Question prioritaire de constitutionnalité

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La question prioritaire de constitutionnalité ou QPC est, en droit français, une procédure de contrôle de constitutionnalité sur les lois déjà promulguées (dit « contrôle de constitutionnalité a posteriori »).

Cette question permet, sous certaines conditions, de demander au Conseil constitutionnel de vérifier si une disposition législative ne serait pas inconstitutionnelle en ce qu'elle « porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution »[1].

Elle a été introduite en droit français à l’occasion de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008[1], voulue par Nicolas Sarkozy, qui a créé l'article 61-1 de la Constitution et modifié l'article 62 avant d'entrer en vigueur le .

Elle est à l'origine de plusieurs centaines de décisions rendues par le Conseil constitutionnel[2].

Textes applicables

La QPC est issue d'une disposition constitutionnelle soumise, comme les autres normes, à la hiérarchie des normes.

Textes à valeur constitutionnelle

Si l'article 61-1 de la Constitution institue cette procédure, l'article 62 en détaille les effets. Plusieurs lois organiques en organisent la procédure.

Articles de la Constitution

Article 61-1 institué par la réforme constitutionnelle de 2008

« Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Une loi organique[3] détermine les conditions d'application du présent article. »

Article 62, tel que modifié par la réforme constitutionnelle de 2008

« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.

Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause.

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.  »

Loi organique

La QPC n'a pu entrer en vigueur qu'avec le concours de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution[3], loi organique ayant fait l'objet de réserves par le Conseil constitutionnel (décision no 2009-595 DC du 3 décembre 2009).

Celle-ci a :

Règlements intérieurs

Pour mettre en place la question, différentes juridictions ont dû modifier leur règlement intérieur.

Le Conseil constitutionnel a institué un « Règlement intérieur du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité » disponible en ligne (lire en ligne) dont la dernière modification date du 21 juin 2011 (« Décision n° 2011-120 ORGA du 21 juin 2011 », lire en ligne)[4].

Codes de procédure

La mise en place de la question a nécessité la modification de plusieurs codes.

Historique de la QPC

Les précédents de la QPC

Comme le souligne Jean-Louis Halpérin, « la question prioritaire de constitutionnalité peut apparaître comme une création ex nihilo » car « elle ne remplace pas une institution comparable existant préalablement dans l'ordre juridique français »[5].

La révision constitutionnelle

La Constitution française scellée
La Constitution française scellée

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 met en place le principe de contrôle de constitutionnalité a posteriori.

Dans un premier temps, il a fallu créer un nom. En effet, l'article 61-1 de la Constitution ne donne pas de nom complet au nouveau dispositif, tout juste utilise-t-il le mot sans adjectif de « la question ». Les appellations « question préjudicielle de constitutionnalité » et « question préalable de constitutionnalité » ont donc, un temps, été proposées.

La loi organique no 2009-1523 du 10 décembre 2009 a mis fin à cette polémique en utilisant l'expression complète de « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC) à la place de « question ». La polémique a donc duré plus d'un an, de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 à la publication de la loi organique no 2009-1523 du [Note 1]. Cette question, entrée en vigueur le [6], permet l'abrogation d'une disposition inconstitutionnelle (article 62) à l'occasion d'un litige survenu « devant les juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation » (article 23-1 de l'ordonnance de 1958[7]).

Bilan et évolutions possibles

Après trois ans d'existence le député Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois de l'Assemblée nationale a rendu un rapport sur la question de constitutionnalité. Il qualifie notamment l'instauration de la QPC de « révolution juridique » et considère qu'elle a été un succès. En particulier il reprend les propos de Dominique Rousseau, d'après qui  : « la Constitution est sortie de l'univers clos des facultés de droit pour entrer dans les prétoires. Elle est devenue la chose des citoyens-justiciables, l'arme des avocats et la référence des magistrats. » Le député affirme ainsi que « les justiciables se sont réappropriés la norme suprême nationale », ce qui constitue « un progrès pour l'État de droit ». D'un point de vue statistique du 1er mars 2010 au 1er mars 2013 le Conseil constitutionnel a rendu 255 décisions. Ce chiffre représente à lui seul près de 39 % de l'ensemble des décisions rendues par le Conseil depuis 1959 dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori. Plus précisément, sur les 255 décisions rendues par le Conseil constitutionnel 60 % concluent à la conformité ou à un non-lieu, 13 % à des réserves d'interprétation et 27 % à une inconstitutionnalité, partielle ou totale. De plus les acteurs de la procédure (juridictions, ordres des avocats, personnes morales à l’origine de questions que le Conseil constitutionnel a examinées) jugent son fonctionnement « globalement satisfaisant ». Néanmoins dans son rapport Jean-Jacques Urvoas relève certaines lacunes. En particulier il n'existe pas de suivi statistique précis de la procédure au niveau national permettant d'évaluer son efficacité. Il recommande aussi la prise en charge par l'État des frais de justice induits par la procédure de la QPC lorsque le Conseil constitutionnel a prononcé une décision de non-conformité dont l'auteur de la question ne peut se prévaloir et il propose qu'il soit fait obligation à la Cour de cassation et au Conseil d'État de porter à la connaissance du Conseil constitutionnel l'ensemble de leurs décisions relatives aux QPC, y compris les décisions de non-lieu à statuer et celles jugeant une QPC irrecevable. Enfin il remarque que la QPC a abouti à « une transformation substantielle des fonctions du Conseil constitutionnel », ce dernier étant devenu en pratique une cour constitutionnelle[8].

Portée juridique

Cette disposition de la Constitution, qui est entrée en application le [3] crée un nouveau moyen de contrôle de constitutionnalité (conformité des lois à la Constitution). Le système précédent, contenu dans l'article 61 de la Constitution, permettait le contrôle de constitutionnalité uniquement avant la publication de la loi et cette possibilité n'était ouverte qu'à des élus (Président de la République, Premier ministre, Président de l'Assemblée nationale, Président du Sénat, 60 députés, 60 sénateurs).

Question prioritaire de constitutionnalité et contrôle a priori

L'article 61-1 permet l'instauration d'une « question préalable d'inconstitutionnalité ». Cette question permet un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception. Tout justiciable (sous certaines conditions) peut donc arguer l'inconstitutionnalité d'une mesure comme moyen de défense.

Le contrôle n'est donc désormais plus uniquement possible a priori (avant la publication de la loi) mais aussi a posteriori, pendant la mise en application de la loi.

Cette possibilité pourrait permettre un renforcement de la hiérarchie des normes en droit français par la possibilité de vérifier la conformité à la Constitution des lois qui n'ont pas été soumises à un contrôle de constitutionnalité a priori.

Cette QPC pourrait aussi mettre fin aux critiques qui déconsidèrent le contrôle a priori comme essentiellement politique.

Contrôle a posteriori / contrôle a priori[9]
A priori (politique (article 61) A posteriori (QPC, article 61-1)
Loi Après adoption par le Parlement et avant promulgation Déjà entrée en vigueur (quelle que soit la date de son adoption)
Délai
  • 1 mois
  • 8 jours (urgence déclarée par le Gouvernement)
6 mois après transmission par le juge du fond
  • 3 mois (Cour de cassation ou Conseil d’État)
  • 3 mois (Conseil constitutionnel)
Requérants
  • Président de la République
  • Premier ministre
  • Président de l’Assemblée nationale ou du Sénat
  • Au moins 60 députés ou 60 sénateurs
Tout justiciable à l’occasion d’un procès, sauf au Tribunal des conflits, la Haute Cour et lors de la première instance de Cour d'assises
Moyens Tous peuvent être soulevés d'office Pas de moyen soulevé d’office
Recevabilité du

recours

Toutes les lois sauf les lois référendaires (décision no 62-20 DC du 6 novembre 1962)
  • Loi applicable au litige
  • Non encore jugée conforme à la Constitution, « sauf changement de circonstances »
  • caractère sérieux de la question
Procédure Recours direct Recours par voie d’exception :
  • Transmission motivée par les juges du fond, insusceptible de recours
  • Filtrage par la Cour de cassation ou le Conseil d’État
Effet de la décision du Conseil constitutionnel Autorité absolue de la chose jugée

Annulation de la loi erga omnes

Question prioritaire de constitutionnalité et question préjudicielle devant la CJUE

Cette question doit cependant composer avec l'ordre juridique européen et un recours a été introduit devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) afin de concilier question préjudicielle devant la CJUE et question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel français[10].

Le 22 juin 2010, la CJUE a validé la conformité de la procédure française de QPC tout en réaffirmant la supériorité du droit de l'Union, qui s'impose aux juges contre toute autre disposition nationale, même postérieure, qui serait contraire aux normes communautaires. Autrement dit, une loi française, suspectée d'être anticonstitutionnelle, et manifestement contraire au droit européen, n'a pas besoin de passer par la procédure de QPC pour être inappliquée. Le juge national a l'obligation de faire appliquer le droit européen, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de la loi en cause par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel[11] (voir, notamment, arrêt Simmenthal, du 9 mars 1978).

Procédure

La procédure applicable à la question prioritaire de constitutionnalité est organisée par de multiples textes juridiques (voir : la section consacrée). Pour être acceptée la question doit remplir des conditions de fond et des conditions de forme.

La saisine du Conseil constitutionnel se fait à l'occasion d'un procès par voie d'exception, à l’initiative de l'une des parties et après filtrage des requêtes par le Conseil d'État ou la Cour de cassation.

Le ministère public doit être obligatoirement informé du dépôt d'une QPC afin de rendre son avis[12].

La possibilité de saisine semble donc très largement ouverte. « L’article 23-1 ne semble ainsi écarter que le Tribunal des conflits et la Cour supérieure d’arbitrage »[13]. Cependant, pour éviter une submersion du Conseil constitutionnel, un filtre important a été apposé : l'ordonnance, dans son article 23-2, limite la possibilité de question aux seuls textes n'ayant pas déjà été déclarés conformes à la Constitution « sauf changement des circonstances »[7].

À cette fin, le Conseil constitutionnel a établi un « tableau des dispositions déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ». Un avertissement prévient que les décisions de conformité ne sont valables qu'au moment du déferrement de la loi. Une évolution ultérieure pouvant rendre la loi non-conforme[14].

C'est le juge qui décide du sort de la QPC :

  • Il statue sans délai et avec les observations du ministère public.
  • Il doit décider de la transmission ou non de la QPC.
  • Le juge peut ne pas transmettre la QPC si la Cour de cassation a été saisie sur la question, si le Conseil constitutionnel a déjà été saisi et a statué dessus ou si la QPC n'a pas de lien avec le litige.

L'article 126-7 du code de procédure civile[15] dispose que si le juge décide de transmettre la QPC, il n'y a pas de recours possible. Les parties auront alors un délai d'un mois pour soutenir ou contester la QPC devant la Cour de cassation. Si le juge refuse, on ne pourra contester qu'à l'occasion de la contestation de la décision au fond du juge.

L'article 23-2 de l'ordonnance de 1958 (introduit par la loi organique du 10 novembre 2009) prévoit que la juridiction saisie se prononce sans délai sur le transfert à la juridiction de cassation (Conseil d’État pour les juridictions administratives ou Cour de cassation pour les juridictions judiciaires), qui dispose de trois mois pour statuer et renvoyer ainsi ou non au Conseil constitutionnel. Celui-ci aura lui-même trois mois pour se prononcer et peut décider qu’il n’y a pas lieu à statuer sur une question prioritaire de constitutionnalité.

Conditions

Les conditions de fond

L'article 23-1 de l'ordonnance de 1958 prévoit des conditions de fond pour opérer une QPC.

« Devant les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office.

Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis.

Si le moyen est soulevé au cours de l'instruction pénale, la juridiction d'instruction du second degré en est saisie.

Le moyen ne peut être soulevé devant la cour d'assises. En cas d'appel d'un arrêt rendu par la cour d'assises en premier ressort, il peut être soulevé dans un écrit accompagnant la déclaration d'appel. Cet écrit est immédiatement transmis à la Cour de cassation. »

— article 23-1 de l'ordonnance de 1958[3]

Cet article énonce plusieurs conditions de fond. Ce recours n'est ouvert qu'aux parties d'un procès civil ou pénal dans le cadre d'une disposition législative portant atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Textes concernés : disposition législative portant atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution

La question prioritaire de constitutionnalité doit porter sur une « Disposition législative qui porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantie ». Le recours nécessite donc l'étude de la notion de « disposition législative » et de « droits et libertés garantis par la Constitution ».

L'expression "disposition législative" doit être entendu au sens large. L'interprétation jurisprudentielle de la norme, notamment, entre dans le champ d'intervention de la QPC.

Sont toutefois exclues :

  • les lois constitutionnelles
  • les lois de ratification ou d'approbation d'un traité ou d'un accord international
  • les lois référendaires
  • les lois de transposition des directives

Les articles de lois organiques (LO) peuvent sous certaines conditions faire l'objet d'une QPC[16].

Qui peut poser une QPC : les parties d'un procès

La question, qui « ne peut être relevée d'office » (ce que certains regrettent[17]), doit s'inscrire dans une instance en cours et être posée par une partie au procès[Note 2].

Devant quels juges : les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation

De prime abord, la Constitution semble ouvrir plus largement ce recours que l'ordonnance. Alors que la première indique de manière générale que la QPC peut être posée « à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction », la seconde restreint ce champ aux « juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ». Mais cette divergence n'est que de façade car la Constitution dispose aussi que « le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ». Le pouvoir de transférer une question relevant du Conseil d'État et de la Cour de cassation, il aurait été étrange de donner cette compétence à des juges n'étant pas soumis à ceux-ci.

Sont donc incompétentes pour connaître d'une demande de QPC les juridictions suivantes :

Les conditions de forme

La partie qui soutient une QPC doit le faire par un écrit distinct et motivé. C'est une exigence formelle extrêmement rigoureuse.

Pour être recevable, la question prioritaire de constitutionnalité doit présenter 3 caractéristiques :

  • être applicable au litige : c’est ce qui fait qu’elle est prioritaire et non préjudicielle, car la solution à une question préjudicielle détermine l’issue du litige.
  • être nouvelle : le Conseil constitutionnel ne doit pas s’être déjà prononcé expressément dessus

Exception  : s'il y a eu "changement de circonstances" ; c'est-à-dire un changement de droit (la Constitution a été modifiée) ou un changement de fait (par exemple dans l'application de la loi). Ainsi la loi relative à la garde à vue[19] avait déjà été jugée conforme à la Constitution mais étant donné le nombre de gardés à vue, la facilité d'accéder au grade d'officier de police judiciaire... le Conseil constitutionnel a décidé de la juger une nouvelle fois.

Le 29 avril 2013, le Conseil d'État a transmis une question (n°2013-331 QPC[20]) sur l'article L. 36-11 du Code des postes et des communications électroniques déjà déclaré conforme en 1996, en invoquant "une circonstance de droit nouvelle". Le Conseil constitutionnel s'est alors prononcé sur le pouvoir de sanction de l'ARCEP, et a déclaré le mécanisme inconstitutionnel à compter du jour de la publication de sa décision, à savoir le 5 juillet 2013.

  • présenter un caractère sérieux.

Sur ce dernier critère, on peut voir un contrôle de constitutionnalité diffus (exercé par tous les juges). En effet, le juge saisi d'une QPC doit effectuer un rapide contrôle, pour voir si celle-ci n'est pas absurde. On se rapproche alors du système américain.

L'ordonnance précise que, sauf dans certains cas, la juridiction sursoit à statuer jusqu'à réception de la réponse à la question prioritaire de constitutionnalité, que celle-ci émane du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou du Conseil constitutionnel.

Application

Décisions rendues

Les décisions rendues sur une question prioritaire de constitutionnalité ont porté sur  :

  • la « cristallisation des pensions » : le Conseil constitutionnel a jugé que le régime spécial des pensions applicable aux ressortissants des pays et territoires autrefois sous souveraineté française et, en particulier, aux ressortissants algériens, plaçait ceux-ci dans une situation d'inégalité par rapport aux ressortissants français résidant dans le même pays étranger. Il a donc censuré certaines dispositions législatives relatives à ce régime. Toutefois, comme le régime juridique antérieur est encore plus inégalitaire, il a repoussé la date d'application de cette décision au 1er janvier 2011 afin de laisser le temps au législateur de mettre en place un régime de pension conforme à la Constitution[21] ;
  • les dispositions législatives relatives aux prérogatives de l’UNAF et des unions départementales des associations familiales (UDAF), que le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution[22] ;
  • la réparation d'un préjudice du seul fait de sa naissance : le Conseil a jugé que n'était pas contraire à la Constitution le principe selon lequel « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance », posé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé prise à la suite de l'arrêt Perruche[23] ;
  • la radiation automatique des listes électorales des personnes dépositaires de l'autorité publique lorsqu'elles commettent certaines infractions : le Conseil a censuré l'article 7 du code électoral, au motif que l'automaticité de la peine prévue par cet article est contraire au principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789[24].
  • la réforme de la procédure de garde à vue imposée par une décision du 30 juillet 2010, le système antérieur à la loi du 14 avril 2011 ne garantissant pas suffisamment les droits des intéressés.
  • l'abrogation le 4 mai 2012 de l'article 222-33 du code pénal réprimant le harcèlement sexuel[25] car sa dernière rédaction instituée par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale était floue (« insuffisamment définie »).

Notes et références

Notes
  1. Pour une explication de la différence entre prioritaire et préjudicielle : « en qualifiant cette question de « prioritaire », la loi organique montre bien qu’il ne s’agit pas d’une question « préjudicielle ». En effet, la question doit être traitée avant toutes les autres alors que, face à une question préjudicielle, le juge doit d’abord statuer sur les autres moyens ; il ne pose la question préjudicielle et ne sursoit à statuer que si aucun de ces autres moyens ne lui permet de régler le litige. » (Guillaume 2010, p. 3)
  2. Exemple de recours abusif en justice, mais dans un autre domaine : le renvoi préjudiciel

    « La fonction confiée à la cour de justice par l'article 177 du traité CEE consiste à fournir à toute juridiction de la communauté les éléments d'interprétation du droit communautaire qui lui sont nécessaires pour la solution de litiges réels qui lui sont soumis.

    En revanche, la cour n'est pas compétente - à peine de porter atteinte au système de l'ensemble des voies de recours juridictionnelles dont disposent les particuliers pour se protéger contre l'application de lois fiscales qui seraient contraires aux dispositions du traité - pour statuer sur des questions posées dans le cadre d'un litige par lequel les parties au principal visent à obtenir une condamnation du régime fiscal d'un État membre par le biais d'une procédure devant une juridiction d'un autre État membre entre deux parties privées qui sont d'accord sur le résultat à atteindre et qui ont inséré une clause dans leur contrat en vue d'amener cette juridiction à se prononcer sur ce point. Le caractère artificiel d'une telle construction est d'autant plus manifeste lorsque les voies de recours ouvertes par le droit national du premier État membre contre l'imposition en cause n'ont pas été utilisées. »

    — CJCE, 11/03/1980, « Pasquale Foglia contre Mariella Novello », af. 104/79, lire en ligne

Références
  1. a et b Claude-Danièle Échaudemaison, Sciences sociales & politiques : Enseignement de spécialité, Nicolas Simon, , 143 p. (ISBN 978-2-09-172655-7), p. 21
  2. Conseil constitutionnel, « Les décisions QPC », lire en ligne
  3. a b c et d Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution.
  4. Voir par exemple: Serge SLAMA, « Modification du règlement du Conseil constitutionnel pour formaliser et limiter les interventions volontaire en QPC », in QPC en bref (17-21 juin 2011), Actualités Droits-Libertés du 23 juin 2011, lire en ligne - Forum AJ Pénal, « Du nouveau pour les QPC », lire en ligne
  5. JEAN-LOUIS HALPÉRIN, « La question prioritaire de constitutionnalité : une révolution dans l'histoire du droit français ? », in Cahiers du Conseil constitutionnel n° 28 (Dossier : L'histoire du contrôle de constitutionnalité), juillet 2010, lire en ligne.
  6. Voir Marc Guillaume, [PDF] La question prioritaire de constitutionnalité, page 35 (site du Conseil constitutionnel).
  7. a et b Ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel (version en vigueur sur Legifrance).
  8. Rapport d'information de M. Jean-Jacques Urvoas déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur la question prioritaire de constitutionnalité, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mars 2013.
  9. Inspiré d'après : Noëlle Lenoir, Avocat à la Cour, Membre honoraire du Conseil constitutionnel, « La Question Prioritaire de Constitutionnalité : Outil au service de la défense des droits et libertés », 29 avril 2010, lire en ligne
  10. Cour de cassation, QPC, 16 avril 2010 ; Conseil constitutionnel, QPC, 16 mai 2010. « La Cour de cassation a décidé de poser deux questions préjudicielles à la Cour de justice :
    • La loi organique, qui impose aux juridictions nationales de se prononcer par priorité sur la transmission au Conseil constitutionnel de la question de constitutionnalité, est-elle conforme à la procédure de renvoi préjudiciel alors que l'inconstitutionnalité éventuelle résulterait en réalité d'une contrariété avec le droit de l'Union européenne ?
    • Le droit français (article 78-2, alinéa 4, du Code de procédure pénale) est-il contraire au droit de l'Union européenne (article 67 TFUE) ? »
    (Le club des juristes, « Question prioritaire de constitutionnalité et question préjudicielle », 26/04/2010, lire en ligne)
  11. JURISPRUDENCE RECENTE, Arrêt CJUE du 22 juin 2010, dans les affaires jointes C‑188/10 et C‑189/10, lien direct vers la décision, Objet de la demande
  12. Second alinéa de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel  : voir cette ordonnance en vigueur sur Légifrance.
  13. (Guillaume 2010, p. 4)
  14. Conseil constitutionnel : « La question prioritaire de constitutionnalité »
  15. Voir l'article 126-7 du code de procédure civile en vigueur sur Légifrance.
  16. « Loi organique et QPC », nov. 2012 sur le site du Conseil constitutionnel.
  17. Par exemple, les auteurs S. Guinchard, C. Chainais et F. Ferrand in « Procédure civile », no 509 : « Si les parties s'abstiennent de soulever le caractère non constitutionnel du texte, [le juge] sera obligé de l'appliquer, tout en le sachant, en réalité, non conforme à la Constitution. »
  18. Cass. civ. 1re, 18 novembre 1986, n°85-10912 et 85-12112
  19. http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2010/2010-14/22-qpc/decision-n-2010-14-22-qpc-du-30-juillet-2010.48931.html
  20. Décision n°2013-331 QPC du 5 juillet 2013
  21. Décision no 2010-1 QPC du 28 mai 2010, « Consorts L. ».
  22. Décision no 2010-3 QPC du 28 mai 2010, « Union des familles en Europe ».
  23. Décision no 2010-2 QPC du 11 juin 2010.
  24. Décision no 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010.
  25. http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2012/2012-240-qpc/decision-n-2012-240-qpc-du-04-mai-2012.105618.html
Ouvrages
  • Marc Guillaume, « La question prioritaire de constitutionnalité », Justice et cassation, revue annuelle des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, vol. (à paraître mais daté),‎ (lire en ligne)

Pour en savoir plus

Articles connexes

Liens externes

Sur les autres projets Wikimedia :

Sites juridictionnels

Les trois juridictions suprêmes proposent une page sur la question prioritaire de constitutionnalité, contenant une présentation de la procédure et la liste des questions en cours d'examen ou des décisions prises :

Bibliographie et webographie indicatives

Bibliographie

  • Conseil constitutionnel, Références doctrinales (lire en ligne)
    Bibliographie indicative sur la question prioritaire de constitutionnalité.
  • Dominique Rousseau, « L'art italien au Conseil constitutionnel », Gazette du Palais, édition générale,‎ , p. 12-15.
  • Pascal Jan, La question prioritaire de constitutionnalité, coll. « Petites affiches », , chap. 252, p. 6.
  • É. Dupic et L. Briand, La question prioritaire de constitutionnalité, une révolution des droits fondamentaux, P.U.F., coll. « Questions judiciaires », , 244 p..

Articles complet en ligne