Ne me quitte pas

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Ne me quitte pas

Chanson de Jacques Brel
extrait de l'album La Valse à mille temps
Sortie 1959
Enregistré
Durée 3:48
Genre chanson française
Auteur Jacques Brel
Compositeur Jacques Brel
Gérard Jouannest
Label Philips

Pistes de La Valse à mille temps

Ne me quitte pas est une chanson de Jacques Brel sur la rupture amoureuse, écrite et composée avec son pianiste Gérard Jouannest et enregistrée par Brel en 1959.

Genèse[modifier | modifier le code]

La chanson est écrite après la séparation de Brel et de sa maîtresse Suzanne Gabriello dont il était amoureux depuis 1955 mais qui mit fin à leur relation, Brel refusant de quitter sa femme et ses trois enfants[1].

Elle est co-composée avec son pianiste accompagnateur de concert Gérard Jouannest, bien que celui-ci n'en ait jamais été crédité, n'étant à l'époque pas encore inscrit à la Sacem[2]. Elle est ensuite arrangée par François Rauber mais Brel la destine à une interprète féminine, Simone Langlois, qui l'enregistre en sur un 45 tours quatre titres, avant de l’enregistrer lui-même le [3].

Cette chanson a connu plusieurs versions studio :

  • La première version est enregistrée en 1959. Sylvette Allart y joue des ondes Martenot.
  • En 1961, Brel enregistre une version en néerlandais, intitulée Laat me niet alleen.
  • Les , et , il réenregistre des nouvelles versions, pour l'album qui propose de nouveaux enregistrements des plus célèbres chansons de sa période pré-Barclay (ce disque est communément nommé Ne me quitte pas). La prise du sera retenue.

Musique[modifier | modifier le code]

Fragment de Ne me quitte pas.
Début du 2d mouvement de la Rapsodie hongroise no 6 (Breitkopf & Härtel, 1926).
2d mouvement de la Rapsodie hongroise no 6 par Martha Argerich (Deutsche Grammophon, 1962).

Une partie de la chanson reprend le début du second mouvement de la Rhapsodie hongroise no 6 (en) de Franz Liszt[4],[5]. Brel avait en effet appris à jouer ce morceau au piano étant enfant et l'abbé Dechamps, qui fut son professeur de français à l'Institut Saint-Louis, rapporte que c'était son morceau préféré[6],[7].

Eddy Przybylski relève également une similitude avec un passage de la Sonate pour piano no 17 de Beethoven[5].

Paroles[modifier | modifier le code]

Jacques Brel, sept ans après la création de Ne me quitte pas, affirme lors d'un entretien radiophonique[8] que cette chanson n'est pas une chanson d'amour, contrairement à la perception commune que le public s'en fait, mais « un hymne à la lâcheté. À la lâcheté des hommes. C'est jusqu'où un homme peut s'humilier. Je sais qu'évidemment ça peut faire plaisir aux femmes qui en déduisent, assez rapidement semble-t-il, que c'est une chanson d'amour. Et ça les réconforte ; et je comprends bien ça »[9]. Il tranche : « C'est l'histoire d'un con et d'un raté, ça n'a rien à voir avec une femme »[10],[11]. Édith Piaf disait de cette chanson : « Un homme ne devrait pas chanter des trucs comme ça ! »[9],[12].

Marc Robine, dans sa biographie Grand Jacques, le roman de Jacques Brel, cite deux auteurs qui ont pu influencer Brel pour l'image du chien : Dostoïevski dans sa nouvelle La Douce :

« Je ne te demanderai rien, rien de plus. [...] Ne me réponds rien, ne fais même pas attention à moi, laisse-moi seulement te regarder de mon coin, fais de moi ta chose, ton chien. »[13]

et un poème de Garcia Lorca :

« Si tu es mon trésor caché,
si tu es ma croix et mon chagrin mouillé,
si je suis le chien de ta seigneurie,
ne me laisse pas perdre ce que j’ai gagné »[14]

Postérité[modifier | modifier le code]

Place dans les classements[modifier | modifier le code]

En , l'institut CSA réalise un sondage pour Le Parisien et La Cinquième dans lequel 31 % des personnes interrogées considèrent Ne me quitte pas comme la meilleure chanson du XXe siècle[15],[16],[17]. En , selon un sondage BVA, elle est désignée deuxième chanson préférée des Français derrière Mistral gagnant de Renaud et devant L'Aigle noir de Barbara[18]. Trois ans plus tard, Ne me quitte pas retrouve la première place (qu'elle a longtemps occupée), selon un sondage du site Riffx[19] ; cette position est confirmée en 2020 par Thomas Pawlowski dans son livre Les 1 000 Chansons préférées des Français[20],[21].

Reprises[modifier | modifier le code]

Ne me quitte pas a également été chantée par :

et aussi : Yves Duteil, Frida Boccara, Catherine Ribeiro, Pierre Bachelet, Gérard Lenorman, Jane Birkin, Yuri Buenaventura (version salsa, en 1999), Estrella Morente, Kháris Alexíou, Ainhoa Arteta, Mari Trini, Ginette Reno, Dee Dee Bridgewater, Natacha Atlas (avec une partie des paroles en arabe), Ute Lemper, Maria Gadú, Miguel Bosé, Stacey Kent (2023), ...

Adaptations[modifier | modifier le code]

En anglais[modifier | modifier le code]

Ray Charles, Shirley Bassey, Helen Merrill, David Bowie, Scott Walker, Shirley Horn, Alex Harvey, Jack Lukeman, Julio Iglesias, Marc Almond, Momus, Neil Diamond, The Paper Chase, Frank Sinatra, Dusty Springfield, Cyndi Lauper (sur l'album At Last en 2003), Sylvie Vartan (à Las Vegas en 1982), Patricia Kaas, Charles Lloyd, Emilíana Torrini, Ludwig von 88, Madonna, Terry Jacks, Malia, Angelina Jordan ainsi que Barbra Streisand.

Une autre version anglaise, plus proche de l'original, a été élaborée par Dieter Kaiser et interprétée sous son pseudonyme Didier Caesar sous le titre Don't Forsake Me Now.

Autres langues[modifier | modifier le code]

Sketchs[modifier | modifier le code]

Muriel Robin dans un sketch intitulé La Lettre, lit et commente une lettre de son petit ami qu'elle vient de quitter. La lettre reprend les paroles de Ne me quitte pas[33].

Pierre Desproges a également repris les paroles dans son sketch L'Ordre où il dit : « Ne pars pas Suzanne, il faut tout plier, tout peut se plier, tu t'enfuis déjà »[34].

Cinéma et télévision[modifier | modifier le code]

Icône signalant une information Sauf indication contraire ou complémentaire, les informations mentionnées dans cette section peuvent être confirmées par la base de données IMDb.  Sauf indication contraire ou complémentaire, les informations mentionnées dans cette section proviennent du générique de fin de l'œuvre audiovisuelle présentée ici.

  • Les paroles de la chanson sont citées dans La Femme d'à côté, film de François Truffaut (1981).
  • Dans le film Célibataires de 2006 réalisé par Jean-Michel Verner, une partie des paroles sont citées sans être chantées (notamment la séquence « laisse-moi devenir l’ombre de ton chien »).
  • Les paroles de la chanson sont chantées dans La Prunelle de mes yeux, film d'Axelle Ropert (2016).
  • La reprise de Nina Simone est entendue a la fin du 10e et dernier épisode de la première saison de la série télévisée The Leftovers[35].
  • La chanson est parodiée à la fin de l'épisode 6 (première partie) des Ratz par Razmo.
  • La chanson est « détruite » par le commissaire Gibert en l'accélérant pour faire parler un suspect dans Taxi 4 (2007), scénarisé et produit par Luc Besson.

Autres chansons[modifier | modifier le code]

  • Les paroles de la chanson Bella de Maître Gims (2013) « j'suis l’ombre de ton iench » (« iench » étant le verlan de « chien ») font allusion aux paroles « laisse-moi devenir l'ombre de ton chien » de Ne me quitte pas. Il fait une autre allusion à ce même passage de Ne me quitte pas en disant « T'es l'ombre de mon ombre » sur Game Over, la chanson de Vitaa où Maître Gims est l'invité.
  • Une allusion à cette chanson est faite par Bénabar dans son titre Le Slow, où le chanteur prétend écrire « Un truc genre « Ne me quitte pas » mais en beaucoup plus joli »[36]. En concert, cette remarque vaniteuse provoque habituellement les huées amusées du public.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Robine 1998.
  2. Angela Clouzet, Gérard Jouannest, de Brel à Gréco, Paris, Albin Michel, , 246 p. (ISBN 978-2-226-19008-6), p. 71–75 [lire en ligne].
  3. Fabien Lecœuvre et Marc Larivé (dir.), Le Petit Lecoeuvre illustré : Dictionnaire, histoire des chansons de A à Z, Monaco, Paris, Éditions du Rocher, , 495 p. (ISBN 978-2-268-07471-9), p. 104 [lire en ligne].
  4. Robine 1998, p. 166.
  5. a et b Eddy Przybylski, Jacques Brel : la valse à mille rêves, Paris, L'Archipel, , 765 p. (ISBN 978-2-8098-0086-9), p. 246 [lire en ligne].
  6. Przybylski 2008, p. 80 [lire en ligne].
  7. « “Ne me quitte pas” et la 6e Rhapsodie hongroise », La Dernière Heure/Les Sports, .
  8. Dialogue de Jacques Brel avec Geneviève de Vilmorin, au micro d'Emmanuel Poulet sur RTL en 1966, cité par Robine 1998, p. 164.
  9. a et b Robine 1998, p. 164.
  10. Gilles Lhote, Jacques Brel de A à Z, Paris, Albin Michel, , 238 p. (ISBN 2-226-10508-5), p. 99.
  11. Bertrand Dicale et André Manoukian, La Vie secrète des chansons françaises, Paris, Éditions du Chêne, , 251 p. (ISBN 978-2-85120-874-3), p. 34.
  12. Charles Le Quintrec, Littératures de Bretagne, Rennes, Éditions Ouest-France, coll. « Signatures », , 541 p. (ISBN 2-7373-1158-6), p. 512.
  13. Robine 1998, p. 165.
  14. Robine 1998, p. 165. Robine indique que les vers qu'il cite sont tirés de Casida del sueño al aire libre (Casida du rêve à l'air libre), mais ils proviennent en fait de Soneto de la dulce queja (Sonnet de la douce plainte).
  15. Paru dans Le Parisien, , d'après Cécile Prévost-Thomas, « Les temporalités de la chanson francophone contemporaine », Cahiers internationaux de sociologie, no 113,‎ , p. 331–346 (DOI 10.3917/cis.113.0331, lire en ligne).
  16. « Les évènements du siècle », Ipsos, , sondage réalisé les et .
  17. Jean-Marie Planes, « Petites histoires de grands tubes : "Ne me quitte pas", de Jacques Brel », Sud Ouest, repris dans Jean-Marie Planes, Une chanson qui nous ressemble : Petits essais sur quelques chansons françaises, Bordeaux, Confluences, , 88 p. (ISBN 2-914240-03-1) et dans Yannick Delneste, Stéphane Jonathan et Jean-Marie Planes, « On connaît la chanson » : Petites histoires de grands tubes, (ISBN 979-10-92341-12-6, lire en ligne), « 1958 - Jacques Brel : “Ne me quitte pas” ».
  18. Marine Poyer, « Mistral Gagnant de Renaud, chanson préférée des Français », sur Elle, .
  19. Amandine Scherer, « Baromètre RIFFX by Crédit Mutuel 2018 : découvrez les chansons préférées des français », sur Riffx, (consulté le ).
  20. Théau Berthelot, « « Ne me quitte pas » de Jacques Brel est la chanson préférée des Français », sur Charts in France, (consulté le ).
  21. Thomas Pawlowski, Les 1 000 chansons préférées des Français, Grenoble, Glénat, , 371 p. (ISBN 978-2-344-04351-6).
  22. (pt) « O Canto do Brel » (consulté le )
  23. « Não me vás deixar (Ne me quitte pas)- Simone de Oliveira »
  24. « MARLENE DIETRICH - Bitte Geh Nicht Fort - Ne Me Quitte Pas in German »
  25. « Lásko prokletá »
  26. Yossi Banaï en 2000
  27. « Nie opuszczaj mnie - Michał Bajor »
  28. « Zeki Müren - Beni Terketme (1970) »
  29. Wafa Ghorbel, « Ne me quitte pas Wafa Ghorbal (Brel) »
  30. « Ziad Maher : La titrikni »
  31. « Souleymane Faye - Ne me quitte pas »
  32. « nouveau de Takfarinas 2011 ne me quitte pas »
  33. Marina Aragón Cobo, « Le sketch, foyer de la vie culturelle : Analyse pragmatique de “La lettre” (sketch vidéo de Muriel Robin) », dans Relaciones culturales entre España, Francia y otros países de lengua francesa, vol. 2 (VIIe colloque de l'Asociación de Profesores de Filología Francesa de la Universidad Española (APFFUE), Cadix, -), Cadix, Servicio de Publicaciones de la Universidad de Cádiz, (ISBN 84-7786-635-X et 84-7786-637-6), p. 261–276 [lire en ligne].
  34. Florence Leca Mercier et Anne-Marie Paillet, « L'ADN Desprogien : Filiations littéraires et panthéon personnel », Revue des Deux Mondes, no 3795 « Le rire est-il mort ? »,‎ , p. 26–34 (ISBN 978-2-35650-175-2, JSTOR 26504700, présentation en ligne, lire en ligne).
  35. (en) Hank Stuever (en), « Viewers have good reasons for not feeling ‘The Leftovers’ », The Washington Post,‎ (lire en ligne).
  36. « Paroles Le Slow par Benabar - Paroles.net (lyrics) », sur paroles.net (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]