Plébiscite du 8 mai 1870

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Le comité central plébiscitaire en avril 1870, composé (de gauche à droite) de l'amiral Bouët-Willaumez, de Clément Duvernois, du duc d'Albufera (de dos), d'Arthur de La Guéronnière, du comte de Lagrange et d'Émile de Girardin.

Le plébiscite du 8 mai 1870 est le dernier plébiscite organisé sous le Second Empire. Voulu par Napoléon III, il s'agit de faire approuver les réformes entamées par le gouvernement et donner une nouvelle constitution au régime impérial. Il s’agit aussi pour l'empereur des Français de conforter sa dynastie.

Le contexte

Émile Ollivier.

Les élections législatives du 24 mai et du 7 juin 1869 avaient été un succès pour l’opposition, partagée entre républicains et orléanistes. Si les candidats favorables à l’Empire l’emportent avec 4 600 000 voix, l'opposition, majoritairement républicaine rassemble 3 300 000 voix et la majorité dans les grandes villes[1]. Elle reste cependant divisée entre modérés et révolutionnaires. Léon Gambetta est notamment élu à Paris. Une grande disparité se manifeste ainsi de nouveau entre la ville et les campagnes. Si les grandes villes penchent vers les républicains, les campagnes où vivent 80 % de la population restent dans l'ensemble fidèles au régime. La tendance qui l'emporte réellement lors de ces élections est néanmoins celle qui se définit « indépendante dynastique » ou « conservateur libéral » et concerne des candidats qui ne sont pas hostiles à l'empereur mais qui veulent contrôler son pouvoir personnel[2]. On y trouve notamment les centristes du Tiers Parti (125 sièges) menés par Émile Ollivier qui veut un régime parlementaire et une partie des orléanistes (41 sièges). Les bonapartistes dits intransigeants sont désormais minoritaires (97 sièges) alors que les républicains occupent une trentaine de sièges[3]. Ainsi, avec 118 élus, les candidats officiels sont en minorité mais constituent une majorité de 216 députés (sur un total de 292) avec les 98 gouvernementaux libéraux[4].

À la suite de ces élections, Napoléon III accepte de faire de nouvelles concessions aux centristes tandis que « les violences républicaines inquiètent les modérés »[3]. Par un senatus-consulte du 8 septembre 1869, le Corps législatif reçoit l'initiative des lois et le droit d'interpellation sans restriction. Le Sénat achève sa mue pour devenir une seconde chambre législative tandis que les ministres forment un cabinet responsable devant l'empereur[5]. Mais le parti républicain, contrairement au pays qui réclame la réconciliation de la liberté et de l'ordre, refuse de se contenter des libertés acquises et refuse d'ailleurs tout compromis, se déclarant plus décidé que jamais à renverser l'Empire.

Médaille frappée à l'occasion du plébiscite du 8 mai 1870 (35 mm).
Revers de la médaille avec les noms des personnages qui l'ont soutenu : « Emile Ollivier, Eugène Chevandier de Valdrome, Ségris, Le Bœuf, Rigault de Genoully, Louvet, De Talhouet, Maurice Richard, De Parieu » et le nombre de suffrages : « Sept millions trois cent cinquante mille cent quarante deux ».

L’évolution vers le régime parlementaire parait achevée avec la mise en place du gouvernement Ollivier en janvier 1870, et le 20 avril, par le senatus-consulte qui stipule que la responsabilité des ministres s’exerce désormais devant le corps législatif. Un système parlementaire bicaméral se met donc alors en place. Mais le Sénat perd son pouvoir constituant, la constitution ne pouvant être modifiée que par le peuple sur des suggestions de l’empereur, d’autant plus que ce dernier est responsable devant le peuple français auquel il a droit de faire appel.

Sur les conseils de Eugène Rouher, Baroche, Magne et du prince Napoléon, Napoléon III décide, avec l'accord d'Ollivier, de soumettre à plébiscite le senatus-consulte du 20 avril[6]. La question soumise à plébiscite pour le 8 mai 1870 est : « le peuple approuve les réformes libérales opérées par l’empereur avec le concours des grands corps de l’État, et ratifie le senatus-consulte du 20 avril 1870 ».

Il s’agit pour Napoléon III de réaffirmer son lien privilégié avec le peuple. De plus, il veut faire reconnaître que cette évolution libérale du régime impérial est le fruit de sa volonté. Au-delà d’une approbation des réformes, c’est non seulement la nature plébiscitaire qui est en jeu mais il s'agit aussi d'un enjeu dynastique, car Napoléon III veut transmettre la couronne à son fils Napoléon-Louis[7] et ce, dès que le jeune prince aura atteint ses 18 ans. L’empereur sollicite donc les masses conservatrices des campagnes pour stopper l’opposition républicaine et libérale. Ce faisant, il divise aussi l'opposition libérale qui ne peut guère répondre par la négative à une évolution qu'elle a soutenu depuis 10 ans et il affaiblit aussi les bonapartistes autoritaires qui hésitent à donner leur aval à un texte entérinant des réformes auxquelles ils sont hostiles tout en ne souhaitant pas désavouer l'empereur. De leur côté, les républicains se partagent entre le vote négatif et l'abstention[8]. Ainsi Jules Ferry et Léon Gambetta préconisent le « non », en cela rejoints par Thiers, Jules Dufaure et leurs amis.

Une autre partie du centre gauche et tout le centre droit se prononcent néanmoins pour le « oui ». Des bonapartistes libéraux tels que Jérôme David, le baron Armand de Mackau, organisent la campagne pour le oui, qui est une campagne plébiscitaire très violente[9]. Quant au gouvernement Ollivier, il s'implique totalement dans la bataille. Si la victoire du oui semble ne faire aucun doute, la question se pose de l'écart entre les deux camps et de la réaction des vaincus si l'écart est faible[9].

La découverte de bombes artisanales et l'arrestation d'un comploteur armé pour assassiner l'empereur permettent aux autorités de ressortir le thème du spectre rouge et d'appeler à la rescousse le parti de la peur[9].

Le plébiscite

Le vote "non" au plébiscite du 8 mai 1870.
  • Plus de 50 % des électeurs inscrits.
  • De 35 à 50 %.
  • De 25 à 34 %.
  • Moins de 25 %.
  • Au soir du 8 mai 1870, le « oui » l’emporte avec une large majorité de 7 358 000 suffrages (contre 1 538 000 « non ») dépassant les espérances des bonapartistes les plus confiants[9] ce qui raffermit la position de l’empereur, le ramenant à la situation qui avait suivi les plébiscites très majoritaires de 1851 et 1852. Le pourcentage des abstentionnistes tombe de 20,5 % à 17,5 % (soit 1 900 000 abstentions). C’est donc un grand succès pour l’Empire qui reprend 3 millions de suffrages par rapport aux élections de 1869. Il est plébiscité à plus de 80 % des suffrages dans la France de l'Ouest, du Centre et du Sud-Ouest ainsi que dans les départements du Nord et du Nord-Est. Ainsi, la France catholique et légitimiste s'est ralliée en dépit des consignes du prétendant en exil[10]. A contrario, le « non » remporte de bons scores dans le quart sud-est, notamment dans les Bouches-du-Rhône où il est majoritaire, mais aussi en Champagne, en Bourgogne, en Franche-Comté, en Alsace-Lorraine et en Gironde. Les grandes villes telles que Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux et Toulouse se sont prononcées pour le « non »[11].

    Les républicains sont atterrés. Gambetta constate que « l'Empire est plus fort que jamais » alors que pour Jules Favre « il n'y a plus rien à faire en politique »[10]. Napoléon III estime que les Français ont tranché entre la révolution et l'Empire[12]. Mais il profite peu de son triomphe du fait de l'aggravation de son état de santé[13]. Le docteur Germain Sée prévient que l'empereur doit être de toute urgence opéré de la vessie afin de lui éviter de succomber à une crise d'urémie. Les médecins au chevet de l'empereur ne parviennent cependant pas à se mettre d'accord sur les modalités de l'opération sauf à cacher à l'empereur la gravité de sa maladie[14].

    Le 30 juin, Ollivier précise de son côté qu'« à aucune époque le maintien de la paix en Europe n’a été plus assuré ». Néanmoins trois semaines plus tard, la guerre est déclarée à la Prusse, le .

    Références

    1. Louis Girard, Napoléon III, 1986, réd. 2002, Fayard p 431
    2. Louis Girard, p 430-431
    3. a et b Guy Antonetti, Histoire contemporaine politique et sociale, PUF, 1986, p 279
    4. Pierre Milza, Napoléon III, 2006, p 669
    5. Guy Antonetti, Histoire contemporaine politique et sociale, PUF, 1986, p 280
    6. Pierre Milza, Napoléon III, Perrin, collection tempus, 2006 p 686-687
    7. Pierre Milza, p 687-688
    8. Pierre Milza, p 687
    9. a b c et d Pierre Milza, p 688
    10. a et b Pierre Milza, p 689
    11. Pierre milza, p 688-689
    12. Pierre Milza, p 690
    13. Pierre Milza, p 690-691
    14. Pierre Milza, p 691

    Voir aussi

    Articles connexes

    Bibliographie