Petite Église polonaise

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La Petite Église polonaise (en polonais: Bracia Polscy), de théologie unitarienne, fut fondée par les Frères polonais, théologiens issus de la Réforme radicale. Les fidèles sont souvent appelés « Ariens » ou « Sociniens » (en polonais: arianie, socynianie), mais ils se nommaient eux-mêmes simplement les « Frères »[1] ou les « Chrétiens », puis après leur expulsion de Pologne, les « Unitariens ».

Situation géopolitique

Des laïcs surtout étaient actifs, selon le principe de Martin Luther : tous théologiens. Quelques exceptions mises à part, par exemple Ochino, les anti-trinitaires du XVIe siècle furent des laïcs cultivés : philologues, écrivains, médecins, juristes ou gentilshommes ; tous de fervents chrétiens décidés à rechercher la vérité religieuse en étudiant les Saintes Écritures avec zèle, mais aussi avec sens critique. En recherchant eux-mêmes le sens et la portée des textes bibliques, ces laïcs enlevaient aux théologiens catholiques comme aux réformateurs protestants le monopole de l'étude et de l'interprétation de la Bible. Par les résultats de cette recherche, ils portèrent un sérieux coup à l'autorité et au prestige de ces « professionnels de la religion ».

Trois raisons expliquent la tolérance dont purent jouir les anti-trinitaires en Pologne et en Lituanie.

  1. L'autonomie, même en matière de religions, reconnue aux nobles, c'est-à-dire aux grands propriétaires.
  2. La tolérance manifestée par les rois Sigismond Ier et Sigismond II Auguste.
  3. L'accueil que la reine Bona Sforza, épouse de Sigismond Ier, accorda volontiers aux humanistes italiens (par exemple Lelio Socin, Georges Biandrata), puis aux Italiens condamnés par l'Inquisition ou par Jean Calvin (par exemple Alciati et Gentile). Ainsi vivaient côte à côte, en Pologne, des catholiques, des luthériens, des anabaptistes et des calvinistes, et même des juifs.

Il va de soi que les anti-trinitaires étaient des apôtres de la tolérance religieuse. Étant persécutés, leurs méthodes étaient celles de tout mouvement clandestin : faire semblant et ne se confier qu'à des amis sûrs ; s'abstenir de parler en public ; faire circuler des manuscrits et des textes imprimés anonymes ou sous un pseudonyme ; entretenir une correspondance et voyager. Citons ici les lettres de Lelio Socin à Calvin où il exprime ingénument ses doutes, posant des questions embarrassantes avec charme, sans rien affirmer. Mentionnons également l'astuce imaginée par Ochino, dans un de ses « Dialogues » publiés à Zurich en 1563, où il feint de défendre le dogme trinitaire contre un adversaire – mais les arguments qu'il met dans la bouche de cet anti-trinitaire sont bien plus solides que les siens ! En dépit de ces méthodes, les adversaires de la Trinité furent condamnés à disparaître pour un temps de l'Europe occidentale. Le mouvement émigra vers l'Est.

Au cours de leurs études en Europe occidentale, nombre de jeunes nobles ou des fils de pasteurs réformés découvrirent les deux petits livres de Michel Servet sur la Trinité et les firent connaître dans leur pays. Ainsi, ce Pierre de Goniatz (ou Gonesius), qui, parti pour se former à la prêtrise, revint pasteur calviniste et en même temps désireux d'amener l'Église réformée de Pologne à l'acceptation des thèses de Servet. S'adressant hardiment à ses collègues, il en convainquit un nombre grandissant, si bien qu'un synode, à la fin de 1558, le condamna et l'obligea à quitter la Pologne. Il se rendit en Lituanie où le magnat Jan Kiszka (Jonas Kiška) lui offrit la possibilité d'organiser, à Węgrów, la première Église locale anti-trinitaire.

Cette même année 1558 ; Biandrata arrivait de Genève. Il devint rapidement le chef du mouvement anti-trinitaire de Pińczów, près de Cracovie, ville qui eut bientôt son pasteur anti-trinitaire. Alciati et Gentile vinrent se joindre au mouvement, ayant eux aussi fui Genève.

Calvin se fâcha en apprenant le succès de l'hérésie qu'il avait condamnée. Il écrivit des lettres pour montrer le danger que représentaient de tels hommes, mais en vain. Au contraire, le prince Nicolas Radziwiłł de Lituanie, s'offusquant de cette ingérence calvinienne, accorda en 1562 son appui à Gonesius et à Biandrata et devint lui-même anti-trinitaire. 1564 vit l'entrée en Pologne des jésuites. Ceux-ci n'obtinrent pas grand-chose, sinon l'expulsion de quelques étrangers, parmi lesquels Gentile. Ce malheureux, déjà si malmené à Genève, eut la malchance de tomber entre les mains de la police bernoise. Il fut décapité à Berne en 1566. Autre expulsé, Bernardino Ochino, qui alla en Moravie et y mourut.

Avec l'espoir de résoudre la crise qui déchirait l'Église réformée de Pologne, un synode se réunit à Bełżyce en 1565. Les anti-trinitaires étaient devenus d'autant plus hérétiques aux yeux des calvinistes orthodoxes qu'ils avaient adopté diverses options anabaptistes telles que le refus du baptême des enfants, le non recours aux armes, la pauvreté volontaire, etc. Le synode réalisa que le schisme était inévitable et accepta la création d'une Église réformée « mineure », qui se donna un nom significatif : « Église des Frères de Pologne et de Lituanie qui ont rejeté la Trinité ». Dans la pratique, on l'appela la « Petite Église polonaise » ou encore les « Frères polonais » (Bracia Polscy).

Développement

Bien que privés des conseils de Biandrata, parti en 1563 pour occuper le poste de médecin à la cour de Transylvanie, mais pouvant par ailleurs compter sur Gonesius, la jeune Église anti-trinitaire s'organisa. Ses membres étaient en majorité des nobles, aussi pieux qu'instruits, décidés à vivre l'Évangile.

Certains vendirent leurs terres et affranchirent leurs serfs ; d'autres mirent leurs biens au service de la communauté. L'Église combinait avec bonheur des pratiques héritées de l'anabaptisme à la doctrine christologique reçue de Michel Servet. Elle reçut en 1569 un centre, Rakow, qui devint, grâce à son imprimerie et à son collège réputé, un foyer très important de rayonnement.

S'il est exact que l'Église des Frères s'épanouissait sous le regard bienveillant de Sigismond II Auguste, il n'empêche que des crises atteignirent la communauté. Quelques nobles s'opposèrent au pacifisme absolu hérité de l'anabaptisme ; des pasteurs contestaient certains points de la doctrine (préexistence de Jésus, adoration du Christ). C'est surtout en Lituanie que surgirent quelques communautés dissidentes.

La Petite Église polonaise avait besoin d'un théologien ayant l'autorité d'un Luther ou d'un Calvin. Elle le reçoit en la personne de Fausto Sozzini.

En ce début du XVIIe siècle, les écrits de Socin et le catéchisme de Rakow — souvent apportés par des étudiants ayant fréquenté l'excellent collège de Rakow - se répandaient en Allemagne, en France même (grâce à Wissowaty, petit-fils de Socin, qui vécut quelque temps à Paris), en Angleterre et surtout en Hollande, où l'on se mit à éditer l'ensemble des livres sociniens (Bibliotheca Fratrorum Polonorum) vers 1660.

Proscription

Par contre, en Pologne, la situation des Frères devint de plus en plus difficile. Sans se rendre compte qu'ils sciaient la branche de la tolérance religieuse sur laquelle ils étaient assis, les calvinistes se joignirent aux catholiques pour obtenir l'élimination des sociniens. Le foyer principal des Frères, à Rakow, fut détruit en 1638 et l'église remise ... aux catholiques. Vingt ans plus tard, en 1658, une Diète proscrivit l'Église des Frères, donnant aux membres deux ans pour embrasser le catholicisme (ce que beaucoup firent, pour la forme) ou pour quitter le pays.

L'année 1660 vit effectivement l'exil volontaire de groupes fidèles, partant à la recherche d'un lieu d'accueil. Ceux des Frères qui vivaient dans le Sud se mirent en route vers la Transylvanie, subissant des pertes sous les coups des brigands, dans les Carpates. Mais arrivés à Kolosvar, ils reçurent un accueil fraternel des frères unitariens. D'autres groupes cherchèrent asile auprès des Électeurs allemands, mais l'asile reçu fut en général temporaire et précaire, surtout à cause de l'hostilité du clergé luthérien. C'est en Hollande que l'accueil fut le plus fraternel, grâce aux Remontrants. En Pologne, quelques Frères étaient héroïquement restés accrochés à leur foi et à leur patrie, mais, avec le temps, toute trace de socinianisme disparut.[réf. nécessaire] La dernière communauté de frères polonais s'est éteinte en 1803 à Andreaswalde en Prusse Orientale, aujourd'hui Kosinowo dans la voïvodie de Varmie-Mazurie en Pologne[2]. On y trouvait, une église socininenne, une école réputé et le plus grand cimetière socinien de Pologne appelé "la montagne arienne".

Recréation

Le pasteur luthérien Karol Grycz-Śmiłowski (1885–1959) a fondé à Cracovie, l'association des frères polonais en 1937, inspirée de la Petite Église polonaise et du catéchisme de Raków, rebaptisée l'Union des frères polonais en 1945. Elle a été enregistrée par le gouvernement communiste en 1967. Karol Grycz-Śmiłowski était en contact avec l'association unitarienne américaine.

Après la mort de Karol Grycz-Śmiłowski l'Union a évolué idéologiquement et s'est scindée en deux groupes distincts : les unitariens et les pentecôtistes[3]. Dans le même temps un groupe de Polonais a fondé des groupes unitariens universalistes à Varsovie[4] et Katowice. En 1997, une association nationale des unitariens polonais a adhéré au conseil international des unitariens et universalistes[5]. Les groupes et l'association nationale ne sont plus actifs depuis 2009[6].

Influence de socinianisme sur l'unitarisme

Les Frères polonais ont trouvé un public réceptif en Hollande et en Angleterre, comme, par exemple, Paul Best et John Biddle "le père de l'unitarisme". Tous les deux étaient parmi les premiers convertis de la Petite Église polonaise en Angleterre (et tous les deux emprisonnés en 1647). Les œuvres de la Petite Église polonaise ont été diffusées en Angleterre dans les éditions latines comme Bibliotheca Fratrum Polonorum quos Unitarios vocant. (1668). Krzysztof Crell-Spinowski (Crellius-Spinovius), fils de Jan Crell, a visité l'Angleterre en 1668 et y a laissé ses deux enfants, Christophe Crell fils (à l'âge de 10 ans) et sa sœur, aux soins d'une vieille fille, Mlle Alice Stuckey. Samuel Crell, un fils du second mariage de Crell, a également visité l'Angleterre en 1727, où il a rencontré Isaac Newton.

En Angleterre, les appellations "socinien" et "unitarien" étaient longtemps synonymes. Henry Hedworth (1626-1705) de Huntingdon introduisait le terme "unitarien" dans la langue anglaise en 1673. Quatorze ans plus tard Stephen Nye du Hertfordshire devient le premier à utiliser le mot "unitarien" sur une page de titre quand il publiait son Bref historique des unitariens également appelés sociniens (1687, élargie 1691). Les pensées des frères polonais sont devenues un flux d'influence sur toutes les églises dissidentes en Angleterre[7].

Bibliographie

  • George Huntston Williams, The Polish Brethren : Documentation of the History and Thought of Unitarianism in the Polish-Lithuanian Commonwealth and in the Diaspora 1601-1685, Scholars Press, 1980, (OCLC 3361155).

Notes et références

Cet article intègre des matériaux copyleft issus de « Correspondance Unitarienne »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) (consulté le ), oct-2002

Articles connexes

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