Pointe du Grouin (Ille-et-Vilaine)

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Pointe du Grouin
Rochers de la pointe du Grouin (leucogranite schistosé, en position très redressée) avec Granville en arrière-plan.
Rochers de la pointe du Grouin (leucogranite schistosé, en position très redressée) avec Granville en arrière-plan.
Localisation
Pays France
Région Bretagne, Ille-et-Vilaine
Coordonnées 48° 42′ 44″ nord, 1° 50′ 39″ ouest
Mer Manche
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Pointe du Grouin
Géolocalisation sur la carte : Bretagne
(Voir situation sur carte : Bretagne)
Pointe du Grouin
Géolocalisation sur la carte : Ille-et-Vilaine
(Voir situation sur carte : Ille-et-Vilaine)
Pointe du Grouin
Pointe du Grouin.
Pointe du Grouin vue drone.
Sur le bord des falaises de la pointe du Grouin.

La pointe du Grouin, en Ille-et-Vilaine, est la pointe la plus au nord de Cancale. Dans son prolongement se trouve le phare de la Pierre-de-Herpin. Ce site de la Côte d'Émeraude accueille entre 600 000 et un million de visiteurs, les années de Route du Rhum dont la pointe sert à tracer la ligne de départ[1].

Cette pointe rocheuse et sauvage domine la mer de 40 mètres. Le panorama s'étend du cap Fréhel à Granville en passant par la baie du Mont Saint-Michel, au large des îles Chausey. Un sentier, le GR 34, permet d'aller à marée basse explorer une grotte creusée dans la falaise.

L'île des Landes, qui est en face, constitue une réserve ornithologique et botanique.

Toponyme[modifier | modifier le code]

Le nom de cette pointe se réfère à l'extrémité rocheuse comparée avec le groin d'un cochon[2].

Historique[modifier | modifier le code]

Le site de la Pointe du Grouin fait l’objet d’une protection au titre de la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites à caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque. L’espace naturel sensible de la Pointe du Grouin a fait l’objet d’acquisitions foncières par le Conseil général d'Ille-et-Vilaine au titre de sa politique des espaces naturels sensibles depuis 1977[3]. Le Département est également propriétaire de son sémaphore édifié en 1861 et qui servait à surveiller le passage des bateaux au large. Ce poste de signalisation est remplacé en 1974 par le bâtiment actuel construit en retrait du premier[4], ce dernier étant désarmé en 1999. Il sert désormais à accueillir le public et assurer la préservation des sites naturels de la Côte d'Émeraude par la présence d'une exposition permanente gratuite.

La pointe fait partie de la côte de Cancale à Paramé qui a été désignée Zone spéciale de conservation par arrêté ministériel le . Ce site est donc intégré au réseau européen Natura 2000[5]. Il abrite une flore et faune variée : Crapaud épineux, quatre espèces de reptiles (dont la Vipère péliade, espèce classée en danger sur la liste rouge régionale), avifaune landicole (avec 5 espèces considérées d'intérêt patrimonial[6] : Fauvette pitchou, Pipit farlouse, Linotte mélodieuse, Bouvreuil pivoine et Fauvette grisette), 27 espèces de papillons de jour, soit 44 % des espèces présentes en Ille-et-Vilaine (dont le Machaon, espèce patrimoniale), 13 espèces de chauves-souris dont 3 espèces migratrices[7].

Restauration végétale et conservation du littoral[modifier | modifier le code]

Espace naturel sensible, ce site est soumis à une forte fréquentation touristique depuis la généralisation des congés payés par le Front populaire en 1936 (premiers aménagements, le chalet Marie-Louis, suivi de la construction de l’hôtel en pierre dans le style néo-breton en 1936 et tenu par les époux Abegg-Simon, installation d'un camping et développement de commerces — brasserie, restaurant, magasin de souvenirs — dans les années 1970[8]. La dégradation de la végétation des falaises incite le département à entamer un 1986 un programme de restauration (mise en défens des pelouses et prairies aérohalines, gestion du stationnement, canalisation du public). En 2009, un plan de gestion est établi, fixant des enjeux prioritaires, notamment la préservation des habitats naturels et des paysages tout en améliorant le fonctionnement du site en termes d’accueil du public dont le pic de fréquentation peut dépasser les 3 000 visiteurs par jour. Ces mesures ont permis à la pointe du Grouin d'être recolonisée par une végétation très variée. La comparaison des cartes des végétations de 1982 et de 2009 montre une régression de 85 % des surfaces des landes sèches littorales (milieu accueillant de nombreuses espèces rares) liée notamment à la déprise agricole (particulièrement à celle du pâturage) et au développement des ourlets (roncier, ptéridaie) et fourrés mésophiles. Les résultats sont plus contrastés pour la végétations de falaise[9].

Une soixantaine d'essences végétales a été recensée en 2009, parmi lesquelles la criste marine, l'inule perce-pierre, la spergulaire marine, la petite centaurée marine, l'armérie, la Romulée columnaire, le jonc en têtes, 5 espèces végétales patrimoniales liées notamment aux secteurs à végétations pionnières issues de piétinement, et une espèce protégée, la Parentucelle à feuilles larges (en). Des espèces invasives sont également notées (Laurier cerise, Renouée du Japon, Buddleia de David à proximité d'un jardin paysager en bord de la D201) ainsi que des « espèces à surveiller » (Lyciet commun, Gesse à large feuille)[9].

Le vent salé, les embruns, le piétinement, la pauvreté du sol favorisent certaines plantes. Les plantes halophiles (adaptées au milieu salé) se développent très bien.

Cette flore inextricablement liée à la faune (insectes, reptiles, oiseaux…) est une des richesses de la pointe du Grouin et, là aussi, une conservation et une protection du site s'imposent.

Réserve ornithologique de l'île des Landes[modifier | modifier le code]

En face de la pointe du Grouin se trouve l’île des Landes, une réserve ornithologique.

La SEPNB a assuré de 1980 à 2007[10] des animations estivales gratuites pour intéresser les visiteurs en leur proposant de découvrir les oiseaux de mer sur l’île des Landes à l'aide de longues-vues[11]. La pointe elle-même offre le spectacle des vols d'étourneaux, pipits farlouses, hirondelles rustiques, pinsons des arbres, bergeronnettes grises, pinsons du nord, mésanges noires, tarins des aulnes. Les buissons abritent des espèces remarquables et à enjeux (roitelets et pouillots, fauvettes pitchou, pipit maritime, cisticole des joncs).

Vestiges de la Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Casemate de type R667, ouvrage-type de défense du littoral.

Du fait de la situation stratégique de la Pointe, l'armée allemande y a édifié, lors de la Seconde Guerre mondiale, un important réseau de bunkers (abris, tobrouks), toujours visible. Les vestiges de ce mur de l'Atlantique ne comprennent pas moins d'une quinzaine de fortifications, certaines désormais cachées dans les broussailles[12].

Ces blockhaus sont depuis plusieurs années des gîtes favorables à l’hibernation des chiroptères (et notamment une espèce d'intérêt communautaire, le Grand rhinolophe) et des sites de chasse de deux autres espèces d'intérêt communautaire (Barbastelle d'Europe, Murin à oreilles échancrées)[13].

Cadre géologique[modifier | modifier le code]

Carte géologique du Massif armoricain, avec au nord-est le batholite mancellien et ses nombreux plutons de granite cadomien (Trégor, Lanhélin, Louvigné, Cancale, Mont Dol, Avranches…). Ce batholite dessine une ellipse de 150 km (d'Alençon à la Rance) sur 90 km (de Vitré à Vire)[14].

La pointe est localisée dans la partie médiane du domaine nord armoricain, unité géologique du Massif armoricain qui est le résultat de trois chaînes de montagne successives. Le site géologique de la bande côtière se situe plus précisément dans un bassin sédimentaire essentiellement briovérien dans lequel se sont mis en place des granitoïdes intrusifs formant le batholite mancellien[15],[16].

La morphologie littorale résulte de l'érosion différentielle entre une roche magmatique, le leucogranite de Cancale et les métasédiments briovériens plus tendres (métasédiments « à phtanites » présentant des alternances schisto-gréseuses) aux dépens desquels s'est formée la baie du Mont-Saint-Michel[17]. Ce leucogranite, dont la mise en place a été datée à 555 +/- 16 Ma, s'est injecté selon une orientation N20°, de Saint-Méloir-des-Ondes jusqu’à la pointe, le long d’une importante zone de cisaillement, l’accident[18] de Plouer-Cancale[19]. La qualité des affleurements, excellente sur le littoral[20], permet d'observer au niveau de la pointe ce granite à gros grain et de couleur claire. Pétrographiquement, la roche présente une texture gneissique, foliée et œillée à mylonitique selon l’intensité de la déformation qui se traduit dans la roche par un étirement d'axe penté d’environ 50 ° nord-est[21]. Sa paragenèse est à quartz, deux feldspaths (plagioclase et feldspath potassique) et deux micas (biotite et muscovite). Le leucogranite contient localement de fins niveaux sombres enrichis en biotites, interprétés comme des reliques de migmatites et rappelant qu'il forme la bordure orientale des migmatites de Saint-Malo. Les bandes de cisaillement et la dissymétrie des ombres de pression autour des clastes de feldspaths indiquent un cisaillement senestre[22].

Touristiquement, les principaux aspects de la géologie de cette bande côtière peuvent être abordés au cours de promenades géologiques qui permettent d'observer sur un espace réduit des roches d'âge et de nature différents, des structures géologiques (cisaillement, faille, pli, schistosité) témoins de phénomènes géologiques d'ampleur (magmatisme, tectogenèse, métamorphisme, érosion…)[23].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Isabelle Lê, « La pointe du Grouin, un joyau à protéger », sur ouest-france.fr, .
  2. Roger Brunet, Trésor du terroir. Les noms de lieux de la France, CNRS Éditions, , p. 121.
  3. « Pointe du Grouin : ce joyau bretillien sera aménagé », sur ille-et-vilaine.fr, .
  4. Jean Fenard, « Les missions du sémaphore de la Pointe du Grouin », Les Cahiers de la vie à Cancale, no 15,‎ , p. 18-24.
  5. « Arrêté du 6 mai 2014 portant désignation du site Natura 2000 côte de Cancale à Paramé (zone spéciale de conservation) », sur legifrance.gouv.fr, .
  6. L'espèce patrimoniale est une « notion subjective qui attribue une valeur d'existence forte aux espèces qui sont plus rares que les autres et qui sont bien connues ». Cf « Glossaire », sur mnhn.fr (consulté le ).
  7. Plan de gestion simplifié 2016 - 2025 - Section B7 – Pointe du Grouin - Dervenn 2016, p. 5.
  8. « Accueil du public & préservation du patrimoine naturel. Exemple de la pointe du* Grouin », sur sciencesconf.org, .
  9. a et b Carte d'évolution des végétations 1982-2009 (source DOCOB) et 2014 selon les zones d'étude (source : plan de gestion, Dervenn, 2016).
  10. Arrêt en raison du coût engendré par l’hébergement de trois animateurs pendant deux mois, de la difficulté de recruter des bénévoles motivés et consciencieux et de la sensibilisation du public assurée par le personnel du sémaphore qui présente depuis 2005 une exposition sur la préservation du littoral d’Ille-et-Vilaine, et les différents milieux naturels protégés.
  11. Paskall Le Doeuff, « Animations estivales à la Pointe du Grouin », Penn ar Bed, no 209,‎ , p. 3-5.
  12. Alain Dupont, Le mur de l'Atlantique sur la Côte d'Emeraude, éditions Danclau, , p. 35.
  13. Identification issue de trois sources de données : inventaire sur la pointe du Grouin, Plan de gestion 2010-2014, Bretagne Vivante, 2007 ; étude de migration des chauves-souris en Bretagne, rapport annuel, Groupe Mammalogique Breton, 2014 ; suivis annuels des populations de la pointe du Grouin, Département d’Ille et Vilaine.
  14. Carte géologique de la France au 1/50000 Fougères 13-17, éditions du BRGM, 1981, p. 5.
  15. De Mancellia, nom latin de la région du Maine, domaine structural de la partie nord-est du Massif armoricain dénommé en 1949 par le géologue Pierre Pruvost. Ce domaine cadomien normano-breton est caractérisé par un Précambrien récent au sein duquel se sont mis en place des granitoïdes intrusifs antérieurement au dépôt des terrains paléozoïques ; ce domaine surélevé a été épargné par les transgressions marines du Cambrien.
  16. Géologie de la France, éditions du BRGM, , p. 11.
  17. Bernard Le Gall et Martial Caroff, Curiosités géologiques de la baie de Saint-Brieuc au Mont-Saint-Michel, éditions Apogée, , p. 79.
  18. Il s'agit plus précisément de la branche occidentale du cisaillement Plouer-Cancale. Une seconde branche de ce faisceau de failles met en contact vers l'est les unités de Saint-Malo et de Fougères.
  19. (en) J.-P. Brun, P. Balé (1990) – Cadomian tectonics in Northern Brittany. In R.S D’Lemos, R.A. Strachan, C.G. Topley (eds) : « The Cadomian Orogeny ». Geol. Soc. Sp. Publ., 51, p. 95-114.
  20. Cette qualité décroît rapidement à l'intérieur des terres, par suite de l'altération du socle et des placages limoneux.
  21. « La texture est généralement granoblastique. Elle devient blastomylonitique dans les bandes de cisaillement où les feldspaths ovoïdes et le quartz globuleux forment des clastes au sein d'une matrice entièrement recristallisée ». Cf [PDF] A. L'Homer, S. Courbouleix, J. Chantraine,. J.P. Deroin, Notice explicative Notice explicative de la feuille baie du Mont Saint-Michel à 1/50000, éditions du BRGM, 1999, p. 47.
  22. [PDF] E. Égal, É. Le Goff, P. Lebret ; avec la collaboration de J.-A. Barrat, A. Carn, J. Chantraine, A. Cocherie, C. Guerrot, B. Hallégouët, J.-L. Monnier, Notice explicative de la feuille Pontrieux-Étables-sur-mer à 1/50000, éditions du BRGM, 1999, p. 39-40.
  23. Bernard Le Gall et Martial Caroff, Curiosités géologiques de la baie de Saint-Brieuc au Mont-Saint-Michel, éditions Apogée, , p. 7.

Liens externes[modifier | modifier le code]

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