Opérations aériennes pendant la bataille de Normandie

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Lorsque les Alliés lancent le débarquement de Normandie le 6 juin 1944 ils ont une maitrise quasi absolue du ciel du nord-ouest européen. C'était d'ailleurs une des conditions au lancement de cette opération. Cette suprématie sera un élément important de la bataille même si le bocage normand et l'habile défense allemande ainsi qu'une météo défavorable en limiteront la portée. Elle permettra néanmoins aux Alliés d'empêcher tout mouvement de jour et de concentration de troupes allemandes et d'annihiler leurs capacités offensives, ralentissant considérablement le renforcement du front allemand et ensuite le réapprovisionnement de leurs troupes. Cette suprématie aérienne, combinée au déchiffrage du code allemand, donnait également un avantage décisif aux Alliés dans le renseignement.

Plusieurs opérations lourdes de bombardement de centres urbains se révèleront souvent contre-productives — comme la destruction de Caen et de Saint-Lô — favorisant la défense allemande. C'est néanmoins un bombardement massif en tapis de bombes sur une bande étroite du front qui, le 25 juillet 1944, débloquera la situation et permettra la percée d'Avranches. Suite à cette percée, l'aviation sera encore massivement sollicitée pour empêcher les troupes allemandes de s'échapper de la poche de Falaise.

La Luftwaffe allemande sera quasi-absente du ciel normand pendant cette bataille. Les seules actions posant problèmes aux Alliés seront les opérations de nuit en baie de Seine contre les navires et les installations portuaires avec principalement le largage de mines[1].

Les forces en présence

Aviation alliée

Une Luftwaffe affaiblie

Bien que comportant un effectif pléthorique sur le front de l'Ouest, près de 350 000 hommes[1], la Luftwaffe en juin 1944 à l'Ouest était très faible. Elle était regroupée dans la IIIe Luftflotte commandée par le maréchal Speerle. Elle comprenait environ 1 000 appareils[1] mais n'avait pas le contrôle du ciel. Les bombardements successifs alliés avaient obligé ses avions à déserter les aérodromes des zones côtières[1].

Après le jour J, le Reichmarschall Goering envoya quelques renforts depuis l'Allemagne mais sans changer l'équilibre des forces. La plupart d'ailleurs ne purent combattre en Normandie. Ainsi sur 57 avions partis de Wiesbaden, 7 furent détruits, 47 furent attaqués et endommagés et seuls 3 appareils purent se poser intacts à Évreux[2]. 22 appareils partirent de Cologne, 2 seulement arrivèrent en région parisienne[2].

L'aviation dans la préparation du débarquement

Opérations de reconnaissance

Spitfire de reconnaissance en Normandie en juillet 1944.

Les Alliés procèderont à de nombreuses opérations de photographie aérienne avant le débarquement. Combinées aux renseignements fournis par la Résistance, au déchiffrement des messages allemands grâce à Ultra, les Alliés avaient une connaissance assez précise des forces et des défenses allemandes en Normandie mais également avaient une carte assez fidèle du terrain normand (routes et chemins, largeur des cours d'eau, zones impraticables aux blindés, zones potentielles pour construire des aérodromes, des dépôts, etc.)[3]. Ces opérations de photographie aériennes massives, une des nouveautés de la Seconde Guerre mondiale, seront menées par des escadrilles spécialisées composés principalement pour les Britanniques de Spitfire et de Mosquito et pour les Américains des Lightning. Ces avions débarrassés de leur équipement de combat pouvaient voler à haute altitude et à une vitesse élevée (de 500 à 600 km/h) pour éviter la défense antiaérienne ennemie[3]. Ils réalisèrent principalement des photographies verticales à 30 000 pieds mais également des photos à l'oblique du littoral prise au-dessus de la mer et à très faible altitude[3].

Les bombardements préparatoires

Les bombardements des batteries côtières allemandes commencent dès le mois d'avril 1944. Néanmoins, des opérations similaires, dans le cadre de l'opération Fortitude se déroulent aussi ailleurs sur les côtes pour ne pas révéler l'endroit prévu du débarquement. Ces bombardements, mêmes s'ils ne détruisent pas les batteries, gênent leur achèvement. Ils sont renforcés les jours précédents plusieurs bombardements intensifs des batteries côtières de la cote Normande.

L'opération Fortitude

L'aviation participe à l'opération Fortitude qui vise à cacher le lieu du débarquement, puis, une fois celui-ci débuté, de faire croire au commandement allemand que ce n'est qu'un débarquement de diversion et qu'un autre débarquement va intervenir dans le nord de la France. Les bombardements côtiers du nord de la France se poursuivront ainsi après le débarquement pour continuer de faire croire à un second débarquement dans le Pas-de-Calais.

Le Jour J

Les parachutages dans la nuit du 5 au 6 juin

Dans la nuit du 5 au 6 juin, l'aviation alliée va mener d'importantes opérations de parachutage de troupes avec :

Bombardements préparatoires le matin du 6 juin

Le matin, les bombardiers mènent d'importantes opérations de bombardement des plages du débarquement. Ce sont plus de 2 500 bombardiers qui vont larguer plus de 8 000 tonnes de bombes. Celle sur Omaha Beach, sera un échec complet, les avions de bombardement américains pris dans une couche nuageuse et faisant une approche non parallèle à la cote mais directement depuis la mer, lâchent leurs bombes trop tard et bombarderont 800 mètres à l'intérieur des terres, laissant intacts les défenses côtières.

Ces bombardements sont ensuite suivis d'un important tir naval.

Par crainte des sous-marins allemands et engagés en mer du Nord pour éviter une sortie de la flotte allemande, les Alliés n'engageront aucun porte-avions lors du débarquement, le seul soutien aérien des troupes au sol venant alors d'Angleterre.

La bataille de Normandie

La suprématie alliée sera écrasante dès le jour J et n'ira qu'en s'accroissant. Le 6 juin les Alliés effectuèrent plus de 14 000 vols contre à peine 319 pour les Allemands[2]. Ce chiffre monta à 849 le 6 juin pour redescendre à moins de 400 au bout de 2 semaines [2].

Les Alliés perdirent 300 avions les 3 premiers jours de la bataille mais proportionnellement moins que les Allemands. La suprématie alliée sur le ciel normand ira donc en s'accroissant. La Luftwaffe perdra 1 040 appareils jusqu'au début juillet, soit 38 avions par jour[2]. Sous le bombardement allié, les aérodromes proches du champ de bataille avaient été abandonnés. Les avions allemands étaient basés en région parisienne ou plus à l'est, trop loin en temps de vol des opérations. S'ils se munissaient de réservoirs supplémentaires, ils devenaient moins maniables et donc des cibles plus faciles pour la DCA ou la chasse alliée[2].

En fait, seules les conditions climatiques, très moyennes pour un mois de juin, restreignirent les opérations aériennes alliées.

Construction d'aérodromes

Une des premières préoccupations des Alliés va être de construire rapidement des aérodromes ou des pistes sur la tête de pont conquise. Initialement les Alliés pensaient s'emparer de Caen et de l'aérodrome de Carpiquet au nord-ouest de Caen et seul aérodrome important dans le secteur, dès le premier jour et assez rapidement de l'aérodrome aéronaval de Querqueville près de Cherbourg. La non prise de Carpiquet, l'aéroport ne sera pris que fin juillet, et celle très retardée de Querqueville allaient encore rendre ces aérodromes et pistes de campagne encore plus importants.

Trois sortes de pistes d'aviation furent construites[4]. :

  • des pistes de secours (emergency landing strip, longues de 600 m
  • des pistes équipées pour permettre le réapprovisionnement en carburant et le réarmement des avions (rearming and refueling strips)
  • des aérodromes avec une piste de 1 200 ou 1 700 m de long pour 40 m de large, les Advanced Landing Ground. Cette piste était recouverte d'un grillage d'acier. L'aérodrome comprenait des aires de stationnement, des ateliers de réparations, des baraquement pour les équipages et des dépôts. Leur emprise au sol pouvaient aller jusqu'à 200 hectares[4]. Les troupes de génie américaines, puissamment équipées, construisaient un tel aérodrome en un semaine, utilisant 800 tonnes de matériels[4].

Les Américains construiront une trentaine d'aérodromes en Normandie[4], les Britanniques une vingtaine et une dizaine de pistes. L'une d'elle construite à Amblie servira uniquement à l'évacuation des blessés à bord de Dakota[4].

La première piste ouverte le fut dès le 7 juin, juste devant Omaha Beach[4].

L'aérodrome de Plumetot accueillit les escadrilles tchèques et polonaises combattant dans la Royal Air Force. Les Forces aériennes françaises avec deux groupes de chasse étaient à Coulombs[4], le plus important aérodrome britannique construit en Normandie, les Belges s'installèrent sur l'aéroport de Carpiquet après son ouverture par les Britanniques le 8 août[4].

Neutralisation des capacités de mouvements allemands

Un des avantages décisifs alliés étaient la forte réduction des capacités allemandes à se mouvoir. Cela annihila leur capacité offensive dès le premier jour de la bataille mais comme prévu dans le plan allié, ralentit considérablement le renforcement allemand du front. Les Allemands ne purent donc mener de contre-offensive pour repousser les Alliés ces derniers ayant la capacité de débarquer plus de troupes que les Allemands ne pouvaient en acheminer sur le front. Par exemple la 3e division parachutiste allemande cantonnée en Bretagne et qui fit mouvement vers la Normandie dès le débarquement des premières troupes alliées mit 6 jours pour parcourir 210 km et rejoindre la ligne de front au nord de Saint-Lô[5], harcelée continuellement par l'aviation alliée. L'état-major allemand ne put lancer une contre-offensive sur Bayeux dès les premiers jours comme il l'avait envisageait[5]. La Panzer Lehr Division quitta Chartres le 6 juin à 17 heures et est attaquée presque aussitôt par l'aviation alliée[5]. Elle perdit 20 à 30 de ses véhicules dans la soirée, puis une nouvelle attaque le lendemain matin provoqua la destruction de 5 tanks sur 140 mais de plus de 10 % de ses half-tracks, canons auto-propulsés et camions[5]. Erwin Rommel écrivit que « toutes les réserves qui nous parvinrent, arrivèrent trop tard pour désorganiser par des contre-attaques le débarquement allié. Lorsqu'elles furent à pied d'œuvre, l'ennemi avait débarqué des éléments infiniment plus puissants et il était passé à l'action sous le couvert de son artillerie et de son aviation[6] ».

Destruction des voies d'accès vers la Normandie

Désorganisation du commandement

Une présence permanente dans le ciel normand

Un Typhoon en train d'être réarmé de roquettes anti-blindés

«Quand tu vois un avion blanc, c'est un américain; un noir, c'est un anglais et si tu ne vois rien, c'est la Luftwaffe. » Cette plaisanterie amère des troupes allemandes en Normandie montrait bien la suprématie alliée dans le ciel normand.

Soutien des opérations au sol

L'effet contre-productif des bombardements urbains

La bataille des Haies

Faute d'avoir percé à l'est par Caen, les Alliés, principalement les Américains vont devoir livrer une guerre dans le bocage normand, truffé de hautes haies, de petits prés et de chemins étroits, propice à la défense allemande qui saura s'y montrer habile. L'avantage allié du nombre de blindés ou du contrôle des airs a peu d'efficacité face à un ennemi dispersé et bien camouflé.

L'opération Goodwood

Montgommery tente de percer le front à l'est de Caen avec l'opération Goodwood. C'est une des plus importantes offensives alliées, avec dans les airs plus de 2 000 bombardiers. Les pertes seront très lourdes côté anglo-canadien pour un gain de terrain faible. Les Britanniques n'auront pas réussi à prendre le contrôle de la plaine entre Falaise et Caen qui aurait été si utile à l'aviation.

Le tapis de bombes de l'opération Cobra

Après avoir piétiné et perdu beaucoup d'hommes pour une progression très faible, le général américain Omar Bradley, commandant de la 1re armée conçoit une nouvelle opération pour percer le front allemand. Un bombardement aérien de saturation (tactique du « tapis de bombes ») sur un périmètre restreint doit annihiler toute défense et créer la brèche dans laquelle devraient s'engouffrer ses unités. Son choix s'est porté sur un quadrilatère entre les villages de La Chapelle-en-Juger et Hébécrevon, à quelques kilomètres au nord de la grande route joignant Saint-Lô à Périers.

Décidé initialement pour le 20 juillet, le bombardement est repoussé de quelques jours pour cause de mauvais temps. Une première tentative, le 24 juillet, tourne au désastre car les avions alliés bombardent une partie des premières lignes américaines, tuant ou blessant 150 hommes.

Le lendemain, 25 juillet, à partir de 9 h 40 et durant une heure, 1 500 B-17 et B-24 labourent leurs cibles, appuyés de 1 000 autres bombardiers moyens et chasseurs-bombardiers : le plus grand bombardement en tapis de la Seconde Guerre mondiale est en cours, 4 000 tonnes de bombes seront lâchées ce jour-là, 60 000 bombes pour 12 km² de bocage, soit 5 000 bombes incendiaires au km2 (5 000 x 12 km² = 60 000 bombes). Un pilonnage de la zone sera suivi par 1 100 pièces d'artillerie, transformant le bocage en paysage lunaire. La commune de La Chapelle-en-Juger est quasiment rayée de la carte.

La Panzer Lehr Division du lieutenant-général Fritz Bayerlein est pulvérisée. Des chars Panther de 45 tonnes sont détruits par le souffle des déflagrations, des fantassins sont enterrés vivants dans leurs abris. En quelques heures, 1 500 hommes sont hors de combat, tués, blessés, et la plupart des chars détruits. En tant qu'unité opérationnelle, la Panzer Lehr n'existe plus. L'après-midi, l'offensive terrestre est lancée. Après une journée à combattre des îlots de résistance isolés, c'est la percée dès le lendemain.

La fermeture de la poche de Falaise

Notes et références

  1. a b c et d Normandie 1944 de Rémy Desquenes, chapitre "La Wehrmacht à l'ouest", p. 63, éditions Ouest-France, février 2009.
  2. a b c d e et f Histoire du débarquement de Normandie d'Olivier Wieviorka, p. 243/
  3. a b et c Normandie 1944 de Rémy Desquenes, chapitre "Photographie aérienne", p. 74, éditions Ouest-France, février 2009.
  4. a b c d e f g et h Normandie 1944 de Rémy Desquenes, chapitre "Les aérodromes alliés de Normandie", p. 164, éditions Ouest-France, février 2009.
  5. a b c et d Histoire du débarquement de Normandie, d'Olivier Wieviorka, éd. L'Univers Historique, p. 244
  6. La Guerre sans haine d'Ervin Rommel p. 260 cité par Olivier Wievorka

Lien externe