Régence (1715-1723)

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Hyacinthe Rigaud, Louis XV, 1715. Le roi n'a alors que cinq ans.

La Régence, dans l’histoire du royaume de France, fait particulièrement référence à la période de régence instaurée à la mort de Louis XIV (1er septembre 1715) à cause du trop jeune âge de son héritier désigné : Louis XV, qui n’a que 5 ans et 9 mois. Cette période est remarquable par son progressisme, mais la crédibilité de l’État est affaiblie. La Régence se termine officiellement à la majorité de Louis XV (13 ans et 1 jour) en février 1723, mais une « régence politique » se poursuit.

Cette période est marquée par la prise du pouvoir par Philippe, duc d’Orléans, prince du sang, au détriment du Louis-Auguste, duc du Maine fils légitimé du feu roi, ce qui entraîne une certaine agitation de Cour ; par l’entente et le partage du pouvoir absolu entre régent, haute noblesse et parlementaires ; par le système innovant, mais finalement décevant de la polysynodie ; et enfin par le « système de Law », sa réussite à assainir les finances de l’État, mais son effondrement final. On peut aussi noter l’audace maritime mais trop peu soutenue, l’action du cardinal Dubois, ainsi que les débuts du futur cardinal de Fleury.

Histoire

Évènements précédents

Le prince Philippe de France proclamé roi d’Espagne par son grand-père Louis XIV.

Le 16 novembre 1700, Philippe de France, duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, devient roi d’Espagne sous le nom de Philippe V. Ses droits au trône de France lui sont conservés ce qui entraîne la guerre de Succession d'Espagne.

Le roi Louis XIV entouré de ses trois héritiers et de la duchesse de Ventadour.
Le duc du Maine.

En 1709, malgré les défaites de ses armées, Louis XIV illustre la prospérité de sa maison en se faisant peindre entouré de ses héritiers directs : son fils, le dauphin, son petit-fils, le duc de Bourgogne et son arrière-petit-fils, le duc de Bretagne. C’est une situation exceptionnelle qu’un souverain puisse contempler ses trois prochains successeurs. En 1710, naissance d’un second arrière-petit-fils du roi à qui est donné l’ancien titre de son oncle le roi d’Espagne « duc d’Anjou » signifiant la volonté du roi de conserver la couronne espagnole dans sa maison.

Le 14 avril 1711, le dauphin Louis de France (1661-1711), fils de Louis XIV, meurt. Son fils aîné, le duc de Bourgogne, devient dauphin. Le 18 février 1712, le dauphin Louis de France (1682-1712), petit-fils de Louis XIV, meurt à son tour huit jours après son épouse la dauphine Marie-Adélaïde. Leur fils, le duc de Bretagne devient dauphin. Le 8 mars 1712, le dauphin Louis de France (1707-1712) meurt également à son tour. Son frère, le duc d’Anjou devient dauphin. C’est un enfant de complexion fragile et l’on craint à chaque instant pour sa vie.

Le 6 mars 1714, le traité de Rastatt met fin à la guerre de succession d’Espagne, Philippe V conserve son trône espagnol mais doit renoncer à ses droits au trône de France. La France et l’Espagne s’engagent à ce que les deux couronnes ne soient jamais réunies.

Le 14 avril 1714, le duc de Berry Charles de France, dernier des petit-fils de Louis XIV (Philippe V d’Espagne n’est plus officiellement dynaste mais il a deux fils), meurt sans postérité. Louis XIV a 76 ans. Considérant le dauphin qui n’a que quatre ans, il se lamente : « Voici tout ce qui me reste de ma famille ».

Le 23 juillet 1714,une déclaration royale fait du duc du Maine et du comte de Toulouse deux fils légitimés du roi, des princes du sang aptes à succéder au trône en cas d’extinction des branches légitimes de la famille royale.

Le 1er septembre 1715, Louis XIV meurt. Son testament affirme qu'en attendant que le dauphin, futur Louis XV, devienne majeur pour régner, Louis XIV désigne son fils le duc du Maine, bâtard légitimé, pour exercer le pouvoir réel (« régence »), tandis qu’au duc d’Orléans neveu et gendre du roi (il a dû épouser en 1692 une fille légitimée, sœur du duc du Maine, que le feu roi avait également eu de Madame de Montespan) revient la charge, purement honorifique, de « président du conseil de régence ».

Prise de pouvoir

Philippe, duc d’Orléans.

Le 2 septembre 1715, Philippe d’Orléans, qui a obtenu le soutien des membres du Parlement de Paris, est proclamé Régent du royaume et détenteur effectif du pouvoir, durant la minorité du jeune Louis XV.

Le 15 septembre 1715, il restitue au parlement son droit de remontrance avant l’enregistrement des édits.

Le 1er octobre 1715, la polysynodie est mise en place, Philippe d’Orléans est régent, les parlementaires ont un pouvoir accru, et les ministres du roi sont remplacés par des Conseils (« synodie ») dans lesquels la Haute noblesse participe à la vie politique par les conseils.

La Régence

Désormais nommé « monseigneur le régent », le duc d’Orléans procède à bon nombre de changements politiques – lois et choix politiques –, ces actions principales étant :

  • la modification des alliances, avec l'abandon de l’Espagne pour l’Angleterre.
  • la mise en place du système de Law améliorant la situation des dettes de l’État.
  • l'augmentation des libertés et légitimation du Parlement.
  • l'écriture de lois religieuses (jansénisme, etc.)

Les premières années de la Régence

Mise en place de la Régence

Les figures de la Régence : Philippe d’Orléans et le cardinal Dubois

La période « libérale » de la Régence (septembre 1715-septembre 1718) : la Polysynodie

Organisation de la Polysynodie

Fichier:Guillaume Dubois.jpg
Le cardinal Dubois.

Composition et le travail des conseils de la Polysynodie

Il y eut sept conseils ayant pour tâche de simplifier le travail du Conseil de Régence :

Disparition de la Polysynodie

Elle reste une expérience qui se termine par un échec. La mauvaise cohésion entre les conseils, les querelles de préséance, les rivalités entre les différents clans nobles et le manque d’expérience des membres ont raison du gouvernement instauré par le régent.

Les finances publiques et l’expérience de Law (1716-1720)

Finances publiques

À la mort de Louis XIV, le Trésor est vide et les revenus des deux années suivantes sont déjà dépensés. La dette publique s'élève à 2,8 milliards de livres, un record, pour 69 millions de recettes contre 132 millions de dépenses annuelles. Sans toutefois convoquer l'assemblée des états généraux alors que la suggestion lui en est faite, le régent encourage la recherche de trésorerie, au moment où, sur les marchés boursiers d'Amsterdam, Londres et Genève, le crédit de la France est boudé. Cette « fièvre » pousse le pouvoir à prendre des décisions pour le moins arbitraires[1].

L'idée principale repose sur un constat simple : il faut raréfier coûte que coûte les papiers d’État. Le régent va donc être assisté pour cette entreprise par un conseil des finances. Le 4 novembre 1715, un arrêt du conseil oblige « les traitants, sous-traitants et autres gens d'affaires, de rendre compte de leurs géries »[2] : cet édit vise les traitants et partisans chargés en province depuis 1687 de récolter diverses taxes et qui étaient censés en verser le produit, ou du moins, l'avance, au roi. En décembre, le louis d'or de 1709 est coté officiellement à 20 livres[3]. En janvier 1716, un édit autorise l'opération du visa, à savoir l'inventaire de tous les détenteurs de papiers d’État et réduit les revenus issus des rentes, le taux d'intérêt divisé par deux. Dans la foulée, l'intendant des finances Charles-Henri Malon de Bercy (1678-1742) est démis de ses fonctions, ainsi que deux contrôleurs, Pontchartrain et Desmarets. Le 18 septembre 1716, le régent et d'Argenson présentent les modalités concernant les taxes. Entre temps, la Chambre de justice, créée le 14 mars, qui encourage la dénonciation, s'organise pour qu'en avril, à Paris et en province, plusieurs centaines de fortunes soient inventoriées et taxées. Plusieurs commis sont fortement condamnés, leurs biens confisqués, pour malversations, concussion avec l'ennemi et enrichissement personnel, telles que Paparel (qui fit grand bruit), Dumoulin, Penot, Chartier, etc. Le Peletier des Forts est arrêté en novembre, suivi de 19 autres interpellations, du jamais vu. Le régent réussit à éviter aux banquiers Antoine Crozat, Samuel Bernard et les frères Pâris, ainsi qu'au duc de Bourbon une telle infamie, et ceux-ci payèrent. L’État espérait, dans un premier temps, récupérer près de 150 millions, afin d'honorer le service de la dette, puis de réduire de moitié le montant des créances. Il y eut en tout 4 535 personnes taxées, la plus grosse part revenant à Crozat qui versa 6,6 millions. Le Conseil des finances voulut réorganiser la taille sur une base proportionnelle mais les discussions s'enlisèrent. La banqueroute se profilait. La Chambre de justice fut dissoute en mars 1717.

On libéralisa aussi les jeux d’argent, en même temps que la finance spéculative et les cabarets, qui prolifèrent en se diversifiant ; l’État royal, qui en est le maître, les multiplie pour son propre compte tout en autorisant de nombreuses loteries privées, charitables ou de commerce, car il voit le profit qu’il peut en tirer[4].

Système de Law

Monsieur "Lass" de Lauriston.
Caricature de John Law (1720).

Au cours de l'année 1716, le régent prête également l’oreille aux propositions séduisantes de l’Écossais John Law. Law avait conçu un système hardi. Un pays, disait-il en substance, est d’autant plus riche qu’il fait plus de commerce. Or le commerce dépend de l’abondance de la monnaie et de la rapidité de sa circulation. La monnaie n’étant qu’un instrument d’échange des marchandises, sa nature importe peu. Il n’est pas nécessaire de recourir à l’or et à l’argent, métaux rares dont beaucoup de pays sont dépourvus. La monnaie la plus commode est la monnaie de papier qui se fabrique et se transporte facilement.

L’État doit se faire banquier et émettre sous le nom de billets de banque du papier-monnaie que l’on pourra d’ailleurs échanger contre de l’or ou de l’argent. L’État doit aussi se faire commerçant ; les bénéfices qu’il réalisera lui permettront de rembourser la dette publique. Le régent ne permit d’abord à Law que de fonder une banque privée, la Banque générale. La Banque générale reçut des dépôts d’argent, elle consentit des prêts aux commerçants et elle émit des billets remboursables en espèces métalliques. Elle fit de si bonnes affaires qu’elle fut reconnue Banque d’État sous le nom de « Banque royale » (janvier 1719).

Law fonda également une compagnie commerciale par actions (1717). Sous le nom de Compagnie d’Occident, puis de Compagnie des Indes (1719), elle reçut le monopole de tout le commerce colonial français ; enfin, elle se substitua aux traitants pour la levée des impôts indirects. Au début de 1720, Law réunit la Banque à la Compagnie. Tout le monde voulut alors avoir des actions ; on en vint à payer 20 000 livres des actions de 500 livres. Mais les dividendes (c’est-à-dire les bénéfices rapportés par chaque action), ayant été infimes, la confiance du public disparut.

On se mit donc à vendre les actions, et leur valeur baissa. Pris de peur, le public perdit aussi confiance dans les billets et exigea leur remboursement en or et en argent. Comme la valeur des billets émis dépassait de beaucoup l’encaisse de la banque, celle-ci fit faillite, et Law s’enfuit. Le système avait donc échoué. Le commerce maritime en avait reçu une vive impulsion, mais la confiance du public dans les banques fut pour longtemps détruite en France.

Les dernières années (1720-1723)

Politique extérieure

Les Alliances

La Régence renverse les alliances de la France, qui se rapproche de l’Angleterre au détriment de l’Espagne de Philippe V, petit-fils du feu roi, neveu du duc d’Orléans et du duc du Maine et héritier concurrent, pouvant d’autant plus légitimement réclamer le trône français si le jeune Louis XV, de santé fragile, venait à mourir.

Louis XV, roi de France et de Navarre et sa fiancée, Marie-Anne-Victoire, infante d’Espagne (1723)

Le 10 octobre 1716, l'alliance entre la Grande-Bretagne et la France est conclue. En 4 janvier 1717, la Triple Alliance est à son tour conclue, à La Haye, entre la Grande-Bretagne, les Provinces-Unies et le royaume de France. Le 2 août 1718, Quadruple-Alliance est à son tour mise en place entre la Grande-Bretagne, le Royaume de France, l’Autriche et le Duché de Savoie.

En 1718, durant la conspiration de Cellamare, l’Espagne (son premier ministre, le cardinal Jules Alberoni) et le duc du Maine, aiguillonné par son épouse, projettent de renverser le régent. Le duc et la duchesse du Maine sont arrêtés et incarcérés, lui à Doullens, elle à Dijon. Ils seront graciés en 1721.

Suit la Guerre de la Quadruple-Alliance, entre 1719 et 1720, gagnée par le parti français, contraignant Philippe V d'Espagne, ou plutôt son épouse Élisabeth de Parme, « à plus d’humilité »...

Le 20 mai 1720, Philippe V d'Espagne adhère à la Quadruple-Alliance.

Le 13 juin 1721, le traité de Madrid de 1721, créé l'alliance entre l'Espagne, la France et l'Angleterre.

Le 25 octobre 1722, Louis XV est sacré à Reims.

Le 22 novembre 1722, le traité de Paris avec l’Espagne est signé. Il fixe le mariage de Louis d’Espagne, prince des Asturies et Louise-Élisabeth d’Orléans, fiançailles de Louis XV et Marie-Anne-Victoire d’Espagne et de Charles d’Espagne et Philippine Élisabeth d'Orléans.

Commerce et Colonies

L’après-Régence officielle

Le duc de Bourbon.
La reine Marie.
Le cardinal de Fleury.

En février 1723, à 13 ans et un jour, la minorité de Louis XV prend fin : le roi est majeur, la Régence cesse. Philippe d’Orléans continue d’assurer la réalité du pouvoir, d’abord au travers du cardinal Dubois, premier ministre (1722-1723) puis directement, à la mort de Dubois (22 août 1723). Il se fait nommer Premier ministre.

Le 2 décembre 1723, Philippe d’Orléans meurt. c’est l’impopulaire duc de Bourbon, son neveu, chef d’une autre branche cadette de la famille royale et petit-fils de Louis XIV par sa mère, une autre fille légitimée que le feu roi avait eu de madame de Montespan, qui lui succède (1724-1726), puis le cardinal de Fleury (1726-1743), tous deux continuant globalement la même politique internationale.

Le 15 janvier 1724, Philippe V d’Espagne abdique en faveur de son fils qui devient Louis Ier d'Espagne. La fille du régent est reine.

Le 31 août 1724, Louis Ier d’Espagne meurt. Philippe V, gouverné par son épouse Élisabeth de Parme, reprend le pouvoir.

Fin mars 1725, le duc de Bourbon, prince du sang, oncle du roi et premier ministre français, rompt les fiançailles de Louis XV. L’« infante-reine » Marie-Anne-Victoire d’Espagne est renvoyée dans son pays d’origine. En réaction Philippe V rompt les fiançailles de l’infant Charles avec Philippine-Élisabeth d’Orléans qui est renvoyée en France avec sa sœur la reine-douairière Louise-Élisabeth. Le 5 septembre, Louis XV est marié avec Marie Lesczynska.

Le 11 juin 1726, le duc de Bourbon est mis en disgrâce; Louis XV fait de son ancien précepteur André Hercule de Fleury, évêque de Fréjus, son « principal ministre ». Peu après, monsieur de Fréjus est promu au cardinalat.

La Régence au cinéma

  • Que la fête commence, film de Bertrand Tavernier (1975) avec Philippe Noiret dans le rôle du régent et Jean Rochefort dans celui de l’abbé Dubois : un regard à la fois égrillard et dramatique sur la régence de Philippe d’Orléans. L'intrigue débute en juillet 1719 avec la mort de Marie Louise Élisabeth d'Orléans, fille aînée du Régent, dont Tavernier montre l'autopsie dans une scène d'un macabre carnavalesque. Victime de ses excès alimentaires et de ses débordements amoureux, "Joufflotte" est trouvée à nouveau enceinte. Le délabrement physique de la jeune princesse est à l'image du pourrissement de l'Ancien régime, 70 ans avant la prise de la Bastille... Son fantôme "hante" le Régent tout au long du film, suggérant des relations équivoques entre le père et sa fille.

Bibliographie

  • Saint-Simon, Mémoires sur la Régence - Anthologie suivie, coll. « Mille et une pages », Paris, Flammarion, 2001 - un témoin de cette époque.
  • Dom Henri Leclercq, Histoire de la Régence pendant la minorité de Louis XV, 3 tomes, Paris, Champion, 1921-1922.
  • Jean Meyer, La Vie quotidienne en France au temps de la Régence, Paris, Hachette, 1979.
  • Aimé Richardt, La Régence (1715-1723), Paris, Taillandier, 2003 (ISBN 978-284734-007-5).
  • Alexandre Dupilet, La Régence absolu. Philippe d'Orléans et la polysynodie (1715-1718), Paris, Champs Vallon, 2011 (ISBN 978-2876735477).

Notes et références

  1. Thierry Claeys, Les Institutions financières en France au XVIIIe siècle, tome 1, Paris, Kronos, éditions SPM, 2012, Pour afficher « p. 546-549 », veuillez utiliser le modèle {{p.|546-549}} (ISBN 978-2901952862).
  2. Jean Buvat, Journal de la Régence, vol. 1 édité par Émile Compardon, Paris, Plon, 1865.
  3. Contre 14 livres auparavant : l’État encaisse ainsi 6 livres par louis échangé (source : La banqueroute de Law - Trente journées qui ont fait la France par Edgar Faure, Gallimard, 1977).
  4. « Les jeux d’argent » par Jean-CLaude Lavigne, in Revue d'éthique et de théologie morale, Édition du Cerf, 2010, 262.

Voir aussi

Articles connexes