Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association

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Québec c. COPA

Informations
Titre complet Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association
Références 2010 CSC 39,
[2010] 2 R.C.S. 536
Date 15 octobre 2010

Décision

Les provinces ne peuvent empêcher le gouvernement fédéral d'installer un aéroport en territoire agricole.

Juges et motifs
Majorité Beverley McLachlin (appuyé par : Binnie, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell)
Dissidence Lebel
Dissidence Deschamps

Jugement complet

texte intégral sur csc.lexum.org

Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, aussi connu sous l'appellation Québec c. COPA, est un arrêt de la Cour suprême du Canada prononcé en 2010 qui traite du partage des compétences législatives entre les provinces et le gouvernement fédéral. Afin de déterminer si l'installation d'un aéroport relève exclusivement du Parlement fédéral, la Cour suprême aborde l'applicabilité des doctrines de l'exclusivité des compétences et de la prépondérance fédérale en droit constitutionnel canadien.

La Cour conclut que les provinces ne peuvent empêcher le gouvernement fédéral de décider de l'emplacement d'un aéroport, même si la loi provinciale interdit son installation en territoire agricole.

Les faits[modifier | modifier le code]

Un aérodrome, enregistré en vertu de la Loi fédérale sur l'aéronautique, a été construit sur un terrain zoné agricole au Québec. L'article 26 de la Loi québécoise sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA)[1] interdit l'utilisation des terres d'une région agricole désignée à des fins autres que l'agriculture, sous réserve de l'autorisation préalable de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ).

Puisque l'autorisation de la Commission n'a pas été obtenue avant la construction de l'aérodrome, la Commission ordonne la restauration de la terre dans son état antérieur, conformément à la LPTAA. Cette décision a été contestée au motif que l'aéronautique est de compétence fédérale.

Décision des tribunaux inférieurs[modifier | modifier le code]

Le Tribunal administratif du Québec, la Cour du Québec et la Cour supérieure du Québec ont tous confirmé la décision de la CPTAQ, mais la Cour d'appel du Québec a conclu que l'exclusivité des compétences ne permet pas à la Commission d'ordonner le démantèlement de l'aérodrome.

Décision de la Cour suprême[modifier | modifier le code]

L'appel a été rejeté. L'exclusivité des compétences s'applique en l'espèce, en vertu du critère à deux volets qui a été énoncé par la juge en chef McLachlin :

« [27] La première étape consiste à déterminer si la loi provinciale — l’art. 26 de la Loi — empiète sur le « cœur » d’une compétence fédérale. Si c’est le cas, la deuxième étape consiste à déterminer si cette loi provinciale a, sur l’exercice de la compétence fédérale protégée, un effet suffisamment grave pour entraîner l’application de la doctrine de la compétence exclusive[2]. »

Bien que la LPTAA soit une loi provinciale valide, elle est inapplicable dans la mesure où elle a une incidence sur la compétence fédérale en matière d'aéronautique. La compétence fédérale en matière d'aéronautique englobe non seulement la réglementation de l'exploitation des aéronefs et des aéroports, mais aussi le pouvoir de déterminer l'emplacement des aéroports et des aérodromes. Ce pouvoir est une partie essentielle et indivisible de l'aéronautique et, à ce titre, se trouve dans le cœur protégé de la compétence aéronautique fédéral[3].

En interdisant la construction d'aérodromes sur des terres agricoles désignées sauf autorisation préalable de la Commission, la LPTAA a effectivement retiré la superficie totale des régions agricoles désignées du territoire que le Parlement peut désigner pour des fins aéronautiques. Ce n'est pas une superficie de terrain insignifiante et une grande partie est stratégiquement située[4].

  • Bien que l'art. 26 de la loi québécoise ne stérilise pas le pouvoir du Parlement de légiférer sur l'aéronautique, la doctrine de la prépondérance permettrait au Parlement de passer outre à la législation provinciale en matière de zonage aux fins d'établir des aérodromes , il a néanmoins gravement affecté la manière dont ce pouvoir peut être exercé.
  • Si l'art. 26 est appliqué, il forcerait le Parlement fédéral à choisir entre accepter que la province puisse interdire l'implantation d'aérodromes d'une part, ou légiférer spécifiquement pour déroger à la loi provinciale d'autre part. Cela porterait gravement atteinte à la compétence fédérale en matière d'aviation, ce qui forcerait effectivement le Parlement fédéral à adopter un régime différent et plus contraignant pour l'établissement d'aérodromes qu'il n'a en fait choisi de le faire.

En appel, le Québec avait soutenu que l'exclusivité des compétences ne s'appliquait pas lorsqu'une loi soulève un double aspect. Même s'il n'était pas nécessaire de trancher cette question, il a été déclaré que l'argument avait mal interprété la doctrine de l'exclusivité des compétences :

« L’analyse de cette doctrine présuppose la validité d’une loi et porte exclusivement sur les effets de la loi sur le cœur d’une compétence fédérale [...] Ce qui importe, du point de vue de l’exclusivité des compétences, c’est que la loi a pour effet d’entraver l’exercice d’une activité relevant du cœur d’une compétence fédérale. Dans les cas où elle s’applique, la doctrine assure la protection, contre toute entrave provinciale, du cœur de la compétence fédérale qui bénéficie de l’exclusivité[5]. »

La doctrine de la prépondérance fédérale ne s'applique pas en l'espèce[6].

  • La prépondérance peut découler soit de l'impossibilité de se conformer aux lois fédérales et provinciales, soit de la frustration d'un objectif fédéral. Ici, il n'y a pas de conflit opérationnel, puisque la législation fédérale n'exige pas la construction d'un aérodrome et qu'il est possible de se conformer à la fois à la législation provinciale et fédérale en démolissant l'aérodrome.
  • Il n'y a pas non plus de preuve établissant qu'un objectif fédéral concernant l'emplacement des aérodromes est contrecarré par la loi provinciale. Les règlements fédéraux prévoient que le ministre responsable peut déterminer que l'emplacement de chaque aérodrome enregistré est dans l'intérêt public, mais ils ne divulguent aucun objectif fédéral concernant l'emplacement des aérodromes.

Jugement dissident[modifier | modifier le code]

Le juge Marie Deschamps a déclaré que la seule différence entre la présente affaire et Québec (Procureur général) c. Lacombe[7] (qui a été rendue le même jour) est que l'arrêt Lacombe portait sur le zonage municipal et la que l'arrêt COPA concerne un régime provincial de zonage agricole. Elle a conclu qu'il n'y avait aucune preuve d'un effet incident qui équivaudrait à une entrave au cœur de la compétence fédérale en matière d'aéronautique.

Impact[modifier | modifier le code]

Québec c. COPA et une autre cause jugée concurremment, Québec c. Lacombe[8], constituent des contributions significatives à la jurisprudence de la Cour suprême sur le fédéralisme canadien. Certains analystes ont déploré l'incohérence de cet arrêt par rapport à des décisions précédentes de la Cour[9].

Notes et références[modifier | modifier le code]

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Quebec (Attorney General) v. Canadian Owners and Pilots Association » (voir la liste des auteurs).
  1. Québec. « Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles », L.R.Q., chap. P-41.1, art. 26. (version en vigueur : 1er février 2013) [lire en ligne (page consultée le 19 février 2013)]
  2. Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, 2010 CSC 39 (CanLII), [2010] 2 RCS 536, au para 27, <https://canlii.ca/t/2cxpf#par27>, consulté le 2021-12-11
  3. par. 34 de la décision
  4. par. 48 de la décision
  5. Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, 2010 CSC 39 (CanLII), [2010] 2 RCS 536, au para 57, <https://canlii.ca/t/2cxpf#par57>, consulté le 2021-12-11
  6. par. 63-64 de la décision
  7. 2010 CSC 38
  8. Cour suprême du Canada, Québec (Procureur général) c. Lacombe, 2010 CSC 38, 15 octobre 2010. Consulté le 19 février 2013.
  9. (en) Holden Summer, « Calling for consistency after COPA and Lacombe », The Court,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Patrick J. Monahan et Chanakya Sethi, « Constitutional Cases 2010: An Overview », Supreme Court Law Review, vol. 54,‎ , p. 30-34 (lire en ligne)
  • (en) Bruce Ryder, « Equal Autonomy in Canadian Federalism: The Continuing Search for Balance in the Interpretation of the Division of Powers », Supreme Court Law Review, vol. 54,‎ , p. 570-572, 589-592, 600 (lire en ligne)
  • (en) Kerry Wilkins, « Dancing in the Dark: Of Provinces and Section 35 Rights After 2010 », Supreme Court Law Review, vol. 54,‎ , p. 534, 540-544 (lire en ligne)
  • (en) Dwight Newman, « Canada's Re-emerging Division of Powers and the Unrealized Force of Reciprocal Interjurisdictional Immunity », Forum constitutionnel, vol. 20, no 1,‎ , p. 3 (lire en ligne)
  • (en) Hester Lessard, « Jurisdictional Justice, Democracy and the Story of Insite », Forum constitutionnel, vol. 19, nos 1, 2 et 3,‎ , p. 102-103 (lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]