Micoquien

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Micoquien
Description de cette image, également commentée ci-après
Biface micoquien, Muséum de Toulouse
Définition
Autres noms Keilmesser Gruppe
Lieu éponyme La Micoque (France)
Auteur Henri Breuil, 1932
Caractéristiques
Répartition géographique Europe
Période Paléolithique moyen
Chronologie 130 000 à 50 000 ans AP
Type humain associé Homme de Néandertal
Tendance climatique Glaciation de Würm
(SIO 5 à 3)

Carte
Sites micoquiens sélectionnés dans la base de données ROAD (CC BY-SA 4.0 ROCEEH)
Grand couteau-bloc asymétrique du Keilmesser Gruppe
Carte des sites micoquiens (points rouges) et moustériens-Levallois (points bleus) ; et grotte de Stajnia.


Le Micoquien est une industrie lithique préhistorique appartenant au Paléolithique moyen, présente en Europe entre environ 130 000 et 50 000 ans avant le présent. On la trouve surtout en Europe centrale et orientale, où elle est également dénommée sous le nom allemand de Keilmesser Gruppe (industrie des couteaux en forme de coin)[1],[2].

Il s'agit du faciès culturel le plus large et le plus durable du Paléolithique moyen tardif[3].

Historique[modifier | modifier le code]

Le site éponyme du Micoquien est le gisement de La Micoque, situé sur la commune des Eyzies-de-Tayac, en Dordogne (France). Il a d'abord été fouillé en 1906 de façon assez brutale par le Suisse Otto Hauser[4] (il fait utiliser de la dynamite pour dégager la coupe de la grotte[5]). En 1908 l'adjectif est utilisé par Denis Peyrony : « pointes micoquiennes »[6] ; et par Hugo Obermaier : « Reduzierter lanzenspitzförmiger Faustkeil vom Typus von La Micoque or Micoquekeil » [« biface réduit de forme élancée du type de la Micoque ou biface Micoquien »][7]. Otto Hauser utilise le terme Micoquien dans sa thèse de 1916[8] pour dénommer des outils lithiques datés ultérieurement de la fin du Paléolithique inférieur.

Henri Breuil a réattribué le terme en 1932, à la suite de nouvelles fouilles menées par Denis Peyrony, à une autre couche stratigraphique du même site, et donc à une autre période, correspondant au début du Pléistocène supérieur (à partir de 126 000 ans avant le présent)[2]. Par la même occasion, Henri Breuil aurait renommé Tayacien[9] ce qu'Otto Hauser avait appelé Micoquien en 1916.

En 1967, G. Bosinski[10] emploie le terme Micoquien pour décrire une industrie lithique un peu plus tardive d'Europe centrale et orientale (à partir de 110 000 ans AP), en concurrence avec le terme allemand Keilmesser Gruppe[2].

La stratigraphie des sites centre-européens est bien mieux établie que celle du site de La Micoque, dont la couche dite micoquienne n'a pas été retrouvée dans les fouilles récentes du site, ce qui incite certains chercheurs à préférer le terme allemand.

D'autres préhistoriens utilisent des équivalences : Moustérien#Moustériens charentiensCharentien à influences micoquiennes (selon Farizy[2]), Moustérien d'Europe centrale avec une option micoquienne (selon Richter[11]), Moustérien avec bifaces (selon Ruebens[12],[13]) dans le nord de la France et au Benelux[14].

Origine[modifier | modifier le code]

La région d'émergence du Micoquien n'est pas établie avec certitude, bien que les vestiges les plus anciens connus se trouveraient en Europe centrale et orientale où une industrie quasi microlithique sans biface encore plus ancienne (apparentée au Tayacien) a aussi été retracée, le Taubachien dont le nom provient d'un quartier de la ville de Weimar en Allemagne.

Il s'est répandu dans les environnements périglaciaire et boréal de l'Europe entre l'Est de la France, la Pologne et le Caucase du Nord[3].

Description[modifier | modifier le code]

Le Micoquien se caractérise par la production de bifaces allongés et asymétriques, aux pointes fines et aux bords légèrement concaves. Par extension, l'adjectif « micoquien » est utilisé pour qualifier ce type de biface dans d'autres industries.

Populations[modifier | modifier le code]

En 2020 a eu lieu l'analyse paléogénétique d'une molaire de Néandertal (S5000), trouvée dans un contexte micoquien dans la grotte de Stajnia (Pologne). Il s'agit du plus ancien spécimen néandertalien d'Europe centrale et orientale. L'étude montre également que l'ADNmt S5000 a le moins de différences avec l'ADNmt du Néandertal de Mezmaiskaya 1 dans le Caucase du Nord, et est plus éloigné des Néandertaliens presque contemporains de Scladina et Hohlenstein-Stadel. Selon les auteurs, cette observation et l'affinité technologique entre la Pologne et le Caucase du Nord pourraient être le résultat d'une mobilité accrue des Néandertaliens ayant changé leur stratégie de subsistance pour faire face aux nouveaux environnements à faible biomasse et au rayon d'alimentation accru des animaux grégaires. Les rivières Prout et Dniestr ont probablement été utilisées comme principaux couloirs de dispersion[3].

Critiques[modifier | modifier le code]

Le site de La Micoque n'a pas livré de pointes foliacées contrairement à la plupart des sites d'Europe centrale et orientale.
Les divergences entre assemblages lithiques conduisent certains chercheurs à remettre en cause le lien entre le Micoquien français et le Keilmesser Gruppe.

Postérité[modifier | modifier le code]

Le Micoquien aurait donné naissance ou influencé le Jerzmanowicien (complexe LRJ), le Szélétien et le Streletskien, industries lithiques du début du Paléolithique supérieur en Europe du Nord.

Le Bábonyien, une culture micoquienne tardive d'Europe centrale (du site éponyme de Sajóbábony dans la montagne de Bükk en Hongrie) aurait influencé le Szélétien.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • [Farizy 1995] Catherine Farizy, « Industries charentiennes à influences micoquiennes, l'exemple de l'est de la France » (Actes du colloque de Miskolc, 1991), Paléo, no 1 (supplément) « Les premières découvertes de Paléolithique à Miskolc et la question des industries à pièces foliacées de l'Europe centrale dans leur cadre chronologique, paléo-écologique et paléontologique »,‎ , p. 173-178 (lire en ligne [sur persee], consulté en ). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [Frick et al. 2017] (en) Jens Axel Frick, Klaus Herkert, Christian Thomas Hoyer et Harald Floss, « Reflection on the research historical discourse of Keilmesser with tranchet blow from the European Late Middle Paleolithic », dans Sandrine Costamagno, Thomas Hauck, Zsolt Mester, Luc Moreau, Philip R. Nigst, Andreas Pastoors, Daniel Richter, Isabell Schmidt, Martin Street, Yvonne Tafelmaier, Elaine Turner & Thorsten Uthmeier, International Yearbook for Ice Age and Stone Age Research, Rahden (Westfalie), Marie Leidorf GmbH, coll. « Quartär » (no 64), , 287 p. (ISBN 978-3-86757-930-8, ISSN 0375-7471, lire en ligne [PDF] sur quartaer.eu), p. 73-93.
  • [Frick 2020] (en) Jens Axel Frick, « Reflections on the term Micoquian in Western and Central Europe. Change in criteria, changed deductions, change in meaning, and its significance for current research », Archaeological and Anthropological Sciences, vol. 12, no 38,‎ (lire en ligne [sur link.springer.com], consulté en ).
  • [Picin et al. 2020] (en) Andrea Picin, Mateja Hajdinjak, Wioletta Nowaczewska, Stefano Benazzi, Mikołaj Urbanowski, Adrian Marciszak, Helen Fewlass, Paweł Socha, Krzysztof Stefaniak, Marcin Żarski, Andrzej Wiśniewski, Jean-Jacques Hublin, Adam Nadachowski et Sahra Talamo, « New perspectives on Neanderthal dispersal and turnover from Stajnia Cave (Poland) » (projet « STONE » (Spread and Technology of Neanderthals in Periglacial Environment)), Scientific Reports, vol. 10, no 14778,‎ (DOI 10.1038/s41598-020-71504-x, lire en ligne [sur nature.com], consulté en ). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [Ringer 1995] Arpad Ringer, « Les industries à pièces foliacées en Europe centrale : proposition de synthèse » (Actes du colloque de Miskolc, 1991), Paléo, no 1 (supplément) « Les premières découvertes de Paléolithique à Miskolc et la question des industries à pièces foliacées de l'Europe centrale dans leur cadre chronologique, paléo-écologique et paléontologique »,‎ , p. 15-18 (lire en ligne [sur persee], consulté en ). Document utilisé pour la rédaction de l’article

Lien externe[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Ringer 1995.
  2. a b c et d Farizy 1995.
  3. a b et c Picin et al. 2020.
  4. [1907] (de) Die neuesten Ausgrabungen auf La Micoque (Dordogne) und ihre Resultate für die Kenntnis der pälolithischen Kultur, Schaffhausen, Stünzi & Co, , 26 p..
  5. [Leuzinger 2017] Urs Leuzinger et Catherine Leuzinger-Piccand, « Une collection d'Otto Hauser émerge d'un long sommeil - Comment des objets paléolithiques du Périgord se retrouvent sur les rives du lac de Constance », dans Vocation préhistoire. Hommage à Jean-Marie Le Tensorer, Liège, Université de Liège, coll. « Études et Recherches Archéologiques de l’Université de Liège (ERAUL) » (no 148), , sur researchgate.net (ISBN 978-2-930495-34-7, lire en ligne), p. 217-227, p. 217.
  6. [Peyrony 1908] Denis Peyrony, « À propos des fouilles de La Micoque et des travaux récents parus sur ce gisement », Revue de l’École d’Anthropologie de Paris, vol. 11,‎ , p. 380–382. Cité dans Frick 2020, section « Earliest definitions ».
  7. [Obermaier 1908] Hugo Obermaier, Die Steingeräte des französischen Altpaläolithikums: Eine kritische Studie über ihre Stratigraphie und Evolution, vol. 1–2, Wien, A. Hölder, coll. « Mittheilungen der Prähistorischen Commission der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften », . Cité dans Frick 2020, section « Earliest definitions ».
  8. [Hauser 1916] (de) Otto Hauser, Über eine neue Chronologie des mittleren Paläolithikums im Vézèretal: Speziell mit bezug auf meine Ausgrabungen auf la Micoque (thèse de doctorat), Erlangen, Friedrich-Alexanders-Universität, , 56 p.
  9. [Henri-Martin 1954] Germaine Henri-Martin, « Le Tayacien », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 51, no 8 « Les grandes civilisations préhistoriques de la France. Livre Jubilaire de la Société Préhistorique Française 1904 - 1954 »,‎ , p. 27-31 (lire en ligne [sur persee]).
  10. [Bosinski 1967] Gerhard Bosinski, Die Mittelpaläolithischen Funde im westlichen Mitteleuropa (Monographien zur Urgeschichte), Köln, Böhlau, coll. « Fundamenta » (no A4), , 206 p..
  11. [Richter 1997] (de) Jürgen Richter, Der G-Schichten-Komplex der Sesselfelsgrotte: Zum Verständnis des Micoquien, Saarbrücken, Druckerei und Verlag, , 473 p. (résumé, présentation en ligne). Cité dans Frick 2015, « Abstract », p. 53.
  12. [Ruebens 2012] (en) Karen Ruebens, From Keilmesser to Bout Coupé Handaxes: Macro‐Regional Variability among Western European Late Middle Palaeolithic Bifacial Tools (thèse de doctorat), Southampton, Faculty of Humanities, University of Southampton, . Cité dans Frick 2015, « Abstract », p. 53.
  13. [Ruebens 2013] (en) Karen Ruebens, « Regional behaviour among late Neanderthal groups in Western Europe: A comparative assessment of late Middle Palaeolithic bifacial tool variability », Journal of Human Evolution, no 65,‎ , p. 341–362. Cité dans Frick 2015, « Abstract », p. 53.
  14. [Frick & Floss 2015] (en) Jens Axel Frick et Harald Floss, « Grotte de la Verpillière II, Germolles, France: Preliminary insights from a new Middle Paleolithic site in southern Burgundy », dans Sandra Sázelová, Martin Novák & Alena Mizerová (eds.), Forgotten times and spaces: New perspectives in paleoanthropological, paleoetnological and archeological studies, Brno, Institute of Archeology of the Czech Academy of Sciences, Masaryk University, , 1re éd., 53–72 p., sur researchgate.net (lire en ligne), p. 53 (« Abstract »).