Música callada

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Música callada
Genre Œuvre pour Piano
Musique Federico Mompou
Durée approximative 1er cahier, I-IX, 22'
2e cahier, X-XVI, 14'
3e cahier, XVII-XXI, 17'
4e cahier, XXII-XXVIII, 21'
Dates de composition Premier cahier :
Second cahier :
Troisième cahier :
Quatrième cahier :
Dédicataire À Federico Sopeña (premier cahier) ; Andor Földes (troisième cahier) ; Alicia de Larrocha (quatrième cahier)
Création 1er cahier : Académie royale catalane des beaux-arts de Saint-Georges, 17 mai 1952 - Frederic Mompou
2e cahier : s/d
3e cahier : « IIIe Festival Internacional de Música», Barcelone, 5 octobre 1965 - Andor Földes
4e cahier : « Festival Internacional de Música », Cadaqués, 26 août 1972 - Alícia de Larrocha

Música callada (littéralement : musique qui se tait) est un cycle de 28 miniatures pour piano du compositeur catalan Federico Mompou, composé en l'espace de seize ans, de 1951 à 1967 et publié en quatre cahiers, de 1959 à 1976. Ce titre est puisé dans un poème de Saint-Jean de la Croix, Le Cantique spirituel, traduit du Canto espiritual entre el alma y Cristo su Esposo. L'œuvre est considérée comme le chef-d'œuvre du musicien qui lui-même pensait qu'elle contenait « l'essentiel de sa conception esthétique ». C'est aussi le plus ambitieux de ses ouvrages pour piano seul.

Genèse et présentation[modifier | modifier le code]

Après une vingtaine d'années passées en France, Mompou rentre en Catalogne en 1941. Il y reprend la vie culturelle riche et diverse de Barcelone et côtoie poètes, écrivains, musiciens et artistes.

En 1951, Mompou met en musique le Cantar del Alma (« Chant de l’Âme ») de Saint-Jean de la Croix, mystique espagnol du XVIe siècle, mais c'est dans un autre poème du Cantique spirituel (quatorzième et quinzième cantiques), que Mompou trouve l'inspiration pour sa nouvelle composition[1] :

« La noche sosegada
En par de los levantes de la aurora,
la música callada.
La soledad sonora
la cena que recrea y enamora.
 »

La nuit apaisée
par l'éveil de l'aurore,
la musique qui s'est tue,
la solitude sonore,
la cène qui réjouit et énamoure.

Analyse[modifier | modifier le code]

Dans sa préface le compositeur explique le titre :

« Il est assez difficile de traduire et d'exprimer le vrai sens de « Música callada » dans une langue autre que l'espagnole. Le grand poète mystique, San Juan de la Cruz, chante, dans ses belles poésies : « la música callada, la soledad sonora », cherchant à exprimer ainsi l'idée d'une musique qui serait la voix même du silence. La musique gardant pour soi sa voix « callada », c'est-à-dire « qui se tait » pendant que la solitude se fait musique. »

À l'occasion de son discours de réception à l’Académie des Beaux-Arts de Sant Jordi, le , jour de la création des neuf pièces du premier cahier, il précise :

« Elle est muette parce que son audition est intérieure. Retenue et pudeur. Son émotion est secrète et elle ne prend forme sonore qu'au travers de ses résonances dans la froideur de notre solitude. »

Adolf Pla relie cette émotion au texte du poète et à la genèse de l'œuvre[2] :

« Ce poème fait allusion au plaisir que nous pouvons éprouver quand notre esprit est transformé par l’écoute de notre propre musique interne, celle qui ne sonne pas à l’extérieur de l’être, mais uniquement dans notre for intérieur. Mompou s’identifiait fortement avec le poème dans lequel il voyait des correspondances avec les sentiments qu’il tentait d’exprimer dans ses propres œuvres. »

Le caractère ascétique tant de la forme que du langage, invite moins à l'écoute au concert qu'entre les murs calmes et intimes du salon, dans la solitude évoquée dans le poème. Dans un entretien[3], il déclare « Debussy composait pour deux personnes, pas trois. Je compose seulement pour une. Je ne veux pas composer pour la grande salle de concert ou pour la virtuosité. » Pour définir le langage de Música Callada, Mompou disait qu'elle était « un faible battement de cœur. On ne lui demande pas d’aller plus loin que quelques millimètres dans l’espace, mais elle a pour mission de pénétrer les profondeurs de notre âme et les coins les plus secrets de notre esprit[2]. » Mompou a « cherché la plus grande épuration et simplification des moyens musicaux[4]. » L'influence spirituelle du mystique ainsi que le caractère intimiste, dépouillé, sont résumés par Wilfrid Mellers[5] : « Un journal spirituel de sa vie intérieure pendant ses dernières années ». Il s'agit donc plutôt d'« un état de conscience »[6] que d'un discours qui raconte une histoire.

Le contenu du recueil, aux sonorités lumineuses et nostalgiques, est calme et tranquille, serein et quasiment toujours dans une lenteur propice à l'intime. C'est ainsi que Guy Sacre en caractérise l'esthétique[7] : « Ici règne le plus souvent, attisée par l'exiguïté de l'espace et l'avare concision du langage, avivée par un usage accru des dissonances plus âpres, une tristesse infinie, qui confine à la désolation, sinon au désespoir. C'est à croire qu'à ce point d'ascèse et de macération, le silence étouffe de plus de larmes encore que la parole... » La « musique est complètement mise à nu[8]. »

Mompou pensait que la partition contenait « l'essentiel de sa conception esthétique ». Et cette esthétique « aspire à laisser chanter la voix de l'âme pure, de l'âme seule, de l'âme elle-même en elle-même », écrit Jankélévitch[9].

L'œuvre entière est considérée comme le chef-d'œuvre du compositeur[9]. Arcadi Volodos évoque à son sujet « le sommet de son œuvre, son opus 111 »[4],[n 1].

Contenu[modifier | modifier le code]

Chaque cahier dure environ 14 à 15 minutes sauf le dernier, 18 minutes ; soit une durée totale d'environ une heure. Chaque pièce a une durée moyenne de deux minutes, mais la plus courte des pièces ne dépasse pas les quarante secondes et la plus longue se développe sur quatre minutes et demi ; sur la partition, une page ou deux, rarement trois.

Premier cahier (1959)[modifier | modifier le code]

Le premier cahier, qui contient les pièces une à 9, a été composé dès 1951 et publié en 1959. La durée du recueil est d'environ 22 minutes. Ce cahier a été créé par le compositeur, le , à l'Académie royale catalane des beaux-arts de Saint-Georges.

  • I. Angelico. noire = 50 (la mineur
    « Cette musique des anges, c'est la première musique de Musica callada, la musique de la première Solitude sonore qui plane rêveusement entre la terre et le ciel...[10]. »
  • II. Lent. croche = 60
  • III. Placide. noire = 92 (si-bémol majeur)
  • IV. Afflitto e penoso. noire = 72
  • V. noire = 54 [Legato metallico]
    « La cloche lointaine qui […] égrène ses notes obsédantes semble provenir d'un autre monde[11] »
  • VI. Lento. noire = 66 (mi mineur)
  • VII. Lento. noire = 50 (fa mineur)
  • VIII. Semplice. noire = 104
    « Cette musique des anges […] c'est aussi la musique de la huitième Solitude qui, portée par le bronze des cloches, flotte et vibre et lentement se soulève des profondeurs vers la hauteur...[10]. »
  • IX. Lento. noire = 48 (mi majeur)

Second cahier (1962)[modifier | modifier le code]

Le second cahier, qui contient les pièces 10 à 16, a été composé et publié en 1962. La durée totale est d'environ 14 minutes.

  • X. Lento - cantabile
  • XI. Allegretto (si-bémol majeur)
  • XII. Lento
  • XIII. Tranquillo - Très calme (mi-bémol majeur)
  • XIV. Severo - sérieux (ut mineur)
  • XV. Lento - plaintif
  • XVI. Calme. noire = 66

Troisième cahier (1965)[modifier | modifier le code]

Le troisième cahier, qui contient les pièces 17 à 21, a été composé en publié en 1965. La durée totale est d'environ 17 minutes. Ce cahier est créé à Barcelone, le , par le pianiste Andor Földes.

  • XVII. Lento. noire = 48 (mi mineur)
  • XVIII. Luminoso. noire = 126 (sol mineur)
  • XIX. Tranquillo. noire = 66 (si-bémol mineur)
  • XX. Calme. noire = 56 ( mineur)
  • XXI. Lento. croche = 92 (mi mineur)

Quatrième cahier (1967)[modifier | modifier le code]

Le quatrième cahier, qui contient les pièces 22 à 28, a été composé en 1967 et publié en 1976. La durée totale est d'environ 21 minutes. Ce cahier est créé le , par Alicia de Larrocha.

  • XXII. Molto lento e tranquillo ( mineur)
  • XXIII. Calme, avec clarté (si majeur)
  • XXIV. Moderato
  • XXV. noire = 100 [Lento Molto]
  • XXVI. Lento. noire = 46
  • XXVII. Lento molto
  • XXVIII. Lento. noire = 58

Discographie[modifier | modifier le code]

Intégrales[modifier | modifier le code]

Sélections[modifier | modifier le code]

Édition[modifier | modifier le code]

La partition a été publiée par les Éditions Salabert, EAS 16171, EAS 16684, MC 276, EAS 17142 (en cahiers séparés) et dans l’Œuvre pour piano (2015) (ISMN 979-0-048-06062-3), (OCLC 922641966), (BNF 44464844).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Monographies[modifier | modifier le code]

Thèses[modifier | modifier le code]

Ouvrages généraux[modifier | modifier le code]

Notes discographiques[modifier | modifier le code]

  • Carmen Bravo[n 2], « Mompou : Intégrale de l'œuvre pour piano », p. 29–32, Mandala MAN 4809/12, 1993 (OCLC 32519447).
  • Adolf Pla, « Volodos joue Mompou », p. 34–46, Sony 88765433262, 2013 (OCLC 870694744).

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Il s'agit de l'opus de Beethoven qui a suscité tant de respect, même pour le seul numéro.
  2. Carmen Bravo est l'épouse de Mompou. Pianiste, elle a enregistré un récital Mompou de pièces pour piano chez EMI.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « CANTIQUES », sur abbaye-saint-benoit.ch via Wikiwix (consulté le ).
  2. a et b Pla 2013, p. 44.
  3. Interview avec Barbara Kober, pour le Washington Star du 26 juillet 1978, cité par Hammill 1991, p. 82.
  4. a et b Volodos (2013), livret du disque Sony p. 34.
  5. Mellers 1987, p. 121.
  6. Pla 2013, p. 38.
  7. Sacre 1998, p. 1957.
  8. Pla 2013, p. 43.
  9. a et b Cité par François-René Tranchefort (dir.), Guide de la musique de piano et de clavecin, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », , 867 p. (ISBN 978-2-213-01639-9, OCLC 17967083), p. 531.
  10. a et b Jankélévitch 1983, p. 155.
  11. Jankélévitch 1983, p. 153.
  12. Lors de sa sortie ce disque a été distingué d'un « 9 » par Jean Hamon dans le magazine Répertoire no 60 et de « 5 clés » par Alain Cochard dans Diapason no 394 et de 4 étoiles par Pierre-René Serna dans Le Monde de la musique no 169.
  13. Lors de sa sortie ce disque a été distingué d'un « 8 » par Jacques Bonnaure dans le magazine Répertoire no 84
  14. Lors de sa sortie ce disque a été distingué par un « Choc » du Monde de la musique.
  15. R. Ma., « Federico Mompou Musica callada », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  16. (en) Revue sur arkivmusic.com.

Liens externes[modifier | modifier le code]