Philip K. Dick

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Philip K. Dick
Portrait dessiné de Philip K. Dick
Nom de naissance Philip Kindred Dick
Alias
Richard Phillips
Jack Dowland
Mark van Dyke
Horselover Fat
PKD
Naissance
Chicago, Illinois, Drapeau des États-Unis États-Unis
Décès (à 53 ans)
Santa Ana, Californie, Drapeau des États-Unis États-Unis
Activité principale
Distinctions
Auteur
Langue d’écriture Anglais américain
Mouvement Post-modernisme
Genres

Œuvres principales

Compléments


A influencé : Terry Gilliam[4], Jean Baudrillard[5], Slavoj Žižek[6], David Cronenberg[note 1],[7], Richard Linklater, Ursula K. Le Guin[8], Andy et Lana Wachowski[9], Jonathan Lethem[10], Fredric Jameson[11], Roberto Bolaño, Rodrigo Fresán, Charlie Kaufman[12] Christopher Nolan, El-P, Michel Gondry[note 2],[13]
Signature de Philip K. Dick

Philip Kindred Dick, né le à Chicago dans l'État de l'Illinois aux États-Unis et mort le à Santa Ana en Californie aux États-Unis, est un auteur américain de romans, de nouvelles et d'essais de science-fiction.

De son vivant, il a reçu plusieurs prix de littérature, comme le prix Hugo pour Le Maître du Haut Château[14], et le prix John Wood Campbell Memorial pour Coulez mes larmes, dit le policier[15]. Alors qu'il a passé la majorité de sa carrière dans une quasi-pauvreté[16], son apport à la science-fiction est important[note 3],[17],[18],[19],[20], et certaines de ses œuvres ont été adaptées au cinéma pour devenir des films culte : Blade Runner, Total Recall, Minority Report, Planète hurlante, A Scanner Darkly

Biographie

Jeunesse

Philip et sa sœur jumelle Jane Charlotte, naissent le , de Dorothy Kindred Dick et Joseph Edgar Dick, travaillant tous deux au Département de l'Agriculture des États-Unis[21],[22]. Sa mère n'ayant pas assez de lait, et personne dans son entourage ne lui ayant suggéré de compléter le régime des nourrissons avec des biberons[23] Jane meurt quelques semaines plus tard le . Ce décès affectera Philip Dick jusqu'à la fin de ses jours. Toute sa vie il sentira qu'une partie de lui-même est manquante, ce qui est très probablement à l'origine de la dualité exceptionnellement forte de son œuvre : on en voit un écho dans son roman Dr Bloodmoney, en la personne du petit frère « interne », mort-né, en relation télépathique avec son jumeau adulte[24]. Assez jeune, il souffre de vertiges et plus tard on lui diagnostique une schizophrénie qui sera réfutée par la suite. Terrorisé par ce qu'il imagine, il découvre la science-fiction dans le magazine de nouvelles Stirring Science Stories et y décèle la seule issue possible pour extérioriser ses angoisses.

Quand il a quatre ans, ses parents divorcent et il reste seul avec sa mère, à Berkeley. Bien que le psychologue conjugal ait prédit que la séparation n'affecterait pas l'enfant, celui-ci s'en plaindra pourtant toute sa vie. Son père rompt définitivement toute relation avec la famille[25].

Il développe très tôt un rapport aigu avec la musique. À 12 ans, il sait reconnaître un grand nombre d'opéras, symphonies ou concertos rien qu'en entendant les premières notes. Il se passionne également pour les lectures d'Edgar Poe et de Lovecraft.

Après avoir commencé à l'Université de Californie des études philosophiques qu'il ne terminera jamais (le maccarthisme étant alors à son apogée, il est renvoyé pour sympathies communistes). Il s'adonne alors à sa passion principale : la musique, au point d'en faire son métier. Il travaille en effet comme programmateur pour une station de radio, et dans le même temps, comme vendeur de disques dans un magasin à Berkeley, Universal Music. On reconnaît là de nombreux éléments autobiographiques utilisés dans Radio libre Albemuth, son fascinant roman posthume et paranoïde, qui recrée avec un remarquable pouvoir évocateur l'époque très particulière où se préparait, à Berkeley, la vague hippie et les mouvements ultérieurs des années 1960.

La plupart des biographes supposent que ce sont les pulps américains (Galaxy, Fantasy and Science Fiction, Astounding Stories, etc.) qui lui ont fait découvrir la science-fiction. Alors qu'il est encore au collège, il commence à écrire ses premiers textes de SF (et de poésie), dont certains sont publiés dans le Berkeley Gazette, le tout premier étant The Devil, daté du .

En mai 1948, Jeanette Marlin devient sa première femme. Il en divorcera 6 mois plus tard (leurs centres d'intérêt divergeaient totalement) pour se remarier en juin 1950 avec Kleo Apostolides, d'origine grecque, militante gauchiste mineure, fichée au FBI car accusée de communisme. Dick doit alors affronter la visite de deux agents fédéraux, qui lui demandent d'enquêter sur sa femme. Il refuse, mais finit pourtant par se lier avec l'un d'entre eux, George Scruggs, fasciné par les discours de Dick et sa profession mystérieuse d'écrivain. Là encore, cette épouse ultragauchiste et ces événements sont relatés presque sans changement dans Radio libre Albemuth.

Les débuts dans l'écriture

Poussé par sa femme, il entame en 1952 une carrière d'écrivain professionnel. Ses débuts sont ignorés par le monde qui regarde avec circonspection cet auteur dont les concepts scientifiques sont assez bizarres et le style littéraire non exempt de défauts. Après de très nombreuses nouvelles écrites durant cette période, comme Beyond Lies the Wub, M. Spaceship, The Gun, The Variable Man, The Builder, Second Variety, pour ne citer que les plus connues, il décide de se lancer dans le roman, plus rémunérateur.

Son premier roman, Loterie solaire, très politique, est publié en 1955. Il s'inspire de l'idée des stratégies mixtes en théorie des jeux pour suggérer l'idée qu'en contexte concurrentiel des nations il peut être avantageux de tirer au sort les gouvernants avec une périodicité aléatoire.

Côté vie de famille, les relations se dégradent peu à peu. Dick, qui écrit surtout la nuit, ne peut plus supporter de voir sa femme plus active que lui, et le regard des voisins, qui le voient chaque matin paresser dans la véranda, le met mal à l'aise. Il se sent sans cesse traqué, épié, surveillé. Pour réussir à soutenir un rythme de travail rapide, il prend toutes sortes de médicaments, en particulier des amphétamines, qui le plongent régulièrement dans des dépressions terribles.

Son côté paranoïaque s'amplifie au fil des mois : s'il ne réussit pas, estime-t-il, c'est parce qu'il est victime de complots fomentés contre lui. Un double effet joue en fait contre lui :

Cela n'arrange en rien, dans l'immédiat, la situation psychologique et financière du romancier.

Il divorce de sa femme en 1958 et rencontre Anne Williams Rubinstein dont le mari vient de mourir. Commence un flirt où Anne et Philip ont l'impression de se comprendre l'un et l'autre comme s'ils n'avaient jamais connu personne d'autre. Les trois petites filles de Anne se lient très vite avec ce gros homme barbu qui débarque chez elles sans crier gare et épouse leur mère le 1er avril 1959. Une fille, Laura Archer, naît de cette union le .

La femme de Philip l'encourage à écrire une œuvre qui fasse de lui un auteur célèbre et reconnu. Il commence alors la rédaction du Maître du Haut Château.

Encore une fois, le couple tourne mal. Anne voit en Dick l'image d'un écrivain qu'il n'est pas et ne tient pas à être, celui-ci ne pouvant se décider à abandonner son genre de prédilection, la science-fiction, bien que son rêve soit d'être reconnu comme écrivain de littérature générale. Sa femme ouvre une bijouterie. Philip se sent une nouvelle fois entretenu par sa femme, bon à rien. Il soupçonne Anne d'avoir contre lui des idées de meurtres.

Il déclarera plus tard : « C'était une psychotique meurtrière. Elle me faisait peur et par deux fois elle a tenté de me tuer. »

Lorsque Anne quitte la maison en emmenant sa fille, il sombre dans la dépression. Le divorce a lieu en 1964.

Le succès

En 1962, Le Maître du Haut Château est publié : c'est un immense succès. Un public « dickien » commence à se créer, enthousiasmé par l'œuvre. L'année suivante, le roman gagne le prix Hugo. En 1963 et 1964, il enchaîne les romans : Les Clans de la Lune alphane, Nous les martiens, Simulacres et Le Dieu venu du Centaure, ce dernier étant l'un de ses romans les plus connus. Cette grande production s'explique par le fait qu'il consomme en masse des amphétamines (quand il arrêtera, son rythme d'écriture se fera moins fort)[réf. nécessaire].

En 1964, il se remarie avec Nancy Hackett, qui a 21 ans. Il a avec elle un second enfant, Isolde Freya (surnommée tout simplement Isa). À nouveau, le mariage ne fonctionne pas. Dick accuse sa femme de « vouloir faire comme les autres » et de chercher malgré lui à l'intégrer dans ce qu'il appelle « la bonne société californienne ». La vie mondaine ne l'intéresse pas : il se consacre entièrement à ses livres, et sort de moins en moins de chez lui. Les assassinats de Robert Kennedy et de Martin Luther King le révoltent, et il cesse de voter cette même année.

Durant cette période, Dick écrit Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, qui servira de base au film Blade Runner, mais aussi et surtout Ubik qui sera plus tard vu comme le chef-d'œuvre de l'écrivain [note 4],[26].

En 1970, il est au bout du rouleau : il a de forts ennuis avec le fisc et sa femme, l'actualité mondiale le rend amer (en particulier la guerre du Viêt Nam). Il écrit à cette époque Coulez mes larmes, dit le policier, qui porte l'empreinte de sa déprime du moment. Nancy part en emmenant Isa en septembre.

Cette période est la plus sombre de sa vie. Seul, abandonné par sa femme, l'auteur ouvre sa maison à tous les drogués, hippies ou junkies de passage. Plus une journée ne passe sans qu'il se drogue, ce qui provoque chez lui de longues périodes de délire[réf. nécessaire]. Cette expérience le pousse à écrire Substance mort, dans lequel un policier est chargé de surveiller un drogué qui n'est autre que lui-même, écrit en 1975 et publié en 1977.

Il cherche à plusieurs reprises, sans succès, à se faire interner en hôpital psychiatrique, parvenant cependant à passer quelques jours en salle d'examen. Dick est peut-être paranoïaque, schizophrène, mais ne présente pas les symptômes caractéristiques d'un drogué dur : il est bien en chair et en forme physiquement.

Le , un événement bouleverse sa vie. Lorsqu'il rentre chez lui, il trouve « les fenêtres fracassées, les portes fracturées, les serrures forcées » et constate « la disparition de plusieurs de [ses] affaires : on avait fait sauter [son] armoire-classeur à l'épreuve du feu, manifestement au moyen d'explosifs du type plastic », classeur où il conservait tous ses « trésors » : textes, vieux pulps de sa jeunesse, collections diverses… Aussitôt, ses peurs paranoïaques remontent à la surface : il accuse tour à tour le FBI et le KGB de vouloir attenter à sa vie. Sa plainte en justice reste sans suite.

Puis il part s'installer à Vancouver qu'il a découvert lors d'une conférence de science-fiction le et où il a directement envisagé d'émigrer. Il tente de refaire sa vie là-bas, tombe plusieurs fois amoureux de filles bien plus jeunes que lui, qui le repoussent à chaque fois, prenant souvent peur devant cet homme gauche qui réclame leur affection. Il tente alors de se suicider en prenant une forte dose de tranquillisants.

Il survit et se fait interner à X-Kalay, centre de désintoxication pour héroïnomanes. Il y découvre l'enfer des drogués durs dont le cerveau a subi des lésions irrémédiables. Il arrête la drogue (tout en continuant à consommer des médicaments divers et variés).

Après trois semaines à X-Kalay, Dick émigre à Fullerton. Il est hébergé par deux étudiantes fans de ses œuvres et rencontre l'écrivain amateur Tim Powers.

En juillet, il fait la connaissance de Tessa Busby, jeune fille réservée, qui a alors dix-huit ans. Le couple emménage et ils fondent ensemble un foyer. Il recommence alors à écrire.

L'Europe, en particulier la France, commence à s'intéresser à lui. Substance mort se voit publié durant cette période, ainsi que la version finale de Coulez mes larmes, dit le policier, qui est nommé en 1974 pour le prix Nebula et pour le prix Hugo. On lui propose d'adapter Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? en film.

Dick avait fait de son corps, comme l'écrit Emmanuel Carrère dans sa biographie, « un shaker à cocktails chimiques ». À cette époque, on parlait beaucoup des flashbacks d'acide, où les anciens drogués des années soixante avaient soudain des hallucinations hors du commun, et pouvaient être pris de pulsions meurtrières inattendues, phénomène qui faisait peur et fascinait les Américains moyens[réf. nécessaire]. Peut-être cela explique-t-il la raison qui poussa Philip à verser dans le mystique, lui qui avait toujours voulu prouver que notre monde était faux, qu'il existait une réalité supérieure, et que lui seul semblait s'en apercevoir. Ainsi des commentateurs reprochent souvent à Dick de pratiquer une philosophie mystique. Peut-être le terme de métaphysique serait-il mieux choisi. Toute son œuvre théologique le prouve (cf. La Trilogie divine), et Dick fixe souvent ses fictions sur une documentation conséquente.

Il s'abonna à des revues sectaires, lut les publications de l'Église de scientologie [réf. nécessaire], déclara avoir eu plusieurs révélations divines, et, invité en 1977 à une conférence de SF à Metz en France, prononça devant une foule ébahie un discours très étrange[non neutre] où il expliqua qu'il aurait été contacté par des extraterrestres en mars 1974 et qu'il entretenait depuis cette date une correspondance avec eux[réf. nécessaire].

L'Exégèse, ouvrage énorme (plus de 8 000 pages), date de cette époque. Il s'agit d'un essai où toutes ses révélations sont soigneusement notées, et où s'affrontent Philip K. Dick et Horselover Fat (imprégné de gnose valentinienne[27]), unique et même personnage (Philippe signifie en grec « l'ami des chevaux » qui s'écrit en anglais « horse lover » ; Dick signifie gros en allemand, « fat » en anglais). Dans plusieurs de ses romans de cette dernière période, l'ancien président Richard Nixon, sous son nom (dans SIVA) ou une version fictive, apparaît comme une figure maléfique de ce que Dick qualifie d'« Empire » (L'Empire n'a jamais pris fin est une phrase récurrente dans SIVA, synonyme de démiurge aveugle (Samaël)).

Il a un accident vasculaire cérébral le , et meurt le d'une défaillance cardiaque quelques jours avant la sortie du film Blade Runner tiré de son roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?. Il commençait juste à en recevoir les droits d'auteur. Il est enterré à Fort Morgan, Colorado, aux côtés de sa sœur Jane, sans avoir jamais su à quel point son œuvre allait devenir mythique.

En 1983, un an après sa mort, un prix littéraire est créé en son hommage et baptisé le Prix Memorial Philip K. Dick.

Œuvres

Dick se définit comme un philosophe de fiction.

Dick a écrit à propos de ses romans[28] :
« Dans mon écriture je m’interroge sur l'univers, je me demande à voix haute s'il est réel, et je me demande si nous le sommes tous »[note 5].

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Philip K. Dick.

Nombre des histoires de Philip K. Dick ont pour thèmes la modification et la manipulation de la réalité. Ces thèmes sont particulièrement présents dans les nouvelles Jeu de guerre (War Game, 1959), Souvenir à vendre (We Can Remember it for You Wholesale, 1966), ainsi que dans les romans Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, La Vérité avant-dernière, Le Dieu venu du Centaure, Le Maître du Haut Château ou Ubik.

Nombreux sont ceux qui pensent que ces caractéristiques proviennent directement de la paranoïa qui marquait sa santé mentale fragile, notamment en raison de sa consommation de drogues (surtout des amphétamines) et de médicaments. Mais la critique sociale et le cynisme des puissants qui "imposent une réalité fictive" sont aussi très présents chez lui.

Il est très connu pour avoir créé dans ses romans une atmosphère sombre, inspirant ainsi les cyberpunks bien qu'il ait vécu trop tôt pour les connaître. Mais cette atmosphère « glauque » tient en fait à l'intrigue héritée du gnosticisme qui hante la plupart des romans de Dick : le faux, qui régit ce monde, et que nous percevons comme le vrai, doit être démasqué. Aussi Dick est, avec Daniel F. Galouye, l'un des inventeurs du thème romanesque du simulacre en science-fiction, avec ses romans Le Temps désarticulé (1959) et Simulacres (1964).

Le style d'écriture dickien n'a rien de flamboyant. Thomas Disch a écrit un des meilleurs textes sur Dick dans l'introduction d'un des recueils de nouvelles qui lui ont été consacrés[29]:

« Dick's prose seldom soars and often is lame as any Quasimodo
la prose de Dick s'élève rarement, et est souvent aussi boiteuse que Quasimodo »

De même, la profondeur de l'analyse psychologique n'est pas sa force première (opus cité):

« The characters in even most of his memorable tales have all the depth of a 50s sitcom
Même les personnages de ses œuvres les plus mémorables ont juste la profondeur de ceux des sitcoms des années 1950 »

. Dick est, comme le fait remarquer Disch, avant tout un auteur d'idées, et c'est probablement pour cela que ses nouvelles et romans ont été autant adaptés au cinéma, ou ont inspiré d'autres auteurs de science-fiction, comme Ursula Le Guin pour The Lathe of Heaven, Disch lui-même pour 334, et qu'il est régulièrement cité comme un des inspirateurs du mouvement cyberpunk.

Il ne faut guère chercher de logique dans l'œuvre de Dick en terme d'opinions morales ou politiques, particulièrement à la fin de sa vie. Bien que lié surtout dans sa jeunesse à des féministes ou des gauchistes, il écrira en 1973 une nouvelle (The Pre-persons) qui lui vaudra une lettre particulièrement courroucée de Joanna Russ, ce qui ne l'empêchera pas de maintenir sa position violemment anti-avortement[30].

Durant les dernières années de sa vie, il consacre la plupart de son temps à écrire l'Exégèse, texte monumental sur son œuvre dont une seule partie est publiée aux États-Unis. Elle est issue des interrogations de Dick sur une expérience mystique qu'il a vécue en mars 1974, laquelle est aussi à l'origine de SIVA[31], œuvre emblématique de la fin de sa vie. On y trouve des fragments de l'Exégèse, à l'intérieur d'une histoire qui est une véritable mise en abîme de sa propre vie. À sa mort on découvre chez lui plus de 8 000 pages du dialogue qu'il entretient avec lui-même depuis cette expérience. Un exemple parmi d'autres : en écoutant la chanson des Beatles Strawberry Fields Forever, il diagnostique que son fils est atteint d'une hernie inguinale, ce qui sera confirmé par des examens ultérieurs.

En plus des 45 romans publiés[32], Dick a écrit près de 121 nouvelles[33].

Les nouvelles sont parues regroupées en français chez l'éditeur Denoël en quatre tomes de 1994 à 1998 (1 - 1947-52; 2 - 1952-53; 3 - 1953-63; 4 - 1963-81), et furent regroupées ensuite en deux gros volumes en 2000, réédités en 2004, dans la collection Lunes d'encre : 1947-1952 (tome 1), et 1953-1981 (tome 2).

Des thématiques redondantes

Si le diagnostic de sa schizophrénie a été infirmé, il n'en reste pas moins que la santé mentale de Philip K. Dick était au mieux vacillante, au pire réellement paranoïaque, et que son addiction aux drogues n'a rien aidé. On peut cependant noter qu'une des interrogations les plus importantes d'un schizophrène est de savoir comment différencier la réalité et de sa propre perception de la réalité. Or ceci est une thématique récurrente dans les œuvres de Philip K. Dick, si récurrente qu'elle pourrait presque être considérée comme un symptôme pour ceux qui mettent en doute l'infirmation de sa schizophrénie.

Si l'on considère uniquement les œuvres portées à l'écran, on observe nettement des variations de cette thématique primordiale. À partir de la simple question "comment être sûr que je suis réellement ce que je pense que je suis", la science-fiction ne fait que compliquer encore la tâche par rapport au très fameux axiome de Descartes "cogito ergo sum" ("je pense donc je suis"). Si Descartes a considéré cet axiome comme la seule chose absolument impossible à remettre en question, la science-fiction peut au contraire fournir bien des raisons pour lesquelles cet axiome serait faux. Alors les questions s'enchaînent :

  • "Cogito ergo sum", "je pense donc je suis", mais je suis ?
  • "Qui suis-je ?" peut aussi impliquer, dans le domaine de la science-fiction, que je sois autre chose qu'un humain. Pourrais-je être un androïde ? Un extraterrestre ?
  • Du coup, qu'est-ce qui fait qu'un humain est un humain ? La vie ? La conscience ?
  • Mais alors qu'est-ce que la vie ? et la conscience ?
  • etc.

Blade Runner

Dans le film Blade Runner, se posent énormément de questions :

  • Les androïdes (appelés "répliquants") ne sont conscients de leur état d'androïde que parce qu'on leur a dit qu'ils l'étaient et parce qu'on les a utilisés comme tels, c'est-à-dire comme ouvriers dans des conditions que les humains ne peuvent pas supporter.
  • Les répliquants montrent rapidement un comportement sociopathe, raison pour laquelle leur durée de vie est limitée à quatre ans. Ceci est cependant infirmé par plusieurs faits :
    • Ils se montrent capables d'éprouver des sentiments (d'amour, de compassion), même si cela n'efface pas le côté sociopathe
    • Une répliquante d'une nouvelle génération (Rachel), chez qui on a implanté des souvenirs, non seulement ne montre pas ce côté sociopathe mais ignore elle-même qu'elle n'est pas humaine

Total Recall

Dans le fim Total Recall, il devient possible de remplacer partiellement ou entièrement les souvenirs d'une personne. Or, il apparaît que la modification de tous les souvenirs d'un individu provoque un changement majeur de sa personnalité (pour le personnage principal), ce que l'on retrouve dans le personnage de Rachel dans Blade Runner (voir ci-dessus). D'autre part, le "héros" se range du côté des "mutants" (considérés comme des non-humains). Finalement, le personnage principal refuse de redevenir celui qu'il était et préfère conserver ses souvenirs, fussent-ils faux, parce qu'il se sent plus "humain" de cette façon. Mais les questions fusent :

  • Qu'est-ce que c'est que d'être humain ? ,
  • Peut-on faire confiance à ses souvenirs ? ,
  • Comment les souvenirs nous définissent-ils ? ,
  • Pourquoi les mutants sont-ils considérés comme des "sous-humains" ? ,
  • Peut-on choisir si l'on est humain ou non ? ,
  • Si on pouvait choisir, pourrait-on choisir d'être plus humain... et on retourne au premier point de cette liste !

Planète hurlante

Dans le film "Planète hurlante", les "hurleurs" sont des robots militaires tuant toute personne ne portant pas un bracelet d'identification (thématique reprise par les robots produits par l'OmniCorp dans le film Robocop de 2014). Les usines de fabrication sont auto-régulées et il s'avère que les robots parviennent à créer de nouvelles versions de plus en plus évoluées en suivant le programme de base (exterminer l'ennemi) mais aussi en jouant sur l'affectif humain. Or, en jouant avec les sentiments humains, ces robots s'humanisent. Est-ce une nouvelle forme de vie ?

Adaptations

L'œuvre de Philip K. Dick a eu une grande influence sur le cinéma, notamment depuis l'adaptation de Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? par Ridley Scott (Blade Runner, 1982)[34].

Hormis Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, deux autres de ses romans ont été adaptés : Confessions d'un barjo et Substance mort, tandis que Ubik est toujours en projet. Les autres films sont issus de nouvelles.

Adaptations cinématographiques

Après la mort de Philip K. Dick, plusieurs scénarios ont été inspirés plus ou moins fidèlement de ses œuvres :

Projets cinématographiques en cours et/ou avortés

Inspirations

  • La trame de fond du film The Truman Show de Peter Weir (1998), avec Jim Carrey, est largement inspirée du roman de Dick Le Temps désarticulé (Time Out of Joint, 1959).
  • Parmi les admirateurs de Dick, on trouve le cinéaste canadien David Cronenberg. Sa « rencontre » avec l’auteur a lieu en 1984 : Dino De Laurentiis, qui avait produit son film Dead Zone, lui fait parvenir un scénario écrit par Dan O'Bannon et Ronald Shusett basé sur la nouvelle de Dick Souvenirs à vendre. Mécontent du résultat, il décide de le réécrire et travaille dessus pendant une année (il écrit en tout douze versions différentes de l’histoire), mais se heurte constamment au mécontentement de Shusett (aussi producteur du film). Il décide finalement de quitter le projet, sa vision de l’histoire étant trop éloignée de celle que Shusett envisage. Il reste toutefois fortement intéressé par l’œuvre de Dick qu’il découvrira durant les années suivantes.
  • En 1999, Cronenberg sort son film eXistenZ, qu’il considère comme étant son « film dickien », celui contenant le plus de thèmes proches de l’œuvre de Dick. Il a d’ailleurs inclus une sorte d’hommage dans le film par le biais d’un sac en papier où est inscrit « Perky’s Pat », en référence à la nouvelle The days of Perky Pat (1963), qui est (en partie) l'inspiration du roman Le Dieu venu du Centaure (The Three Stigmata of Palmer Eldritch, 1965).
  • Ray Faraday Nelson ami et collaborateur de Dick, a écrit la nouvelle Les Derniers Jours de Philip K. Dick, en lecture directement sur son site en anglais: (en) The Last Days of Philip K. Dick.
  • Requiem pour Philip K. Dick de Michael Bishop (titre original : Philip K. Dick is dead, alas, 1987) est un roman-hommage-pastiche des romans de science-fiction de Philip K. Dick. En particulier il reprend la structure du Maître du Haut Château (c'est une uchronie) dans l'univers de Coulez mes larmes, dit le policier).
  • Le Temps incertain de Michel Jeury (1973), œuvre phare du roman de SF français, commence par une citation de Philip K. Dick.
  • Dimanche au bord du monde, et autres nouvelles est un recueil de nouvelles publié en 2013 aux éditions Asyelle à la suite d'un concours de nouvelles sur le thème « En hommage à Philip K.Dick ».
  • Dans la série d'animation Code Lyoko, le nom du pensionnat, Kadic, est inspiré du nom Philip K.
  • Dans la série d'animation japonaise Psycho-Pass, l'antagoniste principal, qui est contre la société telle qu'elle est devenue (univers futuriste où un système informatique décide de ce que deviendront les individus et juge qui est un criminel ou non), fait référence à Philip K. Dick en citant notamment son œuvre Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?.

Autres adaptations

Bandes dessinées

  • Do Androids Dream of Electric Sheep ? (inspiré de Blade Runner) texte intégral du roman original : tomes 1 à 6 dessinateur Tony Parker (aidé de Blond), collection Atmosphères, EP Éditions (2011 à 2013);
  • Dust to Dust (préquelle), Chris Roberson (scénario) et Robert Adler (dessin): tomes 1 et 2, EP Éditions (2012 et 2013).

Musique

  • V.A.L.I.S. titre de l'album Four de Bloc Party est inspiré du livre SIVA.
  • Simulacres, titre de l'album La chute des fourbes de The Art of Sauvagia, s'inspire de l'œuvre de Dick.
  • Un titre de l'album Heldon Third (1975) du groupe Heldon de Richard Pinhas s'appelle Dr Bloodmoney, du nom du roman éponyme de Dick[38].
  • L'album Sister (1987) de Sonic Youth fait référence à la sœur jumelle de l'auteur de science-fiction, morte peu après sa naissance[39].

Notes et références

Notes

  1. Pour les films de David Cronenberg : Videodrome, Spider et eXistenZ
  2. Pour le film de Michel Gondry : Eternal Sunshine of the Spotless Mind
  3. En 2007, Dick devient le premier auteur de science fiction figurant dans la "Library of America", l'édition littéraire à but non lucratif de littérature classique américaine.
  4. En 2005 le magazine Time intègrera Ubik dans son classement des 100 meilleurs romans de langue anglaise écrits depuis 1923.
  5. Citation originale : "In my writing I even question the universe; I wonder out loud if it is real, and I wonder out loud if all of us are real."

Références

  1. (en) « 1978 Award Winners & Nominees », Worlds Without End (consulté le )
  2. (en) « 1965 », Worlds Without End
  3. Replies to 'A Questionnaire for Professional SF Writers and Editors", 1969, The Shifting Realities of Philip K. Dick, 1995
  4. Terry Gilliam's Unresolved Projects
  5. Baudrillard, Jean. "'Simulacra and Science Fiction'" . Science Fiction Studies. Retrieved May 26, 2007.
  6. Myriam Díaz-Diocaretz, Stefan Herbrechter (2006). The Matrix in theory. Rodopi. pp. 136. ISBN 9042016396.
  7. How Hollywood woke up to a dark genius
  8. http://www.depauw.edu/sfs/backissues/5/watson5art.htm
  9. Scriptorium – Philip K. Dick
  10. Gun With Occasional Music Review
  11. Fredric Jameson, Archaeologies of the Future: The Desire Called Utopia and Other Science Fictions, London and New York: Verso, 2005, p. 345; p. 347.
  12. (en) « Salon.com Interview by Michael Sragow. » (consulté le )
  13. Slant Magazine DVD Review: Eternal Sunshine of the Spotless Mind
  14. (en) « 1963 Award Winners & Nominees », Worlds Without End (consulté le )
  15. (en) « 1975 Award Winners & Nominees », Worlds Without End (consulté le )
  16. (en) « Philip K. Dick », kirjasto.sci.fi, (consulté le )
  17. Stoffman, Judy « A milestone in literary heritage »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) (consulté le ) Toronto Star (February 10, 2007)
  18. Library of America Philip K. Dick: Four Novels of the 1960s
  19. Library of America H.P. Lovecraft: Tales
  20. Associated Press "Library of America to issue volume of Philip K. Dick" USA Today (November 28, 2006)
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  22. (en) Lawrence Sutin, « Philip K. Dick », Author – Official Biography, Philip K. Dick Trust, (consulté le )
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  31. Behrens, Richard; Allen B. Ruch (March 21, 2003). "Philip K. Dick" The Scriptorium. The Modern Word. Retrieved 14 Avril 2008.
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  36. [1] Libération next, Michel Gondry va adapter Ubik
  37. The Man in the High Castle : un projet de Ridley Scott pour SyFy premiere.fr - 12/02/2013
  38. Ariel Kyrou, ABC Dick : Nous vivons dans les mots d'un écrivain de science-fiction, Inculte, 2009, p. 426-427.
  39. Ariel Kyrou, ABC Dick : Nous vivons dans les mots d'un écrivain de science-fiction, Inculte, 2009, p. 428.

Voir aussi

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Bibliographie

  • Entretiens :
    • Si ce monde vous déplaît…, Éditions de l'Eclat, 2004 (conférences).
    • Dernière conversation avant les étoiles, Éditions de l'Eclat, 2005.
  • Biographies en français :
  • Études par des auteurs français :
    • Aurélien Lemant, TRAUM : Philip K. Dick, le martyr onirique, Lyon, Le Feu Sacré éditions, 2012.
    • Étienne Barillier, Le Petit Guide à trimbaler de Philip K. Dick, Chambéry, ActuSF, Les Trois Souhaits, 2012.
    • Ariel Kyrou, ABC Dick : Nous vivons dans les mots d'un écrivain de science-fiction, Inculte, 2009.
  • Études par des auteurs américains :
  • Recueils collectifs d'études :
  • Romans/recueils de nouvelles hommages:
    • Michael Bishop, Requiem pour Philip K. Dick, Paris, Denoël, 2004.
    • Collectif, Dimanche, au bord du monde et autres nouvelles, hommage à Philip K. Dick, Ed. Assyelle, 2013. Présentation sur le site de l'éditeur

Liens externes