Néocolonialisme

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Le néocolonialisme est une politique impérialiste menée par une ancienne puissance coloniale vis-à-vis de son ancienne colonie, utilisant diverses méthodes d'influence et de domination, à son propre intérêt ainsi que celui de ses entreprises. Le terme, qui trouve son origine chez Jean-Paul Sartre en 1956[1], fut repris pour la première fois dans un discours par Kwame Nkrumah, en 1965[2]. Ce terme prolonge ainsi la notion de colonie entre les XVIe et XIXe siècles, pour décrire les relations de domination post-coloniales.

Présence après décolonisation[modifier | modifier le code]

Les anciens États colonisateurs, et d'autres États économiquement forts, continuent de maintenir leur présence dans les économies des anciennes colonies, particulièrement pour ce qui concerne les matières premières. Ainsi de nombreuses entreprises étrangères exploitent les gisements de minerais et de pétrole en Afrique (Elf, Areva…), ainsi que les plantations (par exemple Socapalm). Après un processus accéléré de décolonisation du Congo belge, la Belgique a continué à contrôler, à travers la Société générale de Belgique, approximativement 70 % de l'économie congolaise. La partie du pays qui a connu le plus de contestation fut la province de Katanga où l'Union minière du Haut Katanga, appartenant à cette société, avait le contrôle sur cette province riche en minéraux et ressources. Après qu'une tentative de nationaliser l'industrie minière échoua dans les années 1960, celle-ci a été rouverte à l'investissement étranger.

Néocolonialisme et finance internationale[modifier | modifier le code]

Les critiques du néocolonialisme dépeignent le choix d’accorder ou de refuser des prêts (en particulier ceux devant financer une dette d’un pays du tiers monde qui ne pourrait pas être remboursée autrement), particulièrement par des institutions financières internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), comme une forme de contrôle décisif. Ils allèguent que, afin de se qualifier pour ces prêts (aussi bien que pour d'autres formes d'aide économique), des nations plus faibles sont forcées de prendre des mesures (des ajustements structuraux) favorables aux intérêts financiers du FMI et de la BM, mais nuisibles à leurs propres économies et souvent à leur sécurité, augmentant leur pauvreté plutôt que de l'alléger.

Certaines critiques soulignent que le néocolonialisme permet à des organisations internationales, tels la BM, de contrôler et d’exploiter des pays (habituellement) moins développés (PMD) en entretenant leur endettement. En effet, les dirigeants du tiers monde accordent des concessions et des monopoles aux sociétés étrangères en échange de la consolidation de leur pouvoir personnel et de pots-de-vin. Dans la plupart des cas, une grande partie de l'argent prêté à ces PMD est retournée aux sociétés étrangères privilégiées. Ainsi donc, ces prêts étrangers seraient, en fait, des subventions aux sociétés qui sont liées d’amitié avec les dirigeants de l’État emprunteur. Cette connivence est parfois désignée sous le nom de « corporatocratie ». Les organismes accusés de participer au néo-impérialisme incluent la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce, le G8 et le Forum économique mondial. Divers États parmi les « pays riches », notamment les États-Unis, seraient impliqués[3].

Les critiques du néocolonialisme tentent également de démontrer que l'investissement fait par des sociétés multinationales enrichit quelques personnes dans les pays sous-développés, et occasionne pour les populations qui habitent ces « néocolonies », une catastrophe humanitaire, environnementale et écologique. Ceci, argumente-t-on, a comme conséquence un développement insoutenable et un sous-développement perpétuel ; une dépendance qui permet d’exploiter ces pays devenus des réservoirs de main d'œuvre à bon marché et de matières premières, et qui restreint l'accès aux techniques avancées de production qui leur permettraient de développer leur propre économie.

Les défenseurs du néocolonialisme disent que, si les pays riches profitent de la main-d'œuvre à bon marché et des matières premières des nations sous-développées, en fin de compte, cela devient un élément modernisateur positif pour le développement du tiers monde.

Néocolonialisme : fait suite à la décolonisation[modifier | modifier le code]

L'utilisation du terme néocolonialisme s’est répandue pour la première fois, particulièrement en référence à l'Afrique, peu après le processus de décolonisation qui a suivi la fin de la seconde guerre mondiale, qui a fait suite à la lutte menée par plusieurs mouvements nationaux d'indépendance dans les colonies. En gagnant leur indépendance, certains dirigeants et certains groupes d'opposition nationaux ont déclaré que leurs pays étaient soumis à une nouvelle forme de colonialisme, imposée par les anciennes puissances coloniales et par d’autres nations développées. En Afrique, l'État français a joué un rôle de premier plan dans l’instauration d’une politique néocolonialiste[4], et les troupes françaises en Afrique et les services secrets sont souvent impliquées[5] dans des coups d’État ayant pour résultat l’instauration d’un régime agissant dans l'intérêt des multinationales françaises.

Les dénonciations du néocolonialisme sont également devenues nombreuses chez quelques mouvements d'indépendance nationales alors même qu'ils menaient encore leur lutte armée anticoloniale. Pendant les années 1970, dans les colonies portugaises du Mozambique et de l'Angola, par exemple, la rhétorique embrassée respectivement par les mouvements marxistes Front de libération du Mozambique (FRELIMO) et Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA), qui devaient assumer par la suite le pouvoir lors de l'indépendance de ces nations, rejetaient à la fois le vieux colonialisme et le néocolonialisme.

Certains polémistes qualifient également de néocolonialisme l'attitude actuelle qui consiste à s'ingérer dans les affaires politiques d'un pays du tiers-monde au nom de la paix, démocratie, droits de l'homme… L'expansion des ONG humanitaire nées du droit d'ingérence humanitaire reconnu par l'ONU est parfois perçu par les théoriciens du complot comme une stratégie des pays occidentaux d'étendre leur influence et d'imposer leurs idées à l'ensemble du monde. Les réseaux d'ONG, directement au contact de la population auraient le rôle non avoué de galvaniser le peuple contre certains régimes despotiques des pays en développement.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Ankerl, Guy, Coexisting Contemporary Civilizations. Arabo-muslim, Bharati, Chinese, and Western. (INUPress, Geneva, 2000) (ISBN 2-88155-004-5)
  • Mongo Beti, Main basse sur le Cameroun. Autopsie d'une décolonisation (1972), nouvelle édition La Découverte, Paris 2003 [Raymond Marcellin, le ministre français de l’Intérieur de l’époque, a tenté d’interdire le livre.]
  • Kwame Nkrumah, Le néo-colonialisme - Dernier stade de l'impérialisme, Présence africaine, 2009
  • Suret-Canale, Jean. Essays on African history: From the slave trade to neocolonialism (Hurst, Londres 1988).
  • Lundestad, Geir (ed.) The fall of great powers: Peace, stability, and legitimacy (Scandinavian University Press, Oslo, 1994).
  • Hoogvelt, Ankie M. M. Globalization and the postcolonial world: The new political economy of development (Johns Hopkins University Press, 2001).
  • Birmingham, David. The decolonization of Africa (Ohio University Press, 1995).
  • Agyeman, Opoku. Nkrumah's Ghana and East Africa: Pan-Africanism and African interstate relations (Fairleigh Dickinson University Press, 1992).
  • Barongo, Yolamu R. Neocolonialism and African politics: A survey of the impact of neocolonialism on African political behavior (Vantage Press, NY, 1980).
  • Thiong'o, Ngugi wa. Barrel of a pen: Resistance to repression in neo-colonial Kenya (Africa Research & Publications Project, 1983).
  • Cantalupo, Charles (ed.). The world of Ngugi wa Thiong'o (Africa World Press, 1995).
  • Ermolov, Nikolai Aleksandrovich. Trojan horse of neocolonialism: U.S. policy of training specialists for developing countries (Progress Publishers, Moscou, 1966).
  • Seborer, Stuart J. U.S. neocolonialism in Africa (International Publishers, NY, 1974).
  • Gladwin, Thomas. Slaves of the white myth: The psychology of neocolonialism (Humanities Press, Atlantic Highlands, NJ, 1980).
  • (de) Sieren, Frank: Der China-Schock. Wie Peking sich die Welt gefügig macht. Econ-Verlag, Berlin 2008, (ISBN 978-3-430-30025-4). Édition étendue et actualisée: Ullstein, Berlin 2010, (ISBN 978-3-548-37377-5).
  • Singer, Philip (ed.) Traditional healing, new science or new colonialism": (essays in critique of medical anthropology) (Conch Magazine, Owerri, 1977).
  • Kramer, E.M. (ed.) The emerging monoculture: assimilation and the "model minority" (Praeger, Westport, Conn., 2003). Voir : Archana J. Bhatt's "Asian Indians and the Model Minority Narrative: A Neocolonial System," p. 203-221.
  • Emberley, Julia V. Thresholds of difference: feminist critique, native women's writings, postcolonial theory (University of Toronto Press, 1993).
  • Bhavnani, Kum-Kum (ed., et al.) Feminist futures: Re-imagining women, culture and development (Zed Books, NY, 2003). See: Ming-yan Lai's "Of Rural Mothers, Urban Whores and Working Daughters: Women and the Critique of Neocolonial Development in Taiwan's Nativist Literature," p. 209-225.
  • Constantino, Renato. Neocolonial identity and counter-consciousness: Essays on cultural decolonization (Merlin Press, Londres, 1978).
  • Ashcroft, Bill (ed., et al.) The post-colonial studies reader (Routledge, Londres, 1995).
  • Conway, George A. W. A responsible complicity: Neo/colonial power-knowledge and the work of Foucault, Said, Spivak (University of Western Ontario Press, 1996).
  • Werbner, Richard (ed.) Postcolonial identities in Africa (Zed Books, NJ, 1996).
  • Simon, D. Cities, capital and development: African cities in the world economy (Halstead, NY, 1992).
  • Chrisman, Laura and Benita Parry (ed.) Postcolonial theory and criticism (English Association, Cambridge, 2000).
  • Hooker, M. B. Legal pluralism; an introduction to colonial and neo-colonial laws (Clarendon Press, Oxford, 1975).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Philippe Ardant, « Le néo-colonialisme : thème, mythe et réalité », Revue française de science politique, 15e année, no 5, 1965, p. 837-855.
  2. Kwame Nkrumah, Le néo-colonialisme - Derier stade de l'impérialisme, 1965.
  3. John Perkins, Les Confessions d'un tueur à gages économique
  4. François-Xavier Verschave, De la Françafrique à la Mafiafrique, Tribord (2004), p. 9
  5. François-Xavier Verschave, De la Françafrique à la Mafiafrique, Tribord (2004), p. 23-24

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Études théoriques[modifier | modifier le code]

Films[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]