René Jeannel

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René Jeannel
René Jeannel par P. Nadar (1932, original dans la collection Galmiche-Jeannel)
Fonctions
Directeur du Muséum national d'histoire naturelle
Président
Société entomologique de France
Constantin Dumont (d)
Biographie
Naissance
Décès
(à 85 ans)
Paris 7e
Nationalité
Formation
Activités
Père
Enfant
Jacqueline Galmiche (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
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Charles Alluaud (co-collectionneur ou co-collectionneuse)Voir et modifier les données sur Wikidata
Distinctions
Abréviation en zoologie
JeannelVoir et modifier les données sur Wikidata

René Gabriel Jeannel, né le à Paris 4e et mort le à Paris 7e, est un naturaliste français, à la fois zoologiste, entomologiste, botaniste, géologue, paléontologue, préhistorien, spéléologue, explorateur et biogéographe[1].

Il fut directeur du Muséum national d'histoire naturelle. En 1969, il était considéré par ses pairs comme « l’un des plus éminents entomologistes de notre époque » et « le maître incontesté dans le monde entier de l'entomologie souterraine »[2].

René Gabriel Jeannel est le petit-fils de Julien-François Jeannel, le fils de Maurice Jeannel et l'aïeul maternel de Jean-Marie Galmiche.

Jeunesse[modifier | modifier le code]

René Jeannel interne des hôpitaux de Paris, âgé d'environ 25 ans.

Fils du chirurgien toulousain Maurice Jeannel, René Jeannel est né en 1879 à la caserne des Célestins de la Garde républicaine à Paris où son père était médecin. Il fait ses études secondaires à Toulouse, où il rencontre Bernard Lamounette, professeur de sciences naturelles auquel il doit sa vocation. Avec ce mentor, qui lui communique sa passion pour la spéléologie, le jeune René récolte dans la grotte d'Oxybar des Basses-Pyrénées ses premiers Aphaenops (coléoptères troglobies aveugles) et découvre deux espèces nouvelles qu'Elzéar Abeille de Perrin (1843-1911) décrit et lui dédie : Aphaenops jeanneli[3]. Il décide alors de faire carrière de biologiste, heurtant ainsi les projets que son père Maurice faisait pour lui : des études de médecine évidemment.

Obligé de céder sous peine de se voir couper les vivres, René commence sa médecine à Toulouse, mais se débrouille pour la poursuivre à Paris où il passe tous ses loisirs au Muséum et poursuit en parallèle des études de sciences naturelles, en Sorbonne auprès du professeur Georges Pruvôt (1852-1924). Interne en 1903, docteur en médecine en 1907, il signera désormais : « Dr René Jeannel, ancien interne des Hôpitaux de Paris », mais sa première communication scientifique, en 1905, portera sur le coléoptère Carabus splendens et sera faite à la Société entomologique de France dont il sera élu président quelques années plus tard (1932) à l'occasion du centenaire de cette société. Pendant son internat en chirurgie, il réussit à faire de la spéléologie dans les catacombes de l'hôpital du Kremlin-Bicêtre où il étudie les insectes cavernicoles. En 1907, il fonde avec Emil Racoviță une organisation internationale de biospéléologie[4].

En 1908, il obtient sa licence en sciences et découvre les fresques paléolithiques de la grotte du Portel dans les Pyrénées, étudiées par l’abbé Henri Breuil (1877-1961). Son père finit par s'incliner : son fils ne sera pas un grand médecin, mais un grand naturaliste.

Pruvot le fait nommer en 1909 préparateur à la station de biologie marine de Banyuls où il prépare une thèse en sciences sur les Bathysciinae[5] qu'il soutiendra en 1911 (641 pages qui sont toujours la référence pour cette famille d'insectes). Il y rencontre Louis Fage (1883-1964) qui deviendra son ami[6] et à qui il dédie le coléoptère cavernicole Diaprysius fagei Jeannel, 1914[7]. La station de Banyuls avait alors pour codirecteur l'océanographe et explorateur antarctique Emil Racoviță (1868-1947), un roumain de Moldavie à la réputation scientifique déjà établie, qui devint bientôt son indéfectible ami. Ensemble, ils se prirent de passion pour les grottes catalanes et pyrénéennes. En 1911-1912, ils parcoururent l'Afrique orientale à pied, des Aberdare au Kilimandjaro, dans des contrées encore sauvages à la biodiversité foisonnante, accompagnant Charles Alluaud (1861-1949), envoyé du Muséum.

Carrière[modifier | modifier le code]

Un aspect du laboratoire d'entomologie du Muséum.
À droite, le Vivarium du Muséum de Paris, conçu par Emmanuel Pontremoli sur les plans de René Jeannel en 1926 avec les fonds de la souscription Pasteur.
L'intérieur du vivarium.

En 1912, René Jeannel, nommé boursier de l'Institut Pasteur, revient à Paris et y rencontre Émile Brumpt (1877-1951) avec qui il étudie les insectes piqueurs à Paris, chez Louis Eugène Bouvier (1856-1944), au Muséum. Puis survient la Première Guerre mondiale et Jeannel reprend son métier de médecin comme chirurgien d'ambulance : Verdun, les Éparges, la Somme… Il s'en tirera indemne.

Après la guerre, il est maître de conférences à la faculté des sciences de Toulouse. En 1921, Racovitza, rentré en Roumanie, lui propose le poste de professeur de biologie générale à la faculté de médecine de Cluj, et René accompagné de sa famille débarque en Roumanie pour y prendre ses fonctions. Rejoint, en 1924, par le Suisse Pierre-Alfred Chappuis (1893-1959), les trois hommes créent l’Institut mondial de spéléologie dont la revue Biospeologica atteint une réputation internationale. Ils formaient un véritable trio de « mousque-sous-terres » scientifiques (en roumain musca = mouche) que la Roumanie honorera en les faisant membres d'honneur de son Académie royale[8].

En 1927, René quitte Cluj et revient au Muséum où il fait construire le Vivarium que l'on peut toujours voir dans la Ménagerie du Jardin des plantes. Mais il continuera à se rendre deux ou trois mois par an en Roumanie pour faire ses cours à la faculté de médecine. Il y renoncera en 1931, à sa nomination comme professeur au Muséum, responsable de la chaire d'entomologie[9]. Il encourage Paul Remy à poursuivre ses recherches et notamment l'exploration des cavernes du massif karstique de l'ancien sandjak de Novipazar en Yougoslavie[10].

Cela ne l'empêche pas de continuer ses expéditions outre-mer : l'Omo en Éthiopie en 1932-1933 avec Camille Arambourg (1885-1970) et Pierre-Alfred Chappuis, les îles australes subantarctiques (îles Kerguelen, Crozet, Saint Paul, Amsterdam…) en 1938-1939, et entre les deux, chaque année, d'innombrables explorations spéléologiques (environ 400) en Europe, en Amérique du Nord, en Afrique. En 1935, Jeannel est assez connu pour servir de modèle à des personnages de roman (le Pr Paturel d'Arnould Galopin), de bandes dessinées, d'un film même (où parmi les figurants on compte les Blattes géantes du Vivarium), où sa distraction légendaire sert de contrepoint pittoresque à une érudition phénoménale (en réalité, quand il était concentré sur son travail, le reste du monde cessait d'exister pour lui, jusqu'à ce que la tâche fut achevée).

René Jeannel ne faisait pas de brouillons : il concevait ses livres dans sa tête, puis les rédigeait d'un jet. Ses 511 publications totalisent plus de 20 000 pages, mais la clef de voûte de son œuvre est La Genèse des faunes terrestres (PUF, 1942) où il soutient la théorie de la dérive des continents, émise par Alfred Wegener (1880-1930), par des arguments biogéographiques, et cela alors que la majorité des géologues la rejetaient, car le « moteur » (la tectonique des plaques) n'avait pas encore été trouvé (il ne le sera qu'après sa mort).

Directeur du Muséum en 1951, il prend sa retraite en 1952, après avoir fondé avec le zoologue toulousain Albert Vandel (1894-1980), le laboratoire souterrain de Moulis[11] dans l'Ariège, pour étudier les animaux cavernicoles dans leur milieu. C’est dans cette grotte que sont formés tous les guides de visite des grottes de France.

Publications[modifier | modifier le code]

Digonostoma violaceus de Madagascar. Dessin à l’encre de Chine de René Jeannel (collection Galmiche)
Le plateau Jeannel sur l'Île de la Possession

511 publications entre 1905 et 1965 dans d’innombrables revues spécialisées françaises et étrangères dont de nombreux ouvrages généraux, ou retraçant sa création du Vivarium et ses différentes explorations :

  • René Jeannel, Faune cavernicole de la France avec une étude des conditions d'existence dans le domaine souterrain, Encyclopédie entomologique Vol. VII, Ed. P. Lechevalier, Paris, 1926, 338 p.
  • René Jeannel, Le vivarium du jardin des plantes de l'année 1928, Société nationale d'acclimatation de France, Revue d'Histoire Naturelle, Vol. 10, no 2-3, 1929, p. 1-30.
  • René Jeannel, Muséum National d'Histoire Naturelle : Guide illustré du vivarium, Firmin-Didot, 1929, 32 p.
  • René Jeannel, Mission scientifique de l'Omo : Un cimetière d'éléphants, Société des Amis du Muséum, Paris, impr. Firmin-Didot, Mesnil (Eure), 1934, 159 p.
  • René Jeannel, Au seuil de l'Antarctique : croisière du "Bougainville" aux îles des manchots et des éléphants de mer, Publications du Muséum national d'histoire naturelle, no 5, Paris, 1941, 236 p.
  • René Jeannel, La Genèse des faunes terrestres : Éléments de Biogéographie, Presses universitaires de France, Paris, 1942, 513 p.
  • René Jeannel, Les fossiles vivants des cavernes, L'Avenir de la Science, nouvelle série no 1, Gallimard, Paris, 1943, 321 p.
  • René Jeannel, Les Hautes Montagnes d'Afrique : vers les neiges éternelles sous l’équateur, Publications du Muséum national d'histoire naturelle, Supplément no 1, Paris, 1950, 254 p.
  • René Jeannel, La marche de l’évolution, Publications du Muséum national d'histoire naturelle, no 15, Presses universitaires de France, Paris, 1950, 171 p.
  • René Jeannel, Biogéographie des terres Australes de l'océan Indien, Revue française d'entomologie, Vol. 31, no 5, 1964, p. 319-417.

Hommages[modifier | modifier le code]

Au nord-est du « clos Patouillet » ou « îlot Buffon-Poliveau » (en haut à droite du liséré rouge) du Muséum national d'histoire naturelle se trouve, au 45 rue Buffon, l'allée René Jeannel qui longe le laboratoire d'Entomologie.
Espèces vivantes

Plusieurs espèces ont été nommées en hommage à René Jeannel.

Citations[modifier | modifier le code]

Une de ses citations a traversé les temps :

« L'Homme est fils de la forêt et père du désert. »

Écologue en avance sur son temps, Jeannel avait déjà compris que l'homme est un agent destructeur de la nature. Il avait, avec ses amis Emile Racovitza et Grigore Antipa (1867-1944), partagé les idées d'Ernst Haeckel (1834-1919), l'un des inventeurs de l'écologie, et il développa avec eux la démarche géonomique qui sera poursuivie plus tard par François Terrasson (1939-2006)[13].

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Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean-Jacques Amigo, « Jeannel (René, Gabriel, Marie) », dans Nouveau Dictionnaire de biographies roussillonnaises, vol. 3 Sciences de la Vie et de la Terre, Perpignan, Publications de l'olivier, , 915 p. (ISBN 9782908866506)
  • « Les grandes figures disparues de la spéléologie française », Spelunca Revue de la Fédération Française de Spéléologie (Spécial centenaire de la spéléologie), no 31,‎ , p. 57 (lire en ligne)
  • Aguilar, J. (2007) - « Histoires d'entomologistes – René Jeannel, l'homme des cavernicoles », Insectes no 146 (ISSN 0994-3544), Office pour les insectes et leur environnement, Guyancourt, p. 31-32
  • Delanghe, D. (2001) - Médailles et distinctions honorifiques [PDF], Coll. Les Cahiers du CDS no 12
  • Delamare-Deboutteville, Cl. et Paulian, R. (1966) - « Hommage à René Jeannel », Annales de la Société entomologique de France (N.S.), 2 (1), p. 3-37 Comprend la liste des 511 publications de Jeannel, de 1905 à 1965.
  • Galmiche, J. et Galmiche, J.-M. (2005) - « René Jeannel (1879-1965 ) promotion 1903 », L'Internat de Paris no 42, Association amicale des anciens internes en médecine des hôpitaux de Paris, Paris
  • Motas, C. (1966) - Hommage à la mémoire de René Jeannel ( - ). Suivi de la liste complète de ses publications. International Journal of Speleology, 2(3): 229-267. (pdf)
  • Motaş, C. (1976) - « In memoriam René Jeannel », Travaux de l'Institut de spéléologie "Emile Racovitza", tome XV, p. 5-7
  • Association des anciens responsables de la fédération française de spéléologie : In Memoriam.

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jean-Jacques Amigo, « Jeannel (René, Gabriel, Marie) », dans Nouveau Dictionnaire de biographies roussillonnaises, vol. 3 Sciences de la Vie et de la Terre, Perpignan, Publications de l'olivier, , 915 p. (ISBN 9782908866506)
  2. Citation d'Alfred Serge Balachowsky (1901-1983), son successeur à la chaire d'entomologie, en octobre 1969, cité dans la biographie sur le Site de l'AAAIM des hôpitaux de Paris
  3. Aphoenops jeanneli
  4. Haroun Tazieff, Les Profondeurs, tome IV de Histoire Universelle des Explorations publiée sous la direction de L.-H. Parias, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1957, p. 389.
  5. Bathysciinae
  6. Motas, C. 1966. Hommage à la mémoire de René Jeannel (23 mars 1879 - 20 février 1965). Suivi de la liste complète de ses publications. International Journal of Speleology, 2(3): 229-267. (pdf)
  7. Jeannel, R. 1914. Diagnose de quelques nouveaux Diaprysius de l’Ardèche. Bulletin de la Société entomologique de France, 19: 241-242.
  8. Qui était René Jeannel ? : in Jeannel Jacqueline : Ma Roumanie (« România mea »). Académie roumaine, Centre d'études transylvaines de Cluj, Jeannel-Galmiche Jacqueline, Galmiche Jean-Marie, 2012, 249-69.
  9. L'Internat de Paris. no 42, 2e trimestre 2005, 21-4 René Jeannel (1879-1965) Promotion 1903. Professeur d'entomologie au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris de Galmiche (née Jeannel) Jacqueline, Galmiche Jean-Marie
  10. (fr) Condé, B. (1962) - « Paul A. Remy (1894-1962). L'œuvre spéléologique », Spelunca 4e série no 3-1962, C.N.S.-S.S.F., Paris, p. 6
  11. a et b (fr) « Historique de la Station d'écologie expérimentale du CNRS à Moulis », sur le site du CNRS (consulté le )
  12. a et b Jean-Jacques Amigo, « Abeille de Perrin (Elzéar, Emmanuel, Arène) », dans Nouveau Dictionnaire de biographies roussillonnaises, vol. 3 Sciences de la Vie et de la Terre, Perpignan, Publications de l'olivier, , 915 p. (ISBN 9782908866506)
  13. Constantin Motaş : In memoriam René Jeannel, in : Travaux de l'Institut de Spéléologie "Emile Racovitza", tome XV, 1976: 5-7.

Jeannel est l’abréviation habituelle de René Jeannel en zoologie.

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