Mariologie

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Madonna, Carlo Dolci.

La mariologie est la branche de la théologie chrétienne qui étudie la place de Marie, mère de Jésus-Christ, dans le mystère du salut du monde. De même que la christologie et la pneumatologie étudient respectivement le Christ et le Saint-Esprit, la mariologie étudie la personne de Marie. Ce mot, synonyme de théologie mariale, est consacré par l'usage. Par exemple, il figure deux fois dans l'encyclique de Jean-Paul II Redemptoris Mater. De même, il existe des colloques internationaux de mariologie[1].

La mariologie se fonde sur le Nouveau Testament (les récits de l'enfance dans Luc et Mathieu, la présence de Marie à Cana et au pied de la croix dans Jean, et le jour de la Pentecôte dans les Actes) et surtout sur une tradition ancienne des Pères de l'Église et des premiers conciles œcuméniques.

Dans le catholicisme, la mariologie étudie les concepts qui conviennent à Marie ou bien que l'Église catholique rejette. De nombreuses affirmations théologiques ont été faites au cours des siècles, en particulier par les Pères de l'Église ou encore à l'occasion des conciles. Secondairement, elle étudie les aspects du culte marial, ou culte d'hyperdulie, rendu à Marie et aux apparitions qui lui sont attribuées. L'Église catholique ne reconnaît qu'une quinzaine de ces apparitions.

Histoire de la mariologie

Des premiers siècles à la Renaissance

Les nombreux textes apocryphes postérieurs aux Évangiles ont contribué à développer la mariologie, qui est quasiment inexistante dans les premiers siècles, les Pères de l'Église se consacrant à la christologie et à l'ecclésiologie[2]. Le plus important d'entre eux est sans doute le Protévangile de Jacques, datable du milieu du IIe siècle et qui se dit écrit par l'apôtre Jacques le Mineur. C'est lui qui développe le thème de l'absolue pureté de Marie en rajoutant à sa virginité perpétuelle le fait qu'elle-même ait été conçue de façon miraculeuse malgré la stérilité de sa mère Anne. Selon l'opinion des catholiques, ce miracle est l'ébauche du dogme de l'Immaculée Conception, mais l'Église orthodoxe rejette ce point de vue qui tend à isoler la Mère de Dieu du reste de l'humanité.

Le catholicisme a insisté sur les thèmes suivants : célébration d'Anne et de Joachim, les parents de la Vierge, Présentation de la Vierge au Temple, Éducation de la Vierge, tous issus du protévangile de Jacques.

La mariologie se développe à la fois dans les Églises d'Orient et d'Occident une fois que le premier concile de Nicée a établi le dogme de la consubstantialité de Jésus-Christ. Marie est appelée la nouvelle Ève, celle qui met fin au péché originel en enfantant le Christ. En 431, au concile d'Éphèse, la définition dogmatique de Marie, mère de Dieu, est donnée. Sa pureté est réaffirmée par la croyance en l'Assomption, attestée dès la seconde moitié du VIe siècle, suivant en cela le récit de la Dormition de Marie.

L'orthodoxie vénère la Mère de Dieu d'une façon un peu différente. On ne parle pas de « culte marial » car la dévotion à Marie est toujours christologique et christocentrique. À partir du VIIe siècle, dans l'hymne acathiste, Marie porte le titre de « Général en chef de nos armées ». Pleine de maturité et d'énergie, elle organise la résistance contre les ennemis et contre les démons.

Les Églises issues de la Réforme protestante ont quant à elles abandonné le culte marial dès le XVIe siècle, en même temps que le culte des saints[3].

Le XIXe siècle

En France, la notion de combat semble au cœur des représentations de la Vierge au XIXe siècle, qui lui associe Jeanne d'Arc dans la défense de l'Église contre l'impiété et le républicanisme. Dans l'ensemble du monde catholique, l'Immaculée Conception devient un dogme en 1854, et la dévotion du rosaire gagne en ampleur après les apparitions de Lourdes. Quelques décennies plus tard, le pape Pie XII instituera l'Assomption en dogme (1950).

La mariologie catholique

Les quatre dogmes mariaux

Les définitions dogmatiques concernant Marie sont au nombre de quatre[4].

En 431 le concile d'Éphèse proclame le dogme de la maternité divine : Marie est la "Théotokos", qui a enfanté Dieu ou Mère de Dieu.
En 649, le pape Martin Ier au synode de Latran proclame le dogme de sa virginité perpétuelle.
En 1854, Pie IX définit le dogme de l'Immaculée Conception : Marie n'est pas atteinte par le péché originel.
En 1950, Pie XII définit le dogme de l'Assomption.

En outre, le concile Vatican II lui attribue un certain nombre de qualificatifs : "La bienheureuse Vierge est invoquée dans l'Église sous les titres d'avocate, d'auxiliatrice, de secourable, de médiatrice, tout cela cependant entendu de telle sorte que nulle dérogation, nulle addition n'en résulte quant à la dignité et à l'efficacité de l'unique Médiateur, le Christ." (Lumen Gentium no 62, repris dans le Catéchisme de l'Église catholique no 969).

Le débat sur Marie corédemptrice

La mariologie réfléchit aussi sur la convenance ou non d'autres termes et le sens exact qu'il faut leur attribuer. Ce fut le cas pour l'expression Marie corédemptrice. Cette notion, née au XVe siècle, a fait l'objet de débats notamment au cours de la première moitié du XXe siècle, avant d'être abandonnée lors du concile Vatican II[5], qui ne l'emploie pas.

Usage de l'expression

L'expression a parfois été utilisée par divers papes (Pie XI, Pie XII, Jean-Paul II : voir Miravalle, op. cit., p. 16 à 20) . Pie XI s'exprime ainsi dans le texte de la prière de la clôture solennelle du Jubilé de la Rédemption, 28 avril 1935 : "Ô Mère aimante et miséricordieuse (...) vous vous êtes tenue debout près de Lui, souffrant avec Lui comme Corédemptrice..."[6]. Pie XII utilise également ce mot : "Pour avoir été associée avec le Roi des Martyrs dans son ineffable œuvre de la rédemption humaine, comme Mère et comme corédemptrice..."[7].

Doctrine de l'Eglise catholique

Bernard Sesboüé rappelle que le concile Vatican II a d'abord hésité sur le lieu où il serait question de Marie : dans une constitution indépendante ou dans le cadre de la Constitution sur l'Église, Lumen Gentium ? Il fut décidé, à une faible majorité, de choisir la seconde solution[8]. C'est à cette occasion qu'a été étudiée l'éventualité d'un « cinquième dogme marial », c'est-à-dire celui de « Marie corédemptrice ».

Marie demeurait en effet « dans certains milieux l'objet d'une dévotion et d'une théologie héritées du mouvement marial antérieur à Vatican II »[8]. Or le concile « a exprimé un refus net de continuer dans cette voie, qui ne correspond ni à la nature ni à la visée des définitions dogmatiques »[8]. Le concile a mis fin au débat en rappelant que Jésus-Christ est l'unique rédempteur et que Marie ne saurait être corédemptrice. La constitution Lumen Gentium indique : « C’est pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Église sous les titres d’avocate, auxiliatrice, secourable, médiatrice, tout cela cependant entendu de telle sorte que nulle dérogation, nulle addition n’en résulte quant à la dignité et à l’efficacité de l'unique Médiateur, le Christ », « Aucune créature en effet ne peut jamais être mise sur le même pied que le Verbe incarné et rédempteur »[9].

Cependant, pendant plusieurs années après le concile, le débat s'est poursuivi sous forme d'initiatives individuelles et de requêtes adressées au Saint-Siège. Celui-ci, pour examiner la question, a formé en 1996 une commission de quinze théologiens qui s'est réunie à Czestochowa[8]. Cette commission a répondu à l'unanimité :

« Tels qu'ils sont proposés, les titres apparaissent ambigus, car on peut les comprendre de manières différentes. Il est apparu, de plus, que l'on ne doit pas abandonner la ligne théologique suivie par le concile de Vatican II, qui n'a voulu définir aucun d'entre eux. Dans son magistère, il n'a pas employé le mot Corédemptrice et il a fait un emploi très sobre des titres de Médiatrice et d' Avocate. En réalité, le terme de Corédemptrice n'est pas employé par le magistère des Souverains Pontifes, dans des documents importants, depuis l'époque de Pie XII. À cet égard, il y a des témoignages du fait que ce pape a évité intentionnellement de l'employer (...) Enfin, les théologiens, spécialement les théologiens non catholiques, se sont montrés sensibles aux difficultés oecuméniques qu'entraînerait une définition de ces titres[8]. »

L'Académie pontificale mariale internationale a commenté en ces termes la réponse de la commission : « La réponse de la Commission, intentionnellement brève, fut unanime et précise : il n'est pas opportun d'abandonner le chemin tracé par le concile de Vatican II et de procéder à la définition d'un nouveau dogme. » Elle se déclare même surprise par la demande de définition du titre de corédemptrice, « à l'égard duquel le magistère nourrit des réserves et qu'il écarte systématiquement »[8].

Le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a développé ce point[10] en précisant :

« Le concept de corédemptrice s'écarte aussi bien de l'Ecriture que des écrits patristiques. [...] Tout vient [du Christ], comme le soulignent les épîtres aux Ephésiens et aux Colossiens. Marie aussi est tout ce qu'elle est par lui. Le terme de corédemptrice obscurcirait cette donnée originelle. Une bonne intention s'exprime dans un mauvais vocable. Dans le domaine de la foi, la continuité avec la langue de l'Ecriture et des Pères est essentielle. La langue n'est pas manipulable à volonté[11]. »

La dévotion mariale

Ces dernières années, sans pour autant désavouer le culte à la Vierge, l'Église s'est efforcée d'en contenir certains excès. Le concile Vatican II considère comme légitime et nécessaire la dévotion à la Vierge, mais met en garde les fidèles, comme le rappelle le pape Jean-Paul II[12] :

« Le concile engage les théologiens et les prédicateurs à éviter toute exagération comme toute attitude minimaliste dans la façon de considérer la dignité de Marie. Car, en vénérant l'image, on honore la personne de la Mère de Dieu. L'authentique doctrine mariale, dans la fidélité à l'Écriture et à la Tradition, se réfère au Christ : en Marie, tout vient du Christ et est orienté vers Lui. Enfin, les Pères conciliaires mettent en garde contre la vaine crédulité et la prédominance des sentiments. La dévotion mariale authentique pousse à une affection filiale envers la Vierge et suscite la ferme décision d'imiter ses vertus. »

Notes et références

  1. Jean-Paul II a fait une allocution au 8° Congrès en 2000. [1].
  2. Hans Urs von Balthasar, Mediaspaul Éditions, Marie, première Église, 1987, p. 24
  3. Hans Küng, Ist die Kirche noch zu retten ?, éd. Piper, 2011.
  4. Mark I. Miravalle, STD, Marie Corédemprice Médiatrice Avocate (avec préface du cardinal Luigi Ciappi, théologien pontifical), 1993, Queenship Publishing, Santa Barbara, Calif. ISBN 1-882972-10-4, introd. page XIII.
  5. Présentation de l'ouvrage de Hendro Munsterman, Marie corédemptrice ?, éd. du Cerf, 2006.
  6. L'Osservatore Romano, 29-30 avril 1935, p. 1, cité par Miravalle, op. cit; p. 17. Le même auteur ajoute : Pour d'autres déclarations pontificales se rapportant à la doctrine de Corédemptrice par Pie XI, voir L'Osservatore Romano, 1° novembre 1933; AAS, v. 15, 1923, p. 105 ; v. 20, 1928, p. 178 ; Adresse pontificale aux pèlerins de Vicenza, 30 novembre 1933, L'Osservatore Romano, 1° décembre 1933
  7. Pie XII, Émission à la radio aux pèlerins à Fatima, 13 mai 1946, AAS 38, 1946, p. 266, cité par Miravalle, op. cit., p. 18
  8. a b c d e et f Bernard Sesboüé, s.j., Peut-on encore parler de Marie?, dans Christus, no 183, janvier 1999, p. 264-273 Texte en ligne.
  9. Lumen Gentium, VIII, 62.
  10. Voici quel est notre Dieu, Plon/Mame, 2001, pp. 215-216.
  11. "La réponse de la Congrégation pour la doctrine de la foi consiste à dire que ce qui est visé ici est déjà mieux exprimé par d'autres titres de Marie, et que le concept de "corédemptrice" s'écarte aussi bien de l'Ecriture que des écrits patristiques, ce qui suscite des malentendus. Ce qui est juste dans cette appellation, c'est que le Christ ne reste pas extérieur et forme une nouvelle et profonde communauté avec nous. Tout ce qui est à lui sera nôtre et tout ce qui est nôtre, il l'a fait sien. Ce grand échange est le contenu spécifique de la rédemption, notre libération et notre accès à la communion avec Dieu. Parce que Marie anticipe l'Eglise comme telle, qu'elle est l'Eglise en personne, cet "être-avec" est réalisé en elle de façon exemplaire. Mais cet "avec" ne doit pas faire oublier le "d'abord" du Christ. Tout vient de lui, comme le soulignent les épîtres aux Ephésiens et aux Colossiens. Marie aussi est tout ce qu'elle est par lui. Le terme de "corédemptrice" obscurcirait cette donnée originelle. Une bonne intention s'exprime dans un mauvais vocable. Dans le domaine de la foi, la continuité avec la langue de l'Ecriture et des Pères est essentielle. La langue n'est pas manipulable à volonté.
  12. ¤ Audience de Jean-Paul II en 1997

Bibliographie

Articles connexes