Comité central socialiste révolutionnaire

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Comité central socialiste révolutionnaire
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Le Comité central socialiste révolutionnaire (CCSR) est une petite organisation politique française, issue du blanquisme.

Fondé en 1889, à la suite d'une scission au sein du Comité révolutionnaire central, le CCSR a été proche du boulangisme.

Selon l'historien Bertrand Joly, « Le CCSR, qui n'est plus ni central ni socialiste ni révolutionnaire, ne compte plus dès 1891, avec des effectifs estimés par la police à une centaine d'adhérents »[1].

Histoire[modifier | modifier le code]

Ernest Granger
Ernest Roche

La scission de 1889[modifier | modifier le code]

Structure du mouvement blanquiste depuis 1881, le Comité révolutionnaire central (CRC) connaît des tiraillements à partir de 1887, car une partie des militants considère le boulangisme comme une opportunité révolutionnaire jacobine, compatible avec les idées de Blanqui, contrairement à Vaillant, qui refuse de relativiser le rôle du général lors de la Semaine sanglante et voit en lui une menace dictatoriale de type bonapartiste. Ces arguments anti-boulangistes font cependant débat au sein du socialisme car le boulangisme est aussi un mouvement populaire, dirigé contre la république bourgeoise des « opportunistes » (soutenus, entre autres, par les socialistes de la Fédération des travailleurs socialistes de France (« possibilistes »), rivaux des blanquistes) et mené par des personnalités d'extrême gauche telles que le bienfaiteur des publications blanquistes, l'ancien communard Henri Rochefort. Ce dernier organise d'ailleurs une entrevue secrète, en , entre Boulanger et le chef incontesté des blanquistes, Émile Eudes[2]. Mais celui-ci meurt brutalement le , avant d'avoir pu imposer à ses partisans l'accord conclu avec le général.

Évitée lors de l'élection législative partielle parisienne du , grâce à une candidature Boulé votée par une majorité de blanquistes et de guesdistes, la scission se produit quelques mois plus tard, en août, à l'occasion de la préparation des élections générales, quand Granger propose de ne pas présenter de blanquiste à Belleville face à son ami Rochefort[3], s'opposant ainsi à une autre partie du comité, dominée par les anti-boulangistes Vaillant et Chauvière, qui appuie la candidature du docteur Étienne Susini[4] (qu'il ne faut pas confondre avec le boulangiste Paul Susini)[5]. Leur proposition n'ayant pas remporté la majorité des suffrages (par 28 voix contre 28), Granger et ses partisans quittent le comité et fondent le CCSR.

Malgré des militants regroupés autour des personnalités de la « vieille garde » blanquiste, plusieurs organes de presse (Le Ralliement, Le Blanquiste[6] puis Le Réveil du Peuple[7]) ainsi qu'un mouvement de jeunesse (« Jeunesse blanquiste », créé en )[8], le CCSR, victime de l'essoufflement du mouvement boulangiste et du rejet de ce dernier par le mouvement ouvrier, connaît des résultats électoraux décevants.

Le CCSR après le boulangisme[modifier | modifier le code]

Les rapports entre le CCSR et les socialistes anti-boulangistes sont donc d'abord extrêmement tendus, comme en témoigne la violente bagarre qui éclate entre les deux camps le , en marge d'une commémoration de la Semaine sanglante au mur des Fédérés[4]. Il faut par conséquent attendre la fusillade de Fourmies et la mort de Boulanger, en 1891, pour que les blanquistes du CCSR et les rochefortistes (organisés en une « Ligue socialiste intransigeante » et secondés par la « Commission ouvrière socialiste du travail » de Boulé) commencent à renouer avec les autres socialistes. Ainsi, en , les députés du CCSR s'associent aux guesdistes et aux socialistes indépendants en signant le manifeste électoral révisionniste de Cluseret[9]. En 1895, une réunification des blanquistes serait même envisagée par Vaillant et accueillie assez favorablement par les ex-boulangistes[10].

Cette volonté unitaire, partagée par les membres du CCSR, est cependant entravée par leur rejet de l'internationalisme marxiste (par patriotisme, ils refusent tout contact avec les « socialistes allemands ») et par leur rancœur à l'égard des possibilistes[10]. Ces contacts épars avec les groupes socialistes prennent fin avec l'Affaire Dreyfus. Le , le CCSR publie en effet un manifeste antidreyfusard qui désavoue Jaurès[11] et conclut : « c'est comme socialistes, c'est comme patriotes que nous répudions de toutes nos forces la campagne de réhabilitation et de révision »[12].

Le , Alfred Gabriel fonde le Parti républicain socialiste français (à ne pas confondre avec le Parti républicain-socialiste qui sera créé sous le même nom en 1911) pour rassembler les militants rochefortistes et blanquistes antidreyfusards[8]. Ce nouveau parti, qui a Robert Poirier de Narçay pour secrétaire, Eugène Janiaud pour trésorier[13] et compte Ernest Roche, Adrien Farjat, gendre d’Émile Eudes[14], Paulin Méry[15], Édouard Dubuc[16] et Max Régis[17] parmi ses adhérents, se distingue du CCSR par son nationalisme et, surtout, par son antisémitisme explicite, dans la lignée des blanquistes Gustave Tridon et Albert Regnard.

Après l'Affaire, le CCSR reprend ou continue à mener un semblant d'existence autonome[18], jusqu'en 1908[19]. Mais ses activités sont désormais réduites à l'organisation de commémorations de la Commune et des chefs blanquistes défunts (Blanqui, Eudes). Marginalisé par l'unification des formations socialistes au sein de la SFIO, le CCSR finit par disparaître avant la Première Guerre mondiale.

Membres notables[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Bertrand Joly, Aux origines du populisme : histoire du boulangisme, Paris, CNRS Éditions, 2022, p. 709.
  2. Garrigues (cf. bibliographie), p. 22, et Hutton, p. 148.
  3. « La scission blanquiste », Le Temps, 17 août 1889, p. 3.
  4. a b c d e et f Da Costa (cf. bibliographie), p. 65-66.
  5. « Les journées de décembre et l'agitation révolutionnaire », Le Figaro, 17 septembre 1890, p. 5.
  6. a et b Le Matin, 14 mars 1890, p. 2.
  7. La presse révolutionnaire, Le Gaulois, 10 décembre 1893, p. 2.
  8. a b c et d Joly (cf. bibliographie), p. 216.
  9. a et b « Un manifeste », La Lanterne, 13 janvier 1893, p. 1.
  10. a et b Journal des débats, 18 mars 1895, p. 2.
  11. Revue politique et parlementaire, t. XV, no 45, mars 1898, p. 697.
  12. Journal des débats, 21 février 1898, p. 2.
  13. La Presse, 9 mai 1908, p. 2.
  14. Ernest Vaughan, « Singuliers blanquistes », L'Aurore, 18 septembre 1898, p. 1.
  15. La Presse, 5 décembre 1898, p. 1.
  16. L'Intransigeant, 10 mai 1900, p. 2.
  17. La Presse, 18 octobre 1900, p. 4.
  18. a b c d e f g h i j k et l Le Temps, 1er mai 1904, p. 2-3.
  19. La Lanterne, 15 mars 1908, p. 4.
  20. a et b Paul Roche, « La cité ouvrière », Le Gaulois, 14 janvier 1896, p. 3.
  21. a b et c Journal des débats, 27 janvier 1895, p. 2.
  22. a b et c Journal des débats, 25 mars 1901, p. 3.
  23. Le Gaulois, 20 avril 1898, p. 2.
  24. « Relire le XIXe siècle politique », Cahiers Jaurès, no 198, octobre-décembre 2010, p. 131-152.
  25. Hutton (cf. bibliographie), p. 155.
  26. « Émile Rouillon », L'Intransigeant, 11 septembre 1890, p. 2.
  27. Arlette Schweitz (dir.), Les Parlementaires de la Seine sous la Troisième République, t. I (dictionnaire biographique), Paris, Sorbonne, 2001, p. 461.
  28. Le Gaulois, 17 avril 1898, p. 3.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Charles Da Costa, Les Blanquistes, Paris, Librairie des sciences politiques et sociales Marcel Rivière & Cie, 1912, p. 63-67.
  • Patrick H. Hutton, The Cult of the Revolutionary Tradition: The Blanquists in French Politics, 1864-1893, University of California Press, 1981, p. 143-160.
  • Jean Garrigues, Le Boulangisme, Paris, PUF, 1992, p. 21-23, et 51-55.
  • Bertrand Joly, « Les antidreyfusards avant Dreyfus », Revue d'histoire moderne et contemporaine, t. 39, avril-, p. 216.