Roger Joseph Boscovich

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Roger Joseph Boscovich
Roger Joseph Boscovich,
portrait par Robert Edge Pine, 1760.
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Professeur
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Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Santa Maria Podone (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Nom dans la langue maternelle
Ruđer Josip Bošković ou Ruggero Giuseppe BoscovichVoir et modifier les données sur Wikidata
Domicile
Formation
Activités
Père
Nikola Bošković (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Baro Bošković (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Ordre religieux
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Partenaire
Jean-Joseph Rossignol (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Influencé par
Œuvres principales
De litteraria expeditione per Pontificiam ditionem ad dimetiendos duos meridiani gradus et corrigendam mappam geographicam (d), Philosophiae naturalis theoria redacta ad unicam legem virium in natura existentium (d), Opera pertinentia ad opticam et astronomiam (d), De viribus vivis (d), De lumine (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Plaque 6 rue de Seine (Paris).

Roger Joseph Boscovich[Note 1], en italien Ruggiero Giuseppe Boscovich ou en latin Rogerius Iosephus Boscovicius[Note 2],[1], noms sous lesquels il était connu de son temps et dont il usait lui-même, reconstitués aujourd'hui sous la forme croate Ruđer Josip Bošković (, Raguse, Milan), est un prêtre jésuite dalmate qui était mathématicien, physicien, astronome, diplomate, poète et philosophe.

Né dans la république de Raguse, il passe la plus grande partie de sa vie active à Rome (États pontificaux) ; il travaille aussi à Paris et meurt, à Milan, « sujet du roi de France ».

Esplanade Roger-Joseph Boscovich (11e arrondissement de Paris).

Biographie[modifier | modifier le code]

Buste de Roger Joseph Boscovich, parc Zrinjevac, Zagreb.

Né le à Raguse (Dubrovnik), alors république vassale de l'Empire ottoman, Roger Joseph Boscovich, est le fils de Nikola Bošković (en) né à Orahov Do, dans la paroisse catholique de Ravno (sud-ouest de l'Herzégovine)[2], riche marchand ragusain, et de Paola Bettera (Pavica Betera), d'une famille originaire de Bergame. Il doit son prénom de Ruggiero à son oncle et parrain Ruggiero Bettera. Il fait ses premières études au collège des jésuites de Raguse (1720–1725). En il se rend à Rome pour entrer dans la Compagnie de Jésus. Il commence son noviciat le à l'église Saint-André du Quirinal.

Au cours de ses études de rhétorique et de philosophie au Collège romain (1727–1732) il fait preuve de dons exceptionnels pour les mathématiques et la physique. Il redécouvre la démonstration du théorème de Pythagore.

Ses études de théologie (1738–1741) terminées Boscovich est ordonné prêtre le et est immédiatement nommé professeur de mathématiques au Collège romain; il y reste jusqu'en 1770. Durant ces années il est plusieurs fois chargé par le pape Benoît XIV de missions scientifiques et diplomatiques.

Avec les mathématiciens François Jacquier, et Thomas Leseur, il est consulté par le pape à la fin pour une expertise du dôme de la basilique Saint-Pierre de Rome, qui s'était dangereusement lézardé depuis 1741[3]. En définitive, le pape confie la mission le au physicien italien Giovanni Poleni, qui lui remet son rapport à l'été 1743 ; les consolidations et réparations se dérouleront de 1743 à 1748[4].

Le père Boscovich voyage à travers l'Europe (1757–1762), se met en relation avec les savants d'Angleterre et de France, et est admis dans leurs académies. Il propage en Italie la philosophie d'Isaac Newton. Il est reçu en 1760 à l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, élu en 1761 à la Royal Society de Londres. De 1761 à il est à Constantinople et plus tard (mai–) voyage à travers la Turquie, la Bulgarie, la Valachie, la Moldavie et la Pologne.

En 1762, il construit un nouvel observatoire astronomique au collège jésuite de Brera, à Milan. Il enseigne ensuite les mathématiques aux universités de Pavie (1764–1769) et de Milan (1770–1773), tout en étant directeur de l'observatoire de Brera.

Lorsque la Compagnie de Jésus est supprimée en 1773, il est entièrement libre de ses mouvements. Boscovich accepte une invitation à Paris comme directeur des travaux d'optique pour la marine (1773–1786). Nommé directeur d'optique de la Marine à Paris en 1773, il achète sa citoyenneté française et devient « sujet du roi de France »[5].

Le père Boscovich meurt à Milan pendant qu'il dirigeait, avec Christopher Maire, la mesure d'un degré d'arc de méridien. Il y est inhumé dans l'église de Santa Maria Podone (it).

Travaux[modifier | modifier le code]

Les apports de Roger Joseph Boscovich à la science concernent :

Il est l'inventeur du premier vitromètre[6].

Écrits[modifier | modifier le code]

Philosophiae naturalis theoria (1758).

Comme la plupart des savants de son époque, il publiait principalement en latin, mais écrivait aussi, suivant les lieux et les correspondants, en italien, en allemand (dans ces cas nous mentionnons la langue) et en français ; il correspondait avec son frère dans leur langue maternelle.

  • De maculis solaribus (« Les taches solaires »), 1736 ;
  • De novo telescopii usu ad objecta coelestia determinanda (« L’emploi du télescope en astronomie »), Rome, 1739 ;
  • De circulis oscillatoribus (« Les cercles oscillants »), 1740 ;
  • De annuis stellarum fixarum aberrationibus (« Les aberrations annuelles des étoiles fixes »), Rome, 1742 ;
  • Sur la coupole de Saint-Pierre, avec Thomas Leseur et François Jacquier :
  • De viribus vivis (« Les forces vives »), Rome, 1745 ;
  • Trigonometria sphaerica, 1745 ;
  • De cycloide et logistica, Rome, 1745 ;
  • De cometis (« Les comètes »), Rome, 1746 ;
  • De lumine (« La lumière »), Rome, 1748 — Examen critique des connaissances de l’époque ;
  • De materiae divisibilitate et de principiis corporum dissertatio (« La divisibilité de la matière et les principes des corps »), 1748 ;
  • De determinanda orbita planetae (« La détermination de l’orbite d'une planète »), Rome, 1749 ;
  • Elementorum universae matheseos (« Éléments de mathématiques universelles »), Rome, 1754 (t. III en ligne) ;
  • De continuitatis lege et ejus consectariis pertinentibus ad prima materiae elementa eorumque vires (« La loi de continuité et ses conséquences sur les éléments de matière et leurs forces »), 1754 ;
  • De lege virium in natura existentium (« La loi des forces existant dans la nature »), 1755 ;
  • De litteraria expeditione per Pontificam ditionem ad dimentiendos meridiani gradus et corrigendam mappam geographicam, iussu et auspiciis Benedicti XIV (« Compte rendu de l'expédition faite sur édit papal pour mesurer le degré de méridien et corriger la carte géographique, sur ordre et sous les auspices de Benoît XIV »), 1755 ;
  • Philosophiae naturalis theoria redacta ad unicam legem virium in natura existentium (« Théorie de la philosophie naturelle pour une unification des forces de la nature »), Vienne, 1758, et Venise, 3e  éd., 1763 ; théorie de la nature dans laquelle il explique tous les phénomènes par le fait que la matière est composée de points simples, indivisibles, contigus et sans extension (ce qui les distingue des atomes) soumis à une force attractive ou répulsive selon le cas, essayant de concilier ainsi Leibniz et Newton[8]. Il y présente une théorie physique des points de force :
    • la matière est impénétrable ; deux corps ne peuvent occuper les mêmes positions au même moment (ce qui évoque presque Pauli) ;
    • la matière est dispersée dans un vide et y flotte ;
    • par conséquent, « les forces mutuelles entre deux points doivent être considérées comme répulsives à certaines distances et attractives à d'autres distances ». À de très courtes distances, la force doit être répulsive, et cette force répulsive doit diminuer à mesure que la distance augmente. À de plus grandes distances, certainement moins d'un millième de pouce, la force devient finalement attractive, variant à l'inverse du carré de la distance comme l'indique la loi de Newton alternativement attractive et répulsive.
    • les points ne sont jamais au repos absolu.
  • De Solis ac Lunae defectibus (« Les éclipses du soleil et de la lune »), Londres, 1760, Rome, 1767. Poème latin.
  • (it) Giornale di un viaggio da Constantinopoli in Polonia, 1762 ;
  • Opera pertinentia ad opticam, et Astronomiam maxima ex parte nova, et omnia hucusque inedita, in quinque tomos distributa, (« Œuvres relatives à l’optique et à l’astronomie »), Rome, 1784 ; Bassano, 5 volumes in-4, 1785 [2] ; t. 5, traduction française ;
  • De recentibus compertis pertinentibus ad perficiendam dioptricam (« Calculs récents pour perfectionner l'optique »), 1767 ;
  • De orbitis cometarum determinandis ope trium observationum parum a se invicem remotarum (« Détermination des orbites des comètes par trois observations peu éloignées les unes des autres »), Paris, 1774 ;
  • Dissertatio de maris estu (« Dissertation sur les marées ») ;
  • Epigrammata (« Épigrammes »).

Listes d’œuvres[modifier | modifier le code]

Controverse sur la nationalité de Boscovich[modifier | modifier le code]

Boscovich par Vlaho Bukovac.

À l'époque de Boscovich, la ville de Raguse était une république indépendante, et, si elle avait dû se reconnaître des suzerains successifs (l'empereur de Byzance, la république de Venise, le roi de Hongrie et de Croatie...), voire payer tribut (notamment au sultan ottoman), elle ne faisait partie d'aucun État, serbe ou croate. Cependant, l’appartenance de Raguse (Dubrovnik) à l’espace ethnographique, géographique et territorial de la Croatie est attestée dès 1154 par le géographe arabe al-Idrisi (« ultime ville de la Croatie »)[9], par les autorités ragusaines (1360) [10] et au 15e siècle par les témoignages de voyageurs étrangers ((Konrad von Grünemberg, Arnold von Harff, Jean de Solms, Bernhard von Breydenbach, Richard Guylford), les délégués tchèques au concile de Bâle, évoquant l'origine du théologien Jean de Raguse („notre compatriote de Raguse, ville de Croatie“, „Jean le Slave de Croatie“)[11]. Le poète ragusain Mavro Vetranović (1482-1576) appelait ses concitoyens à « rassembler tous les Croates ensemble »[12]. Le nom de « Bošković », porté par diverses familles (la plupart sans liens généalogiques) est issu du prénom "Boško", "Bože" (en français:Noël).

Le concept moderne de nationalité basé sur l'appartenance linguistique, religieuse et culturelle a été développé essentiellement au XIXe siècle. Pour cette raison, l'attribution d'une nationalité définie à des personnalités des siècles précédents vivant dans des régions de forte mixité ethnique est souvent disputée. L'héritage de Roger Joseph Boscovich est revendiqué par plusieurs États, la Croatie, l'Italie, et la Serbie[13]. Ces revendications se basant la plupart du temps sur des citations sélectives de certaines de ses œuvres, elles sont en apparence contradictoires, le présentant comme Croate, Serbe ou Italien[Note 4] selon le choix des citations. Enfin, la nationalité du père de Roger Joseph Boscovich est, elle aussi, disputée ; il apparaît comme Croate[14],[15], Dalmate[16], Serbe[17], ou Slave Orthodoxe[18]. Roger J.Boscovich se sentait proche des Croates de son époque, lorsqu'il écrivait en 1757 à son frère Baro sur les troupes croates défilant à Vienne: „Vive Haddick et nos Croates“[19].[source secondaire nécessaire]

Opinions[modifier | modifier le code]

  • Boscovich, sur lui-même : « Semper ero astronomus[20]. » (« Je serai toujours astronome. »)
  • Werner Heisenberg : « Parmi les savants du XVIIIe siècle, Roger Joseph Boscovich prend une place éminente en tant que théologien, philosophe, mathématicien et astronome. Sa Theoria philosophiae naturalis énonce des hypothèses qui ont trouvé leur confirmation au cours des cinquante dernières années. »
  • Gustav Fechner : « Si je ne m’abuse, Roger Boscovich, excellent mathématicien et physicien, devrait être considéré comme le père de l’atomistique moderne. »
  • Friedrich Nietzsche : « La méthode savante de R. Boscovich représente une synthèse entre une intuition de nature empirique et expérimentale et une argumentation logique appropriée. »

Hommages[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Il écrivait « Boscovich ». Il est utile de savoir son nom non seulement en français, mais aussi en italien : Ruggiero / Ruggero Giuseppe Boscovich, et en latin : Rogerius Josephus Boscovicius, car il a écrit dans ces trois langues.
  2. Boscovich écrivait dans trois langues, d'où l'utilité de connaître son nom dans les trois langues :
    • français : Roger Joseph Boscovich ;
    • italien : Ruggiero / Ruggero Giuseppe Boscovich ;
    • latin : Rogerius Josephus Boscovicius.
  3. En août 2015.
  4. Fabroni l'inclut « sans l'ombre d'un doute » dans sa galerie d'Italiens.

Références[modifier | modifier le code]

  1. (la) Gerardus Heerkens, Notabilium libri II, Groningue, , p. 61
    « Dalmata erat Boscovicius, Ragusâ oriundus ».
  2. M.Sivrić, N.Vekarić, Genealoški prikaz roda Bošković, Napredak hrvatski narodni kalendar za 1994, 319-344, Sarajevo 1993
  3. Pascal Dubourg-Glatigny, Marianne Le Blanc, « Architecture et expertise mathématique : La contribution des Minimes Jacquier et Le Seur aux polémiques de 1742 sur la coupole de Saint-Pierre de Rome », sur persee.fr, (consulté le ).
  4. (en) Hermann Schlimme, « Construction Knowledge in Comparison: Architects,Mathematicians and Natural Philosophers Discuss the Damage to St. Peter’s Dome in 1743 » [PDF], sur arct.cam.ac.uk (consulté le ).
  5. Il est naturalisé français le , voir Archives nationales de France, O/1/235, f. 162 r et v.
  6. Arts et métiers mécaniques, Panckouck, (lire en ligne), p. 116
  7. Titre complet : Riflessioni de padri Tommaso Le Seur, Francesco Jacquier del' Ordine de' Minimi, e Ruggiero Giuseppe Boscovich della Compagnia di Gesù, sopra alcune difficoltà spettanti i danni, e risarcimenti della cupola di S. Pietro : proposte nella congregazione tenutasi nel Quirinale à 20. gennaro MDCCXLIII., e sopra alcune nove isprezzioni fatte dopo la medesima congregazione.
  8. Max Jammer, Concepts of Force, Harper Torchbook, 1962, p. 178 : « un système à mi-chemin entre celui de Leibniz et celui de Newton ».
  9. V.Foretić, Povijest Dubrovnika do 1808 , t.1, p. 34,Zagreb 1980
  10. Foretić, ibid., 136
  11. Misao i djelo Ivana Stojkovića, Zbornik radova s Međunarodnog simpozija u Dubrovniku, priredio Franjo Šanjek, p. 17,111, Zagreb 1986
  12. Foretić, ibid., t.2,380
  13. (en) Roger Joseph Boscovich 1711–1787 Studies in his life and work on the 250th anniversary of his birth.
  14. (en) Nick J. Mileti, Closet Italians, Xlibris Corporation, 2004, p. 90.
  15. (en) Encyclopaedia Britannica [1].
  16. Fabroni.
  17. Slobodan Šćepanović, О поријеклу породице и коријенима предака Руђера Бошковића, Историјски записи 3/1995, Podgorica, 1995, p. 150.
  18. (en) L. L. Whyte (éd.), Ruđer Josip Bošković, Londres, Fordham Press, 1961.
  19. {V.Varićak: Ulomak Boškovićeve korespondencije. Rad JAZU, 185 (1911), p. 272 - S.Kutleša, Ruđer Josip Bošković, Pisma, pjesme i rasprave, p. 152-174, MH Zagreb 2013 - Ž.Dadić, Ruđer Bošković, p. 54, Zagreb 1990 (hr) « Na Istoku ništa novo II. ili Kako znameniti Hrvati postaju Srbi », sur www.matica.hr (consulté le )
  20. Épigramme 30.

Annexes[modifier | modifier le code]

Sources[modifier | modifier le code]

  • Vladimir Varićak, « Ulomak Boškovićeve korespondencije », Rad Jugoslavenske Akademije Znanosti i Umjetnosti. Matematicko-Prirodoslovni Razred. Knija (U Zagreb), 193, 1912, p. 163-338 (lettres de La Condamine, La Lande...)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) L. L. Whyte (dir.), R. J. Boscovich, Studies of his life and work, Londres, 1961.
  • Cerqueiro, Daniel. Boscovich, el viajero del Tiempo. Buenos Aires: Ed. Peq. Venecia. 2008. (ISBN 978-987-9239-18-6)
  • (en) Robin Harris, Dubrovnik, A history, SAQI Books, Londres, 2006 (ISBN 978-086356959-3).
  • Un numéro des Annales de l’Institut français de Zagreb, 1977–1982, 3e série, no 3, 285 p., est consacré à Boscovich.
  • Sept contributions du volume 6, 1 (2015) d'Almagest, International Journal for the History of Scientific Ideas, sont consacrées à Boscovich (ISSN 1792-2593).
  • (la) Angelo Fabroni, « Rogerius Josephus Boscovichius », dans Vitae Italorum doctrina excellentium qui saeculis XVII. et XVIII. floruerunt, vol. 14, p. 284.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]