Massacre du 17 octobre 1961

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Massacre du 17 octobre 1961
Image illustrative de l’article Massacre du 17 octobre 1961
Paris : la nuit du .
Manifestants algériens dans les rues de Paris réprimés violemment par la police française.

Date
Lieu Paris (France) Drapeau de la France
Victimes militants algériens du FLN Drapeau de l'Algérie
Type Répression
Morts de 30 à 57
Blessés plusieurs centaines de blessés et plus de cent disparus
Auteurs Police française
Ordonné par Maurice Papon
Guerre Guerre d'Algérie
Coordonnées 48° 51′ 24″ nord, 2° 21′ 07″ est
Géolocalisation sur la carte : France
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Massacre du 17 octobre 1961
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Massacre du 17 octobre 1961

Les événements généralement qualifiés de massacre du 17 octobre 1961 sont le fait de la répression meurtrière, par la police française, d'une manifestation d'Algériens organisée à Paris par la Fédération de France du FLN.

Préparée en secret, la manifestation est un boycott du couvre-feu nouvellement appliqué aux seuls Nord-Africains. Alors que les attentats du Front de libération nationale (FLN) frappent les forces de l'ordre depuis plusieurs mois, l'initiative, non déclarée aux autorités, se veut cependant pacifique. Le FLN, qui y voit un moyen d'affirmer sa représentativité, y appelle tous les Algériens, hommes, femmes et enfants, et leur interdit le port d'armes. Les défilés nocturnes sur les grandes artères de la capitale donnent lieu à des affrontements au cours desquels des policiers font feu. La brutalité de la répression, qui se poursuit au-delà de la nuit du 17 dans l'enceinte des centres d'internement, fait plusieurs centaines de blessés et un nombre de morts qui reste indéterminé, de plusieurs dizaines selon les estimations les moins élevées.

Le 17 octobre 1961 et ses suites ne sont longtemps perçus que comme l'un des nombreux épisodes liés à la guerre d'Algérie. À partir des années 1990, ils font l'objet d'un traitement médiatique, puis politique plus important à la suite de la publication d'études historiques, de romans, d'un recueil photographique et surtout du retentissant procès de Maurice Papon, préfet de police de Paris au moment des faits, pour ses actes sous l'occupation allemande. En 2012, à l'occasion du 51e anniversaire de la manifestation, le président français François Hollande « reconnaît avec lucidité », au nom de la République, la « sanglante répression » au cours de laquelle ont été tués « des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ».

Contexte historique

L'importante communauté immigrée venue d'Algérie[note 1] penche majoritairement en faveur de l'indépendance. Elle est fermement structurée par le FLN, organisation nationaliste insurrectionnelle qui, en 1958, a décidé d'élargir la lutte armée anti-coloniale à la France métropolitaine, jusque dans la capitale[B 1].

Pendant l'été 1961, la guerre d'Algérie entre dans une phase critique. Les négociations entre le gouvernement français et le GPRA, émanation du FLN, en vue de la prochaine indépendance algérienne, provoquent des dissensions dans chaque camp. Les groupes ultra de l'OAS et les partisans de l'Algérie française au sein de l'appareil d'État tentent de contrecarrer le processus, alors que du côté du FLN se joue entre courants internes l'accès au pouvoir du futur État algérien[B 2].

Fin août, le FLN reprend plus intensément ses attaques contre les policiers, amplifiant la frustration de ces derniers qui désapprouvent la « lenteur » et l'« indulgence » de la justice à l'égard des commandos appréhendés précédemment[1].

L'offensive du FLN contre la police

Depuis le 5 juin, le FLN parisien s'abstenait d'attaquer les policiers et les harkis, respectant ainsi la trêve édictée par le GPRA pendant les négociations avec le gouvernement français[note 2]. Il rompt ce cessez-le-feu le 15 août, par une offensive contre la Force de police auxiliaire (la FPA, communément appelée « les harkis de Paris ») qui fait trois morts. Le 29 août, dans différents quartiers de Paris, trois policiers succombent sous cinq attaques simultanées. Ces morts marquent le début d'une vague d'attentats de cinq semaines, d'une ampleur inédite : entre le 29 août et le 3 octobre, au cours de 33 attaques distinctes, les commandos du FLN tuent 13 policiers (dont 7 au cours du seul mois de septembre) soit plus qu'au cours de chacune des années précédentes du conflit[A 1],[B 3], comme le montre le tableau suivant :

Policiers tués par attentat[A 2]
1957 1958 1959 1960 Janvier ~ octobre 1961 Total
Total annuel
0
12
4
9
22
47


Il est peu probable que cette reprise brutale de l'offensive contre les policiers ait été décidée par le GPRA[note 3], mais elle est largement soutenue par le FLN parisien. Il est possible qu'elle découle de l'indiscipline de Mohammedi Saddek, le coordinateur de la Fédération de France[A 3], ou bien de celle des chefs des deux wilayas de Paris. Cependant trois autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte :

  1. en premier lieu, pendant la trêve observée entre le 5 juin et le 15 août, la répression des forces de l'ordre est allée en s'intensifiant ;
  2. ensuite, en retenant ses groupes armés, le FLN risque de perdre le contrôle d'une communauté algérienne démobilisée, qui ne souhaite plus consentir de sacrifices à l'approche de la paix ;
  3. enfin, à la tête du CNRA qui dirige le FLN, le président modéré Ferhat Abbas vient d'être remplacé par Benyoucef Benkhedda, qui tente de se placer en position de force dans les négociations[B 4].

L'examen de l'ensemble des archives conduit l'historien Jean-Paul Brunet à placer cette vague d'attentats à l'origine de l'enchaînement qui débouche sur la répression des 17 et 18 octobre, dans laquelle il donne de ce fait une lourde part de responsabilité aux dirigeants du FLN parisien[A 2].

Le malaise de la police

Les attaques du FLN visent principalement des agents isolés, qui se rendent au travail ou qui rentrent chez eux, et créent dans la police un climat d'insécurité, de tension et de colère croissantes. Les cérémonies funéraires, célébrées en grande pompe dans la cour de la préfecture de police, attisent la colère au sein d'un corps étroitement solidaire. Elles sont si fréquentes et si démoralisantes que Maurice Papon envisage un moment de les suspendre. Nombre de policiers frustrés par un régime qu'ils jugent trop faible et trop libéral, et par un système juridique qui ne permet pas de condamner et d'exécuter les « terroristes », songent de plus en plus à prendre les choses en main et à régler leurs comptes directement avec la communauté algérienne. Les syndicats de police demandent la mise en place d'une protection renforcée, ce qui conduit à accentuer la répression contre la communauté algérienne. Les assassinats de policiers n'en continuent pas moins[B 3],[B 5].

À la suite de la reprise des attentats, Maurice Papon adresse aux chefs du SCAA et à la police municipale une directive qui prévoit de « reprendre fermement l'offensive dans tous les secteurs, et harceler l'organisation politico-administrative » frontiste. Il s'agit d'expulser les Algériens « indésirables », chômeurs ou petits délinquants, de redéployer la FPA dans les zones névralgiques et d'organiser des opérations de harcèlement dans les bidonvilles, qui sont le siège d'une importante activité militante. Ces labyrinthes impénétrables fournissent un refuge naturel aux militants, il est facile d'y dissimuler des armes et des documents. Les chefs peuvent échapper aisément aux raids de la police en utilisant des sorties secrètes et en changeant sans cesse de résidence[B 6].

En cet automne 1961, le ressentiment est tel que la préfecture semble ne plus tenir ses troupes. Déjà en avril, la CFTC s'élevait « contre la pratique en vigueur qui consiste à laisser en liberté, voire à remettre en liberté, en vertu de textes légaux, des individus notoirement dangereux » et exigeait des modifications urgentes aux textes légaux ou réglementaires. Le 4 octobre, plusieurs syndicats se regroupent en comité, dans le but d'intervenir de manière plus efficace auprès des pouvoirs publics. Ils réclament, entre autres, « l'utilisation maximum de tous les policiers dans le combat imposé par l'adversaire, (…) l'intensification des interpellations et la mise en place de dispositions réglementant la circulation des éléments nord-africains », autrement dit l'instauration d'un couvre-feu[A 4]. Le corps des policiers paraît prêt à commettre les exactions les plus graves pour se faire justice lui-même, alors que la hiérarchie ne parvient plus à faire accepter son autorité[A 5],[2].

Dans le bimensuel du syndicat de la police parisienne, le plus représentatif des policiers, l'un de ses dirigeants, Paul Rousseau, tente de raisonner ses troupes :

« Camarades du SGP, ne vous laissez pas aller à des actes qui ne sont pas en accord avec votre manière de penser ; groupez-vous autour de vos cadres syndicaux, agissez comme des hommes représentant la justice, et non comme des justiciers (…) Chef d'État, Gouvernement, entendez la voix de ceux qui sont chargés de vous protéger. Des pères, des mères, des enfants, d'un seul cœur vous adjurent d'arrêter cette guerre meurtrière et de négocier la Paix[A 6]. »

Le 2 octobre, aux obsèques du brigadier Demoën, Maurice Papon déclare que « pour un coup donné, nous en porterons dix ». Beaucoup interprètent sa phrase comme une carte blanche donnée à la répression[A 6]. Dans la journée, il passe dans plusieurs commissariats où il autorise verbalement ses hommes à tirer dès qu'ils se sentent menacés et leur donne sa parole qu'ils seront couverts, en leur indiquant, selon un compte-rendu syndical, que leurs supérieurs s'arrangeront pour trouver une arme sur les corps des Nord-Africains abattus[A 7]. Déjà en avril, dans un ordre du jour, il annonçait : « Les fonctionnaires de police peuvent faire usage de leurs armes lorsqu'ils sont menacés par des individus armés ou qu'ils ont des raisons de croire que leur vie est exposée. Vous êtes couverts par la légitime défense et par vos chefs ». Dans un rapport au ministre de l'intérieur daté du 9 octobre, il attire l'attention sur le « malaise profond décelé au sein des services (…) qu'il n'est pas possible de laisser s'aggraver (…) sans courir les plus grands risques »[A 8].

Depuis longtemps, Maurice Papon souhaite une accélération de la procédure judiciaire relative aux crimes terroristes. Les attentats visant essentiellement les policiers, chez eux se développe un vif ressentiment à l'égard de l'opinion, des partis de gauche, de la justice, dont ce qu'ils appellent la mansuétude les scandalise, et du pouvoir lui-même. Il s'ensuit parfois la tentation d'une dérive vers des comportements extrêmes et une sympathie grandissante pour l'OAS[A 9]. Cependant, Papon donne aussi des consignes tendant au respect de la légalité. Il signifie, dans une note de service au sujet des contrôles d'identité, que « gradés et gardiens se doivent de toujours garder leur sang-froid et d'éviter les brimades qui engendrent le ressentiment et la haine et qui font finalement le jeu de l'adversaire ». Il a pour principe, d'après ses mémoires, que « le dernier mot devra rester à nos forces. Seront ainsi sauvegardées les possibilités de manœuvre du Chef de l'État jusqu'à l'inévitable dénouement des négociations »[A 10].

Des sévices au quotidien

L'exaspération des fonctionnaires de police se traduit au cours des semaines qui précèdent le 17 octobre par une généralisation de la pratique de sévices. Les cas de mauvais traitements à l'égard de personnes originaires d'Afrique du Nord se multiplient, tant sur la voie publique que dans les commissariats et les centres de détention. Le nombre des dossiers de plaintes directes ou indirectes, dont certaines sont toutefois inexactes, voire « arrangées » dans une optique de recours judiciaire systématique[note 4], se monte à plus d'une centaine[A 11].

À l'occasion des divers contrôles d'identité et formalités administratives auxquelles doivent se soumettre les « FMA » (« Français Musulmans d'Algérie », comme on appelle alors les Algériens), le passage à tabac devient de plus en plus fréquent. La hiérarchie se montre souvent incapable de tenir ses hommes. Parmi les sévices exercés, figurent aussi la destruction des papiers d'identité ou le vol pur et simple, d'argent ou de montre. Encore le vol reste-t-il relativement rare, tandis que le bris volontaire des montres lors des passages à tabac est beaucoup plus répandu. Quand des plaintes sont déposées, l'IGS doit diligenter une enquête, mais, après les consignes du préfet de police Papon, le commissaire divisionnaire de l'IGS s'efforce généralement de dédouaner les hommes mis en cause[A 12].

Une dérive meurtrière généralisée

Au-delà des sévices « ordinaires », certains policiers se laissent aller à des violences beaucoup plus graves, dont pâtissent les suspects appréhendés après les attentats. Le 4 octobre, au cours de la réunion hebdomadaire du SCINA (Service de coordination des informations nord-africaines), son président demande si la recrudescence des découvertes de cadavres de FMA dans la Seine ne pourrait pas être consécutive à des représailles policières. Il lui est répondu par le représentant de la SCAA et celui des Renseignements généraux que l'on peut en attribuer une importante proportion au FLN, ainsi qu'au MNA, et que d'autre part le phénomène n'est pas uniquement parisien car « il se manifeste dans toute la France avec une égale intensité »[A 13].

Morts violentes de Nord-Africains en 1961
Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Août Sept Oct Nov Déc Total
Statistiques de la Préfecture de Police de Paris[A 14]
(dont homicides incertains)*
16
(0)
16
(2)
18
(3)
25
(5)
20
(2)
19
(1)
9
(5)
9
(0)
41
(9)
(jusqu'au 25)
73
(36)
- - 246
(63)
Statistiques du Parquet[B 7]
(Rapport Géronimi)
12
14
11
12
16
11
3
7
37
105
15
3
246
Entrées de corps à l'IML[A 14]
(dont homicides improbables)**
19
(2)
16
(0)
20
(5)
28
(8)
25
(3)
20
(1)
8
(3)
12
(2)
48
(9)
93
(25)
11
(2)
8
(0)
308
(60)
* Que sont les morts par submersion par opposition aux tués par balle, strangulation, coups de couteau etc.
** Dans cette catégorie se trouvent les cas douteux des décès par : maladie, accident du travail et suicide.


De ces statistiques se dégage une baisse sensible en juillet et en août, pendant les négociations, suivie d'une forte progression à partir de la mi-septembre et en octobre, puis d'un fort recul en novembre et décembre. En octobre, la majorité des homicides survient avant le 17[A 14]. La part qui en est imputable aux policiers, ou à des « groupes parapoliciers » qui ne semblent avoir existé que de manière limitée[note 5],[3], fait question :

  • Jean-Paul Brunet estime qu'une dizaine de cas peut correspondre aux méfaits de groupes « contre-terroristes » ou parapoliciers[A 15], même si aucun des commissaires en poste ne dit avoir entendu parler de ce type d'actions meurtrières[A 16] ; des policiers sont effectivement impliqués directement dans des affaires d'assassinat et de tentative d'assassinat[A 17], mais hormis les conséquences de la répression du 17 et des jours suivants, l'implication de la police dans le décompte macabre du mois d'octobre lui semble mineure[A 16]. Pour lui, jusqu'à preuve du contraire et « à titre d'hypothèse provisoire », les morts d'octobre d'avant le 17 seraient « en majorité imputables au FLN »[A 18] ;
  • au contraire, House et MacMaster, qui estiment qu'aucun élément ne vient étayer l'hypothèse d'une recrudescence d'assassinats fratricides au sein de la communauté algérienne, soutiennent que la majorité des homicides d'octobre découlerait des violences policières[B 8].

Les rapports de force politiques

House et MacMaster discutent de la situation paradoxale qui voit l'apogée de la violence survenir au moment où le gouvernement français et le GPRA entrent dans la phase finale des négociations. Un élément d'explication est que chacune des deux parties a précisément intérêt à négocier en position de force. Pour le GPRA, à la tête duquel le libéral Ferhat Abbas est remplacé le 27 août par Ben Khedda, perçu comme plus intransigeant, il importe que des manifestations de masse démontrent sa popularité, en même temps que le caractère pacifique des manifestations doit rassurer l'opinion publique et apaiser l'inquiétude des Pieds-Noirs sur l'avenir qui les attend dans une Algérie indépendante[B 9].

De Gaulle a également intérêt à lancer des messages tour à tour intransigeants et conciliants. Entre 1958, où il est poussé au pouvoir par les partisans de l'Algérie française, et les accords d'Évian qui scelleront en mars 1962 le sort d'une Algérie indépendante, il doit accompagner chaque nouveau pas vers l'indépendance par une attitude de fermeté, destinée à calmer ses soutiens initiaux. Cette même démarche le conduit, le 18 août, à refuser la démission du premier ministre Michel Debré, farouche partisan de l'Algérie française. En contrepartie, il lui laisse la plus grande liberté dans la conduite de la bataille contre le FLN, à commencer par le renvoi du garde des sceaux Edmond Michelet, qui ouvre la voie à des méthodes plus brutales. Debré s'accroche alors à l'espoir que les négociations puissent se faire avec une force plus modérée. Son conseiller Constantin Melnik a créé en juillet 1960 le FAAD (Front algérien d'action démocratique), expérience qui ne sera abandonnée, sur ordre de de Gaulle, que le 20 octobre, à la veille de la reprise des négociations avec le GPRA.

D'après House et MacMaster, c'est pour « mettre la pression » sur le FLN, de juillet à octobre 1961, que de Gaulle donne à Debré et ses proches suffisamment de liberté pour mettre en œuvre une stratégie d'intransigeance. À leurs yeux, l'extrême violence antialgérienne qui se déchaîne au cours des mois de septembre et d'octobre 1961 est moins le fait d'extrémistes incontrôlables au sein de la police que l'instrument d'une politique élaborée par le gouvernement[B 9].

Événements

Couvre-feu

Dans un contexte de violence croissante[note 6] qui voit augmenter les attentats du FLN contre les forces de l'ordre et se former des groupes « anti-terroristes » prêts à se faire justice eux-mêmes, et alors que le malaise général des policiers alimente une dérive meurtrière, le ministre de l'Intérieur et le préfet de police passent à l'action[A 19]. À la suite de la décision, prise en conseil interministériel le 5 octobre, d'instituer un couvre-feu envers les seuls Algériens[note 7], le préfet de police Maurice Papon « dans le but de mettre un terme sans délai aux agissements criminels des terroristes algériens » publie le communiqué suivant[A 20] :

« Il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement entre 20 h 30 et 5 h 30 du matin[A 20]. »

Il est également déconseillé aux Nord-Africains de circuler à plusieurs, les assassinats de policiers ayant été le fait de groupes de trois ou quatre hommes. Les « débits de boissons tenus et fréquentés par les Français musulmans » doivent fermer à partir de 19 h[A 20]. Ces mesures sont accompagnées d'une injonction à interpeller « tout Français musulman circulant en voiture » et placer le véhicule en fourrière « en attendant la décision du commissaire de police ou du Service de coordination des affaires algériennes »[4],[B 10].

Parallèlement, les services du SAT-FMA (« Service d'Assistance Technique aux Français Musulmans d'Algérie ») délivrent un grand nombre de laissez-passer, environ mille à quinze cents par semaine. Le 15 novembre, sur les 90 000 travailleurs algériens du département de la Seine, 14 000 auront obtenu un permis de circuler. Des dérogations sont aussi prévues pour les étudiants et les fonctionnaires de certaines administrations[A 18].

Des recommandations identiques, appliquées durant tout le mois de septembre 1958 après les attentats spectaculaires d'août précédent[A 21], avaient déjà permis de démanteler l'appareil FLN d'alors[A 22], sans susciter « aucune espèce d'observation ni de protestation[A 23] ». L'instauration d'un nouveau couvre-feu était d'ailleurs réclamée à mots couverts par le Comité permanent de Défense constitué des syndicats de police. Ainsi la CFTC voyait-elle dans cette mesure le moyen non seulement d'empêcher les attaques contre les forces de l'ordre mais aussi de diminuer le risque qu'une opération policière échappe au contrôle des autorités[A 24].

Ce couvre-feu rencontre cependant une forte opposition publique, non seulement des forces de gauche comme le parti communiste et la CGT, mais également du MRP. Le commissaire Dides, ancien député poujadiste, le présente comme « une manifestation de racisme contraire à nos traditions »[A 18]. Selon la constitution de 1958, les Algériens sont des citoyens à part entière et ne doivent pas être l'objet de mesures discriminatoires qui vont à l'encontre de la politique officielle d'assimilation. Aussi, trente députés algériens dénoncent-ils ces « mesures vexatoires, discriminatoires, pour ne pas dire racistes ». C'est d'ailleurs parce que le couvre-feu est légalement indéfendable que, selon le communiqué de Papon, il est seulement conseillé de s'abstenir de circuler la nuit. La police a naturellement donné à ce « conseil » un caractère obligatoire[B 10].

Si le couvre-feu représente une sérieuse gêne pour les travailleurs algériens, il entrave considérablement le FLN dans ses activités vespérales et nocturnes de réunions, de prélèvement des « cotisations », de préparation d'opérations, d'application de « sanctions » et d'exécutions sommaires. Jean-Paul Brunet en voit un signe dans l'évolution du nombre d'entrées de corps d'Algériens à l'Institut médico-légal, qui tombe à deux par jour en moyenne du 7 au 16 octobre. Ali Haroun admettra que la Fédération de France était en train d'étouffer et qu'elle se trouvait devant « un obstacle qu'il fallait coûte que coûte franchir »[A 25].

Riposte du FLN

Tout de suite après l'établissement du couvre-feu, le responsable parisien Zouaoui envoie au comité fédéral un rapport : il y mentionne le couvre-feu et la dureté de la répression engagée par Papon. Il préconise des actions nocturnes rassemblant hommes, femmes et enfants. Après avoir consulté en Belgique, le 10 octobre, les hommes de terrain, Zouaoui, Saddek et Omar Ouhadj, syndicaliste de l'AGTA (Amicale générale des travailleurs algériens), le comité fédéral conduit par Omar Boudaoud se réunit à Cologne et opte pour le boycottage du couvre-feu car l'organisation d'une manifestation de masse serait nécessairement victorieuse : « Si la police laissait faire, l'autorité du préfet serait bafouée. Si elle réagissait, elle manifestait ouvertement son racisme »[5]. Il prévoit une série d'actions articulée en trois phases. Tout d'abord des manifestations de masse à Paris, puis des manifestations de solidarité de femmes dans les villes de province, et enfin une grève de vingt-quatre heures accompagnée d'une grève de la faim dans les prisons. Le 14 octobre, Zouaoui transmet à son tour son plan d'actions détaillé au comité fédéral : Action de masse dans la soirée du mardi 17 octobre, grève des cafés, commerces et hôtels le 18 ; une seconde action de masse dans la soirée du 19 et une manifestation de femmes et d'enfants devant la préfecture de police le 20[B 11],[A 18].

Le mot d'ordre est donné aux militants qui ne doivent le communiquer à la base que dans la journée même du 17 octobre pour que la police soit au courant le plus tard possible. Le « boycottage du couvre-feu raciste » doit être pacifique, c'est pourquoi tous les Algériens, hommes, femmes et enfants doivent y participer. Le port d'armes, même les plus insignifiantes, est absolument interdit. Omar Boudaoud souligne que tout manifestant pris avec « ne serait-ce qu'une épingle sur lui serait passible de la peine de mort »[B 12], et des militants procèdent à des fouilles pour s'en assurer. Il est également demandé de rester sur le trottoir pour ne pas gêner la circulation. Les hommes seuls et les familles ont pour mission d'atteindre à 20 h 30 un certain nombre de lieux sur les principaux boulevards et places de la capitale[B 13]. La participation à la manifestation revêt un caractère obligatoire, les abstentionnistes et les récalcitrants sont gravement menacés : « Ceux qui resteront dans leur chambre seront abattus » ou s'exposent à « de très graves sanctions ». Effet d'un penchant majoritaire des Algériens en faveur du FLN, ou de leur crainte des sanctions[A 26], les directives sont largement suivies[A 27].

La direction de la Fédération de France n'ignorait pas les risques que la tension consécutive aux attentats contre les policiers faisait courir à l'action prévue. Elle a néanmoins lancé le mot d'ordre d'une manifestation pacifique dans le double but politique d'impressionner le gouvernement français et d'affirmer sa force face au gouvernement provisoire algérien de Tunis[6].

Mise en place du dispositif policier

Le « système Papon » établi entre juin 1958 et 1960 cherche à obtenir une connaissance approfondie de la communauté algérienne, l'information étant considérée comme l'élément le plus important dans la lutte contre la guérilla et les réseaux clandestins[note 8]. Il se concrétise par un ensemble de contrôles administratifs, de leurres, d'actes d'intimidation, d'inspections d'hôtels, de fichages et d'opérations de renseignements. Il tente de supplanter le FLN en reproduisant une domination analogue. Maurice Papon accentue l'efficience de son système à la fin du mois d'août 1961. Jim House et Neil MacMaster voient dans la tentative désespérée du FLN pour se libérer de cette menace l'origine immédiate de la manifestation du 17 octobre[B 14].

La police est très mal informée des événements qui se préparent et c'est, semble-t-il, dans la matinée du 17 que l'information parvient au cabinet de Maurice Papon[A 28]. À 16 h 20, tous les services de la préfecture de police reçoivent un télégramme informant que « Le FLN ordonne à tous les FMA de sortir ce soir 17 octobre en fin d'après-midi et en soirée sur les grands axes de la capitale […] afin de manifester pacifiquement contre les récentes mesures préfectorales ». Consigne est donnée dans ce même télégramme d'appréhender les manifestants, de conduire les hommes au Palais des sports, les femmes et les enfants au poste de police de la rue Thorel, dans le IIe arrondissement. Pour faire face à la manifestation, la préfecture mobilise 716 hommes de la police municipale[note 9], 662 hommes de la Gendarmerie mobile[note 10] et 280 CRS, soit au total 1 658 hommes, à peine quelques sections de plus que pour les journées de monômes du Bac, la préfecture ne s'attend pas à la déferlante qui se prépare. Jean-Paul Brunet voit dans cette faiblesse extraordinaire des effectifs l'un des facteurs ayant conduit à la violence de la répression[A 29]. Toutefois, pour Jim House et Neil MacMaster, le professionnalisme et l'expérience acquise par Maurice Papon conduisent à infirmer cette supposition[B 13].

La tension des policiers est extrême, car ils sont convaincus qu'ils vont affronter des manifestants violents et armés. Des informateurs leur ont précisé que les manifestants ne seraient pas armés mais, sur les fréquences radio des véhicules qui les conduisent à leurs lieux d'affectation, sont diffusées de fausses informations annonçant que dans tel arrondissement cinq policiers ont déjà été tués par les Algériens, que dans tel autre il y a une dizaine de policiers blessés. Certains messages annoncent, dès le début de la manifestation, dix morts parmi les forces de l'ordre, des rumeurs font état d'une vingtaine de morts et une centaine de blessés, exacerbant ainsi la violence policière[note 11],[A 30],[6]. Monique Hervo qui participe à la manifestation au pont de Neuilly témoigne du message radio mensonger suivant : « Il y a dix policiers tués à La Défense, plus de cent blessés ; les Algériens nous attaquent au couteau »[7].

Déroulement de la manifestation

C'est à Mohamed Zouaoui qu'échoit l'organisation de la manifestation. Il prévoit de concentrer les cortèges dans trois secteurs : la zone de l'Étoile pour les Algériens de la banlieue ouest, les boulevards Saint-Michel et Saint-Germain pour ceux de la banlieue sud et enfin les Grands boulevards pour ceux des banlieues nord et nord-est[A 30]. Le 17 octobre, il pleut en fin d'après-midi. Entre 20 000 et 30 000 Algériens, hommes, femmes et enfants, en habits du dimanche pour signifier leur volonté de dignité, commencent à se diriger vers les points de regroupements[B 13]. Il est possible qu'il y ait eu jusqu'à 50 000 manifestants ; deux évaluations internes du FLN parlent l'une de 28 000, l'autre de 40 000 personnes[8]. Paulette Péju, militante communiste engagée du côté du FLN[9] et journaliste à Libération, témoigne : « Trente, quarante mille Algériens brusquement sortis du sol, des Grands Boulevards au Quartier Latin, de la Concorde à l'Étoile »[10].

carte des manifestations
Les manifestations du 17 octobre 1961.

Du Pont de Neuilly à la place de l'Étoile

Zouaoui programme la plus importante des trois manifestations sur toute la longueur de l'avenue des Champs-Élysées, depuis l'Arc de triomphe de l'Étoile jusqu'à la place de la Concorde[B 15]. Une colonne de 10 000 personnes en provenance des bidonvilles et des quartiers populaires de la banlieue ouest (Nanterre, Bezons, Courbevoie, Colombes et Puteaux) se rassemble au rond-point de la Défense et se dirige vers le Pont de Neuilly en vue de gagner le secteur de l'Étoile. Cette colonne est bloquée au pont de Neuilly où est installée une section de la FPA, sept hommes du commissariat de Puteaux et ultérieurement une section d'une compagnie d'intervention, soit en tout 65 hommes.

Au pont de Neuilly se déroule un des affrontements majeurs de la soirée. Jusqu'à 19 heures, les policiers arrivent à faire face et dirigent au fur et à mesure 500 Algériens vers le commissariat de Puteaux. Mais vers 20 heures ils sont débordés par l'afflux de manifestants : « Ils arrivaient par autobus, camionnettes, voitures de tourisme. Par ailleurs nous savions que les bidonvilles de Nanterre et Colombes se vidaient et qu'une colonne de manifestants était en route pour Paris ». Ce petit groupe de policiers va faire face à trois vagues successives. La première vers 20 h 30 compte un millier d'Algériens environ, une seconde vingt minutes après d'environ 2 000 manifestants et une troisième un quart d'heure plus tard d'à peu près 4 000 personnes. « Cette masse était très impressionnante, composée de femmes hurlant des youyou, d'enfants ». Les forces de police laissent passer les femmes et les enfants mais refoulent impitoyablement les hommes[11]. Lorsque des milliers de manifestants sont au contact des policiers, ceux-ci font usage de leurs « bidules », ces longs bâtons en bois dur de 85 cm de long[12]. Ce contact direct est une suite d'affrontements confus et au corps à corps. Les policiers, assaillis de toutes parts doivent repousser des manifestants « qui s'accrochent à eux telles des abeilles à un essaim, en essayant de les déborder ». Une cinquantaine de manifestants arrivent quand même à passer. Des coups de feu sont tirés. La contrainte du FLN se fait plus pressante : quand certains tentent de fuir, des militants les en empêchent[13].

Jean-Paul Brunet expose qu'il est probable que les « chocquistes » du FLN aient tiré en l'air les premiers coups de feu afin de provoquer un affrontement qui permette de briser le barrage de police et d'attribuer les victimes possibles aux forces de police[A 31]. Du fait qu'aucun policier n'ait été touché, House et MacMaster penchent pour l'hypothèse de tirs venant des forces de l'ordre[B 15]. Que les policiers aient tiré et qu'ils se soient livrés à des actes d'une violence extrême n'est pas contesté. Un témoin affirme avoir vu « deux gardiens de la paix tirer en l'air pour tenter d'impressionner un groupe de Nord-Africains qui les bombardaient d'objets divers »[A 31]. Il y a eu des morts dans ce secteur et House et Macmaster déclarent qu'il n'est pas contestable que durant toute la nuit des hommes aient été jetés dans la Seine depuis les ponts de Neuilly, d'Argenteuil ou d'Asnières[B 15].

D'autres manifestants ont pu atteindre le secteur de l'Étoile par le métro, mais de nombreux cars de police se tiennent prêts à recevoir les Algériens qui sortent des bouches de métro pour les diriger vers les centres d'internement. Plus de 2 500 Algériens sont appréhendés dans ce secteur où les violences restent à un niveau modeste. Il en est de même dans les secteurs de la Concorde et dans une moindre mesure, de l'Opéra où 2 000 manifestants sont conduits aux centres d'identification[A 32].

Entre la place de la République et l'Opéra

Zouaoui avait eu l'idée de deux colonnes distinctes, l'une partant de République se dirigeant l'Opéra pour les Algériens vivant dans les arrondissements et les banlieues situées à l'est et au nord-est, l'autre pour ceux du nord et du nord-ouest qui marcherait vers République à partir de la place de l'Opéra ; mais les arrestations de masse au métro Opéra et dans les stations voisines empêchent le second regroupement. Par contre, les Algériens réussissent leur rassemblement place de la République et commencent à défiler en bon ordre en direction de l'Opéra. Ils brandissent des drapeaux et écharpes aux couleurs vertes et blanches du FLN et scandent les slogans « Algérie algérienne », « Libérez Ben Bella ». En voyant surgir cette masse de manifestants, les passants européens pris de peur se sauvent[14]. Puis la manifestation se heurte vers 21 heures à deux compagnies de CRS devant le cinéma Rex. Des coups de feu partent d'un car de police transportant des interpellés vers le commissariat de la rue Thorel et qui est bloqué par des manifestants. Les incidents de ce secteur sont particulièrement violents et sanglants, l'état de la voie publique sera comparable à celui du Pont de Neuilly : débris de verre, chaussures perdues, flaques de sang, nombreux blessés gisant sur le trottoir[A 33],[B 16]. Il semble n'y avoir eu sur place que des blessés mais l'un d'entre eux, le métropolitain Guy Chevalier, décède à son arrivée à l'hôpital[A 34].

Boulevards Saint-Michel et Saint-Germain

Le troisième secteur d'affrontements violents est celui des boulevards Saint-Michel et Saint-Germain, à proximité de la préfecture de police où les cars conduisent certains manifestants interpellés, plus d'un millier au total. À l'intersection entre les deux boulevards, les forces de police encerclent les manifestants qu'ils chargent et frappent. Pour échapper aux coups des policiers, plusieurs préfèrent se jeter du Pont Saint-Michel. Des échauffourées se prolongent jusqu'à 22 h 30 boulevard Saint-Germain et dans le secteur de Saint-Sulpice où des coups de feu sont tirés. Au cours de l'enquête consécutive, les policiers affirment avoir riposté aux tirs des Algériens ou avoir vu deux hommes « se retourner portant la main à la poche »[A 35],[B 16].

Dans les centres d'identification

De 17 h à minuit et demi, une noria de cars de police et d'autobus réquisitionnés débarquent entre 6 000 et 7 000 Algériens au Palais des sports de la porte de Versailles. Avec une moyenne de 40 personnes par véhicule, les détenus subissent un véritable entassement au cours de ces transports. Le Palais des sports étant saturé à partir de minuit et demi, les 32 derniers cars contenant 2 623 « FMA » (« Français musulmans d'Algérie », selon la dénomination de l'époque) sont dirigés vers le stade Pierre de Coubertin[A 36]. Des centaines de manifestants blessés ont été dirigés sur des hôpitaux. Dans cinq hôpitaux seulement, on compte 260 blessés hospitalisés. Jean-Paul Brunet note que sur ces 260 blessés, 88 sont entrés entre le 19 et le 21, ce qui témoignerait de la persistance des brutalités policières bien au-delà de la nuit du 17 octobre[A 37]. Parmi les policiers, une dizaine a été conduite à la Maison de santé des gardiens de la paix pour des blessures légères[A 36]. Certains des blessés hospitalisés viennent du Palais des sports où les 150 policiers qui assurent la garde des détenus se livrent à des brutalités dont le syndicaliste policier Gérard Monate dira dans les semaines suivantes « …d'après ce que nous savons, il y a eu une trentaine de cas absolument indéfendables »[A 36]. Tous les internés ne sont pas systématiquement frappés au Palais des sports, mais des sévices sont également exercés avant l'arrivée, dans les commissariats ou pendant les transports[A 36] au Palais des sports, au stade Coubertin, au Parc des expositions, certains au Centre d'identification de Vincennes pour être ensuite expulsés vers l'Algérie[15]. Jean-Luc Einaudi a recueilli nombre de témoignages d'appelés du contingent affectés au service sanitaire, d'assistantes sociales et même de certains policiers décrivant la « vision d'horreur » qui les a saisis à l'entrée du Palais des sports ou du stade Pierre de Coubertin[16]. Les sévices sur les détenus se poursuivent jusqu'au 20 octobre où la salle de spectacle doit être libérée pour un concert de Ray Charles[B 17].

Dans la cour de la préfecture de police de l'île de la Cité les 1 200 détenus sont reçus par des « comités d'accueil ». Vingt blessés graves, souvent victimes de traumatisme crânien, doivent être évacués vers l' Hôtel-Dieu et d'autres hôpitaux[A 38],[B 17].

18 octobre et jours suivants

Le FLN avait prévu une grève générale des commerçants nord-africains et une nouvelle manifestation sur la voie publique, mais il ne bénéficie plus de l'effet de surprise. À 12 h 30, 60 % des quelque 1 400 commerces concernés sont effectivement fermés et pour les faire rouvrir les simples admonestations policières restent sans effet. Il faut attendre 17 heures pour qu'un ordre soit donné d'arrêter les commerçants grévistes. 79 commerçants sont effectivement arrêtés, la menace est assez efficace pour faire rouvrir les commerces à partir de 18 h 30[A 39].

Pour les manifestations de la soirée, l'encadrement du FLN est considérablement affaibli par les arrestations de la veille, alors que la police a mobilisé 3 000 hommes, substantiellement plus que les 1 658 de la veille. La préfecture de police a fait le choix, ce soir-là, de privilégier la dispersion énergique aux arrestations massives. Les 1 856 arrestations du 18 octobre s'ajouteront quand même aux 11 518 de la veille. Dans ces conditions, les seules véritables manifestations rassemblant quelques milliers de personnes se déroulent en banlieue, à Nanterre et à Colombes. À Nanterre, un véhicule de police est atteint par une balle. Les policiers ripostent, faisant huit blessés[A 39].

Le 20 octobre est prévu pour être la journée des femmes et des enfants (qui doivent manquer l'école et accompagner leurs mères), car la répression et les arrestations massives excluent toute nouvelle action d'Algériens de sexe masculin. Les manifestantes, peu nombreuses, se sont fait intercepter pour la plupart aux arrêts d'autobus, dans les gares, voire dès la sortie de chez elles. On observe qu'une cinquantaine de femmes musulmanes avaient trouvé asile à la Maison départementale de Nanterre afin de ne pas aller manifester[17]. Le plus grand nombre est conduit à l'hôpital Saint-Anne. Le bilan établi par la préfecture de police en fin de soirée indiquait que 979 femmes et 595 enfants avaient été conduits dans les centres et foyers sociaux, puis en cours de soirée, ramenés par une vingtaine d'autobus réquisitionnés et déposés à proximité de leur domicile[A 40],[B 18].

Dénombrement des morts

Dès le lendemain, la préfecture de police communique un bilan se montant à deux morts parmi les manifestants[18]. De fait, les archives de l'institut médico-légal de Paris n'enregistrent aucune entrée de corps de Nord-Africain à la date du 17 octobre[A 41],[19]. Établie fin octobre, une liste, que la mission Mandelkern retrouve dans les archives du cabinet du préfet, dénombre sept décès survenus dans le ressort de la préfecture de police[20].

Le 20 octobre, un communiqué du GPRA soutient que le nombre de morts s'élève « à près de cinquante, parmi lesquels plusieurs femmes », que « les blessés se chiffrent par centaines » et qu'il y a « plus de cent disparus ». Le lendemain, L'Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) affirme que « des dizaines d'Algériennes et d'Algériens sont tombés sous les balles des colonialistes ». Cependant le FLN n'a jamais avancé le nom d'une seule femme tuée ni prouvé que les fusillades aient eu plus qu'un caractère très limité[A 41].

En 2006, House et MacMaster notent que la question du nombre exact d'Algériens tués par les forces de l'ordre reste la question la plus ardemment débattue, les deux protagonistes de cette bataille de chiffres étant Jean-Luc Einaudi et Jean-Paul Brunet. Les historiens britanniques qualifient de minimaliste l'estimation de Brunet, de 30 à 50 morts pour le 17 octobre et les journées suivantes. À propos des décès recensés par Einaudi, ils relèvent que sur les 246 dont la date est connue, 141 ont été enregistrés avant le 17 octobre[note 12] : les chiffres de Brunet et d'Einaudi couramment cités ne concernent donc pas la même période[B 19]. Jean-Paul Brunet relève lui-même que dans la liste de 393 victimes dressée par Jean-Luc Einaudi, 57 seulement sont décédées les 17 et 18 octobre : « la répression ne serait donc responsable que d'une minorité des morts algériens »[21]. Par ailleurs, de nombreuses disparitions s'expliquent par le refoulement en Algérie de plus de 1 781 militants dans les semaines qui suivent[B 20].

Ces questions de période mises à part, il n'en subsiste pas moins des divergences, notamment pour désigner les meurtriers des 109 victimes algériennes enregistrées par l'institut médico-légal à l'automne 1961. Jean-Paul Brunet « reste abasourdi » de voir Jean-Luc Einaudi attribuer « systématiquement à la police française toutes les morts de Nord-Africains »[21]. Il impute pour sa part un grand nombre d'entre elles au FLN[A 18], alors que dans l'ensemble, House et MacMaster se rangent du côté d'Einaudi et en attribuent l'essentiel aux violences policières, tout en y ajoutant un nombre considérable de morts non enregistrés par l'institut médico-légal[B 8].

En effet, un autre aspect de la question concerne la possibilité que des corps n'aient pas été retrouvés et n'aient pas été enregistrés à l'institut médico-légal. Pour Brunet, la culture policière rejette toute dissimulation de cadavres[22]. Pour House et MacMaster, on peut cependant penser que « certains corps ont été enterrés en secret plutôt que d'être remis aux autorités françaises tant redoutées[B 15] ». Brunet rejette cette possibilité : « hormis peut-être quelques cas extrêmes, on voit mal comment dans un pays démocratique cette éventualité aurait pu se produire et comment, après presque un demi-siècle, des restes humains n’auraient pas été retrouvés[22]. »

Répercussions politiques

Réactions de la presse

Dans la nuit du 17 au 18 octobre, Maurice Papon publie un communiqué annonçant que la police a dispersé une manifestation à laquelle la grande masse des Algériens avait dû participer sous la contrainte du FLN et que « des coups de feu avaient été tirés sur les forces de police qui avaient répliqué », faisant deux morts et plusieurs blessés. Il révèle également qu'une douzaine d'officiers de police se trouve hospitalisés et déclare le renvoi prochain en Algérie d'une majorité de manifestants arrêtés. Dans la nuit du 18 lors d'une session de l'Assemblée Nationale, le ministre de l'Intérieur Roger Frey présente une version similaire[B 21].

La censure en vigueur incitant à la prudence, c'est le point de vue officiel que reflète la presse quotidienne du 18 au matin. Dès le 19, les journaux publient une version plus détaillée des événements car de nombreux journalistes se rendent, et pour la première fois, dans les bidonvilles de la banlieue parisienne. Ils y découvrent les signes d'une violence policière qui a sévi non seulement le 17 mais aussi dans la période précédente[B 21].

Si l'Humanité et Libération réfuteront nettement le bilan gouvernemental, même le Figaro publie des articles sur les exactions commises par la police, évoquant par exemple des « scènes de violence à froid » dans les centres d'internement. Le Monde rendra également compte de ces conditions de détention exécrables et de l'invraisemblance des annonces officielles, mais dans l'ensemble, la presse populaire, le Parisien libéré, l'Aurore, Paris Match reproduisent la version officielle à laquelle va adhérer tout naturellement la majorité de la population française[B 22]. Jacques Fauvet, à l'époque rédacteur en chef adjoint au quotidien le Monde, estimera dans son éditorial du 19 octobre que : « Le FLN ne manquera pas d'exploiter les sanglants incidents de Paris, et les atroces "ratonnades" d'Oran. Pourtant il en porte la responsabilité puisque, ici et là, c'est le terrorisme musulman qui est à l'origine de ces drames. »[23]

Le numéro de Témoignage chrétien daté du 27 octobre consacrera un dossier complet au massacre des Algériens, avec un éditorial d'Hervé Bourges[24] et le témoignage et les photos d'Élie Kagan. D'autres photos de ce dernier paraîtront dans le journal de gauche France Observateur. La radio, en revanche, ne révèle pas les événements et la télévision française (il n'y a à cette époque qu'une seule chaine, qui est une chaine d'État) raille la presse américaine, accusée d'avoir affirmé que « la Seine charriait des cadavres d'Algériens ». L'ensemble des revues de gauche, l'Express, Esprit, les Temps modernes, au sujet de la violence de la semaine du 17 au 20 octobre, soulignent à quel point la répression en France ressemble à ce qui se passe en Algérie[B 22].

Réactions des parlementaires

Le ministre de l'Intérieur, devant l'Assemblée nationale le 19 octobre, faisait valoir qu'« on aurait pu liquider l'affaire en moins de deux heures de temps. Un régiment de paras aurait en effet flanqué 500 musulmans par terre. C'est pourquoi on n'a pas fait venir les paras pour ne pas avoir 500 musulmans tués »[A 42].

À la fin du mois d'octobre, Maurice Papon et le ministre de l'intérieur Roger Frey doivent faire face à un feu roulant de questions embarrassantes, d'abord au conseil municipal de la ville de Paris le 27, puis à l' Assemblée nationale le 30 et enfin au Sénat le 31. Au conseil municipal de Paris, Claude Bourdet demande s'il est vrai qu'aucun policier n'a été blessé par balle, que des rumeurs faisant état de morts de policiers se sont propagées la soirée du 17, sur les ondes de la police, que 50 Algériens ont été tués dans la cour de la préfecture, et s'il est vrai, enfin, que 150 cadavres ont été repêchés dans la Seine. Papon répond : « la police parisienne a fait ce qu'elle devait faire »[25]. La demande de Claude Bourdet de constitution d'une commission d'enquête est rejetée par 43 voix contre 39. À l'Assemblée nationale, c'est le député Eugène Claudius-Petit, de sensibilité Centre-gauche qui lance une attaque féroce contre la police mettant en évidence les incohérences de la version du ministre de l'intérieur. Il lance dans l'hémicycle : « la bête hideuse du racisme est lâchée »[25]. Au Sénat, c'est le socialiste Gaston Defferre qui lance l'attaque, se fondant sur un dossier préparé par Hervé Bourges. Frey répond en défendant les policiers, victimes des terroristes et maintenant en butte à des « rumeurs odieuses » et à une campagne de « dénigrement ». Il ne peut refuser la création d'une commission d'enquête, mais la veille du débat au Sénat, des informations judiciaires sur la mort de 27 algériens avaient été connues et le 30 novembre Frey se retranchera devant la loi qui interdit la constitution de commissions d'enquête pour les affaires traitées par la justice pour déclarer qu'il était délié de son engagement avec Defferre[B 23].

Position du gouvernement français et du GPRA

On sait très peu de choses sur les réactions aux événements d'octobre au plus haut niveau du pouvoir. Ni de Gaulle ni ses ministres ne font mention des événements dans leurs mémoires ou dans des confidences recueillies par tel ou tel. Le 28 octobre, lorsque les émissaires français et algériens se rencontrent à nouveau à Bâle, les dirigeants français comme ceux du FLN reconnaissent implicitement qu'il est dans leur intérêt mutuel d'oublier les événements sanglants du 17 octobre pour pouvoir passer à autre chose. House et MacMaster citent Malek, l'un des négociateurs algériens, qui observe que le GPRA voit dans le 17 octobre la « démarche classique de tout pouvoir établi d'accroître la pression sur l'ennemi au moment même où l'on s'apprête à négocier avec lui »[26],[B 9].

Une triple occultation

Afin d'éviter d'irriter les négociateurs français pendant le déroulement des pourparlers de paix, le GPRA met sous le boisseau les événements du 17 octobre. Il choisit de s'intéresser en priorité à l'action des membres FLN emprisonnés qui commencent le 1er novembre, date anniversaire de la Toussaint rouge, une grève de la faim de trois semaines. Le mutisme de l'État français, le durcissement des discours contre l'OAS, la sévère répression des manifestations de gauche conduisent à l'occultation du 17 octobre et dès la mi-novembre il ne reste plus que trois journaux à s'y référer[note 13],[B 24].

La gauche, qui éprouvera un sentiment de honte et de culpabilité pour n'avoir pas tenté d'empêcher la manifestation mais aussi du fait de son absence de réaction face à la répression développera « par la suite un besoin de « rattrapage » et de compensation politique »[B 24].

D'autres violences liées à la fin de la guerre d'Algérie, comme les provocations de l'OAS, la fusillade de la rue d'Isly le 26 mars 1962, les représailles contre les pieds-noirs et enfin l'assassinat de plusieurs dizaines de milliers de harkis ont conduit à effacer des mémoires le souvenir d'octobre 1961[B 25], d'autant plus que le gouvernement édicte dès mars 1962 un décret d’amnistie portant sur l’ensemble des crimes et délits commis en relation avec les opérations de maintien de l’ordre lors de la guerre d'Algérie[27].

Derrière l'absence d'écho donné à ces événements pendant près de trois décennies, on trouve en premier lieu le désir de l'État français de nier les faits et de les dissimuler, ensuite la crainte de la part de la gauche institutionnelle que ce drame ne recouvre la mémoire de la manifestation de Charonne contre l'OAS en février 1962, enfin le souhait des premiers dirigeants de l'Algérie indépendante qu'on évite de parler d'une mobilisation organisée par des responsables devenus pour la plupart des opposants[B 26]. Trois désirs d'oubli ont ainsi convergé pour fabriquer ce long silence[28].

Historiographie et aspects mémoriels

Plaque commémorative implantée sur une passerelle d'Aubervilliers, sur le canal Saint-Denis.

Des événements à La Bataille de Paris

Mandatée par la Fédération de France quelques jours avant la manifestation, Paulette Péju rédige rapidement un récit détaillé des événements d'octobre, qui sera publié en novembre par François Maspero. L'ouvrage, intitulé Ratonnades à Paris et présenté comme un recueil d'articles de presse, sera promptement interdit à la vente[B 27]. De novembre 1961 à mars 1962, Jacques Panijel, par ailleurs membre du comité Audin, tourne Octobre à Paris à partir de témoignages de victimes. Ce documentaire est ensuite projeté clandestinement à Paris, Cannes ou Venise et en différentes occasions. Le visa d'exploitation lui est accordé tardivement en 1973, grâce à René Vautier, sans que sa diffusion soit pour autant envisagée. Il a finalement été distribué dans quelques salles en octobre 2011, à l'occasion du cinquantenaire des événements[A 43],[29].

L'année 1985 voit paraître le premier livre important, dû à Michel Levine : Les Ratonnades d'octobre : un meurtre collectif à Paris en 1961[30]. L'ouvrage, pratiquement ignoré des critiques et du public lors de sa parution, avait été précédé en 1984 d'un roman de l'écrivain Didier Daeninckx, Meurtres pour mémoire, qui évoque sans le nommer Maurice Papon, en liant un ancien collaborateur au massacre de 1961[31]. En 1986, Ali Haroun, l'un des cinq membres du comité fédéral de la Fédération de France du FLN basé à Cologne, publie La 7e Wilaya[32], qui donne des informations sur la Fédération de France et notamment sur la journée du 17 octobre[A 43]. L'année suivante, Mohammed Harbi, lui aussi ancien membre du comité fédéral, publie dans la revue Sou'al d'autres documents provenant du FLN et concernant l'organisation de la journée du 17. Autre témoin, mais de l'autre côté, Maurice Papon publie en 1988 les Chevaux du pouvoir[33], où il valorise son rôle dans la défaite du FLN et maintient ce qui était en 1961 la version officielle des événements[B 28].

En 1991, paraît La Bataille de Paris, 17 octobre 1961 de Jean-Luc Einaudi, que House et MacMaster ont qualifié par la suite de « travail le plus remarquable et le plus influent de tous ceux publiés à cette date sur les événements », mais que Jean-Paul Brunet condamne, selon lui, tant pour son manque de professionnalisme que pour son point de vue militant[34],[35]. Einaudi qui n'a pas eu accès aux archives de la police, a tiré un certain nombre d'informations nouvelles des archives d'Ali Haroun et de témoignages tant français qu'étrangers. À l'époque à laquelle sort son livre, le public est beaucoup plus réceptif que six ans avant, lorsque Levine avait publié le sien. À la suite de son travail, Anne Tristan publie un recueil photographique, Le Silence du Fleuve[36], et les documentaristes britanniques Philip Brooks et Alan Hayling produisent pour la télévision le documentaire qui sera diffusé le 2 mars 1993 par France 3[B 28].

Depuis le procès de Maurice Papon

Maurice Papon en 1945.

Le procès très médiatisé de Maurice Papon, qui se déroule entre octobre 1997 et avril 1998, provoque un regain d'intérêt pour les événements d'octobre auxquels l'accusé avait été mêlé de près. Bien que les chefs d'accusation portent strictement sur la période de l'occupation, Einaudi est appelé à témoigner sur le rôle de Papon dans les violences de 1961. La publicité entourant le procès amène le ministre de l'intérieur, Jean-Pierre Chevènement, à créer une commission chargée d'examiner les archives de la police sous la présidence de Dieudonné Mandelkern, qui remet discrètement son rapport à la presse en mai 1998. Trois historiens, dont Jean-Paul Brunet qui avait déposé une demande dès avril 1992[A 44], sont alors autorisés à accéder aux documents originaux contenus dans les archives. Le 3 juin 1998, la ministre de la justice, Élisabeth Guigou, crée, pour examiner les archives judiciaires, une autre commission d'enquête dirigée par Jean Géronimi[B 28].

Le , Maurice Papon porte plainte pour diffamation contre Jean-Luc Einaudi, qui a écrit dans le journal Le Monde du 20 mai : « En octobre 1961, il y eut à Paris un massacre perpétré par des forces de l’ordre agissant sous les ordres de Maurice Papon »[37],[38]. L'ancien préfet de police est débouté de sa demande en mars 1999, au motif que l'« on ne saurait faire grief à un historien […] d'avoir manqué de circonspection […] dans une formule conclusive », et Jean-Luc Einaudi relaxé au bénéfice de la bonne foi[39]. La présence au procès de nombreux témoins des événements éveille l'intérêt des médias[B 28].

L'exploitation des archives permet à Jean-Paul Brunet de publier en 1999 Police contre FLN, où il conclut à un nombre de victimes des violences policières bien inférieur à celui mis en avant par Jean-Luc Einaudi[B 28]. Reprenant la question dans le numéro de novembre 2001 de la revue Esprit, Paul Thibaud estime qu'« Einaudi entasse les pièces d'un réquisitoire alors que Brunet essaie d'écrire une histoire »[40] ; ainsi, « beaucoup des résumés d'enquête qu'Einaudi nous livre ne permettent pas de savoir qui a tué » mais, suivant un « choix global et politique », les décès sont mis au compte de la police afin d'exonérer le FLN « des visées totalitaires » que lui attribue Brunet[41]. Dans son livre Charonne : Lumières sur une tragédie, publié en 2003, celui-ci revient à nouveau sur les manifestations du 17 octobre 1961. Y voyant le point de départ de la « construction d'une légende », il s'attache à démontrer les inexactitudes de Jean-Luc Einaudi. Sans nier la violence de la répression policière, il affirme que la thèse du « massacre général » est un « mythe forgé pour les besoins d'une cause militante bien incertaine » par un auteur dont « la vérité historique n'est pas le souci premier »[note 14],[21].

Dans Paris 1961, les Algériens, la terreur d'État et la mémoire, publié en anglais en 2006 et traduit en français en 2008, Jim House et Neil MacMaster notent que « la question controversée de l'échelle de la répression de 1961, de plus en plus politisée, devient un élément essentiel des enjeux mémoriels de la guerre d'Algérie »[B 28]. Sarah Howard, autre historienne britannique, critique leur partialité, notamment concernant le nombre de victimes, envers Jean-Paul Brunet[42]. Ce dernier, revenant en 2008 sur l'étude de House et MacMaster, parle de « dénaturation de l'histoire » par une attitude d'enquête « politiquement correcte » : il reproche aux deux Britanniques de porter contre la préfecture de police une accusation grave, celle d'avoir elle-même ordonné des meurtres, sans l'étayer par aucune preuve ; il relève de plus qu'ils n'évoquent nulle part le cas des Algériens pourtant nombreux, selon lui, à avoir refusé d'obéir aux directives du FLN et à l'avoir payé de leur vie[43].

Christian Chevandier, spécialiste d'histoire des pratiques professionnelles, étudie ce qu'il appelle les « massacres à Paris » dans un chapitre de son histoire des gardiens de la paix[44] et met en perspective le 17 octobre 1961 avec février 1934, le 14 juillet 1953 et Charonne.

Mises en cause de la qualification de massacre

L'historien Jean-Paul Brunet, qui estime de trente à cinquante les victimes décédées, indique que vu le « nombre limité de morts, on ne peut en bon français parler de massacre »[B 29]. S'appuyant sur une autre définition, les deux auteurs anglais House et MacMaster renoncent au titre Paris massacre parce qu'il ne s'agit pas d'un « événement isolé, explosif, survenu en un lieu et un moment unique »[B 30].

Pendant le procès en diffamation intenté par Maurice Papon à l'écrivain Jean-Luc Einaudi, et face au substitut Lesclous qui utilise le terme massacre, Me Varaut soutient que « La police n'était pas préparée pour faire une Saint-Barthélémy. Ce n'était pas un massacre ! »[38]

Considérant le graphique des entrées de corps à l'Institut médico-légal de Paris, l'historien Bernard Lugan conclut que « le 17 octobre 1961, il n’y eut pas de massacre d’Algériens à Paris »[45].

Commémoration et reconnaissance officielle

Daniel Goldberg, Jacques Salvator et Didier Daeninckx à un hommage aux victimes, le 17 octobre 2008 à Aubervilliers.

Le , le maire de Paris, le socialiste Bertrand Delanoë, inaugure une plaque commémorative sur le pont Saint-Michel[46]. Le même jour Jacques Floch, secrétaire d'État à la Défense chargé des anciens combattants évoque à l'Assemblée nationale « un couvre-feu appliqué sur la base du faciès ». La plupart des députés du RPR et de Démocratie libérale quittent alors l'hémicycle en critiquant la « récupération politique » de cet événement.

Le , le Président de la République François Hollande publie un communiqué : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes »[47].

Maître de conférences à l'université Paris-I, l'historienne Raphaëlle Branche, spécialiste de la guerre d'Algérie, remarque: « Pour la première fois, et il était temps et c'est un progrès important, un président de la République reconnaît ce qui s'est passé le 17 octobre 1961. Mais il ne dit pas qui a commis la « sanglante répression », en l'occurrence la police parisienne, qui a agi sous les ordres du préfet de police, Maurice Papon, lui-même sous l'autorité du gouvernement du général de Gaulle. » Le communiqué est muet sur le déroulement de la manifestation comme sur le nombre de victimes et, alors que sur la plaque du pont Saint-Michel la manifestation est dite « pacifique », François Hollande ne la qualifie pas[48].

Plusieurs figures de l'UMP ont réagi vivement à cette déclaration présidentielle. François Fillon dénonçant par exemple la « culpabilité permanente » de la France ou Christian Jacob, président du groupe UMP à l'assemblée nationale, publiant un communiqué déclarant qu'il est « intolérable de mettre en cause la police républicaine et avec elle la République toute entière[49]». En retour Harlem Désir condamne au nom du Parti socialiste « avec la plus grande fermeté » ces propos estimant que par eux « M. Jacob se fait l'avocat indécent d'une répression qui a enfreint, ce soir du 17 octobre 1961, toutes les valeurs et toutes les règles fondamentales de la République »[50].

Le premier ministre algérien Abdelmalek Sellal salue « les bonnes intentions », tout en regrettant l'absence d'excuses officielles[51].

Médias

Bibliographie

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Littérature

Filmographie

Musique

Notes et références

Notes

  1. À cette époque, les 350 000 travailleurs immigrés algériens représentent la communauté « coloniale » la plus importante en Europe.
  2. Les premières négociations d'Évian débutent le 20 mai 1961, les pourparlers de Lugrin se tiennent à la fin du mois de juillet et pendant le mois d'août(Brunet 1999, p. 74-82).
  3. Le GPRA vient alors d'obtenir la reconnaissance du caractère algérien du Sahara(Brunet 1999, p. 74-82).
  4. Dans une consigne de 1959, la Fédération de France recommande : « Le patriote algérien devra en toutes circonstances, quand il sera présenté au juge d'instruction, dire qu'il a été battu et torturé. Il devra mentionner qu'on a fait passer du courant électrique dans son corps, dire qu'il a été brûlé avec des cigarettes et battu avec un nerf de bœuf, sans donner trop de détails qui risqueraient de le faire se couper (...). Le patriote algérien ne devra pas hésiter à se brûler lui-même (...), se donner des coups contre le mur, une table... de façon à montrer au juge les traces. Il ne devra jamais se confier à un avocat désigné d'office, mais il devra parler à l'avocat que le Front lui aura envoyé. Que chaque responsable diffuse largement mais verbalement (ces consignes) dans les réunions. Il convient de les apprendre par cœur et de les détruire après. »(Brunet 2003, p. 55)
  5. Il n'existe, concernant ces groupes, que des présomptions : ils auraient été constitués par des policiers entrés dans la voie d'une sorte de contre-terrorisme, pour se faire justice eux-mêmes en dehors de leurs heures de service(Brunet 2003, p. 51).
  6. Du 2 au 4 octobre, 24 corps de Nord-Africains sont enregistrés à l'Institut médico-légal. Presque tous sont victimes d'homicides, 9 ne peuvent être identifiés(Brunet 1999, p. 163).
  7. Le 15 novembre suivant devant le Conseil général de la Seine, le député Lafay estimera qu'il n'y avait pas d'autre issue et qu'il fallait appliquer cette mesure « à la fois regrettable et nécessaire »(Brunet 1999, p. 165).
  8. Basé à la préfecture, le Service de coordination des affaires algériennes (SCAA) en est le rouage principal. Sa division la plus novatrice étant le Service d'assistance technique aux Français musulmans d'Algérie (SAT-FMA).
  9. Dont 506 pour le maintien de l'ordre sur la voie publique, 44 pour les Centres d'identification, 50 pour le « Service Élysée » et 116 pour les réserves (Réserve Cité et réserve Roule).
  10. Dont 300 pour le maintien de l'ordre sur la voie publique, 112 pour les Services permanents, 175 pour le « Service Élysée » et 75 pour les Centres d'identification.
  11. Raoul Le Tard, alors gardien de la paix confirme :« Les informations communiquées par radio étaient toutes alarmistes (...) On avait cru que des gardiens de la paix étaient morts de droite et de gauche »
  12. Dans la liste de Jean-Luc Einaudi se trouvent plusieurs corps non identifiés ; des Algériens morts des suites d'un suicide ou d'un accident ; au moins 8 victimes mentionnées deux fois ; Jean-Paul Brunet y découvre aussi un harki(House et MacMaster 2008, p. 441).
  13. Il s'agit de L'Humanité, Libération et Le Monde.
  14. Jean-Paul Brunet précise l'engagement de Jean-Luc Einaudi au Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF) de 1967 à 1982 et ses fonctions de rédacteur en chef de L'Humanité rouge, qui « chantait les louanges des Khmers rouges et des bons présidents chinois Mao, nord-coréen Kim Il-sung et albanais Enver Hodja ». Signalant aussi son attitude négationniste à l'égard des crimes contre l'humanité commis par Pol Pot et Mao-Tse-Toung(Brunet 2003, p. 35-36), il conclut : « il est grave qu'une fraction de la société française d'aujourd'hui se soit laissée abuser » par son manque de professionnalisme(Brunet 2003, p. 40).

Références

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Voir aussi

Plaque commémorative du 8 février 1962 à la station de métro Charonne.

Articles connexes

Liens externes