Réserve naturelle nationale de la forêt de la Massane

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Réserve naturelle nationale de la forêt de la Massane
Géographie
Pays
Région
Comarque historique
Arrondissement français
Département français
Commune française
Coordonnées
Ville proche
Superficie
3,4 km2, 3,4 km2Voir et modifier les données sur Wikidata
Administration
Type
Catégorie UICN
IV (aire de gestion des habitats ou des espèces)
WDPA
Création
Site web
Carte

La réserve naturelle nationale de la forêt de la Massane est une réserve naturelle nationale (RNN 6) située en Occitanie. Créée le 30 juillet 1973, elle occupe une superficie de 336 hectares essentiellement forestière. C'est une des rares forêts anciennes de hêtres en libre évolution en France.

La hêtraie (environ 120 ha) est classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO depuis le 28 juillet 2021 sur la liste des « Forêts primaires de hêtres des Carpates et d'autres régions d'Europe ».

Localisation[modifier | modifier le code]

La forêt de la Massane, aussi nommée « forêt des Couloumates », est située dans les Pyrénées-Orientales, au cœur du massif des Albères, sur le territoire de la commune d'Argelès-sur-Mer. Elle occupe toute la haute vallée de la rivière Massane, petite rivière se jetant dans la mer Méditerranée, depuis la place d'armes (667 m) situées au pied de la Tour Massane jusqu’au Pic des Quatre Termes (1 158 m)[1].

Toponymie[modifier | modifier le code]

La rivière Massane tiendrait son nom, via le catalan Massana ou Maçana, du latin Mala Mattiana, qui désignait une variété de pomme, elle-même nommée en l'honneur du gastronome et agronome romain Caius Matius (Ier siècle)[2],[3].

Histoire[modifier | modifier le code]

La présence du hêtre, inattendue à 600 m d'altitude en plein biome méditerranéen, la présence d'une forte biodiversité, et la naturalité de la forêt, font de la Massane un laboratoire naturel de terrain pour les chercheurs depuis plus de 100 ans.

Les naturalistes ont été attirés depuis très longtemps par les Albères, et tout spécialement par la forêt de la Massane. De vieilles archives concernant l’abbaye de Valbonne, située tout près de la forêt, nous apprennent le passage de Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708), botaniste de Louis XIV, qui a dû herboriser à la Massane, il y a près de 300 ans[1].

Les et , la Commune d’Argelès-sur-Mer demandait par délibération de son Conseil municipal, une suspension des exploitations forestières[1]. L'exploitation (production de charbon de bois) a été abandonnée sur le site à la fin du XIXe siècle et la seule activité humaine consiste en un élevage extensif de bovins.

Étudiée dès cette époque par de nombreux scientifiques en séjour au Laboratoire Arago (fondé en 1882), la forêt de la Massane est considérée comme un véritable laboratoire à ciel ouvert. Le classement en réserve naturelle avant la loi de sur la protection de la nature est le résultat d'une mobilisation longue et soutenue dans laquelle prirent part les scientifiques du laboratoire[4].

Une zone d'étude clôturée est créée sur le site en 1954 sur une superficie de 9 ha[1]. La réserve naturelle actuelle est créée en 1973.

En 2021, la hêtraie de la forêt de la Massane intègre le site du patrimoine mondial de l'UNESCO appelé Forêts primaires de hêtres des Carpates et d'autres régions d'Europe[5].

Géologie[modifier | modifier le code]

La rivière Massane
La rivière Massane

Le massif des Albères est constitué principalement d’orthogneiss surmontés de micaschistes et de marbres qui représentent la base (limite Précambrien-Cambrien, -540 Ma env.) de la couverture post-cadomienne, déformée, métamorphisée et injectée de pegmatites et d’aplites pendant l’orogénèse hercynienne (Wesphalien, -300 Ma env.). La morphologie très douce de la haute vallée de la Massane est héritée des aplanissements miocènes, soulevés au Pliocène[1].

Climat[modifier | modifier le code]

Hêtraie ancienne
Hêtraie ancienne

Le régime pluviométrique de la Massane est de type méditerranéen, avec une saison estivale nettement plus sèche que les autres en moyenne, mais cependant relativement humide. L’instabilité pluviométrique, caractéristique des régions méditerranéennes est particulièrement marquée, aussi bien pour les mois, pour les années, que pour le caractère brutal des précipitations. La pluviosité moyenne est élevée. Les températures correspondent à un climat tempéré frais avec des gelées assez fréquentes pendant l’hiver[1].

Écologie[modifier | modifier le code]

Les nombreux travaux menés sur le site ont révélé une exceptionnelle diversité biologique. La situation en plein carrefour biogéographique, l'isolement, la continuité forestière et l'absence de sylviculture depuis plus de 120 ans en sont à l'origine.

Versant sud
Versant sud

Avec plus de 8 200 espèces (essentiellement des invertébrés) répertoriées sur seulement 336 ha, c’est l’un des sites naturels les mieux inventoriés à l’échelle internationale. Par ailleurs, une station météorologique y a été installée dès 1959. Elle sert à étudier l’évolution du climat de la réserve et à mesurer l’impact des perturbations sur la forêt : sécheresses, canicules, coups de vent, neige, gels, fortes pluies, etc. Pour cela, un réseau d’observation de 50 000 arbres a été créé. Il permet de mesurer sur une grande échelle les conséquences précises de phénomènes climatiques sur la forêt.

Flore[modifier | modifier le code]

Feuilles d'If
Feuilles d'If
Dans la forêt de Massane. Décembre 2012.

Le hêtre constitue l'essentiel des espèces arborées. On trouve aussi les chênes vert, rouvre et pubescent, le houx, l'érable, le frêne, l'if.

Depuis la canicule de 2003, la réserve naturelle de la Massane subit les effets des sécheresses répétées. Ces stress ont notamment un impact sur les arbres et leurs houppiers, pouvant être à l'origine de leur dépérissement qui se prolonge parfois sur plusieurs années. Il se manifeste par une « descente de cime » puis la mort des arbres[6].

Champignons et lichens[modifier | modifier le code]

De nombreux champignons bénéficient dans la réserve de la présence de vieux arbres et de grosses pièces de bois mort.

On retrouve plus 360 lichens dont Lobaria pulmonaria, un indicateur de la continuité forestière.

Faune[modifier | modifier le code]

Cicindelle
Cicindelle

Les insectes représentent le groupe le plus étudié, en particulier les espèces saproxyliques dépendant du gros bois mort et des arbres très vieux.

On y dénombre plus de 1360 diptères !

Mammifères[modifier | modifier le code]

Le Blaireau, la Fouine, la Genette, la Musaraigne aquatique fréquentent le site. On y compte plus de 11 espèces de chauves-souris dont le Petit rhinolophe et le Minioptère de Schreibers[1].

Oiseaux[modifier | modifier le code]

Parmi les oiseaux remarquables fréquentant la réserve naturelle, on trouve le Circaète Jean-le-Blanc, l'Aigle royal, le Faucon pèlerin, le Grand-duc d'Europe, l'Engoulevent d’Europe, l'Alouette lulu, le Pipit rousseline, le Monticole de roche, la Fauvette pitchou, la Pie-grièche écorcheur et le Bruant ortolan[1].

Reptiles et amphibiens[modifier | modifier le code]

Grenouille de Perez
Grenouille de Perez

Chez les amphibiens, on trouve sur le site la Salamandre tachetée, le l'Alyte accoucheur, le Crapaud commun et le Discoglosse peint. Pour les reptiles, citons le Lézard vert, le Lézard des murailles et la Couleuvre d'Esculape[1].

Poissons[modifier | modifier le code]

L’Anguille était bien présente sur la réserve naturelle jusqu’en 1991. Désormais, elle a l'air d’avoir totalement disparu de ce milieu[1].

Invertébrés, insectes[modifier | modifier le code]

Les invertébrés saproxylophages, dont les insectes sont une des principales richesses du site.

Intérêt scientifique[modifier | modifier le code]

Forte de ses caractéristiques exceptionnelles, la Réserve naturelle de la forêt de la Massane est régulièrement prise en référence par les scientifiques du monde entier. Elle se place aujourd'hui comme un observatoire du réchauffement climatique. De nombreuses recherches scientifiques en cours sur le site témoignent de cet intérêt (plus de 100 partenariats scientifiques entre 2012 et 2017).

État, pressions ou menaces, réponses[modifier | modifier le code]

La forêt de la Massane est fragile. Les visites sont libres, mais la surfréquentation perturbe l’écosystème. Chaque année, 40 000 visiteurs se rendent à la Massane. Feux, déchets abandonnés et camping non autorisé (seul le bivouac est toléré) font encore trop de dégâts dans cet environnement.

Administration, plan de gestion, règlement[modifier | modifier le code]

L'administration de la réserve est assurée par l'Association des Amis de la Massane et la Fédération des réserves naturelles catalanes. « Tout travail public ou privé susceptible de modifier l'état ou l'aspect de la réserve est interdit » précise le décret.

Outils et statut juridique[modifier | modifier le code]

La réserve naturelle a été créée par un arrêté ministériel de création du [7].

L'ensemble de la réserve naturelle correspond à une ZNIEFF de type I N°0065.0002. Elle est également incluse dans la ZNIEFF de type II « Forêt d'altitude des Albères » et dans la ZICO du « Massif des Albères »[1].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Daniel, Vallauri (coordinateur), Livre blanc sur la protection des forêts en France, Forêts métropolitaines, Éditeur : TEC & DOC, 2003 (résumé/Gallica)
  • Daniel, Vallauri (coordinateur), Biodiversité, naturalité, humanité, pour inspirer la gestion des forêts, Éditeur : TEC & DOC, 2010 (résumé/Gallica)
  • F Athias-Binche, Analyses démographiques des populations d'uropodides (Arachnides: Anactinotriches) de la hétraie de la Massane, France ; Pedobiologia, 1985, vol. 28, no4, p. 225–253 (2 p.) Ed:Urban & Fischer, Jena, Allemagne (Résumé/cat.inist.fr)

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j et k « Plan de gestion de la RN de la Massane - 2004 », sur Gestionnaires d’Espaces Naturels Protégés du Languedoc-Roussillon
  2. Basseda 1990, p. 184
  3. Basseda 1990, p. 741
  4. « Réserve Naturelle de la forêt de la Massane - Enjeux et actions », sur Forêts Anciennes
  5. « La hêtraie de la Massane entre au patrimoine mondial de l’UNESCO », France Bleu.
  6. Joseph Garrigue, Jean-André Magdalou et Christophe Hurson, « Les effets de la canicule et de la sécheresse sur la forêt de la Massane (Pyrénées-Orientales) », Forêt méditerranéenne, t. XXIX, no 2,‎ , p. 189-194.
  7. « Arrêté du 30 juillet 1973 CREATION DE LA RESERVE NATURELLE DITE "DE LA FORET DE LA MASSANE" (PYRENEES-ORIENTALES) », sur Legifrance