Nucléide primordial

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1 H     He
2 Li Be   B C N O F Ne
3 Na Mg   Al Si P S Cl Ar
4 K Ca   Sc Ti V Cr Mn Fe Co Ni Cu Zn Ga Ge As Se Br Kr
5 Rb Sr   Y Zr Nb Mo Tc Ru Rh Pd Ag Cd In Sn Sb Te I Xe
6 Cs Ba
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Lu Hf Ta W Re Os Ir Pt Au Hg Tl Pb Bi Po At Rn
7 Fr Ra
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Lr Rf Db Sg Bh Hs Mt Ds Rg Cn Nh Fl Mc Lv Ts Og
     
 
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La Ce Pr Nd Pm Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb  
 
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Ac Th Pa U Np Pu Am Cm Bk Cf Es Fm Md No  
       
  Pb   Un isotope au moins de cet élément est stable
  Cm   Un isotope a une période d'au moins 4 millions d'années
  Cf   Un isotope a une période d'au moins 800 ans
  Md   Un isotope a une période d'au moins 1 journée
  Bh   Un isotope a une période d'au moins 1 minute
  Og   Tous les isotopes connus ont une période inférieure à 1 minute
Abondance (en fraction atomique par rapport au silicium) des éléments chimiques dans la croûte terrestre externe en fonction de leur numéro atomiqueZ. Les éléments les plus rares (en jaune) ne sont pas les plus lourds mais les plus sidérophiles (fréquemment associés au fer) dans la classification géochimique. Ils ont été épuisés par migration en profondeur dans le noyau terrestre. Leur abondance dans les météoroïdes est plus élevée. De plus, le tellure et le sélénium ont été épuisés par formation d'hydrures volatils. Les « discontinuités » entre hydrogène et lithium ; fluor et sodium ; chlore et potassium ; brome et rubidium ; iode et césium correspondent aux gaz nobles : hélium ; néon ; argon ; krypton ; xénon.
La « discontinuité » du technétium se situe entre le molybdène et le ruthénium ; celle du prométhium entre le néodyme et le samarium.

En géochimie et en physique nucléaire, un nucléide primordial, ou isotope primordial, est un nucléide présent sur Terre depuis sa formation. On en connaît 288 (le caractère primordial est discuté pour deux d'entre eux, 146Sm et 244Pu). Parmi eux, 252 sont des nucléides stables, les 36 autres sont radioactifs avec une demi-vie suffisamment longue pour avoir survécu depuis la formation de la Terre.

Origine[modifier | modifier le code]

Selon la théorie de l'évolution des étoiles, tous les éléments sauf l'hydrogène[a] se sont formés par nucléosynthèse, soit dans les instants suivant le Big Bang (nucléosynthèse primordiale), soit au sein des étoiles (nucléosynthèse stellaire). Les isotopes stables sont demeurés en l'état et on les retrouve tous sur Terre. Les isotopes dont la radioactivité a été décelée, ou radioisotopes, se désintègrent, mais il en reste encore sur Terre en quantités appréciables si leur demi-vie est suffisamment grande (de l'ordre de 100 millions d'années).

On trouve aussi sur Terre des radioisotopes de demi-vies plus courtes, mais ces nucléides ne sont pas primordiaux, ils sont soit présents dans les chaînes de désintégration des radioisotopes primordiaux (comme le radon 222, descendant de l'uranium 238 primordial), soit produits sur Terre par spallation cosmique (comme le carbone 14, produit par spallation de l'azote 14 atmosphérique) ou plus rarement par des transmutations nucléaire dans certains minerais. Il y a ainsi plus d'une cinquantaine de nucléides radioactifs non-primordiaux (dont 24 isotopes cosmogéniques) sur le total d'environ 340 nucléides que l'on trouve naturellement sur Terre. Il est difficile d'être précis : certains de ces nucléides sont supposés présents, mais jamais retrouvé de manière quantifiable dans l'environnement (trop peu abondants, en général en raison d'une demi-vie très courte).

Les radioisotopes qui étaient présents lors de la formation de la Terre, mais qui se sont désintégrés depuis et ne se trouvent donc plus dans le milieu naturel, forment le groupe des radioactivités éteintes. La limite entre radioactivité éteinte et isotope primordial est délicate à déterminer, le plutonium 244 se trouvant par exemple sur cette limite : il a une demi-vie d'environ 80 millions d'années, il s'est écoulé environ 56 demi-vies de cet isotope depuis la formation de la Terre il y a 4,6 milliards d'années. La quantité initiale de ce nucléide a donc diminué d'un facteur 256 (≈ 1017) depuis la formation de la Terre. On classe généralement le plutonium 244 parmi les isotopes primordiaux depuis sa détection dans le milieu naturel dans les années 1970[1], mais des études plus récentes[2] (2012) ont remis en question sa présence dans le milieu naturel en tant qu'isotope primordial, ce serait donc plutôt une radioactivité éteinte. S'il est présent sur Terre en tant qu'isotope primordial, il est probablement le plus rare de ceux-ci, avec une concentration inférieure à quelques centaines d'atomes par gramme de minerai. À sa rareté s'ajoute le fait de distinguer plutonium primordial, plutonium d'origine météoritique, et surtout plutonium d'origine humaine, car il fait partie du cycle du nucléaire et il a pu contaminer l'environnement (soit à la suite des catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima, soit à la suite de tous les essais nucléaires ayant eu lieu à l'air libre).

Parmi les isotopes "à la limite", le samarium 146 n'a pas encore été détecté dans la nature, mais il a une demi-vie plus grande que celle du plutonium 244 (103 millions d'années) ; si on peut quantifier le 244Pu primordial, il est probable que les progrès de la chimie analytique permettent de trouver du 146Sm. Pour cette raison, il est déjà classé parmi les nucléides primordiaux.

Liste des nucléides primordiaux[modifier | modifier le code]

Liste complète[modifier | modifier le code]

La liste regroupe les 288 isotopes primordiaux, dont 36 sont instables (en gras et italique). La demi-vie de 25 d'entre eux est supérieure à 10 fois l'âge de l'univers, ces 25 nucléides (entre parenthèses) ont donc une radioactivité négligeable en pratique. Ces indications ne sont pas nécessairement des signes de leur rareté : ainsi, dans le cas de l'indium et du rhénium, c'est le radioisotope qui est le plus abondant (par rapport à l'isotope stable du même élément).

Élément Z Isotopes primordiaux

(dont radioactifs)

Hydrogène 1 1H, 2H
Hélium 2 3He, 4He
Lithium 3 6Li, 7Li
Béryllium 4 9Be
Bore 5 10B, 11B
Carbone 6 12C, 13C
Azote 7 14N, 15N
Oxygène 8 16O, 17O, 18O
Fluor 9 19F
Néon 10 20Ne, 21Ne, 22Ne
Sodium 11 23Na
Magnésium 12 24Mg, 25Mg, 26Mg
Aluminium 13 27Al
Silicium 14 28Si, 29Si, 30Si
Phosphore 15 31P
Soufre 16 32S, 33S, 34S, 36S
Chlore 17 35Cl, 37Cl
Argon 18 36Ar, 38Ar, 40Ar
Potassium 19 39K, 40K, 41K
Calcium 20 40Ca, 42Ca, 43Ca, 44Ca, 46Ca, (48Ca)
Scandium 21 45Sc
Titane 22 46Ti, 47Ti, 48Ti, 49Ti, 50Ti
Vanadium 23 (50V), 51V
Chrome 24 50Cr, 52Cr, 53Cr, 54Cr
Manganèse 25 55Mn
Fer 26 54Fe, 56Fe, 57Fe, 58Fe
Cobalt 27 59Co
Nickel 28 58Ni, 60Ni, 61Ni, 62Ni, 64Ni
Cuivre 29 63Cu, 65Cu
Zinc 30 64Zn, 66Zn, 67Zn, 68Zn, 70Zn
Gallium 31 69Ga, 71Ga
Germanium 32 70Ge, 72Ge, 73Ge, 74Ge, (76Ge)
Arsenic 33 75As
Sélénium 34 74Se, 76Se, 77Se, 78Se, 80Se, (82Se)
Brome 35 79Br, 81Br
Krypton 36 (78Kr), 80Kr, 82Kr, 83Kr, 84Kr, 86Kr
Rubidium 37 85Rb, 87Rb
Strontium 38 84Sr, 86Sr, 87Sr, 88Sr
Yttrium 39 89Y
Zirconium 40 90Zr, 91Zr, 92Zr, 94Zr, (96Zr)
Niobium 41 93Nb
Molybdène 42 92Mo, 94Mo, 95Mo, 96Mo, 97Mo, 98Mo, (100Mo)
Ruthénium 44 96Ru, 98Ru, 99Ru, 100Ru, 101Ru, 102Ru, 104Ru
Rhodium 45 103Rh
Palladium 46 102Pd, 104Pd, 105Pd, 106Pd, 108Pd, 110Pd
Argent 47 107Ag, 109Ag
Cadmium 48 106Cd, 108Cd, 110Cd, 111Cd, 112Cd, (113Cd), 114Cd, (116Cd)
Indium 49 113In, (115In)
Étain 50 112Sn, 114Sn, 115Sn, 116Sn, 117Sn, 118Sn, 119Sn, 120Sn, 122Sn, 124Sn
Antimoine 51 121Sb, 123Sb
Tellure 52 120Te, 122Te, 123Te, 124Te, 125Te, 126Te, (128Te, 130Te)
Iode 53 127I
Xénon 54 (124Xe), 126Xe, 128Xe, 129Xe, 130Xe, 131Xe, 132Xe, 134Xe, (136Xe)
Césium 55 133Cs
Baryum 56 (130Ba), 132Ba, 134Ba, 135Ba, 136Ba, 137Ba, 138Ba
Lanthane 57 138La, 139La
Cérium 58 136Ce, 138Ce, 140Ce, 142Ce
Praséodyme 59 141Pr
Néodyme 60 142Nd, 143Nd, (144Nd), 145Nd, 146Nd, 148Nd, (150Nd)
Samarium 62 144Sm, 146Sm (?), 147Sm, (148Sm), 149Sm, 150Sm, 152Sm, 154Sm
Europium 63 (151Eu), 153Eu
Gadolinium 64 (152Gd), 154Gd, 155Gd, 156Gd, 157Gd, 158Gd, 160Gd
Terbium 65 159Tb
Dysprosium 66 156Dy, 158Dy, 160Dy, 161Dy, 162Dy, 163Dy, 164Dy
Holmium 67 165Ho
Erbium 68 162Er, 164Er, 166Er, 167Er, 168Er, 170Er
Thulium 69 169Tm
Ytterbium 70 168Yb, 170Yb, 171Yb, 172Yb, 173Yb, 174Yb, 176Yb
Lutécium 71 175Lu, 176Lu
Hafnium 72 (174Hf), 176Hf, 177Hf, 178Hf, 179Hf, 180Hf
Tantale 73 180mTa, 181Ta
Tungstène 74 (180W), 182W, 183W, 184W, 186W
Rhénium 75 185Re, 187Re
Osmium 76 184Os, (186Os), 187Os, 188Os, 189Os, 190Os, 192Os
Iridium 77 191Ir, 193Ir
Platine 78 (190Pt),192Pt, 194Pt, 195Pt, 196Pt, 198Pt
Or 79 197Au
Mercure 80 196Hg, 198Hg, 199Hg, 200Hg, 201Hg, 202Hg, 204Hg
Thallium 81 203Tl, 205Tl
Plomb 82 204Pb, 206Pb, 207Pb, 208Pb
Bismuth 83 (209Bi)
Thorium 90 232Th
Uranium 92 235U, 238U
Plutonium 94 244Pu (?)

Isotopes stables et quasi stables[modifier | modifier le code]

Tous les éléments de numéro atomique Z inférieur ou égal à 82 (éléments plus légers que le plomb) ont au moins un isotope stable, à l'exception de deux éléments : le technétium (Z = 43) et le prométhium (Z = 61). L'isotope 209Bi, de numéro atomique 83, est quasi stable (demi-vie d'environ 2 × 1019 années, largement supérieure à l'âge de l'univers). Les seuls isotopes primordiaux de numéro atomique plus élevé sont ceux du thorium (Z = 90) et de l'uranium (Z = 92), et peut-être du plutonium (Z = 94), qui forment un îlot de stabilité (leurs périodes radioactives sont considérablement plus grandes que celles des autres isotopes de masse proche).

Tous les isotopes stables ou quasi stables sont des nucléides primordiaux : il n'y a pas d'isotope stable qui soit absent du milieu naturel sur Terre. Cependant, les proportions relatives de certains isotopes stables ont pu évoluer avec le temps, notablement avec le plomb qui est l'aboutissement des chaînes de désintégration majeures : une partie du plomb 208, par exemple, est d'origine radiogénique, descendant du thorium 232 ; seule une minorité des atomes de cet isotope présents dans le milieu naturel sont effectivement là depuis la formation de la Terre. L'isotope purement primordial plomb 204 est minoritaire parmi les isotopes du plomb.

Radioisotopes[modifier | modifier le code]

La liste exacte des radioisotopes primordiaux n'est pas nécessairement fixe : il existe de nombreux isotopes pour l'instant considérés comme stables dont la radioactivité est soupçonnée sur des bases théoriques.

Sur les 36 nucléides primordiaux dont la radioactivité a été établie avec certitude,

  • Deux n'ont pas encore été détectés avec certitude dans le milieu naturel : le plutonium 244 et le samarium 146.
  • Trois ont une chaîne de désintégration : il s'agit des radioisotopes lourds 232Th (demi-vie de 14 milliards d'années), 238U (demi-vie de 4,5 milliards d'années, environ trois fois moins abondant que le thorium), et 235U (demi-vie de 700 millions d'années, abondance de l'ordre de 0,7 % de l'uranium). Ces isotopes primordiaux sont à l'origine de la présence sur Terre de plus d'une quarantaine d'autres isotopes radioactifs, présents dans leur chaînes de désintégration.
  • Plusieurs sont utilisés dans des méthodes de datation : le 40K est par exemple utilisé dans le cadre de la datation par le potassium-argon.

Notes et références[modifier | modifier le code]

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Primordial nuclide » (voir la liste des auteurs).

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le noyau de l'hydrogène ordinaire, ou protium, est constitué d'un unique proton. Ce proton a été formé par décomposition radioactive d'un neutron, dans la même période de temps que la nucléosynthèse primordiale mais sans synthèse à proprement parler. L'hydrogène lourd, ou deutérium, dont le noyau est constitué d'un proton et d'un neutron, a bien été formé par nucléosynthèse, mais il est très minoritaire devant le protium.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Paul K. Kuroda, « Origin of the elements: pre-Fermi reactor and plutonium-244 in nature », Accounts of Chemical Research, vol. 12,‎ , p. 73–78 (ISSN 0001-4842, DOI 10.1021/ar50134a005, lire en ligne, consulté le )
  2. Johannes Lachner, Iris Dillmann, Thomas Faestermann et Gunther Korschinek, « Attempt to detect primordial 244Pu on Earth », Physical Review C, vol. 85,‎ , p. 015801 (DOI 10.1103/PhysRevC.85.015801, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]