Mario Bachand

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Mario Bachand
Nom de naissance François Mario Bachand
Naissance
Montréal, Québec, Canada
Décès (à 27 ans)
Saint-Ouen, France
Pays de résidence Drapeau du Canada Canada
Drapeau de Cuba Cuba
Drapeau de la France France
Activité principale
Autres activités
Famille
Louise Giroux
Elsa Bachand

François Mario Bachand, né le à Montréal et mort le à Saint-Ouen, est un peintre-décorateur[1] et un militant du Front de libération du Québec (FLQ), identifié à l'aile gauche du mouvement. En 1971, il est assassiné en France dans des circonstances toujours mystérieuses aujourd'hui. Ses assassins n'ont jamais été identifiés.

Biographie[modifier | modifier le code]

Débuts[modifier | modifier le code]

François Mario Bachand naît le 24 mars 1944 à Montréal. Aux dires de Bachand, lors d'une entrevue avec Judith Jasmin, son père est un fonctionnaire pieux et cultivé, et sa mère est morte avant qu'il ne puisse la connaître[2]. En 1962, Bachand milite au sein des Jeunesses communistes et de l'Action socialiste pour l'indépendance du Québec[3]. Selon le dossier que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a monté sur lui, c'est à 17 ans qu'il se marie[2]. En février 1963, il rejoint le FLQ[N 1]. À la même époque naît sa fille Elsa[2]. À l'initiative de Bachand, le 3 mai 1963, une bombe est placée au siège social de la compagnie minière Solbec. Propriété de la famille Beauchemin, il s'agit de la première cible canadienne française du FLQ. Surtout, Bachand organise, selon Raymond Villeneuve, la pose de 10 bombes dans le quartier montréalais riche et anglophone de Westmount, dont trois explosent le 17 mai[2].

Arrestations[modifier | modifier le code]

À la suite de la délation du felquiste Jean-Jacques Lanciault, Bachand est arrêté avec 22 autres militants du groupe le [3]. Libéré sous caution, il s'enfuit au Maine, aux États-Unis, en passant par la Nouvelle-Écosse et les îles Saint-Pierre-et-Miquelon[3]. Pour financer son voyage, il prend une somme d'argent américain provenant d'un hold-up du FLQ, qu'il était censé changer en devises canadiennes. Cela crée une très grande rancœur chez le grand responsable des vols à mains armées du FLQ, Robert Hudon, qui part aux trousses de Bachand et tente de le rejoindre à Saint-Pierre-et-Miquelon, sans ne jamais l'attraper[2]. Le , alors qu'il tentait de se rendre à Cuba, Bachand est arrêté par le FBI près de Boston[3]. Après le refus de sa demande d'asile politique, il est extradé au Canada et condamné à quatre ans de prison[4],[3],[5].

Sous libération conditionnelle, il sort de prison le [6]. Après sa sortie de prison, son épouse, Louise Giroux, le quitte[2]. Il se lie alors d'amitié avec Jacques Lanctôt[2]. Il participe à l'organisation de plusieurs manifestations marquantes comme celle de la Saint-Jean, le , et l'Opération McGill français, en 1969. Le 21 mars 1969, lors d'une assemblée d'organisation de l'Opération McGill français, Bachand est confronté par Robert Hudon. Hudon le somme alors de lui procurer le lendemain l'argent volé en 1963. Au même moment, les participants découvrent cinq policiers (deux de la police de Montréal, deux de la Sûreté du Québec et un de la GRC) cachés dans une salle de projection, espionnant la réunion avec du matériel d'enregistrement vidéo. Bachand assure aux policiers leur sécurité s'ils quittent sans leur matériel et reviennent le chercher après l'assemblée, ce qu'ils acceptent. À leur retour, les policiers découvrent qu'il manque une partie de leur équipement. Bachand est arrêté le jour suivant pour vol qualifié, méfait public et tentative d'extorsion[3]. Le même jour, Robert Hudon reçoit le matériel volé[2].

Exil[modifier | modifier le code]

Libéré à nouveau sous caution le , craignant un retour en prison et se sentant harcelé par la police[2], il s'exile avec l'appui financier de son père vers Cuba, en passant par Paris et Madrid. À Cuba, il retrouve Raymond Villeneuve[3]. Bachand et Villeneuve sont bientôt rejoint par Pierre Charette et Alain Allard, ayant détourné un avion vers Cuba. Bachand repart vers Paris avec Villeneuve en [3]. En novembre, il voyage vers Alger, où il tente d'obtenir la reconnaissance officielle du FLQ par le gouvernement algérien du Front de libération nationale. Sa mission est un échec, et il retourne à Paris. Cette reconnaissance sera gagnée grâce à Raymond Villeneuve en décembre suivant[3].

Le 22 décembre 1970, une entrevue anonyme attribuée à Bachand[2] est publiée par le nouveau journal français de gauche Politique Hebdo. Il s'y déclare « secrétaire général » du FLQ, et y annonce de nouveaux attentats felquistes, notamment contre les écluses de la voie maritime du Saint-Laurent. Il y prône également un appui au Parti québécois, formation politique parlementaire en faveur de l'indépendance, fondée deux ans plus tôt. Cet appui à une organisation non-révolutionnaire de centre-gauche tranche avec la réputation d'extrême-gauche de Bachand, et sera dénoncé par la Délégation extérieure du FLQ à Alger dans les médias[3]. En janvier 1971, Mario Bachand quitte Paris pour Cuba. Il y revient en février 1971, et emménage dans la banlieue nord de Paris, au 46, rue Eugène-Lumeau, à Saint-Ouen, chez Pierre Barral[7],[2].

À cette époque, selon un mémo de la GRC daté du 30 avril 1971, Bachand fait partie d'un groupe complotant l’assassinat du Premier ministre du Québec Robert Bourassa lors d'une mission européenne du 7 au 22 avril, mais il s'en retire, « alléguant que [Bourassa] servait mieux les destinées du F.L.Q. en restant au pouvoir ». Toujours selon la GRC, lorsqu'ils ont appris le retrait de Bachand, les initiateurs du complot ont pris conscience qu'il « en savait beaucoup trop et également [qu'il] aurait consulté d'autres personnes pour connaître leur point de vue sur le projet ». Ils auraient alors modifié leur projet: « [X] aurait décidé un deuxième complot et cette fois-ci [Bachand] en était l'objet »[8].

Assassinat[modifier | modifier le code]

Au cours du mois de mars 1971, Mario Bachand reçoit la visite de sa sœur Michèle, qui veut le convaincre de revenir au Québec. Pendant son séjour, il lui affirme croire qu'ils sont suivis, et lui confie sa crainte d'être assassiné. Elle lui demande qui il suspecte de projeter de le tuer; il répond, avec hésitations, que cela pourrait être son ami François Dorlot (président de l'Association générale des étudiants québécois en France et futur mari de Louise Beaudoin). Le soir du 28 mars, un couple à l'accent québécois[2] se présente au domicile de Bachand, qui est absent. Le lendemain, le couple revient voir Bachand. Selon Pierre Barral, Bachand reconnaît alors vaguement la femme du couple et ne semble pas reconnaître l'homme[2].

Les trois vont dans un bistrot, et reviennent ensuite dîner au 46, rue Eugène-Lumeau avec Pierre Barral et sa conjointe, Françoise Laville. Avant le repas, Laville aménage la table et les chaises et tente, ce faisant, de déplacer la veste d'un membre du couple à l'accent québécois qui se trouvait sur une chaise, mais le couple se précipite pour l'en empêcher. Laville affirme, dans la série documentaire Le dernier felquiste, que le poids de la veste était très lourd, laissant entendre que cette veste aurait pu cacher l'arme du crime[2]. Barral et Laville quittent ensuite les lieux. À son retour, Barral[2] découvre Bachand abattu de deux balles de calibre 22. On découvre aussi une troisième balle logée dans le plafond[2]. Selon Le dernier felquiste, la balle aurait fait un ricochet sur le crâne de Bachand.

Enquêtes[modifier | modifier le code]

Justice française[modifier | modifier le code]

En août 1975, le dossier d'enquête sur la mort de Mario Bachand est fermé par la justice française, sans qu'elle ne porte d'accusation. Celle-ci attribue le meurtre à un règlement de comptes impliquant la Délégation extérieure du FLQ à Alger. Par la suite, d'autres acteurs chercheront à comprendre les circonstances de son assassinat.

Enjeux[modifier | modifier le code]

En 1997, l’émission Enjeux[7] de Radio-Canada diffuse « Mario Bachand, une bombe sur le FLQ », un reportage qui favorise la thèse du règlement de comptes interne au FLQ. Pour ce reportage, les journalistes Alain Saulnier, Francine Tremblay et Simon Durivage obtiennent une mention spéciale de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec[9]. Dans le cadre de l'enquête de Radio-Canada, les journalistes retrouvent à Montréal l'homme et la femme ayant rencontré Bachand le 29 mars 1971. L'homme refuse toute entrevue. La femme rencontre Saulnier et Tremblay, mais elle leur affirme sous enregistrement qu'elle est tenue par un « pacte de silence »[8].

Last Stop, Paris[modifier | modifier le code]

En 1998, le journaliste canadien anglais Michael McLoughlin publie le livre Last Stop, Paris: The Assassination of François Mario Bachand and the Death of the FLQ. Pour sa part, McLoughlin y privilégie la thèse d'une intervention de la Gendarmerie royale du Canada, qui aurait supervisé le meurtre de Bachand en infiltrant la Délégation extérieure du FLQ à Alger[6]. Le livre se base sur une recherche documentaire importante, aux dires d'Antoine Robitaille, mais aussi sur une série d'entrevues confidentielles. Il s'est attiré les critiques de John Starnes, ancien chef des services secrets canadiens, qui a menacé McLoughlin de poursuite, et de Louise Beaudoin, qui joue un rôle ambigu dans la version de l'auteur[8].

Le dernier felquiste[modifier | modifier le code]

En 2020 est diffusé sur Club Illico Le dernier felquiste, une série documentaire télévisée en six épisodes. Réalisée par Flavie Payette-Renouf, Éric Piccoli et Félix Rose (fils du felquiste Paul Rose), la série suit l'enquête des journalistes Antoine Robitaille du Journal de Montréal et Dave Noël du Devoir au sujet de la mort de Bachand. Elle présente notamment des entrevues de l'ancien colocataire de Bachand et sa conjointe de l'époque, de Louis Fournier, Raymond Villeneuve, Marc Lalonde, Normand Lester, Pierre Schneider, Robert Côté, Jean-Denis Lamoureux, Michael McLoughlin, Edmond Guenette, Cyriaque Delisle, Robert Hudon, Robert Comeau, Anne Legaré, Rhéal Mathieu, Serge Demers, André Lavoie, Jacques Poitras, Claude Morin, Jacques Lanctôt, François Lanctôt, Pierre Charette, Pierre-Paul Geoffroy, Yves Langlois, Marc Carbonneau, Normand Roy et Thomas Mulcair[2]. On y voit aussi Louise Beaudoin refuser une entrevue au sujet du rôle dans l'affaire de son ancien conjoint François Dorlot. Ultimement, après avoir exploré de nombreuses pistes, la série documentaire semble privilégier la thèse de l'implication de Normand Roy (membre de la Délégation extérieure du FLQ à Alger) et de sa copine Denyse Leduc dans le meurtre de François Mario Bachand[2].

La Crise d'Octobre, le monde et nous[modifier | modifier le code]

En 2021, dans son ouvrage La Crise d'Octobre, le monde et nous, la politologue Anne Legaré enquête sur le poids significatif que les conditions internationales de l'époque ont pu avoir sur le montage de l'assassinat de Mario Bachand. Le contexte politique en France, marqué par la disparition de de Gaulle et son remplacement par Georges Pompidou, a entraîné la mise en place de nouveaux services de renseignements et de réseaux divers. Elle approfondit cette conjecture et suggère que le meurtre a été élaboré dans des conditions plus complexes que le laisse entendre la rumeur d'un règlement de comptes entre felquistes.


Œuvres[modifier | modifier le code]

  • François Mario Bachand, Trois textes, 191 p.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Selon l'interview de Louis Fournier (expert de l'histoire du FLQ), dans la série télévisée Le dernier felquiste, Bachand est recruté par Raymond Villeneuve. Pourtant, selon le témoignage de Villeneuve dans cette même série, il n'en est rien.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Louis Fournier, FLQ : histoire d'un mouvement clandestin, Chicoutimi, Les Classiques des sciences sociales, , 444 p. (lire en ligne), p. 46
  2. a b c d e f g h i j k l m n o p q et r « Le dernier felquiste », sur illicoweb.videotron.com (consulté le ).
  3. a b c d e f g h i et j Dave Noël, « Chronologie - François Mario Bachand, 1944-1971 », Le Devoir,‎ (lire en ligne)
  4. Louis Fournier, FLQ : histoire d'un mouvement clandestin, Chicoutimi, Les Classiques des sciences sociales, , 444 p. (lire en ligne), p. 52
  5. Jean Cournoyer, « Bachand (François Mario) », La Mémoire du Québec
  6. a et b Michael McLoughlin, Last Stop, Paris. The assassination of Mario Bachand and the death of the FLQ, Viking, Toronto, 1998, 320 pages (ISBN 0-670-88196-1). (Copie consultable sur Google books)
  7. a et b Alain Saulnier, « Qui a tué le felquiste Mario Bachand? », Le Devoir,‎ (lire en ligne)
  8. a b et c Antoine Robitaille, « Octobre 70 et ses suites - 3 - L'assassinat du felquiste Mario Bachand demeure une énigme », Le Devoir,‎ (lire en ligne)
  9. « Prix Judith-Jasmin - Gagnants », Fédération professionnelle des journalistes du Québec

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • François Mario Bachand, Trois textes, 191 p.
  • Normand Lester, Enquête sur les services secrets, Montréal, Éditions de l'Homme, , 384 p. (ISBN 9782761914253)
  • Michael McLoughlin, Last Stop, Paris. The assassination of Mario Bachand and the death of the FLQ, Viking, Toronto, 1998, 320 pages (ISBN 0-670-88196-1). (Copie consultable sur Google books) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Anne Legaré, La Crise d'octobre, le monde et nous, Presses de l'Université de Montréal, 2021.
  • [vidéo] « Le dernier felquiste », sur illicoweb.videotron.com (consulté le ) Document utilisé pour la rédaction de l’article

Liens externes[modifier | modifier le code]