Marmelade (confiserie)

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Marmelade de bigaradier avec morceaux, recette revendiquée par la ville de Dundee en Écosse.

La marmelade (du portugais : marmelada[1]) est une confiture d'origine portugaise[2],[3],[4] faite à partir du jus et de la peau d’agrumes bouillis avec du sucre et de l’eau. Aujourd’hui, le terme désigne plutôt une confiture à base d’agrumes ou alors une préparation très épaisse dans laquelle les morceaux de fruits ne sont pas totalement pris en gelée : la marmelade peut aussi être faite avec des citrons, des limes, des pamplemousses ou des mandarines, voire d'autres agrumes. Le fruit habituellement utilisé en Grande-Bretagne est la bigarade, originaire de Séville. Le taux en pectine de ce fruit est plus élevé que celui de l’orange. L’amertume du bigaradier oblige à le consommer en marmelade.

Origines[modifier | modifier le code]

Pots de marmelade et fruits

Dès l’Antiquité, les Romains et les Grecs découvrent que la cuisson lente des coings avec du miel durcit le mélange en refroidissant. De re coquinaria, un livre de cuisine romain attribué à Apicius, donne une recette pour conserver les coings entiers, avec les tiges et les feuilles, en les plongeant dans un bain de miel et de defrutum. La conservation des coings et des citrons, ainsi que celle des roses, des pommes, des prunes et des poires, est évoquée dans le Livre des Cérémonies de l’empereur byzantin Constantin VII Porphyrogénète, livre « qui n’est pas seulement un traité sur l’étiquette des banquets royaux au IXe siècle, mais aussi un catalogue de la nourriture disponible alors et des plats cuisinés avec »[5].

La confiture de coing médiévale, appelée en français cotignac, commence à perdre son assaisonnement d’épices au XVIe siècle. Au XVIIe siècle, La Varenne propose toujours deux recettes de cotigna, une épaisse et une claire[6].

En 1524, le roi Henri VIII reçoit une « boîte de marmelade » de la part de Monsieur Hull d’Exeter[7]. Étant dans une boîte, il est plus probable que le cadeau ait été de la pâte de coing en provenance du Portugal.

Ancien appareil à peler les agrumes

Étymologie[modifier | modifier le code]

Selon le Trésor de la langue française, « marmelade » vient du portugais marmelada qui signifie « confiture de coing »[8],[9]. Selon le Dicionário Etimológico da Língua Portuguesa[10], l’occurrence la plus ancienne du mot est trouvée dans une pièce de Gil Vicente, la Comédia de Rubena écrite en 1521[11] :

Marmelade sur du pain

« Temos tanta marmelada

« Que minha mãe vai me dar um pouco »[12] »

Marmelo, le mot portugais pour « coing », dérive lui-même du latin melimelum (« pomme de miel »)[13] qui provient du grec ancien μελίμηλον / melímēlon[14],[15],[16].

L’origine portugaise du mot « marmelade » se trouve aussi dans des lettres de William Grett adressées à Lord Lisle le  : « J’ai envoyé à sa seigneurie une boîte de marmaladoo. » et dans celles envoyées par Richard Lee le  : « Je remercie du fond du cœur sa seigneurie pour sa marmalado[6]. »

L’étymologie populaire faisant dériver marmelade du français « Ma’am est malade » est fausse. Cette origine viendrait de l’utilisation d’un mélange de coing et de sucre préparé par un chef français comme médicament contre le mal de mer par Marie Ire d'Écosse lors d’une traversée entre la France et l’Écosse[17]. Il existe une étymologie populaire similaire basée sur Marie-Antoinette.

Le terme marmelade peut être utilisé dans d’autres langues à désigner les confitures de n’importe quel fruit, comme le mot espagnol mermelada. Au contraire, le mot portugais marmelada désigne principalement la pâte de coing[18].

Marmelade de Dundee[modifier | modifier le code]

La ville écossaise de Dundee a une longue histoire avec la marmelade[19],[20]. En 1797, James Keiller et sa mère Janet ont une petite boutique de confitures à Dundee. Ils ouvrent une usine pour produire de la Marmelade de Dundee[21], une marmelade contenant des gros morceaux d’orange[22]. Cette attribution de l’invention de la marmelade d’orange en 1797 à Keiller est discréditée par la phrase « ma femme a fait de la marmelade pour vous » dans une lettre de James Boswell au docteur Johnson le [23].

Le cryptologiste américain Lambros D. Callimahos était un grand amateur de marmelade de Dundee et avait créé avec ses étudiants un groupe informel appelé la Dundee Society.

Législation[modifier | modifier le code]

En France, si le terme est régulièrement associé à tout type de fruits, une directive française datant de 1979 dispose que le terme « marmelade » ne peut s’appliquer qu’à des produits élaborés à partir d’agrumes : oranges douces ou amères, citrons, pamplemousses, cédrats, mandarines, bergamotes, yuzus...

Depuis 1982, une directive de l'Union européenne (dir. 79/693/CEE) règlemente les termes de confiture et marmelade et, comme la directive française, marmelade ne peut s’appliquer qu’à des produits élaborés à partir d’agrumes. Avant cette date, c'était une préparation de fruits entiers ou en morceaux et de sucre à parts égales, macérée 24 h et cuite jusqu'à consistance de purée[24].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) James Peterson, Glorious French Food : A Fresh Approach to the Classics, Houghton Mifflin Harcourt, , 770 p. (ISBN 978-0-544-18655-2, lire en ligne)
  2. Legrand (cit.) et Jean-Baptiste-Bonaventure de Roquefort, Histoire de la vie privée des François : depuis l'origine de la nation jusqu'à nos jours, Laurent-Beaupré, (lire en ligne)
  3. « Guida per confetture perfette fatte in casa | 2. Marmellate, confetture, cosa sono? Quali le differenze? », sur www.coninfacciaunpodisole.it (consulté le )
  4. (en-US) « MARMELLATA O CONFETTURA? CI SONO DIFFERENZE? – www.tuttoalimenti.com » (consulté le )
  5. (en) Maguelonne Toussaint-Samat, History of Food, , 2e éd., p. 507
  6. a et b C. Anne Wilson, The Book of Marmalade: its Antecedents, Its History, and Its Role in the World Today, revised ed., 1999, p. 32 & others
  7. Public Record Office, Letters and Papers, Foreign & Domestic, of the reign of Henry VIII, vol. VI (1870) p.339, noted by Wilson 1999, p. 31f, and by other writers.
  8. "Marmalade" in Online Etymology Dictionary, © 2001 Douglas Harper apud Dictionary.com
  9. Entrée pour marmelade sur le TLFI
  10. Etymological Dictionary of the Portuguese Language
  11. Maria João Amaral, ed. Gil Vicente, Rubena (Lisbon:Quimera) 1961 (e-book)
  12. Traduction : « Nous avons tant de confiture de coing/Que ma mère m’en donnera »
  13. Klein’s Comprehensive Etymological Dictionary of the English Language
  14. Melimelon, Henry George Liddell, Robert Scott, A Greek-English Lexicon, on Perseus Digital Library
  15. μέλι, Henry George Liddell, Robert Scott, A Greek-English Lexicon, on Perseus Digital Library
  16. μήλον, Henry George Liddell, Robert Scott, A Greek-English Lexicon, on Perseus Digital Library
  17. on-line marmalade recipes
  18. Wilson, C. Anne. The Book of Marmalade: Its Antecedents, Its History and Its Role in the World Today (Together with a Collection of Recipes for Marmalades and Marmalade Cookery), University of Pennsylvania Press, Philadelphia. Revised Edition 1999. (ISBN 0-8122-1727-6)
  19. The British Food Trust
  20. Dundee Marmalade
  21. James Keiller & Son Dundee Marmalade
  22. W.M. Matthew, The Keiller Dynasty 1800-1879 narrates the history of Keillers; BBC News "Legacies: Keiller's: Sticky Success": offers an abbreviated version.
  23. Life of Johnson - Vol II (1791)
  24. « Marmelade - Définition et recettes de "Marmelade " », sur Supertoinette (consulté le )

Sources[modifier | modifier le code]

  • (en) Brigid Allen, Cooper's Oxford : A history of Frank Cooper Limited,
  • (en) W. M. Mathew, Keiller's Of Dundee : The Rise of the Marmalade Dynasty 1800-1879
  • (en) W. M. Mathew, The Secret History of Guernsey Marmalade
  • (en) C. Anne Wilson, The Book of Marmalade : its antecedents, its history and its role in the world today together with a collection of recipes for marmalades & marmalade cookery, Londres, Constable, , 184 p. (ISBN 978-0-09-465670-3)

Voir aussi[modifier | modifier le code]