Portail:Astronautique/Le saviez-vous/13

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La mise au point d'ordinateurs dans les années 1960 a profondément modifié les méthodes de travail des ingénieurs et techniciens de l'astronautique. Dans le domaine des tests ces changements sont intervenus durant le programme Apollo. Avant la révolution informatique, la longue séquence de tests d'un étage d'une fusée était entièrement exécutée « manuellement » : chaque « pas » de test étant déclenché en appuyant sur des boutons et les résultats des centaines de mesures étaient lues sur des cadrans. L'ordinateur prit en charge non seulement l'enchaînement et le déclenchement de chaque étape du test mais également l'enregistrement des mesures sur des bandes magnétiques. Le travail était désormais effectué avec une grande efficacité au grand dépit des professionnels qui avaient baptisé l'ordinateur « the grey puke » (le vomisseur gris) allusion aux tonnes de listing crachées par les imprimantes de l'ordinateur et à la couleur grise arborée à l'époque par ces machines. L'homme n'était toutefois pas complètement absent…

Ce jour-là le troisième étage de la fusée Saturn V devait subir un test de qualification comportant une mise à feu. C'était le moment de vérité après un nombre incalculable d'heures passées à préparer et vérifier l'engin. Plusieurs centaines de techniciens et d'ingénieurs se pressaient dans le blockhaus du centre de contrôle et à l'extérieur pour assister à la mise à feu. Après les ultimes contrôles le responsable des tests saisit sur son clavier l'ordre de déclencher la séquence de mise à feu. L'ordinateur après un délai de réflexion fit une étrange réponse sur le téléscripteur (à l'époque les écrans n'existaient pas) « Dites s'il vous plaît » (« Say please »). L'opérateur éberlué pensa avoir fait une erreur de frappe et saisit à nouveau la commande en frappant soigneusement sur les touches mais obtint la même réponse. Les techniciens présents dans le blockhaus commençaient à montrer des signes de nervosité : la fusée était remplie à ras bord d'hydrogène et d'oxygène liquide, un mélange instable et hautement explosif. Toujours persuadé d'avoir fait une faute de frappe, le conducteur décida de refaire une tentative plutôt que d'arrêter tout : il frappa à nouveau la commande de lancement du compte à rebours en ajoutant toutefois à la fin une humble requête « s'il vous plaît ». Cette fois la commande fut acceptée. « Ici votre programmeur », imprima la machine sur le téléscripteur, « je vous souhaite bonne chance », et la fusée s'alluma dans un énorme rugissement.