est accusé de l'assassinat de son épouse, Félicie Alcazar Peytel, et de son domestique, Louis Rey. Il est condamné à mort et guillotiné, malgré le soutien d'Honoré de Balzac, de Paul Gavarni et d'Alphonse de Lamartine. Sébastien Peytel épouse Félicie Alcazar le 7 avril 1838, alors qu'il est endetté. Le 2 novembre 1838 Félicie Alcazar est assassinée[1].

Les faits[modifier | modifier le code]

Dans la soirée du , sur la route départementale d'Ambérieu à Belley, dans l'Ain, non loin du pont d'Andert qui enjambe le Furans, Joseph Thermet, maréchal-ferrant, est réveillé en sursaut par Sébastien-Benoît Peytel, notaire à Belley. Selon ses dires, ce dernier ramène de Mâcon, dans sa voiture, sa femme Félicie, née Alcazar, mortellement blessée par Louis Rey, leur domestique, qui aurait tiré sur elle un coup de pistolet. Peytel se serait lancé à la poursuite de l'assassin et l'aurait assommé à coups de marteau, laissant le cadavre sur la route[2].

Il est près de minuit quand le phaéton transportant la mourante, conduit par Peytel qui était accompagné de Thermet et de son fils Charles, arrive à Belley, devant la maison où habitent M. Jordan, président du Tribunal civil, et son beau-frère le docteur Martel. Ce dernier constate alors la mort de madame Peytel.

Le substitut Guyonnet commence immédiatement l'enquête notamment en se rendant sur les lieux et découvre le corps du domestique gisant sur la route, dans la montée vers Belley à environ 800 mètres du pont. Peytel est mis sous mandat d'arrêt le 2 novembre[3].

Le jugement[modifier | modifier le code]

Des haines politiques enveniment l'instruction[4]. Et le soutien que les Parisiens apportent à Peytel indispose les magistrats et l'opinion publique. On reproche le parisianisme de Lamartine, lorsqu'il apporte son « attestation unanime de la pureté des antécédents de Peytel[5] ». À Balzac, on reproche sa tenue négligée qui fait mauvais effet. À Peytel, on reproche surtout ses écrits de journaliste politique lorsqu'il a fait paraître dans Le Siècle, sous le pseudonyme de « Louis Benoît, jardinier », une Physiologie de la poire illustrée par Henry Monnier, qui est une allusion insolente au roi Louis-Philippe Ier[6]. Quant à Gavarni, il est connu pour ses sympathies anti-gouvernementales[7].

Le procès devant les Assises de l'Ain s'ouvre le 26 août 1839, et dure six jours. Peytel est défendu par Me Margerand, de Lyon, et Me Guillon, de Bourg. Finalement, les jurés répondent oui aux quatre questions : 1) Peytel est-il coupable d'avoir commis un meurtre sur Louis Rey, son domestique ? 2) Ce meurtre a-t-il été commis avec préméditation ? 3) Peytel est-il coupable d'avoir commis un meurtre sur Félicie Alcazar, son épouse ? 4) Ce meurtre a-t-il été commis avec préméditation ? Peytel est donc condamné à mort[8].

Défense de Peytel[modifier | modifier le code]

Honoré de Balzac et Paul Gavarni arrivent dans l'Ain le 9 septembre 1839. Au terme d'une enquête fouillée, Balzac publie trois articles dans Le Siècle de Léon Gozlan, les 27, 28 et 29 septembre. Il souligne l'inanité du mobile attribué à Peytel : tuer sa femme pour s'emparer de sa rente, et la possibilité qu'aurait eu Peytel de commettre un tel assassinat en un lieu plus secret sur la route de Mâcon à Belley[9].

Balzac prend à cœur la défense de Peytel non pas, comme on l'a prétendu, pour se chercher une affaire Calas, mais parce qu'il y avait eu une erreur judiciaire dans sa famille : son oncle avait été guillotiné, accusé injustement du meurtre d'une fille de ferme[10] et aussi parce qu'il avait bien connu Peytel, qu'il estimait.

Le 10 octobre, le pourvoi en cassation est rejeté. Peytel réussit à envoyer un message à Gavarni, bien qu'il soit intercepté et lu par Louis-Philippe qui le laisse parvenir à son destinataire. Le roi des Français aurait hésité pendant 48 heures à gracier Peytel, mais il laisse la justice suivre son cours[11].

Erreur judiciaire ?[modifier | modifier le code]

On n'a jamais pu faire la lumière sur ce fait divers qui a d'ailleurs très vite laissé les cercles parisiens indifférents, à l'exception de Balzac qui va même jusqu'à demander l'appui de la duchesse d'Abrantès. Victime à la fois de sa réputation et des soutiens maladroits qui lui ont été accordés, Peytel est reconnu coupable. « Je vous ferai lire un jour ce qu'il m'a écrit avant d'aller à l'échafaud […]. Il a été martyr de son honneur[12]. » Le , Sébastien Peytel est guillotiné sur le champ de foire de Bourg-en-Bresse.

Certains commentateurs pensent que ce fut une erreur judiciaire, comme cela avait été le cas pour l'oncle de Balzac[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Benjamin Suc, « Chronologie Affaire Peytel – LIMONADE & CO », (consulté le )
  2. Pierre-Antoine Perrod (préface de Marcel Bouteron), L'Affaire Peytel, Paris, Hachette, 1958, p. 88.
  3. Léon Treich, « L'impénétrable énigme du pont d'Andert », Historia, no 114,‎ , p. 495-502 (p. 497).
  4. Honoré de Balzac, « Lettre sur le procès Peytel », dans Œuvres complètes, Club de l'Honnête, t. XXVII, p. 663.
  5. Pierre-Antoine Perrod, L'Affaire Peytel, op. cit., p. 174-175.
  6. Sébastien Peytel (sous le pseudonyme de Louis Benoît, jardinier), Physiologie de la poire, Paris, Libraires de la place de la Bourse, (lire en ligne)
  7. Pierre-Antoine Perrod, L'Affaire Peytel, op. cit., p. 104-105.
  8. Léon Treich, art. cit., p. 500.
  9. Léon Treich, art. cit., p. 500-502.
  10. Pierre-Antoine Perrod, L'Affaire Peytel, op. cit., p. 182.
  11. Léon Treich, art. cit., p. 502.
  12. Correspondance de Balzac à madame Hanska, Lettres à l’étrangère, 4 vol., Paris, Calmann-Lévy, 1899, t. I, p. 52.
  13. Pierre-Antoine Perrod, « Nouveaux documents sur l'affaire Peytel : la genèse d'une erreur judiciaire », dans L'Année balzacienne, 1982, no 3, p. 7-30.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Francisque Allombert, Sébastien Peytel : un notaire mâconnais meurtrier, guillotiné à Bourg-en-Bresse le 28 octobre 1839, Mâcon, J.P.M. Éditions, coll. « Dans le cabinet du juge Alain », , 272 p.
  • Gouvernet, Le drame mystérieux du pont d'Andert : discours de rentrée à l'audience solennelle de la cour d'appel de Besançon, 16 septembre 1963, Besançon, Établissements Camponovo, , 47 p.
  • Pierre-Antoine Perrod (préface de Marcel Bouteron), L'Affaire Peytel, Paris, Hachette, 1958.
  • Pierre-Antoine Perrod, « Nouveaux documents sur l'affaire Peytel : la genèse d'une erreur judiciaire », dans L'Année balzacienne, 1982, no 3.
  • André Maurois, Prométhée ou la vie de Balzac, Hachette, 1965, p. 397-399.
  • Madeleine Berry, « Balzac, Gavarni et l'affaire Peytel [1839] », dans La Revue des deux Mondes, 1974, no 9, p. 575-589.
  • René Escaich, « Erreurs judiciaires : l'affaire Peytel », Petites affiches, , no 102, p. 19.
  • Michel Lichtlé, Balzac et l'affaire Peytel. L'invention d'un plaidoyer, PUF/L'Année balzacienne, 2002 (ISBN 2130533426).
  • Document wikisource sur l'affaire Peytel : Page:Balzac Histoire des œuvres 1879.djvu/260

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