Reitia

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Reitia (en vénète, 𐌓𐌄:𐌉:𐌕𐌉:𐌀) est la principale déesse honorée par les Vénètes d'Italie du Nord. Son sanctuaire le mieux connu a été découvert à Este à la fin du XIXe siècle, mais elle était également honorée en d'autres lieux de Vénétie, comme Vicence et Montebelluna. Il est possible que Reitia soit une épithète de la divinité plutôt que son nom propre. Il s'agit vraisemblablement d'une déesse de l'écriture : les dédicaces découvertes dans ses sanctuaires prennent en effet la forme de tablettes d'écriture en bronze ainsi que de stylets, inscrits de formules dédicatoires vénètes, d'abécédaires et d'exercices d'écriture. En outre, son nom signifie possiblement "Celle qui écrit", sur la racine indo-européenne *wreyd-, « graver, inscrire » (comparer proto-germanique *wrītaną, « inscrire, écrire »)[1].

Sanctuaires et culte[modifier | modifier le code]

Reitia n'est ainsi nommée que dans le sanctuaire d'Este, mais des points de rapprochement apparaissent en d'autres sanctuaires du monde vénète, qui font penser que c'est la même grande divinité féminine qui y est vénérée ; ces rapprochements portent sur la nature ou la décoration des objets votifs ou sur la présence d'une épithète commune. Aucune divinité masculine n'a chez les Vénètes la même place que Reitia.

Le sanctuaire d'Este[modifier | modifier le code]

Un sanctuaire de Reitia a été découvert à Este (province de Padoue) et fouillé entre 1880 et 1916[2], puis de 1987 à 1991[3]. Il se situe à environ 1 km au sud-est de la ville, en un lieu connu sous le nom de fondo Baratella[4].

Un abondant matériel votif, qui est conservé au Museo Nazionale Atestino, a été retrouvé sur le site : céramique, objets de parure, fragments d'armes, figurines de bronze, lamelles de bronze figurées[5], etc. Les objets les plus significatifs sont ceux qui portent une inscription en vénète, parmi lesquels des tablettes alphabétiques. Ce matériel permet de dater le site : il a été actif du VIe siècle av. J.-C. à la période romaine.

Vicence[modifier | modifier le code]

Le sanctuaire a été découvert à l'emplacement de la Piazza San Giacomo[6], dans le centre historique. On a trouvé à cet endroit des lamelles votives en 1959. Le sanctuaire a été en fonction du Ve au IIe siècle av. J.-C.

Magrè[modifier | modifier le code]

Un sanctuaire a été fouillé à Magrè (it), commune de Schio, dans la province de Vicence, sur la colline dénommée Castello di Magrè. On y a trouvé des cornes de cerf inscrites en vénète qu'on peut dater du IIIe siècle av. J.-C. ; le nom de Reitia n'apparaît pas, mais la grande déesse des Vénètes a des traits qui la relient aux animaux sauvages et à la chasse.

Montebelluna[modifier | modifier le code]

Quatre disques votifs en bronze[7], datant du IVe – IIIe siècle av. J.-C., représentent une déesse qui a des points communs avec Reitia ; la divinité, figurée de profil, porte ostensiblement une grosse clef dans sa main droite[8]. Aucune inscription ne permet de connaître son nom. Des disques comparables ont été trouvés en d'autres lieux de Vénétie, notamment dans une tombe romaine de Ponzano Veneto, à quelques kilomètres au sud-est de Montebelluna.

Lagole[modifier | modifier le code]

Des fouilles, menées au milieu du XXe siècle dans la localité de Lagole dépendant de la commune de Calalzo di Cadore, ont mis au jour un sanctuaire vénète puis romain, actif à partir du VIe siècle av. J.-C. et jusqu'à la fin du IVe siècle ap. J.-C. ; de nombreux objets votifs, dont certains portent des inscriptions en vénète ou en latin, ont été découverts. Les Vénètes y honoraient une divinité féminine guérisseuse, dont l'épithète (Sainati-) correspond à une épithète de Reitia à Este ; à l'époque romaine, elle a été supplantée par un Apollon guérisseur[9].

Divers[modifier | modifier le code]

Reitia a donné son nom à une vallée profonde (chasma) de la planète Vénus : Reitia Chasma.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Katherine McDonald, « Education and Literacy in Ancient Italy: Evidence from the Dedications to the Goddess Reitia », The Journal of Roman Studies, Volume 109, November 2019, p. 131-159.
  2. G. Ghirardini, « Este. Intorno alle antichità scoperte nel fondo Baratela », Notizie degli scavi di antichità, 1888, p. 3-42, 71-127, 147-173, 204-214, 313-385 (repris en tiré à part dans La Collezione Baratela di Este).
  3. (de + it) Sonja Ickler, Die Ausgrabungen im Reitia-Heiligtum von Este, 1987-1991 / Gli scavi del santuario di Reitia a Este, 1987-1991, Nünnerich-Asmus Verlag, 2013.
  4. Baratella est écrit avec un seul l dans les premières publications (Ghirardini, Prosdocimi, etc.), mais le nom est plutôt écrit avec deux l aujourd'hui.
  5. (it + de) Loredana Capuis, Anna Maria Chieco Bianchi, Le lamine figurate del santuario di Reitia a Este/Die figural verzierten Votivbleche aus dem Reitia-Heiligtum von Este. Scavi 1880-1916 e 1987-1991/Ausgrabungen 1880-1916 und 1987-1991, Philipp von Zabern, 2010, 199 p., 97 fig., 105 pl. (ISBN 9783805342490)
  6. Touring Club italiano, Veneto, 1992, p. 310 (en ligne) ; Alberto Broglio, Lellia Cracco Ruggini, Storia di Vicenza : Il territorio, la preistoria, l'età romana, Neri Pozza, 1993, p. 111.
  7. Conservés au Museo civico di Treviso.
  8. Giovanna Gambacurta et Loredana Capuis, « Dai dischi di Montebelluna al disco di Ponzano : iconografia e iconologia della dea clavigera in Veneto », Quaderni di archeologie del Veneto, XIV, 1998, p. 108-120.
  9. Giulia Fogolari et Giovanna Gambacurta dir., Materiali veneti preromani e romani del santuario di Lagole di Calalzo al Museo di Pieve di Cadore, Rome, Giorgio Bretschneider, 2001. (ISBN 8876892079)

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (it) Gherardo Ghirardini (it), La Collezione Baratela di Este, Rome, Tipografia della R. Accademia dei Lincei, 1888, 216 p., 13 pl. (lire en ligne sur archive.org).
  • (it) Attilo Mastrocinque, Santuari e divinità dei Paleoveneti, La Linea Ed., 1987.
  • (de + it) Sonja Ickler, Die Ausgrabungen im Reitia-Heiligtum von Este, 1987-1991 / Gli scavi del santuario di Reitia a Este, 1987-1991, Nünnerich-Asmus Verlag, 2013. (ISBN 978-3-943904-17-8)

Articles connexes[modifier | modifier le code]