Robert Johnson

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Robert Leroy Johnson
Naissance
Hazlehurst, Mississippi
Décès (à 27 ans)
Greenwood, Mississippi
Activité principale Musicien
Genre musical Blues
Instruments Guitare
Labels Vocalion

Robert Leroy Johnson, né le à Hazlehurst, Mississippi, et mort le à Greenwood, Mississippi, est un guitariste et chanteur de blues américain. Bien qu'il ait commencé à enregistrer des disques deux ans seulement avant sa mort, Robert Johnson est devenu une légende et une grande source d'inspiration pour des artistes comme Jimi Hendrix, Jimmy Page, Bob Dylan, Brian Jones, Keith Richards ou encore Eric Clapton. En 2003, le magazine Rolling Stone l'a classé cinquième meilleur guitariste de tous les temps.

Biographie

Son enfance

Robert L. Johnson est né dans le delta du Mississippi, dans le village de Hazlehurst, de Julia Dodds et de Noah Johnson. Sa date de naissance n'est pas connue avec précision, les traces qu'il a laissées suggèrent des dates allant de 1909 à 1912. Bien que courte, sa carrière de bluesman aura été prolifique.

Alors qu'il n'est encore qu'un nourrisson, sa mère et sa sœur Bessie quittent son père et vivent sur la route, travaillant comme ouvrières agricoles pendant plusieurs saisons avant de s'établir à Memphis chez un certain Charles Spencer. Spencer vit alors avec sa femme et sa maîtresse et les enfants de chacune d'entre elles. Bien qu'aucune tension n'ait été relatée entre les deux femmes, la mère de Robert quitte la maison des Spencer sans ses enfants. Robert vit à Memphis chez Charles Spencer jusqu'en 1918 date à laquelle le caractère obstiné de Robert convainc son hôte que la présence de sa mère pour l'élever s'avère nécessaire.

Robert, qui a pris le nom de Spencer, part donc à Robinsonville, une communauté cotonnière du nord du Mississippi à 20 miles au sud de Memphis rejoindre sa mère qui a épousé Willie « Dusty » Willis en . Il y passe la fin de son enfance avec sa mère et son nouveau beau-père. A son adolescence il apprend l'existence de son véritable père et commence à se faire appeler Johnson ; il continue cependant à utiliser le nom de Spencer jusqu'au milieu des années 1920 notamment à l'école qu'il quitte rapidement à cause de problèmes de vue. Robert s'intéresse à la musique, il essaye la guimbarde, mais l'abandonne rapidement au profit de l'harmonica qui devient son instrument de prédilection.

Ses débuts

À la fin des années 1920, il se met à la guitare et confectionne un support à son harmonica pour utiliser les deux instruments simultanément. La chanson de Leroy Carr, How Long-How Long Blues, semble être une de ses favorites à cette époque pour s'exercer à la musique. Dans ses débuts de musicien à Robinsonville, Robert reçoit l'aide de Willie Brown et de Charley Patton notamment.

Malgré sa passion pour la musique, Robert se considère comme un paysan lorsqu'il épouse, en , Virginia Travis à Penton dans le Mississippi. Ils s'installent dans une maison avec la sœur aînée de Robert, Bessie, et de son mari sur la plantation de Kline à l'est de Robinsonville.

Virginia tombe enceinte durant l'été 1929 mais elle meurt, à 16 ans, avec son enfant lors de l'accouchement en .

Le pacte avec le diable

Robert rencontre le guitariste de blues Son House, pour la première fois en 1931, celui-ci l'écoutant jouer, le ridiculise (« tu ne sais pas jouer de la guitare, tu fais fuir les gens ») et lui conseille d'abandonner la guitare pour se consacrer à l'harmonica. Peu de temps après cet affront, Robert quitte Robinsonville pour revenir à sa ville natale Hazlehurst, où il espère retrouver la trace de son véritable père.

À Hazlehurst, Robert est pris en mains par le bluesman Ike Zinnerman qui devient son mentor. Très beau garçon, il ne met pas beaucoup de temps à rencontrer une nouvelle femme, Calletta Callie Craft, de dix ans son aînée, qu'il épouse en secret en . Callie idolâtre Robert, s'occupe de toute son intendance, cuisine et travaille pour lui. Robert a tout son temps pour travailler la musique auprès de Ike. Le samedi soir, il se rend dans les tavernes, parfois accompagné de Callie, pour jouer toute la nuit. Il commence alors à obtenir un certain respect en tant que musicien et se fait un nom sous les initiales de « R.L. » (pour « Robert Lonnie », du nom d'un musicien plus célèbre également appelé Johnson).

Robert revient finalement à Robinsonville deux ans après l'avoir quitté. Son House est émerveillé par les progrès réalisés par le guitariste, il avoue même être maintenant dépassé. De ces progrès stupéfiants va naître la légende du pacte avec le diable, à une époque où le vaudou est encore très vivace dans la communauté noire du Mississippi.

Robert Johnson va profiter de cette occasion. Un jour, il réunit quelques amis au coin d'un bois et leur raconte ce qui va devenir sa légende : un soir très sombre, alors qu'il se promenait dans les alentours de Clarksdale dans le Mississippi, il se perdit à un carrefour (crossroads en anglais). Comme il commençait à s'endormir une brise fraîche le réveilla. Il vit au-dessus de lui une ombre immense avec un long chapeau. Effrayé, ne pouvant dévisager cette apparition, Johnson resta comme paralysé. Sans un mot l'apparition se pencha, prit sa guitare, l'accorda, joua quelques notes divines avant de lui rendre l'instrument et de disparaître dans le vent noir du Sud.

En réalité, cette légende provient d'un autre bluesman, Tommy Johnson, qui prétendait avoir vendu son âme au diable, un soir, à un carrefour, pour obtenir sa virtuosité à la guitare. Robert Johnson aurait donc repris cette histoire à son compte, à moins que – Tommy et lui portant le même nom (Johnson) – elle ne lui ait été attribuée à tort. Cette légende et le personnage de Tommy Johnson apparaissent dans le film des frères Coen, O'Brother. Le scénariste de la série Supernatural s'est longuement inspiré de cette légende ; le carrefour en question est le sujet central de l'épisode Crossroad blues (saison 2, épisode 8) où il est question d'un jeune musicien noir cherchant à devenir le meilleur bluesman de sa génération. À plusieurs reprises, au long des épisodes, divers personnages de la série se rendront à cet endroit afin de rencontrer une envoyée de l'Enfer pour passer un pacte.

Dans le Vaudou ravivé dans les états du sud par les esclaves des planteurs de Saint-Domingue fuyant la révolution Haïtienne, il existe un Loa (esprit) nommé Legba ou Papa Legba (d'origine Fon du Dahomey) dont le nom le plus connu est « Maître carrefour ». Il est l'esprit de la destinée et a été identifié au Diable par les missionnaires catholiques.

Sa carrière de bluesman

Robert Johnson : Terraplane Blues, 1936 (Info)
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Robinsonville est essentiellement une ville de paysans, Robert ne souhaite pas travailler dans les champs et décide donc de partir pour mener sa vie de musicien. Il voyage dans tout le delta du Mississippi et finit par s'établir (bien que n'arrêtant jamais de voyager) à Helena chez Estella Coleman, l'une de ses maîtresses. Robert prend d'ailleurs sous son aile le fils d'Estella, lui aussi musicien, qui porte le même prénom que lui, Robert Lockwood Jr., et l'aide à améliorer son jeu.

Helena est une ville très riche musicalement, Robert côtoie Sonny Boy Williamson II, Robert Nighthawk, Elmore James, Howlin' Wolf ou encore Johnny Shines avec qui il s'associe un moment. Johnny Shines dira sur cette période :

« Nous étions sur la route des jours et des jours, sans argent et parfois sans nourriture, cherchant un endroit décent pour passer la nuit. On jouait dans des rues poussiéreuses et des bars crasseux, et tandis que j'étais à bout de souffle et me voyais vivre comme un chien, il y avait Robert tout propre comme s'il sortait d'une église le dimanche ! »

Vers le milieu des années 1930, Robert Johnson est musicien professionnel depuis plusieurs années, il jouit d'une certaine célébrité dans la région et souhaite enregistrer des disques comme ses maîtres Willie Brown, Son House et Charley Patton. Robert auditionne pour H. C. Speir dans son magasin de musique. Speir détient un accord avec American Record Company mais, pour diverses raisons, il prend seulement le nom et l'adresse de Robert et les transmet à Ernie Oertle d'American Record Company qui, après une nouvelle audition, décide d'enregistrer Robert à San Antonio.

La première session d'enregistrement de Robert est réalisée en par Don Law. Il enregistre ainsi pour le label Vocalion Records Terraplane Blues, une de ses chansons les plus connues qui devient rapidement un succès. Il est rappelé au Texas en juin, mais bien que Don Law apporte le meilleur matériel en sa possession, rien n'égale le succès de Terraplane.

Bien que six des onze enregistrements de Johnson soient encore au catalogue de Vocalion en , il n'est rappelé ni le printemps, ni l'été suivant.

Sa mort

Une des pierres tombales de Robert Johnson. On en reporte trois, à trois endroits différents.

Robert meurt le 16 août 1938 dans des circonstances mystérieuses. Après un concert dans un bar de Greenwood, il se sent mal et il est emmené chez un ami. Certains pensent qu'il a été empoisonné par un mari jaloux, d'autres qu'il a succombé à la syphilis, ou à une pneumonie (pathologie pour laquelle il n'existait aucun traitement à l'époque), voire à l'action combinée des trois. Les versions sont aussi vraisemblables les unes que les autres compte tenu de ce que l'on sait de la vie de ce bluesman légendaire. Sonny Boy Williamson racontera que Robert Johnson aurait consommé une bouteille de whisky empoisonnée à la strychnine offerte par le tenancier d'un bar jaloux de le voir tourner autour de sa femme. Le bluesman agonisera trois jours avant de mourir, version des faits contestée comme de nombreux faits de sa vie. Robert Johnson fut le premier d'une série d'artistes « maudits » morts à l'âge de 27 ans, qu'on appellera « Club des 27 ». Quatre ans plus tard, un cyclone ravagera les lieux de sa mort.

Sur son certificat de décès, sous « cause de la mort » on trouve la mention « no doctor » (« pas de docteur », sans doute dans le sens de « pas de cause établie »)[1].

Musique

Style

Le jeu de guitare adroit et véloce de Johnson, présente une certaine originalité comme l'utilisation des cordes basses pour créer un rythme entraînant, comme sur la chanson Sweet Home Chicago, et utilise beaucoup les accords ouverts. Par ailleurs, sa voix était également étonnamment haute.

Les influences de Johnson sont principalement à chercher du côté de Son House mais aussi de Skip James ou Lonnie Johnson.

Johnson est fréquemment cité comme « the greatest blues singer of all time »[réf. nécessaire] (« le meilleur chanteur de blues de tous les temps »), cependant beaucoup d'auditeurs restent déçus à la première écoute de ses morceaux. Cette réaction peut être due à une relative méconnaissance de l'émotion brute et de la forme épurée du Delta blues ou tout simplement à cause de la qualité de l'enregistrement médiocre comparée aux standards de production actuels.

Héritage

Durant sa courte carrière, il aura laissé 29 titres enregistrés, 3 photos et 3 tombes. Sa vie, sa musique et sa mort en ont fait une légende pour plusieurs générations de bluesmen et de rockers.

Il laisse à la musique des morceaux tels que Sweet Home Chicago (repris par les Blues Brothers), Travelling Riverside Blues (repris par Led Zeppelin), Love in Vain (repris par les Rolling Stones), Walkin' Blues, Malted Milk (repris par Eric Clapton sur l'album Unplugged) ainsi que Come on in My Kitchen (repris par Allman Brothers Band, Eric Clapton sur l'album Me and Mr Johnson, Keb Mo sur l'album Keb' Mo', Bob Brozman sur l'album A Truckload of Blues, Joël Daydé sur l'album Spleen Blues et Johnny Winter en Live), Crossroads (repris par Cream, Lynyrd Skynyrd), They're Red Hot (repris par les Red Hot Chili Peppers et Hugh Laurie sur l'album Let Them talk), Stop Breakin' Down Blues (repris par White Stripes et Aynsley Lister) etc.

Eric Clapton lui a aussi dédié un album entier de reprises, Me and Mr. Johnson, en référence à la chanson de Johnson Me and the Devil. Todd Rundgren a fait de même avec son album Todd Rundgren's Johnson (2011).

En 2003, il a été élu cinquième meilleur guitariste de tous les temps par le magazine américain Rolling Stone dans le classement des 100 plus grands guitaristes de tous les temps[2].

En 2010, le groupe Red Cardell nomme Robert Johnson la première chanson de son album Soleil blanc.

Discographie

Robert Johnson : Milkcow’s Calf Blues, 1936 (Info)
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Les disques originaux de Robert Johnson sont parus en 78 tours.

Tous les enregistrements que l'on a pu récupérer de Robert Johnson, y-compris les inédits, sont disponibles sur le double CD :

  • Robert Johnson - The Complete Recordings. Collection Roots N'Blues - CBS (1990) et Sony Music Entertainment (1996)

Chansons

Robert Johnson a enregistré en tout et pour tout 29 chansons, lors de deux sessions en novembre 1936 et en juin 1937. Certaines chansons ont été jouées deux fois, ce qui fait un total de quarante-deux enregistrements.

Une légende dit qu'il aurait écrit une 30e chanson, mais que le diable l'a gardée pour lui... Toutefois, ce morceau, Mister Downchild, qu'il n'a pas eu le temps d'enregistrer, a été repris par Sonny Boy Williamson.

Robert Johnson dans la culture populaire

  • Une série manga, Me and the Devil Blues, raconte sa vie de manière assez libre (dans l'histoire, il vend véritablement son âme au diable). Un autre manga, 20th Century Boy (en référence à la chanson des années 1960 du groupe britannique T. Rex, le rock étant un thème important dans la série), fait référence à la légende du diable et sa rencontre avec Robert Johnson. Cela sert d'introduction au chapitre 2 du tome 10 français.
  • Crossroads, un film américain de Walter Hill (1986), évoque Robert Johnson à travers un jeune guitariste blanc qui cherche la « légendaire » 30e chanson du bluesman.
  • Beaucoup ont pensé que le personnage de Tommy Johnson dans le film O'Brother de Joel et Ethan Coen se réfère à lui. Il semblerait cependant qu'il se réfère au véritable Tommy Johnson.
  • Robert Johnson fut aussi utilisé comme personnage emblématique par les militants antipub du métro de Paris à l'automne 2003 qui en firent une icône de leur lutte. Ils signaient « Bien à vous, Robert Johnson »[3].
  • L'épisode 8 de la saison 2 de la série Supernatural, intitulé Crossroad Blues, raconte cette légende de manière romancée.
  • En 2004, Eric Clapton sort deux albums : Me and Mr. Johnson et Sessions for Robert J, constitués exclusivement de reprises du répertoire de Robert Johnson.
  • Robert Johnson apparaît et détient un rôle majeur dans Le Cimetière du diable, le troisième tome de la tétralogie Le Livre sans nom par un auteur anonyme. Il apparaît brièvement également à la fin du quatrième tome, de ce qui devient alors la quadrilogie dite « quadrilogie du Bourbon Kid » sous le nom du personnage Jacko.
  • Robert Johnson, sa guitare et son « pacte avec le diable » sont au point de départ du roman de Sherman Alexie, Indian Blues (1995) dans lequel de jeunes indiens héritent de la fameuse guitare maudite et où le fantôme ou l'esprit de Robert Johnson finira par se mettre à l'harmonica.
  • Love in Vain, de Mezzo et Jean-Michel Dupont (éditions Glénat), raconte la vie de Robert Johnson en bande dessinée[4].

Notes et références

  1. (en) Robert Johnson's Death Certificate - Copie du certificat de décès, daté du 18 août 1938 [image] (voir archive)
  2. (en) 100 Greatest Guitarists: David Fricke's Picks - Rolling Stone
  3. Rencontre avec un antipub aussi célèbre que mystérieux : Robert Johnson - Politis, 1er avril 2004 (voir archive)
  4. Mezzo / J. M. Dupont, Love in Vain, Éditions Glénat, , 72 p. (ISBN 9782344003398)

Bibliographie

Annexes

Lien externe