Pierre Poujade

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 2 décembre 2014 à 12:24 et modifiée en dernier par Thontep (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Pierre Poujade
Description de l'image defaut.svg.
Naissance
Saint-Céré (France)
Décès (à 82 ans)
La Bastide-l'Évêque (France)
Nationalité Français
Profession
Libraire-papetier
Syndicaliste
Essayiste

Pierre Poujade est un homme politique et leader syndical français, né le 1er décembre 1920 à Saint-Céré (Lot) et mort le à La Bastide-l'Évêque (Aveyron). Il a donné son nom au poujadisme, mouvement qui réclame la défense des commerçants et artisans et condamne l'inefficacité du parlementarisme tel qu'il était pratiqué dans la IVe République. Le poujadisme peut surtout se définir comme une rébellion sectorielle érigée en vision du monde puisant dans le répertoire de la révolte contre les « gros », le fisc, les notables et le rejet des intellectuels au nom du « bon sens », des « petites gens ».

Biographie

Pierre Poujade était le cadet de sept enfants et dut interrompre ses études au Collège Saint-Eugène d'Aurillac, à seize ans, à la suite du décès de son père, architecte[1]. Après avoir « tâté » de divers métiers, comme celui d'apprenti typographe, de moniteur d'éducation physique, de docker ou de goudronneur, il milita quelque temps au sein de l'Union populaire des jeunesses françaises, filiale du Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot, avant de devenir, durant la guerre, chef de compagnie d'un mouvement de jeunesse vichyste, les Compagnons de France ; avec l'invasion de la « zone libre » par les Allemands fin 1942, il décida de rejoindre, via l'Espagne, la Résistance. Engagé dans l'aviation à Alger, il rencontra sa future femme Yvette Seva, qu'il épousa en juillet 1944 et avec qui il eut cinq enfants. À la Libération, il devint représentant en livres religieux, puis s'installa comme libraire-papetier dans sa ville natale de Saint-Céré (d'où son surnom de « papetier de Saint-Céré »). En 1953, il fut élu au Conseil municipal de Saint-Céré, sous l'étiquette « indépendant ex-RPF ».

Pierre Poujade accède brutalement à la notoriété en 1953 lorsqu'il prend la tête d'un groupe de commerçants qui s'opposent de manière musclée à un contrôle fiscal dans cette petite localité du sud-ouest de la France. Les contrôleurs renoncent à leur mission et des commerçants des départements voisins viennent demander conseil au « papetier de Saint-Céré », devenu entre temps conseiller municipal. Cette révolte fiscale marque le début du mouvement poujadiste. Excellent orateur de tribune, Pierre Poujade parle à toutes les professions qui se sentent menacées par un monde qui change. Au nom des « petits », il dénonce avec véhémence « l'État vampire » et ses « soupiers » (les grands commis qui « vont à la soupe »), les « éminences » et les « apatrides » qui occupent la « maison France ». Son mouvement est violemment antiparlementaire. Soutenu à ses débuts par les milieux communistes qui espèrent récupérer le mouvement, il sera ensuite qualifié du sobriquet « Poujadolf » pour le discréditer, une référence d'une part à ses meetings politiques, réunissant jusqu'à 200 000 personnes ( à Paris), mais qui renvoie surtout à ses propos volontiers xénophobes ou antisémites ; ses attaques répétées contre l'homme politique de confession juive Pierre Mendès France, « qui n'a de français que le mot ajouté à son nom », sont sans équivoque. Devant l'ampleur des mobilisation de masse, les communistes, isolés alors sur le plan politique, proposent un Front républicain pour les élections de janvier 1956 et dénoncent « l'hitlérien Poujade »[1].

Son mouvement syndical, l'Union de défense des commerçants et artisans (UDCA), connut un grand succès dans le contexte déprimé et déliquescent de la IVe République, ainsi que dans sa version électorale, l'Union et fraternité française (UFF). Ce qui lui permet d'envoyer 52 députés (2,4 millions de suffrages, soit 11,6 %) à l'Assemblée nationale en 1956 avec une loi électorale qui accordait 70 députés au MRP avec pourtant près de 230 000 voix de moins. Parmi eux se trouvait Jean-Marie Le Pen, qui allait devenir la figure marquante de l'extrême droite en France. Les deux hommes se brouillèrent rapidement ; Jean-Marie Le Pen est exclu de l'UFF et Pierre Poujade refuse jusqu'au bout toute affinité.

Cependant, l'arrivée de la Ve République en 1958 fait rapidement baisser l'influence de Pierre Poujade, bien que Georges Pompidou se l'attache. Il sera ainsi l'un des inspirateurs de la loi Royer ayant pour but de réglementer l'urbanisme commercial et protéger le petit commerce[1].

Il est candidat à deux reprises aux élections européennes : en 1979 sur la liste de Philippe Malaud, puis en 1984 sur une liste socio-professionnelle de l'Union des Travailleurs Indépendants pour la Liberté d'Entreprise (U.T.I.L.E) de Gérard Nicoud[2], mais sans être élu. Il préside l'UDCA jusqu'en 1983, date à laquelle il s'est retiré de la vie politique pour étudier et promouvoir la culture des topinambours, dans l'intention d'en extraire des biocarburants, afin d'apporter l'indépendance énergétique à la France et d'apporter des ressources directes et renouvelables à l'agriculture et à tout le monde rural[3].

Il fut nommé membre du Conseil économique et social de 1984 à 1999, de la Commission nationale consultative pour les carburants de substitution depuis 1984 et vice-président de la Confédération des syndicats producteurs de plantes alcooligènes (CAIPER). Il fut également chargé de mission en Roumanie après la révolution de 1989. Il anima également une association visant à la promotion de la Roumanie, au travers de tournées en France de lycéens roumains présentant des spectacles folkloriques.

Bien que généralement classé à la droite voire à l'extrême droite de l'échiquier politique, il a soutenu indifféremment des candidats de gauche comme de droite aux élections présidentielles successives. Il a par ailleurs soutenu à chaque présidentielle le candidat vainqueur (Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand par deux fois et Jacques Chirac), à l'exception de celle de 2002 où il a choisi Jean-Pierre Chevènement.

Citations

Sur les autres projets Wikimedia :

Citations de Pierre Poujade

  • Dans une interview sur RTL, en mai 1978, lorsque Pierre Poujade prend la tête d'une liste aux élections européennes : « Nous allons avoir des élections au Parlement européen. Les responsabilités du Parlement européen sont extrêmement importantes pour la France en général, et pour les classes moyennes en particulier. Il ne faut pas attendre que les partis classiques défendent nos intérêts. Nous n'avons rien à attendre d'eux. C'est la raison pour laquelle j'ai annoncé la couleur : je prends la tête d'une liste de défense des classes moyennes. Je suis là, je ne suis pas vieux. J'ai certes vieilli, mais ce vieillissement m'a donné une certaine expérience. »

Citations sur Pierre Poujade

  • Seule réaction du monde politique à la mort de Pierre Poujade, celle du président du Front national, Jean-Marie Le Pen, dans un communiqué : « Avec lui disparaît une figure qui fut emblématique de la lutte des classes moyennes contre le bureaucratisme et le fiscalisme et, plus généralement, contre la décadence française qu'incarnait la IVe République finissante ». Interrogé sur RTL, le leader du Front national a néanmoins pris ses distances avec le fondateur de l'UDCA : « Le poujadisme et le lepénisme n'ont rien à voir. Je suis un leader politique. Pierre Poujade était un leader syndical. Il a mené une opération commando sur la politique qui lui a été offerte en quelque sorte par l'opportunité. En son for intérieur, il n'était pas un homme politique. »
  • « Fort de ses dizaines de milliers de militants ultra mobilisés et dans le contexte crépusculaire d'une Quatrième république déliquescente, Pierre Poujade aurait pu aisément — en particulier à l'occasion de l'impressionnant meeting de la Porte de Versailles en janvier 1955 — envahir l'Élysée ou le Palais Bourbon… De surcroît, le simple fait d'avoir donné son nom à un mouvement politique et de s'être imposé comme une référence historique indélébile constitue, aux yeux des innombrables ministricules incapables de se survivre à eux-mêmes, le crime absolu de lèse-majesté. » in Cedi Infos[4].

Boris Vian dédie ironiquement sa chanson Le Petit Commerce à Pierre Poujade par ces mots d'introduction : « Pour consoler monsieur Poujade : l'histoire d'un artisan qui a réussi »[réf. nécessaire].

Postérité dans le langage courant

Dérivés du nom de Pierre Poujade, les termes de poujadisme ou poujadiste sont devenus des qualificatifs péjoratifs, désignant des formes jugées démagogiques de corporatisme. Ils ont pris progressivement un sens proche de celui de « populisme ».

Publications

Pierre Poujade a publié deux ouvrages durant sa vie, et une autobiographie est parue à titre posthume :

  • J'ai choisi le combat (1954)
  • À l'heure de la colère (1976)
  • L'histoire sans masque, son autobiographie (2003)

Voir aussi

Bibliographie

  • Maurice Bardèche (dir.), Le Poujadisme, Les Sept Couleurs, 1956 (n° spécial de Défense de l'Occident)
  • André Siegfried, De la IIIe à la IVe République, Grasset, Paris, 1956.
  • Roland Barthes, Mythologies, Seuil, Paris, coll. Points, 1957 ; voir les chapitres « Quelques paroles de M. Poujade » (p. 79-82) et « Poujade et les intellectuels » (p. 170-177).
  • Dominique Borne, Petits bourgeois en révolte ? Le mouvement Poujade, Flammarion, 1977
  • F. Fonvieille-Alquier, Une France poujadiste ? De Poujade à Le Pen et à quelques autres, Paris, Éditions Universitaires, 1984.
  • Thierry Bouclier, Les années Poujade - Une histoire du poujadisme (1953-1958), Éditions Remi Perrin, 2006 (ISBN 2913960235)

Liens externes

Notes et références

  1. a b et c Philippe Parroy, « 1953: Poujade, le rebelle contre le fisc », Nouvelle Revue d'Histoire, n°75 de novembre-décembre 2014, p. 60-62
  2. émission sur Antenne 2 - 29/05/1984 sur le site de l'INA
  3. Voir article dans Le Monde du 28 août 2003
  4. Cedi Infos no 20, octobre 2003, [1].