Pavillon des Passions humaines

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Pavillon des Passions humaines
Le Pavillon des Passions humaines après restauration (2014).
Présentation
Type
Style
Architecte
Construction
1890-1897
Ouverture
Commanditaire
Propriétaire
Gestionnaire
Patrimonialité
classé en 1976
Localisation
Pays
Région
Commune
Emplacement
Coordonnées
Carte

Le pavillon des Passions humaines, également appelé pavillon Horta-Lambeaux, est un bâtiment de style néo-classique édifié par l'architecte Victor Horta dans le parc du Cinquantenaire à Bruxelles en Belgique. Il est géré par les Musées royaux d'art et d'histoire.

Bien que d’apparence classique, le bâtiment montre les prémices Art Nouveau du jeune Victor Horta. Destiné à exposer en permanence le large relief en marbre Les Passions humaines de Jef Lambeaux, le pavillon a presque toujours été fermé depuis son achèvement.

Historique[modifier | modifier le code]

Commande, conception et construction[modifier | modifier le code]

Colonne et chapiteau.

Le bâtiment, qui constitue la première commande publique de Victor Horta, est conçu par ce dernier en 1890 et bâti de 1891 à 1897 pour abriter la sculpture monumentale Les Passions humaines du sculpteur Jef Lambeaux, sculpture achevée en 1898[1].

En 1889, sur la recommandation de son professeur Alphonse Balat[2],[3], architecte préféré du roi Léopold II, Victor Horta est chargé — pour un salaire de 100 000 francs[4] — de dessiner un pavillon qui abritera la sculpture de Jef Lambeaux Les Passions humaines. Le petit temple d'aspect classique annonçait déjà la touche Art nouveau associée à l'architecte. Bien que fidèle au vocabulaire formel de l'architecture classique, Horta entreprit déjà d'incorporer tous les éléments du nouveau style. Au premier regard, le bâtiment ressemble à un temple classique, bien qu'il n'y ait pas une seule ligne droite dans son architecture[5]. Tous les détails classiques sont revisités et réinterprétés. Horta réussit à créer une interprétation presque « organique » d’un temple classique, sans abolir toutes les références au style historique[6]. Légèrement courbés comme le tronc d’un arbre, les murs semblent avoir surgi de terre.

Le bâtiment a eu une histoire mouvementée. Le petit temple néo-classique était prévu à l’origine pour l'Exposition internationale de Bruxelles de 1897[7], dont il est un des rares vestiges.

Bien qu'achevé à temps pour l'événement, la collaboration entre l’architecte et le sculpteur mena rapidement à une dispute irréconciliable reportant l'ouverture officielle jusqu'en 1899. Au début, Horta dessina la façade du pavillon grande ouverte, servant d'abri lors des jours de pluie — sans le mur et la porte en bronze derrière les colonnades — ainsi le relief serait-il toujours visible par les promeneurs. Mais Lambeaux voulait un mur derrière les colonnes. La dispute resta non résolue pendant des années : le , jour de l’inauguration, le temple était ouvert, le relief étant visible depuis le parc. Sous la pression de l'opinion publique et des autorités, Horta dut changer ses plans et fermer le temple avec une barricade en bois, trois jours seulement après l’inauguration.

Le bâtiment est profondément modifié en 1909-1910 selon des plans établis par Horta en 1906 : d'un plan carré avec façade principale ouverte par des colonnes, il passe à un plan rectangulaire dans lequel l'ancienne façade est remplacée par un mur, les colonnes étant avancées pour former un pronaos[1].

Lambeaux ne connut jamais le temple tel qu'il est aujourd'hui. En effet, ce n'est qu'après le décès du sculpteur qu'Horta accéda à ses désirs en construisant le mur qui fermerait le temple et cacherait le bas-relief pour ne laisser comme lumière que celle venant de la verrière.

Le fronton du temple.

Don à l'Arabie saoudite[modifier | modifier le code]

Deux ans après avoir été classés par arrêté royal du , le pavillon et l'œuvre de Lambeaux sont offerts en 1978 par le roi Baudouin au roi Khaled d'Arabie Saoudite, la donation étant officialisée par un arrêté royal du [1].

Par ce don, l'État belge cède le bâtiment au Centre islamique et culturel de Belgique, établi juste à côté dans la Grande mosquée de Bruxelles, pour y installer un musée d'art islamique[1]. Cette nouvelle affectation implique une transformation de l'édifice, ainsi que l'enlèvement du relief de Jef Lambeaux[1]. Le démontage du relief, entamé sans permis en 1980, est arrêté à la suite d'une plainte de la Commission royale des monuments et des sites de Belgique : différentes pistes, allant jusqu'au déplacement du temple, sont ensuite envisagées sans succès[1]. Le projet de musée est alors abandonné et la gestion du bâtiment reprise par la Régie des Bâtiments de l’État belge[1].

Le gouvernement d'Arabie saoudite rend finalement le bâtiment aux Musées royaux d'art et d'histoire[8].

Le pavillon reste fermé au public sauf pour des événements exceptionnels[5],[9], non par pudibonderie mais pas crainte de vandalisme[9]. De 2002 à 2011, il fut visitable une ou deux heures par jour[10].

Le relief des Passions humaines[modifier | modifier le code]

Relief des Passions humaines.

Le Pavillon Horta abrite l'œuvre monumentale du sculpteur Jef Lambeaux (1852-1908), le relief des Passions humaines. Le dessin sur papier ou « carton » est présenté au Salon triennal de Gand en 1889[11], créant immédiatement une longue émotion[12]. Le journal L’Art moderne en 1890 décrit le travail comme « un amas de corps le plus nus possible et contorsionnés, des musculatures de lutteurs en délire, une absolue et inégalable puérilité de concept. C'est tout à la fois cahotique [sic] et vague, boursouflé et prétentieux, empathique et vide. [ … ] Et si au lieu de se payer pour 300 000 francs de « passions » le gouvernement achetait tout bonnement des œuvres d'art ? »[13]. Commandé en 1890 par le roi Léopold II pour 136 000 francs[8], le travail de 12 mètres sur 8 portait sur le thème du bonheur et des péchés de l'humanité dominée par la mort[6]. Il dépeint aussi les passions négatives de l'humanité comme la guerre, le viol et le suicide. Le relief fut très controversé dès la présentation du projet en 1886. Bien qu’enthousiastes au départ, les critiques d'art regrettent surtout le manque de cohésion du travail[6]. Malgré la controverse, l'État belge acquit l'œuvre en 1890 pour l'installer au Cinquantenaire[6]. Le [6], le temple d'Horta était officiellement inauguré et l'œuvre révélée au public. La façon dévoilée dont Lambeaux dépeignait le nu féminin et masculin fut beaucoup commentée par la presse. Le relief montrant des nus désinhibés dans toutes les formes de plaisirs charnels causa scandale. La nudité n'était pas le seul problème : la représentation du Christ crucifié sous la mort outragea la Belgique conservatrice[14]. Le bâtiment ouvert fut caché à la vue du public par une barricade de bois seulement trois jours après la première présentation publique[15]. Finalement, le gouvernement répondit aux critiques en demandant à Horta, en 1906, de fermer l'avant du bâtiment avec des matériaux durables[16]. La façade avant fut construite en 1909. Le bâtiment rouvrit finalement en 1910, sans ouverture officielle et resta inachevé. L'État belge commanda une copie en plâtre du relief de Lambeaux pour le présenter sur différentes expositions internationales[17]. La copie est aujourd'hui visible au musée des beaux-arts de Gand, Belgique[18]. Un fragment de l'œuvre remporta en 1900 une médaille d'honneur à l'Exposition universelle de Paris.

Rénovation[modifier | modifier le code]

Le pavillon était resté en souffrance pendant plus d'un siècle et nécessitait d'urgence des travaux de rénovation. En 2008, le gouvernement belge commença officiellement la procédure de sous-traitance des travaux de rénovation en publiant deux marchés publics gouvernementaux dans le Moniteur belge[19],[20]. La restauration de l'œuvre de Jef Lambeaux devrait suivre[10]. Les travaux de restauration en profondeur du pavillon ont commencé en , financés par la Fondation Roi Baudouin, fonds Inbev Baillet Latour, et sont terminés depuis le [21].

Accessibilité[modifier | modifier le code]

Ce site est desservi par la station de métro : Schuman.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Références bibliographiques[modifier | modifier le code]

  • de Callataÿ, François (1989). « Les "Passions Humaines" de Jef Lambeaux : un essai d'interprétation ». Bulletins des Musées royaux d'art et d'histoire (in French) (Brussels: Musées royaux d'art et d'histoire) 60: 269–289.
  • Celis, Marcel M. (1988). Bruxelles protégé (in French). Liège : Éditions Mardaga. p. 41. (ISBN 2-87009-335-7).
  • Aubry, Françoise; Harshav, Barbara (2002). « Victor Horta: Vicissitudes of a Work ». Yale French Studies (New Haven) 102: 176–189.
  • Musées royaux d'art et d'histoire. « Pavillon Horta-Lambeaux » (in French). Retrieved 2009-01-17.
  • SPF Mobilité et Transports (2008-07-23). « Parc du Cinquantenaire — Pavillon Horta — restauration des décors en plaques de marbre jaune — Marché de travaux — Appel à candidature (TIW/IX.8.8.) » (in French). Retrieved 2009-01-17.
  • SPF Mobilité et Transports (2008-08-25). « Parc du Cinquantenaire — Pavillon Horta — restauration du bâtiment — Marché de travaux — Adjudication publique (TIW/IX.8.9.) » (in French). Retrieved 2009-01-17.
  • Blyth, Derek (2004-05-06). « Scandalous sculpture on show at last ». The Bulletin (Brussels weekly) (Brussels). « A shocking sculpture which has been kept behind locked doors for more than a century is finally on view in the Parc du Cinquantenaire. Jef Lambeaux's marble relief of Les Passions Humaines — carved in 1899 for a neo-classical temple built by the young Victor Horta — outraged conservative Belgium when it was unveiled and the building was closed to the public after just two days. »

Attribution[modifier | modifier le code]

  • Cet article incorpore du texte de la publication arrivé dans le domaine public : Chisholm, Hugh, ed. (1911). « Jef Lambeaux ». Encyclopædia Britannica (11th ed.). Cambridge University Press.

Lectures supplémentaires[modifier | modifier le code]

  • Cuypers, Carine (2012). Het paviljoen van de Menselijke Driften (in Dutch). CaraCarina. (ISBN 978-94-91483-00-4).

Liens externes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f et g Inventaire du patrimoine architectural de la Région de Bruxelles-Capitale
  2. (en) Harold Fowler, A History of Sculpture, Kessinger Publishing, p. 366, 2005 (ISBN 1-4179-6041-8)
  3. Celis, Marcel M., (1988). Bruxelles protégé, Liège : Mardaga, p. 41. (ISBN 2-87009-335-7).
  4. (nl) De Ruyck, Jo, (5 avril 2012), Koning Boudewijn vroeg Saudi's om erotisch tafereel te verstoppen, De Standaard, (consulté le 5 avril 2012)
  5. a et b Philips, Mon (2008-06-18). « The secrets of Jubelpark ». Flanders Today (Groot-Bijgaarden: Vlaamse Uitgeversmaatschappij) (34): 4. Retrieved 2009-01-18. « Before the government finally took over the building, it was owned by Saudi Arabia (a gift from King Baudouin). »
  6. a b c d et e Musées royaux d'art et d'histoire. « Pavillon Horta-Lambeaux » . Retrieved 2009-01-17.
  7. Musée des arts décoratifs (France) (1983). Le Livre des Expositions Universelles, 1851-1989 (in French). Paris: Édition des arts décoratifs Herscher. p. 101. (ISBN 2-901422-26-8).
  8. a et b (nl) De Ruyck, Jo (5 avril 2012). « Koning Boudewijn vroeg Saudi's om erotisch tafereel te verstoppen ». De Standaard (in Dutch). Retrieved 5 April 2012.
  9. a et b (en) Blyth, Derek (2004-05-06). « Scandalous sculpture on show at last ». The Bulletin (Brussels weekly) (Brussels).
  10. a et b Leclercq, Philippe (2008-10-20). « Passions Humaines.Le mot de Werner Adriaenssens. » (in French). asbl Musée Jef Lambeaux. Retrieved 2009-01-21.
  11. Lucien Solvay, « Le Salon de Gand », Le Soir, 19 août 1889
  12. [S.n.], « Encore le carton de M. Jef Lambeaux », in: Gazette de Liége, 3 décembre 1889
  13. Octave Maus, Edmond Picard, Émile Verhaeren, eds. (25 May 1890), Une commande de 300 000 francs, L'Art Moderne, Brussels, 166, Retrieved 5 April 2012.
  14. Tumanov, Alexander (2000). The Life and Artistry of Maria Olenina-D'alheim. Edmonton: University of Alberta Press. p. 77. (ISBN 0-88864-328-4). « (…) There we had got to know (…) Joseph Lambeaux, a sculptor who was famous at the time. (…) When Joseph Lambeaux had completed his enormous work in high relief entitled « Passions Humaines » King Léopold wanted to see it and came to Lambeaux's studio. Observing that the crucified Christ was placed lower than Death, which reigned over everyone, he asked the sculptor to make the necessary adjustment and place Christ above Death. But Joseph said modestly, « Your Highness, that is how I see and feel it. I cannot alter it. » Nor did he. He was something of an excentric. (…)"
  15. State, Paul (2004). Historical Dictionary of Brussels. Metuchen: Scarecrow Press. p. 74. (ISBN 0-8108-5075-3).
  16. « Pavillon et relief Les Passions humaines - Parc du Cinquantenaire » (in French). Retrieved 5 April 2012.
  17. Duplat, Guy (29 November 2008). « Jef Lambeaux, le sulfureux ». La Libre Belgique. Retrieved 5 April 2012.
  18. Vlaamse Kunstcollectie. « Copy in gypse of Jef Lambeaux's Human passions De menselijke driften ». Photography (in Dutch). Museum of Fine Arts Ghent. Retrieved 2009-01-18.
  19. SPF Mobilité et Transports (2008-07-23). « Parc du Cinquantenaire — Pavillon Horta — restauration des décors en plaques de marbre jaune — Marché de travaux — Appel à candidature (TIW/IX.8.8.) » (in French). Retrieved 2009-01-17.
  20. SPF Mobilité et Transports (2008-08-25). « Parc du Cinquantenaire — Pavillon Horta — restauration du bâtiment — Marché de travaux — Adjudication publique (TIW/IX.8.9.) » (in French). Retrieved 2009-01-17.
  21. Guy Duplat, Le scandale à nouveau visible, article de La Libre du 11 septembre 2014