Marcel Paul

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Marcel Paul
Illustration.
Marcel Paul en 1946.
Fonctions
Ministre de la Production industrielle

(1 an et 24 jours)
Gouvernement De Gaulle II
Gouin
Bidault I
Député français

(2 ans, 5 mois et 17 jours)
Élection 21 octobre 1945
Réélection 2 juin 1946
10 novembre 1946
Circonscription Haute-Vienne
Législature Ire Constituante
IIe Constituante
Ire (Quatrième République)
Groupe politique COM
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Paris 14e (France)
Date de décès (à 82 ans)
Lieu de décès L'Île-Saint-Denis (France)
Nationalité Français
Parti politique PCF
Distinctions Officier de la Légion d'honneur

Marcel Paul, né le à Paris et mort le à l'Île-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), est un homme politique français.

Syndicaliste et militant communiste, il est notamment ministre du général de Gaulle en 1945. Il est député de la Haute-Vienne de 1945 à 1948.

Biographie[modifier | modifier le code]

Les débuts[modifier | modifier le code]

Enfant trouvé le dans le 14e arrondissement de Paris où il avait été abandonné place Denfert-Rochereau, Marcel Paul est « placé » à Moncé-en-Belin (Sarthe) où son instituteur lui fait réussir le certificat d’études primaires[1] et il commence à travailler à l'âge de 13 ans comme valet de ferme toujours dans la Sarthe. Il milite à 15 ans aux Jeunes Socialistes, contre la guerre. Mobilisé dans la marine, il participe à la révolte des équipages de Brest, puis à celle des marins qui refusent de faire fonctionner la centrale électrique de Saint-Nazaire contre les ouvriers en grève.

Syndicaliste et militant communiste[modifier | modifier le code]

À sa démobilisation, il s'installe tout d'abord à Saint-Quentin, dans l'Aisne, où il travaille dans le bâtiment et commence à exercer une activité syndicale. Il est ensuite embauché comme électricien, profession qu'il a apprise au sein de la Marine nationale[2], à la Société des transports en commun de la région parisienne (STCRP). En 1923, il adhère au parti communiste.

De 1931 à 1936, Marcel Paul occupe le poste de secrétaire général de la Fédération des services publics, hospitaliers, éclairage et force motrice (CGTU). Il est nommé ensuite secrétaire général adjoint, puis secrétaire général (en 1937) de la Fédération réunifiée de l'éclairage[3]. En 1932, il est violemment agressé à la sortie d'une réunion syndicale du personnel soignant de l'Hôtel-Dieu de Marseille. Une infirmière qui l'accompagne, Edmée Dijoud, est tuée. Devenu proche de Maurice Thorez, il est présenté par le Parti communiste aux élections municipales de 1935 dans le 14e arrondissement de Paris, où il est élu, ainsi que Léon Mauvais.

En 1938, il se rend en Espagne et en Tchécoslovaquie au nom de la CGT.

Résistance et déportation[modifier | modifier le code]

En 1939, Marcel Paul est mobilisé dans l'infanterie, car la marine refuse son incorporation. Après la signature du pacte germano-soviétique, il est exclu, ainsi que les autres communistes, de la direction de la Fédération de l'éclairage (Clément Delsol le remplace à la tête de la fédération dite « légale »). Fait prisonnier, il s'évade deux fois. Il rejoint la Bretagne, où il occupe avec Auguste Havez la fonction de responsable inter-régional du Parti communiste. Il s'occupe alors de ramasser des armes et des explosifs pour constituer des dépôts, puis, sur ordre de la direction du parti, revient à Paris en tout en suivant les actions dans l'Ouest jusqu'en . Très actif dans le milieu de l'éclairage et des services publics, il s'investit dans la mise sur pied de comités populaires dans la région parisienne. Engagé également dans l'Organisation spéciale (OS), il apprend, à partir de , le maniement des explosifs avec France Bloch-Sérazin et organise avec Jean Baillet[4] et Maurice Ottino en un attentat manqué contre un train officiel allemand[1].

Dénoncé, il est arrêté en . Détenu au commissariat, puis à l'hôpital de Saint-Denis où il tente de se suicider, il est ensuite transféré à la prison de la Santé. Jugé en par la section spéciale, il est condamné à quatre ans de prison. À l'été 1943, il est transféré, avec d'autres détenus, à la centrale de Fontevraud. Livré en aux Allemands, Marcel Paul tente une nouvelle fois de s'évader. Il est déporté le à Auschwitz, où un matricule lui est tatoué sur l'avant-bras gauche. Le , il est transféré à Buchenwald avec les hommes de son convoi[5],[6].

Dans le camp, membre du triangle de résistance avec André Leroy et Jean Lloubes[7], il devient l'un des chefs de la résistance clandestine, au sein du « comité des intérêts français ». Il est l'un des cinq membres du bureau. L'idée de Marcel Paul était de créer, à l'échelle du camp, un comité à l'image du Conseil national de la Résistance, avec un double objectif : sauver le plus grand nombre de Français possible, et poursuivre derrière les barbelés l’œuvre de la Résistance[8]. Il peut décider de l'affectation des détenus aux postes de travail. Il sauve ainsi de nombreux déportés français, dont Marcel Dassault, dont les idées politiques étaient très éloignées de celles du PCF, mais Marcel Paul était conscient que la France libérée aurait besoin d'hommes tels que Marcel Dassault pour la reconstruction. Marcel Dassault sera toute sa vie reconnaissant envers Marcel Paul en soutenant financièrement la fédération des déportés FNDIRP. . Mais l'administration du camp de Buchenwald le charge aussi d'envoyer d'autres résistants tels que Jean Bertin en convoi disciplinaire[9].

Tous les témoignages concordent pour affirmer que Marcel Paul joua un rôle essentiel dans l’insurrection du camp de Buchenwald, qui conduisit à sa libération.

Polémiques[modifier | modifier le code]

Alors qu’il est en passe de faire nationaliser les Charbonnages de France, une campagne de calomnie sur son attitude à Buchenwald est dirigée à son encontre par le journal Paroles françaises, hebdomadaire du Parti républicain de la liberté (PRL), la formation politique la plus à droite que connaisse alors la France, avec comme objectif de ne pas faire aboutir cette loi de nationalisation. Cette campagne, commencée le , dure cinq semaines. Le , en soutien à Marcel Paul, une soirée de solidarité est organisée à Paris. Plusieurs milliers de personnes sont présentes, parmi lesquelles de nombreux rescapés de Buchenwald, Marcel Dassault, le général Alfred Heurteaux, le général Louis-Alexandre Audibert ou Raymond Allouche (représentant des israélites français internés à Buchenwald). Ces preuves de soutien ont été réunies dans un livre blanc qui fait plus de 450 pages[10].

Deux ans après sa mort, une polémique autour de sa mémoire est provoquée par quelques lignes publiées par Laurent Wetzel, conseiller municipal CDS de Sartrouville et agrégé d'histoire, dans un article du Courrier des Yvelines. L'auteur y explique pourquoi il refuse de s'associer à l'inauguration d'une rue Marcel-Paul dans sa municipalité. Il écrit : « Déporté à Buchenwald, Marcel Paul entra à la direction interne du camp. Il disposa alors du sort — c'est-à-dire de la vie et de la mort — de nombreux camarades. Dans ses fonctions, il tint compte essentiellement de l'intérêt de son parti. » Les deux associations que Marcel Paul présida, l'Association Dora-Buchenwald et la FNDIRP, portent plainte pour diffamation. Le procès, devant le tribunal de Versailles, voit défiler de nombreux anciens déportés. Le , Laurent Wetzel est relaxé, la cour refusant de statuer sur la vérité historique[11].

L'ancien résistant Pierre-Henri Teitgen dénonce en l'attitude pour le moins ambiguë de Marcel Paul à Buchenwald dans un article de Ouest France intitulé « L'engrenage »[11].

L'après-guerre : député, ministre et dirigeant d'associations de déportés[modifier | modifier le code]

Rapatrié en priorité avec des personnalités, il reste peu de temps à Paris et repart à Buchenwald pour s'occuper du retour des autres déportés. De retour à Paris, Marcel Paul entre au Comité central du Parti communiste français (PCF), élu lors du Xe congrès de . Il reprend ses activités syndicales et est nommé membre de l’Assemblée consultative, où il intervient le en faveur de la nationalisation du gaz et de l'électricité.

Pour apaiser les conflits déclenchés en Limousin par l'indiscipline de Georges Guingouin, le Parti communiste présente en la candidature de Marcel Paul dans la Haute-Vienne à la première Assemblée nationale constituante. Il est élu avec Alphonse Denis au quotient avec 33,95 % des voix, mais sa liste arrive derrière celle de la SFIO, que conduit Adrien Tixier et qui obtient 50,53 % des voix et trois sièges. Marcel Paul est nommé membre de la Commission de l'équipement national, de la production et des communications, de la Commission de l'intérieur et de la santé publique, de la Commission des prisonniers et déportés et des pensions et de la Commission permanente de coordination des affaires économiques et sociales. Le , il prend part à la discussion des résolutions sur la nationalisation du gaz et de l'électricité.

En 1945, il fonde avec le colonel Manhès la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP), dont il est président jusqu'à sa mort. Il fonde aussi avec ce dernier en 1945 et préside l'Association française Buchenwald Dora et Kommandos.

Dans un contexte politique fortement anticommuniste, Marcel Paul peine à se faire reconnaître en tant que « déporté résistant »[12]. La Commission nationale des déportés et internés résistants oppose, par deux fois, un refus ; en janvier 1953, elle indique : « Le comportement de Marcel Paul dans les camps allemands justifierait en tout état de cause une décision de rejet, comme entrainant l'application du 2e alinéa de l'article 16 de la loi du 6 aout 1948, lequel exclut du statut de déportés et internés résistants ceux qui, au cours de leur déportation, ou de leur internement, se sont rendus coupables d'activités contraires à l'esprit de la Résistance », puis en juin 1953 : « Les pièces du dossier démontrent que l'arrestation a été la conséquence d'une activité politique, et non de l'accomplissement d'actes qualifiés de résistance à l'ennemi »[réf. nécessaire]. Marcel Paul obtient finalement sa carte de déporté résistant en 1955[12].

En tant que prisonnier éminent du camp de concentration de Buchenwald, Marcel Paul s'est exprimé à l'occasion des célébrations de la libération du camp au Mémorial national de Buchenwald, en République démocratique allemande (RDA)[13].

Nommé ministre de la production industrielle le , dans le gouvernement de Charles de Gaulle, succédant à Robert Lacoste, il reste à ce poste dans les gouvernements de Félix Gouin et de Georges Bidault, jusqu'en . Le , il vote la nationalisation de la Banque de France et des organismes de crédit. Le , il propose la nationalisation de l'énergie et organise la création d'EDF-GDF, qui est votée le [14]. Il fait de la nouvelle entreprise publique un modèle social en organisant le statut du personnel. Le , dans le cadre de la nationalisation d’EDF-GDF, il œuvre à la création du Conseil central des œuvres sociales (CCOS) financé sur le 1 % minimum des bénéfices hors taxes des ventes d'électricité et de gaz de l'entreprise étatisée[15] qui, par la suite, subira régulièrement les accusations de financement occulte de la CGT[16],[17],[18]. En tant que ministre de la Production industrielle, il dépose, le , un projet de loi relatif au personnel des exploitations minières et assimilées, plusieurs projets sur les élections aux Chambres de métiers et, le , un projet portant réglementation des conditions d'accès à la profession de coiffeur. Le , il vote pour l'adoption de la Constitution et le pour la nationalisation des sociétés d'assurance.

Aux élections de la seconde Assemblée nationale constituante de , Marcel Paul est à nouveau candidat du PCF en Haute-Vienne. La liste communiste arrive cette fois en tête, avec 66 815 votes sur un total de 175 214 suffrages exprimés. Marcel Paul et Alphonse Denis sont donc réélus. La SFIO, avec 63 942 n'obtient que deux sièges, ceux de Jean Le Bail et d'André Foussat. Le dernier siège est obtenu par Robert Schmidt, tête de la liste MRP qui recueille 36 977 voix.

En , il est élu à l'Assemblée nationale et nommé membre de la Commission de production industrielle. Il quitte le ministère en . Après un mois d'un gouvernement socialiste homogène, les ministres communistes sont rappelés en , mais pas Marcel Paul. À partir de , Marcel Paul reprend la tête de la fédération CGT de l'éclairage, fonction qu'il occupera jusqu'en 1966, de fait jusqu'en 1963.

En , le gouvernement socialiste de Paul Ramadier écarte les ministres communistes. En , il devient président du Conseil central des œuvres sociales (CCOS) d'EDF-GDF, où il reste jusqu'à la dissolution de l'organisation par le gouvernement de René Pleven, le . Le lendemain, la police envahit les locaux du CCOS, 22 rue de Calais, Paris 9e, et en chasse le personnel[19].

Retour au syndicalisme[modifier | modifier le code]

Voulant se consacrer plus totalement à sa mission syndicale, il démissionne de son mandat de député le . Il n'est pas candidat aux élections de 1951.

En 1964, il n'est pas réélu au Comité central du Parti communiste, à la suite de divergences concernant la reprise des œuvres sociales d'EDF-GDF qu'il avait créées. Depuis 1951, la gestion en est devenue patronale et le gouvernement met comme condition à la reprise de l'activité par les syndicats l'éviction de Marcel Paul, ce que la direction fédérale se résout à accepter en 1962.

Il est nommé officier de la Légion d'honneur[20] en . À l'issue de la cérémonie du , place de l'Étoile à Paris, il est pris d'un malaise fatal. Il meurt chez lui quelques heures plus tard.

Hommages[modifier | modifier le code]

Plaque de rue de la place Marcel-Paul à Paris XIV°.
Plaque de rue de la place Marcel-Paul à Paris.
  • De nombreuses rues, avenues, places, salles et stations de tramway portent son nom.
  • Une stèle lui rendant hommage a notamment été érigée au sommet de la falaise surplombant le site nucléaire de Flamanville (Manche).
  • En 1992 La Poste française émet un timbre-poste en hommage à sa mémoire.

Décoration[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b René Gaudy, « PAUL Marcel », sur maitron.fr.
  2. Pierre Durand, Marcel Paul, vie d'un « pitau », p.48.
  3. Il exerce cette fonction jusqu'en 1939
  4. Jean-Pierre Besse, Claude Pennetier, « BAILLET Jean, Philippe », sur maitron.fr.
  5. « Présentation du "convoi des tatoués" », par Paul Le Goupil, site de la Fondation pour la mémoire de la déportation.
  6. « Témoignage de Marcel PAUL - Sur les camps de la mort… », sur asso-buchenwald-dora.com (consulté le ).
  7. Pierre Durand, Ite, missa est, p.107.
  8. Pierre Durand, Marcel Paul : vie d'un « pitau », p. 190
  9. « Jean Bertin - Mémoire et Espoirs de la Résistance », sur Mémoire et Espoirs de la Résistance (consulté le ).
  10. Pierre Durand, Marcel Paul : vie d'un « pitau », p. 230-240
  11. a et b Jean-Pierre Rioux, « Sur la liberté de l'historien. En correctionnelle à Versailles, le 17 janvier 1985 », Vingtième Siècle, revue d'histoire, vol. 8, no 1,‎ , p. 117–122 (ISSN 0294-1759, DOI 10.3406/xxs.1985.1209, lire en ligne, consulté le )
  12. a et b Nicolas Chevassus-au-Louis, « Marcel Paul, une vie. Ne jamais oublier la déportation », Le journal des activités sociales de l'énergie,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. (de) Anne-Kathleen Tillack-Graf, Erinnerungspolitik der DDR. Dargestellt an der Berichterstattung der Tageszeitung „Neues Deutschland“ über die Nationalen Mahn- und Gedenkstätten Buchenwald, Ravensbrück und Sachsenhausen, Frankfurt am Main, Peter Lang, (ISBN 978-3-631-63678-7), p. 30, 37-38, 53
  14. Journal officiel de la République française, « Loi n°46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz », sur gallica.bnf.fr, (consulté le ), p. 2951-2957.
  15. Michel Etiévent, « De février 1945 à mai 1946, la longue naissance des comités d’entreprise », sur humanite.fr, .
  16. Julie de la Brosse, « Comité d'entreprise d'EDF: pourquoi personne ne bouge », sur lexpansion.lexpress.fr, .
  17. Nathalie Birchem, La justice se penche sur le comité d’entreprise CGT d’EDF, la-croix.com, 2 juin 2014
  18. Procès du comité d’entreprise d’EDF-GDF : pendant la grève SNCF, la CGT sur le banc des accusés dans l’indifférence générale, atlantico.fr, 20 juin 2014
  19. Nicolas Chevassus-au-Louis, « Marcel Paul, une vie », sur journal.ccas.fr, (consulté le ).
  20. PAUL Marcel (1900-1982), universalis.fr.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]