Prosper Dezitter

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Georges Prosper Dezitter
Biographie
Naissance
Décès
Surnom
Jack the Canadian, Captain Jackson, Monsieur Marcel, Jack Kilanine, William Herbert, Captain Willy
« L'homme au doigt coupé »
Nationalité
Activités

Prosper Dezitter, né le à Passendale (Belgique), exécuté le à Ixelles (banlieue de Bruxelles), est un collaborateur belge durant l'occupation allemande de la Belgique lors de la Seconde Guerre mondiale. Ayant infiltré des réseaux de résistance et d'évasion, il fut à l'origine de l'arrestation de plus de 1500 résistants ou aviateurs alliés tentant de regagner l'Angleterre[1]. Arrêté en 1946 en Allemagne et extradé en Belgique, il fut jugé, condamné à mort puis fusillé deux ans plus tard[2],[3].

Biographie[modifier | modifier le code]

Prosper Dezitter[4] a été déclaré à l'état civil sous les nom et prénoms de Prosper Valeer Dezitter[5], né le à Passendale, une petite commune près d'Ypres en Flandre-Occidentale. Il est né dans une famille qui comptera dix enfants, nés à Passendale entre 1884 et 1897, comme fils de Pieter Jan Dezitter (Passendale 30 octobre 1842 - Passendale 23 décembre 1931), qui était alors âgé de 51 ans, et de son épouse Matilda - ou Mathilde selon les sources[réf. nécessaire] - Delbeke (Langemark 21 mars 1856 - Passendale 6 avril 1931) alors âgée de 38 ans, tous deux ouvriers agricoles après avoir exercé des métiers divers de même qualification (ouvrier, domestique, entre autres).

En 1913, à vingt ans, il est inculpé pour le viol, perpétré à Ypres, d'une jeune fille de 13 ans, et condamné à trois ans de prison, plus un an pour vol. Il fuit vers le Canada à bord du SS Megantic qui appareille le et arrive à Québec le . En 1918, il vit à Winnipeg (Manitoba). Il s’enrôle dans la RAF jusqu'au . Le , il épouse Lillian Stanbury. Sur son livret de mariage, il se fait appeler Jack Prosper et dit être né à Boulogne (Nord de la France). Il délaisse son épouse en décembre 1926 pour regagner la Belgique. Il travaille comme vendeur chez un concessionnaire automobile et ouvre sa propre affaire : Dezitter & Co. Il va faire six ans de prison à Bruges pour "escroquerie au mariage" car il n'avait pas divorcé de son épouse canadienne. Il divorce alors de son épouse du moment, Germaine Princen, en 1939. Peut-être était-il en prison pour fraude lors de l'invasion allemande. En 1938, il avait rencontré Flore Dings, nom de femme mariée de Flore Giralt parfois nommée Girault[réf. nécessaire]. Flore était née le à Barcelone et avait eu un fils, né en 1930, de Paul Dings[2].

La Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Dès le début de la guerre, Prosper Dezitter et sa compagne Flore collaborent avec l'occupant en tentant de s'infiltrer dans les réseaux résistants clandestins. En 1940, il tente d'intégrer ainsi un groupe d'aviateurs britanniques désirant rallier la Grande-Bretagne depuis la région de Flobecq[6]. Il se fait passer pour un aviateur anglais ou canadien et utilise différentes fausses identités pour duper son entourage. Plus tard à Bruxelles, il se fait passer pour un officier britannique, le captain Jackson. Ses fausses filières d'évasion conduisent immanquablement dans les filets de la Gestapo. Dans le milieu de la Résistance et des réseaux d'évasion, on l'appelle "l'homme au doigt coupé"[Note 1] et son rôle délétère fut établi dès juin 1941[7]sans que l'on put toutefois appréhender le traître en raison de ses multiples identités. Il disposait d'un sauf-conduit de la Gestapo le rattachant au "Groupe 16" et stipulant: « Ordre à toutes les polices allemandes ou belges de laisser le titulaire en liberté dans toutes les circonstances" ». En 1943, Dezitter et Flore allèrent même jusqu'à tenir une "safe house" laissant augurer une évacuation sans encombre pour ses "pensionnaires"[Note 2]. Ils tissèrent un réseau de gens honnêtes — dont des religieux — qui ne servaient, malgré eux, qu'à cautionner cette organisation criminelle à la solde des nazis.

Prosper Dezitter monnayait chacune de ses actions au prix fort. Il ne tarda pas à faire partie du réseau III C-2 de l'Abwehr, le service de renseignement de l'armée allemande. Son supérieur, Rudolf Kohl, emprisonné à Saint-Gilles à l'issue de la guerre, le décrira en ces mots : « son but était le lucre »[8].

À l'été 1943, la section belge du SOE britannique décida de lancer une campagne d'élimination des traîtres : "the rat week". Dezitter figurait en bonne position sur cette liste. Mais le gouvernement belge en exil s'opposa à ce qu'une telle action soit menée sans jugement. Le champ était alors libre pour le couple qui rencontra à cette époque Annie Lall (ou Laal ou Lally), une Estonienne qui vivait d'expédients. Ils lui demandèrent s'ils pouvaient faire adresser du courrier chez elle, s'ils pouvaient "louer" son habitation, un modeste appartement, pour y tenir des réunions. Ils la rétribuaient pour chacune de ces actions, convaincue qu'elle était de prendre part à un réseau d'évasion d'aviateurs alliés. Annie sera abattue le dans des circonstances obscures, mais manifestement parce qu'elle fut identifiée comme étant le point de départ d'une "fausse" filière d'évasion et en raison du fait que Flore entretenait à dessein la confusion entre sa personne et cette Annie[2].

Débâcle allemande[modifier | modifier le code]

Le , tandis que les Alliés sont aux portes de Bruxelles, Prosper Dezitter, Flore Dings et d'autres membres du réseau prennent place dans un convoi d'évacuation de l'Abwehr. Le convoi qui rejoint l'Allemagne via les Pays-Bas fait étape à Venlo. Pris en charge par un réseau clandestin nazi de Westphalie, ils arrivent finalement à Wurtzbourg, en Bavière. Profitant de la désorganisation complète du pays, Dezitter est vu à Cologne paradant en uniforme américain. Vania Gristchenko, un proche de Dezitter, affirme qu'il travailla ensuite dans un garage de l'armée américaine à Bamberg, le motor pool, en qualité de mécanicien. Claire Keen, qui travaillait alors pour le G2 de l'Armée de terre des États-Unis, au quartier général allié d'Eisenhower à Francfort-sur-le-Main en 1945-1946, déclare en 2013 qu'il fut même l'un des agents recrutés par les Américains pour démanteler l'Abwehr. Depuis , il faisait toutefois l'objet d'un avis de recherche lancé par les Alliés[8].

Arrestation[modifier | modifier le code]

Le , Prosper Dezitter et Flore Dings sont arrêtés à Francfort-sur-le-Main, alors dans la zone d'occupation américaine en Allemagne, tandis qu'ils étaient hébergés par un médecin allemand sympathisant nazi. Ils furent jugés à Bruxelles par le Conseil de guerre, le , et furent déclarés coupables[8]. Le , Dezitter fut réveillé à h 45 du matin et exécuté à h 5 par un peloton d'exécution composé de gendarmes[2].

Membres du réseau Dezitter[modifier | modifier le code]

Victimes du couple Dezitter-Dings[modifier | modifier le code]

Plus de trois cents aviateurs et 1200 patriotes[8] dont Charles Claser (1901-1944), militaire et résistant belge, fondateur de la légion belge.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Oliver Clutton Brock, Footprints on the Sands of Time, RAF Bomber Command Prisonner of War in Germany, 39-45, Grub Street Publishing, 2003.
  • Herman Bodson, Downed Allied Airmen And Evasion of Capture: The Role of Local Resistance Networks in World War II, McFarland, 2005 - 216 pages.
  • G. Verbeke, De gewetenloze spion, Prosper Dezitter, de nummer 1 van de contraspionage, 1940-1944, Koksijde, 1998.

Liens externes[modifier | modifier le code]


Notes[modifier | modifier le code]

  1. Il avait perdu deux phalanges à l'auriculaire droit à la suite d'un accident de voiture. Il portait fréquemment un gant pour dissimuler cette infirmité.
  2. d'abord Rue Hancart puis Chaussée de Haecht.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Le Soir.be, Michel Bailly, Le brouillard en ce temps-là, la lumière aujourd'hui, lundi 10 juillet 1989, p. 19
  2. a b c et d www.belgiumww2.info
  3. National archives of United Kingdom
  4. Il s'est également nommé Prosper De Zitter
  5. Passendale, registre d'état civil pour l'année 1893, acte n° 172 du 20 septembre 1893
  6. Sur cette tentative d'infiltration par Proper Dezitter, voyez Noël Deconinck, Le Renaisis pendant la seconde guerre mondiale, Volume II, 1942 - 1945, pages 164 à 168 et R. Paulet, L'affaire des soldats anglais évadés dans les bois de Flobecq en 1940, Revue du Cercle culturel du Hainaut, Flobecq, juillet 1977, n° 18, pages 22 à 28.
  7. Cegesoma.be
  8. a b c et d La libre.be, Christophe Lamfalussy, Dezitter, un Belge nazi pendant la guerre, "américain" après elle, samedi 19 octobre 2013 consulté le 28 octobre 2013

Liens externes[modifier | modifier le code]