Micronouvelle

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La micronouvelle (parfois aussi appelée microroman) est un récit imaginaire, suggestif, parfois caustique, rédigé en un nombre extrêmement restreint de mots. C'est la forme la plus concise de récit littéraire prosaïque, parfois proche du poème par le rythme qu'il imprime. L'ironie et l'interactivité qui la caractérisent la rattachent au postmodernisme en littérature.

Elle est connue dans les littératures anglaise et hispanique sous les locutions micro-fiction, short-short story et microconte.

La microfiction, aussi appelée nanofiction ou fiction éclair, est « l’ancêtre » de la micronouvelle.

Adaptée à la littérature française, parfois sur Twitter (aussi dite « twittérature ») ou sur le Mastodon francophone (avec le mot dièse #MercrediFiction[1]) pour son fonctionnement aux nombres très limités de mots qui se prête parfaitement à la micronouvelle, par des auteurs comme Fuentealba, Berthiaume, Gechter, Bastin, Le Blanc et Fréchette, elle passe aujourd'hui sous la plume d'auteurs comme Thierry Crouzet, Bernard Pivot, Alexandre Jardin, et Michel Tremblay.

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

La longueur standard, généralement acceptée pour une microfiction est de 1 000 caractères espaces compris (cec) ou moins[réf. nécessaire]. Les anglo-saxons sont moins restrictifs et distinguent plusieurs types de « flash-fiction » : les Six-Word Story (fiction de 140 caractères), le dribble (50 mots), le drabble (100 mots) et la « fiction soudaine » (750 mots).

La rédaction d'une micronouvelle est un art qui dispose de ses caractéristiques propres, totalement différentes de celles qui régissent la rédaction d'une nouvelle et même d'une nouvelle brève. En effet, dans une micronouvelle, l'histoire et les personnages, imaginaires, contrairement à d'autres formes de fragments, sont suggérés ou simplement croqués d'un trait plutôt que décrits. Parfois proche de l'aphorisme, souvent incisive, la micronouvelle aime jouer sur les mots, détourner les expressions courantes et faire appel à la culture générale du lecteur. Elle est particulièrement bien adaptée à l'humour noir.

La micronouvelle guide l'imagination du lecteur de façon qu'il puisse lui-même retrouver les différents composants du récit.

La défense de la micronouvelle comme genre à part entière a déjà été prise, aux États-Unis notamment, par des critiques littéraires comme Mary Louise Pratt et Gitte Mose[2]. En France, par la revue interuniversitaire Revue critique de fiXXIon française contemporaine et, en particulier, par le Pr Irène Langlet[3].

Le terme micronouvelle est parfois employé, dans un sens large, comme synonyme de nouvelle brève, ce qui peut être source de confusion. Dans ce cas, il désigne un texte qui revêt les caractéristiques de la nouvelle et non pas celles qui lui sont propres et qui sont évoquées ci-dessus. L'auteur Jacques Fuentealba relève, entre autres, trois formes de micronouvelles : le Hemingway (6 mots), le Fénéon (3 phrases ou lignes maximum) et le Pépin (300 signes maximum avec le titre). L'écrivain canadien Laurent Berthiaume élargit la micronouvelle à une centaine de mots maximum, tandis que l'écrivain Cornéliu Tocan explore la micronouvelle à chute littéraire en exactement 140 caractères.

Le mythe de son origine[modifier | modifier le code]

Les Fables d'Ésope sont un exemple de microfictions.

La microfiction occidentale trouve ses racines dans les Fables d'Ésope. Beaucoup d'écrivains s'y sont essayés : Julio Cortázar, Bolesław Prus, Anton Tchekhov, O. Henry, Franz Kafka, Arthur C. Clarke, Ray Bradbury, Fredric Brown, Régis Jauffret… La microfiction s'est fortement développée avec l'arrivée d'Internet, média favorisant les textes courts et concis.

Certains magazines se sont spécialisées dans la publication de microfictions : Vestal Review, SmokeLong Quarterly, Every Day Fiction, Flash Fiction Online, et Quick Fiction notamment.

La paternité de la micronouvelle est souvent attribuée à Ernest Hemingway, qui aurait écrit un texte de six mots bien connu: « For sale: baby shoes, never worn. » (« À vendre : chaussures de bébé, jamais portées »). Il semble néanmoins de plus en plus douteux que Hemingway en ait été le véritable auteur[4]. Tout y est suggéré : les personnages (la mère et l'enfant) et l'histoire (en résumé : elle est enceinte et elle fait des achats en prévision de la naissance. Elle perd l'enfant et décide de revendre ce qu'elle a acheté). Ce texte a titillé l'imagination de nombreux auteurs contemporains.

Notons aussi, en France, les fragments sans titre de Xavier Forneret (XIXe siècle), d'un humour noir manifeste, ainsi que les Nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon (à partir de 1906), de véritables nouvelles journalistiques, rédigées sous une forme caustique dont la micronouvelle s'inspire largement.

Micronouvellistes[modifier | modifier le code]

La littérature hispanique compte de nombreux micronouvellistes dont, parmi les plus célèbres, Augusto Monterroso (El Dinosaurio), Luis Felipe Lomeli (L'Émigrant (El Emigrante)), Alfredo Alamo, Santiago Eximeno, Alejandro Córdoba Sosa (Doscientos y un cuentos en miniatura) et José Luis Zárate.

Dans la littérature anglo-saxonne, citons notamment Fredric Brown, Raymond Carver, Robert Coover et Sean Hill (en) (qui a la particularité de se plier aux contraintes de Twitter pour maximaliser le nombre de caractères de ses micronouvelles).

En langue allemande, les Kürzestgeschichten, influencées notamment par les narrations brèves de Bertolt Brecht, regroupent des auteurs comme Peter Bichsel, Heimito von Doderer, Helmut Heißenbüttel et Günter Kunert.

Laurent Berthiaume et le collectif Oxymoron (Québec) rédigent en 2007 le premier ouvrage en français qui se réclame du genre de la « micronouvelle ».

En France et dans les pays francophones, la micronouvelle se développe et se popularise. Le Prix Pépin, fondé par Pierre Gévart, remporte un vif succès dès les premières années du XXIe siècle. En 2010 est fondé de l'Institut de twittérature comparée Bordeaux-Québec, sous l'impulsion de Jean-Michel Le Blanc et de Jean-Yves Fréchette. En 2010, la revue interuniversitaire Revue critique de fiXXIon française contemporaine reconnaît le travail des micronouvellistes Jacques Fuentealba, Olivier Gechter, Vincent Bastin et Laurent Berthiaume, comme faisant partie de l'avant-garde. La micronouvelle y est traitée comme un genre à part entière pour la première fois. Les travaux de ces quelques auteurs, en l'occurrence Gévart, Le Blanc, Fréchette, Fuentealba, Gechter, Bastin et Berthiaume, vont s'avérer avoir une influence directe et considérable sur de nombreux auteurs francophones, des plus anonymes au plus connus.

Depuis , la Fabrique de Littérature Microscopique, animée par Karim Berrouka, Benoît Giuseppin et Jacques Fuentealba, développe chaque mois des séries de micronouvelles (et parfois de poèmes) par thèmes. Depuis le , la Microphéméride, autre projet en ligne participatif, propose tous les jours des short short stories en rapport avec la date en question (événements marquants, dictons…). Dans la sphère linguistique francophone, le genre prend une forme parfois humoristique (v. le Bulletin de l'Insondable de Vincent Corlaix et Olivier Gechter), quelquefois expérimentale aussi, notamment grâce à L'Autofictif d'Éric Chevillard. Ce blog littéraire, dont les brèves sont ensuite publiées, année par année, chez L'Arbre vengeur (L'Autofictif, L'Autofictif voit une loutre, L'Autofictif père et fils…) transcende le genre de l'autobiographie sous forme de brèves et de fragments, parfois de poèmes courts, l'auteur réinventant sa vie avec un regard décalé et souvent amusant. Jean-Luc Caizergues aborde ce genre littéraire sous l'angle de la poésie dans Mon Suicide (Flammarion, 2008), de même que Stéphane Bataillon. En est paru 25 histoires, 25 auteurs en 140 ca., aux éditions Le Devoir. Pour cet ouvrage de micronouvelles en 140 caractères, le blogueur Fabien Déglise a réuni autour de lui des auteurs comme Yann Martel, Kim Thúy, Nadine Bismuth, Jacques Godbout, Bernard Pivot, Alexandre Jardin, Catherine Mavrikakis, Fred Pellerin, Tahar Ben Jelloun et Samuel Archibald, tous devenus micronouvellistes pour l'occasion. Notons aussi la parution, en , du recueil de micronouvelles de Philippe Pastorino, Microntes, aux éditions Xenia. En 2019, l'écrivain canadien Cornéliu Tocan publie Chutes microscopiques. 50 micronouvelles illustrées, chez Créatique, ouvrage traduit en plusieurs langues, où il teste les limites de la microfiction, sous des contraintes extrêmement sévères – exactement 140 caractères et la présence obligatoire d'une chute littéraire. Depuis 2017, Patrick Baud tient le compte Twitter Nanofictions sur lequel il écrit des micronouvelles tenant en un tweet, soit 280 caractères maximum. Un recueil de ces micronouvelles, préfacé par Bernard Werber est sorti aux éditions Flammarion en 2018[5]. D'autres comptes sur ce réseau social publient régulièrement des micronouvelles, tels @microhistoires1, @gregoryroose ou @mikrodystopies. Ce dernier, dédié à l'anticipation et à la science-fiction, fait l'objet d'un recueil chez C & F Éditions en août 2020[6].

Jacques Fuentealba[modifier | modifier le code]

Jacques Fuentealba est un romancier, nouvelliste, anthologiste, traducteur et micronouvelliste né en 1977. Diplômé de la Sorbonne, il a rédigé plusieurs centaines de micronouvelles, dont une bonne quantité sur la Fabrique de Littérature Microscopique qu'il anime avec Benoît Giuseppin et Karim Berrouka, et d'autres en recueils : Invocations et autres élucubrations (éditions Efimeras en ligne), Scribuscules (éditions La Clef d'Argent) et Tout feu tout flamme (chez Outworld)[7]. Il a publié en 2012 375 micronouvelles dans Le Syndrome de la page noire[8].

Laurent Berthiaume[modifier | modifier le code]

Laurent Berthiaume est un écrivain et chercheur scientifique canadien spécialisé dans la microbiologie. Il publie micronouvelles et nanonouvelles dans la revue Le Passeur et dans Brèves (77, 78, 81 à 84 et p. 87). Il signe aussi des essais sur ces genres littéraires et offre des ateliers d’écriture, notamment à la Fédération québécoise du loisir littéraire. Il fait partie du collectif Les Oxymorons, un groupe de micronouvellistes qui a fait paraître plusieurs recueils aux éditions Le Grand Fleuve[7].

Vincent Bastin[modifier | modifier le code]

Vincent Bastin

Vincent Bastin est un auteur belge né à Verviers (province de Liège) en 1978 formé à l'Université de Liège. Petit-neveu de l'artiste et intellectuel belgo-mexicain Henri Daoust et ancien collaborateur du poète Jean-Luc Godard, il a joué un rôle prépondérant dans la popularisation de la micronouvelle francophone. Il en a publié de nombreuses dans les Microphemerides, des revues littéraires (Galaxies, sous la direction de Pierre Gévart), des fanzines (en particulier la rubrique Micronouvelles dans La Voie du Maître de Jean-Jacques Rousseau) ainsi que dans diverses publications en ligne (cf. Morts et Résurrections du sergent grenadier Lazare). Il a participé aussi au mouvement de la twittérature[9].

Quelques micronouvelles[modifier | modifier le code]

Les records[modifier | modifier le code]

Eric Lequien Esposti est l'auteur de la micronouvelle la plus courte de tous les temps :

Néant ! (micronouvelle en 0 signe, 2018 -- pour raison pratique de visualisation, le texte est encadré de guillemets, mais le texte original n'en comporte pas)
«»

Adolphe Loupi est l'auteur de la micronouvelle la plus courte :

Incompréhension (micronouvelle en 0 mot, 2017)
« …
— … »

Eric Lequien Esposti est l'auteur des deux micronouvelles les plus courtes :

Pouce (micronouvelle en 2 mots, 2013)
« Je…
- Arrête ! »
Sommeil d'aplomb (micronouvelle en 3 mots, 2013)
« Tu dors ?
- Oui ! »

Vient ensuite Luis Felipe Lomeli :

El Emigrante (micronouvelle en 4 mots, 2005)
« ¿Olvida usted algo?
- ¡Ojalá! »
(« Oubliez-vous quelque chose ? - Pourvu que oui ! »)

Puis, Augusto Monterroso :

El Dinosaurio (micronouvelle en 7 mots)
« Cuando despertó, el dinosaurio todavía estaba allí. »
(« Quand il se réveilla, le dinosaure était encore là. »)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Sources[modifier | modifier le code]

[10]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « #mercredifiction », sur Mastodon hosted on maly.io (consulté le )
  2. Mary Louise Pratt, The Short Story: The Long and the Short of It, in The New Short Story Theories, éd. Charles May, Ohio UP, Athens, 1994 ; Gitte Mose, Danish Short Shorts in the 1990s and the Jena-Romantic Fragments, in The Art of Brevity: Excursions in Short Fiction Theory and Analysis, éd. Per Winther, Jakob Lothe et Hans H. Skei, Université de Caroline du Sud, Columbia 2004
  3. Irène Langlet, Les Echelles de bâti de la science-fiction, in Revue critique de Fixxion française contemporaine - Critical Review of Contemporary French Fixxion, no 1, Micro/Macro, 2010
  4. Article sur l'origine l'origine de cette légende sur le site du magazine Slate.
  5. Nanofictions sur le site de Flammarion
  6. « Mikrodystopies chez C & F Éditions », sur cfeditions.com (consulté le )
  7. a et b Cristina Alvarez, Nouveaux genres littéraires urbains - les nouvelles en trois lignes contemporaines au sein des micronouvelles. in Atas do Simpósio Internacional : Microcontos e outras microformas, Minho (Portugal), (ISBN 978-972-8063-65-8) - Irène Langlet, Les Echelles de bâti de la science-fiction, in Revue critique de Fixxion française contemporaine - Critical Review of Contemporary French Fixxion, no 1, Micro/Macro, 2010
  8. [1]
  9. Cristina Alvarez, Nouveaux genres littéraires urbains - les nouvelles en trois lignes contemporaines au sein des micronouvelles. in Atas do Simpósio Internacional : Microcontos e outras microformas, Minho (Portugal), (ISBN 978-972-8063-65-8) - Irène Langlet, Les Echelles de bâti de la science-fiction, in Revue critique de Fixxion française contemporaine - Critical Review of Contemporary French Fixxion, no 1, Micro/Macro, 2010 - C. Alvarez, Urbanité et crispation identitaire dans les nouvelles en trois lignes contemporaines, in Arena Romanistica. Journal of Romance Studies, Bergen, 1011
  10. « Littératures brèves »