Prise d'otages de la maternelle de Neuilly

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La prise d'otages de la maternelle de Neuilly a lieu en mai 1993. Érick Schmitt, un entrepreneur chômeur dépressif, retient en otage une classe de maternelle, armé d'un pistolet d'alarme et ceinturé d'explosifs, durant deux jours. Le preneur d'otages, qui se fait appeler « Human Bomb », est tué lors de l'assaut du RAID. Il n'y a aucune victime parmi les otages.

Les faits

Le jeudi 13 mai 1993 à 9h27, un homme vêtu de noir, la tête cachée par un casque de motard et une cagoule, fait irruption dans la classe maternelle N8 du groupe scolaire Commandant Charcot, à Neuilly-sur-Seine.

Cet homme, armé d'un pistolet d'alarme et d'explosifs, menace de faire sauter la salle s'il n'obtient pas une rançon de cent millions de francs (environ 15 millions d'euros). Ces menaces sont rendues crédibles par ses démonstrations passées car il avait pris soin, auparavant, de faire sauter plusieurs poubelles en y laissant volontairement une signature. Ses otages, 21 enfants et leur institutrice, Laurence Dreyfus, sont donc menacés. Le RAID est rapidement dépêché sur les lieux. Les enquêteurs cherchent à identifier le preneur d'otages, mais ils n'y parviendront pas avant la fin de la prise d'otages. L'homme n'est alors connu que sous le nom de « Human Bomb » (« Bombe humaine ») ou « HB », qu'il s'est lui-même donné.

De nombreux médias couvrent l'évènement qui fait la une de toutes les éditions spéciales. Des journalistes campent devant l'école. La prise d'otages devient un évènement national. Le chef du RAID Louis Bayon et son négociateur convainquent deux pères d'enfants de négocier avec « HB ». En début d'après-midi, cinq enfants sont libérés. Nicolas Sarkozy, à l'époque maire de Neuilly-sur-Seine — ainsi que ministre du Budget et porte-parole du gouvernement — intervient à 15 heures dans les négociations pour que Schmitt traite désormais avec lui et continue à relâcher des enfants ; on le voit à la télévision sortir de l'école un enfant dans les bras. Il entrera à sept reprises dans la classe pour négocier[1].

Au cours des négociations, Érick Schmitt, alias « HB », libère peu à peu la plupart des enfants, jusqu'à n'en garder que six, et ce en dépit du fait qu'il a précisé dans sa première demande de rançon qu'aucun enfant ne serait libéré avant qu'il ait obtenu la somme demandée. Il a également menacé d'exécuter des enfants (par égorgement) en cas d'absence de réponse rapide des autorités, mais cette menace ne fut pas mise à exécution. À l'aide d'un périscope, les policiers ont identifié le dispositif de mise à feu d'« HB » : plusieurs charges explosives placées près des portes et une ceinture d"explosifs qu'il porte sur lui[2].

Après près de deux jours de tension sans dormir, dans un état d'esprit suicidaire, Érick Schmitt montre des signes de fatigue. Le RAID décide alors de passer à l'action lorsqu'il s'endormira. Le plan prévu est de faire entrer les hommes du RAID dans la salle pendant le sommeil du preneur d'otages. Pendant que deux hommes le tiendront en joue, prêts à le neutraliser s'il se réveille, les autres évacueront les otages hors de la salle. Pour s'assurer que Schmitt sera endormi au moment de l'assaut, les hommes du RAID versent un somnifère (dont l'efficacité a été préalablement testée sur l'un des leurs) dans le café régulièrement apporté au preneur d'otages. Par précaution, Évelyne Lambert (alors médecin-capitaine des pompiers de Paris), qui s'occupait des enfants, est mise dans le secret. Elle devra s'assurer que Schmitt est endormi, et faire un signal (déboutonner sa veste devant l'objectif d'une mini-caméra placée à travers le mur par le RAID) pour signifier aux policiers qu'ils peuvent intervenir.

Le matin du samedi 15 mai 1993, le preneur d'otages s'assoupit. Évelyne Lambert vérifie qu'il est endormi, en le secouant et en faisant bouger bruyamment des meubles par les enfants. Celui-ci reste inerte. Elle fait alors le signal convenu. Aux environs de 7h25, huit policiers du RAID pénètrent dans la salle de classe pour extraire les six derniers enfants. Durant l'intervention, Schmitt est tué de trois balles dans la tête tirées à un mètre par le policier Daniel Boulanger[3]. Les circonstances de cette mort créent une polémique.

Ce n'est qu'après sa mort que son identité est connue : c'était un entrepreneur en situation financière difficile et en dépression. Enfin, il avait révélé à Laurence Dreyfus, quelques heures avant sa mort, ce que signifiait « HB » : c'était les initiales de Human Bomb.

Le preneur d'otage

D'après le journal L'Humanité[4], Érick Schmitt était un entrepreneur du Languedoc-Roussillon, passionné de pêche, né en 1951 à Burdeau, et étant militaire à Paris en 1970. Il arrive à Cers près de Béziers avec sa famille en 1963 après avoir quitté l'Algérie. Par la suite, il est militaire à Paris, au début des années 1970, puis il est employé par une société d’informatique (SSII) en région parisienne. Suite à son expérience parisienne il crée une société informatique à Béziers qui sera mise en faillite quatre années plus tard. Informaticien divorcé et dépressif de 41 ans, Érick Schmitt reste alors inscrit comme chômeur à l’ANPE de Béziers durant une année[5].

Polémique sur la mort d'Érick Schmitt

D'après les témoignages des deux policiers chargés de neutraliser Érick Schmitt s'il se réveillait pendant l'intervention, il se serait réveillé et aurait esquissé un geste en direction de son détonateur.

Les arguments invoqués par les tenants de l'idée de l'exécution préméditée sont nombreux, mais ne prouvent pas formellement qu'une telle exécution s'est réellement produite : Érick Schmitt était profondément endormi à l'entrée des policiers dans la salle, ce qu'avait vérifié Évelyne Lambert auparavant. Dans sa déposition, celle-ci a déclaré avoir fait « un boucan épouvantable » en déplaçant des meubles, et avoir fortement secoué Érick Schmitt en lui disant de se réveiller. L'essentiel de la théorie de l'exécution tient au fait qu'il n'y a aucun témoin autre que les deux policiers du RAID surveillant Érick Schmitt lors de l'intervention, qui ait vu celui-ci se réveiller. D'où l'idée qu'il aurait été tué dans son sommeil, alors qu'il ne représentait pas un danger direct[6].

Dans le livre La Mort hors la loi d’Érick Schmitt les auteur Alain Vogelweith et Béatrice Patrie affirment que Charles Pasqua aurait donné l'ordre d'abattre le preneur d'otage. Ce dernier portera plainte pour diffamation et le livre sera retiré du marché. En juillet 1993, la famille d'Érick Schmitt porte plainte contre X pour « homicide volontaire avec préméditation ». Aux termes de l'enquête, le juge d'instruction prononce un non-lieu, estimant que les policiers ont agi en état de légitime défense[7].

Autour de l'affaire

L'institutrice

Laurence Dreyfus, l'institutrice, a été surnommée par les médias « l'institutrice-courage ». Peu après la prise d'otages, elle fut décorée de la Légion d'honneur par François Mitterrand. Édouard Balladur, alors Premier ministre, l'a invitée à Matignon. Elle a par la suite quitté l'Éducation Nationale et est devenue psychologue[8].

Rôle de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy, maire de Neuilly, ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, reçoit la médaille du RAID à la suite de cette prise d'otage[9]. Son rôle dans les négociations avec le preneur d'otages a pourtant fait l'objet de controverses lorsqu'il devint une personnalité politique de premier plan.

Interviewés dans l'émission Faites entrer l'accusé en juillet 2004[10], le journaliste Jean Pierre About, l'ancien procureur de la République de Nanterre Pierre Lyon-Caen et l'ancien directeur de la Police nationale dans les Hauts-de-Seine Aimé Touitou, affirment que Nicolas Sarkozy s'est imposé dans la cellule de crise et face aux journalistes.

Dans l'émission Lundi investigation du 6 juin 2005[11], Pierre Lyon-Caen revient sur l'affaire : « Il a le réflexe, qui montre l'animal politique, de faire venir le seul homme de communication, le pompier chargé de la communication, qui avait une caméra ». Selon le reportage, l'attitude de Nicolas Sarkozy a conduit le preneur d'otage à rompre les négociations[12].

Mémoire de l'événement

Le groupe de rock-fusion français Oneyed Jack en a tiré une chanson : Le Choléra, dans l'album Arise en 1998 . Ce titre essaye de présenter cette affaire du point de vue du preneur d'otages. Le groupe de punk Zabriskie Point mené par l'auteur François Bégaudeau et le réalisateur Xavier Esnault présente également une version de cette histoire, dans la chanson Happy end, où le sujet est traité d'un point de vue critique et ironique à l'égard du traitement médiatique de cette affaire, qui tournerait le drame humain et social en téléfilm à sensations[13].

À l'époque des faits, la diffusion sur TF1 du téléfilm américain On a tué mes enfants avec Farrah Fawcett a été annulée par égard pour les familles des enfants pris en otage.

L’écrivain et dramaturge Emmanuel Darley a tiré de ce fait divers, en 2005, la matière d’une pièce de théâtre intitulée Être humain.

Le , le docu-fiction H.B. Human Bomb - Maternelle en otage, mêlant images réelles d'époque, scènes jouées par des acteurs et témoignages, a été diffusé sur France 2[14]. Il est rediffusé dès le sur la chaine RMC Découverte à l'occasion du 20e anniversaire de la prise d'otage, sous le titre "Human Bomb : 20 ans après" [15]

Le , Marion Bazin, une ancienne otage (elle avait trois ans à l'époque des faits), participe à la saison 4 de Secret Story en ayant cette expérience comme secret à défendre[16]. Cette dernière abandonne l'aventure après seulement deux jours d'aventure.

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Pierre About, HB : 46 Heures qui ont bouleversé la France, Calmann-Levy, 2005, (ISBN 2702135617)
  • Laurence Dreyfus, Béatrice Casanova, Chroniques d'une prise d'otages, Flammarion, 1998 (ISBN 2080673408)
  • Charles Pellegrini, Neuilly Samedi 15 mai, 7 h 28, Anne Carrière, 1995, (ISBN 2-910188-42-6)
  • Béatrice Patrie, Alain Vogelweith (Préface de Thierry Lévy), La mort hors la loi d'Érick Schmitt, 1994, (ISBN 2-84112-000-7)
  • Sylvie Caster, H.B. La Bombe humaine, Arléa, 1993, (ISBN 2-86959-182-9)
  • Daniel Boulanger, Le jour où j'ai tué HB, 2007, Hachette Littérature (ISBN 978-2012373778 et 2012373771)
  • Thierry Lenain, Sophie Dutertre, H.B., 2003, Sarbacane (ISBN 978-2848650210)
  • Pierre Dragon, Alain Gillot, Une histoire du 36 Quai des Orfèvres : Le mystère HB, Éditions Jacob-Duvernet, 2012
  • Pascal Michel, 40 ans d'affaires Criminelles 1969-2009 (chapitre : L'affaire Human Bomb) pages 104 à 109, 17 avril 2009, 208 pages, (ISBN 978-1-4092-7263-2)

Filmographie

Documentaires télévisés

Articles connexes

Liens externes

Références

  1. Alexandre Kara, Philippe Martinat, DSK-Sarkozy, le duel. Biographie comparative, Max Milo, , p. 149
  2. Pascal Michel, 40 ans d'affaires Criminelles, Pascal Michel, , p. 105-106
  3. Dominique Rizet, « Human Bomb : le policier du Raid dans son propre rôle », sur Le Figaro,
  4. Sous le masque : Eric Schmitt - l'Humanite
  5. « Quand le maire de Neuilly négociait avec HB », sur leparisien.fr,
  6. docu-fiction, diffusé sur France 2 le 25 septembre 2007
  7. L'intervention du RAID
  8. Juliette Demey, « Ne l'appelez plus "l'institutrice courage" », sur Le Journal du dimanche,
  9. Ariane Chemin, « Les médaillés du Président », Le Nouvel Observateur,‎ (lire en ligne)
  10. France 2, 15 juillet 2004
  11. Canal+, 6 juin 2005
  12. Sébastien Rochat, « Super Sarko face à Human Bomb : les réécritures successives de l'épopée », Arrêt sur images, (consulté le )
  13. Paroles de la chanson Happy End
  14. « Le docu fiction "Human Bomb" le 25 sept sur France 2 », sur JeanMarcMorandini.com (consulté le )
  15. « Human Bomb : 20 ans après », sur rmcdecouverte.com (consulté le )
  16. Marion Secret story 4 - Marion et son secret - TF1 (page consultée le 13 juillet 2010)