Manéthon de Sebennytos

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Manéthon de Sebennytos
Fonction
Grand prêtre
Biographie
Décès
Date inconnueVoir et modifier les données sur Wikidata
Époque
Activités
Période d'activité
IIIe siècle av. J.-C.Voir et modifier les données sur Wikidata
Prononciation

Manéthon de Sebennytos (en grec ancien Μανέθων, Μανέθως) est un prêtre égyptien du IIIe siècle avant notre ère. Il a écrit une Histoire de l'Égypte (Ægyptiaca) en trois volumes, en grec sous le règne de Ptolémée II, mais sans doute à la demande de son prédécesseur Ptolémée Ier Sôter. Manéthon est originaire de Sebennytos, ville du delta du Nil et dernière capitale pharaonique des Nectanébo. En tant que prêtre, il avait sans doute accès aux listes royales des bibliothèques des temples, mais aussi aux contes populaires relatifs à divers pharaons mythiques. C'est à Manéthon que l'on doit la division en trente dynasties des souverains d'Égypte, toujours utilisée par les égyptologues avec quelques modifications (dynastie égyptienne zéro par exemple), car elle rend l'analyse de l'histoire égyptienne plus commode. C'est également à lui que l'on doit l'usage d'appeler Aménophis les Amenhotep, Thoutmôsis les Djéhoutimès ou Sésostris les Sénousert. Il s'agit là en effet de transcriptions hellénisées de noms égyptiens.

Nom[modifier | modifier le code]

La forme égyptienne du nom de Manéthon est inconnue. Certains avancent l'hypothèse qu'il signifie « Vérité de Thot », « Don de Thot », « Bien-aimé de Thot », « Bien-aimé de Neith » ou « Amoureux de Neith »[1]. D'autres propositions moins suivies sont Myinyu-heter (« Cavalier » ou « Époux ») et Ma'ani-Djehuti (« J'ai vu Thot »).

En langue grecque, les fragments les plus anciens sont l'inscription — de date incertaine — gravée sur la base d'un buste en marbre du temple de Sérapis à Carthage[2]. L'historien juif du Ier siècle Flavius Josèphe écrit son nom Μανέθων (Manethōn), et la restitution latinisée de son nom est Manéthon.

Biographie[modifier | modifier le code]

Aucune source ne fournit les dates de sa vie et de sa mort. Manéthon est associé au règne de Ptolémée Ier par Plutarque, tandis que Georges le Syncelle en fait un contemporain de Ptolémée II.

Le fait que Manéthon soit lié directement à Ptolémée II est illustré par Ptolémée Philadelphe dans la Bibliothèque d'Alexandrie de Vincenzo Camuccini (1813).

Si la mention d'un dénommé Manéthon figurant dans les Ægyptiaca fait de lui leur auteur probable, alors il aurait également travaillé sous Ptolémée III à un âge très avancé. L'existence historique de Manéthon de Sébennytos est tenue pour acquise par Flavius Josèphe et par les auteurs ultérieurs, mais cette question reste problématique.

Manéthon est égyptien de naissance, et la langue égyptienne aurait été sa langue maternelle. Il a écrit sur des questions égyptiennes, mais en langue grecque et pour un public helléniste. Parmi ses autres œuvres supposées, citons Contre Hérodote, Le Livre sacré, Sur l'antiquité et la religion, Sur les fêtes, Sur la préparation du Kyphi et le Digeste de physique. Le Livre de Sothis est également attribué à Manéthon. Ces ouvrages ne sont pas attestés pendant la période ptolémaïque, et ne sont mentionnés dans d'autres sources qu'au premier siècle de notre ère. Un écart de deux ou trois siècles sépare ainsi la composition de l'Ægyptiaca de sa première citation. L'écart est encore plus grand pour les autres œuvres, comme Le Livre sacré qui est mentionné pour la première fois par Eusèbe au quatrième siècle de notre ère[3].

Manéthon de Sébennytos était probablement prêtre du dieu-soleil à Héliopolis (selon Georges le Syncelle, il en était le chef). Plutarque le considérait comme ayant autorité sur le culte de Sérapis, un dérivé d'Osiris et d'Apis. Sérapis est une version gréco-macédonienne d'un culte égyptien probablement apparu après la fondation d'Alexandrie. Une statue de Sérapis a été importée en 286 avant J.-C. par Ptolémée Ier, ou en 278 avant J.-C. par Ptolémée II, comme l'attestent Tacite et Plutarque[4]. Une tradition veut que Timothée d'Athènes ait codirigé le transport avec Manéthon, mais cette source n'est pas claire. Elle peut provenir de Manéthon lui-même, auquel cas elle n'est pas indépendante et ne corrobore pas l'existence de Manéthon au début du IIIe siècle avant notre ère.

Une œuvre sujette à caution[modifier | modifier le code]

L'étude de son œuvre, ou du moins de ce qu'il en reste, révèle que les sources de Manéthon sont multiples. La critique apportée par François de Bovet est présentée en détail dans l'article Ægyptiaca.

Il y a d'une part une ou plusieurs listes royales « officielles ». Ces listes sont artificielles : elles ne sont pas historiques mais idéologiques. Les dynasties sont recomposées[5] à des fins de propagande politique[6] et religieuse. Les IIIe et IVe dynasties, par exemple, sont en réalité directement liées, tout comme les VIe et VIIIe dynasties. La VIIe n'existe pas, les XVIIe et XVIIIe dynasties ne sont qu'une seule et même famille, etc. Le pharaon Akhenaton n'apparait que sous des noms péjoratifs et d'autres ont tout simplement disparu. Autre exemple, beaucoup de dynasties sont retaillées sans tenir compte des liens familiaux (plus ou moins oubliés d'ailleurs), de façon à obtenir des nombres de rois symboliques, comme le neuf ou le dix (référence à l'ennéade des dieux).

Le but est de défendre la vision cyclique du monde et du temps des prêtres égyptiens[7]. Les dynasties se succèdent comme des cycles de neuf ou dix rois, comme , le soleil qui naît et meurt chaque jour.

Manéthon utilise d'autre part des traditions et des contes populaires dont il reste des bribes. Ces légendes transparaissent[8] à travers les rares anecdotes conservées, comme la mort de Ménès, tué par un hippopotame, ou celle de Bakenranef, brûlé par son ennemi.

Unique historien de l'Égypte antique ?[modifier | modifier le code]

Maîtrisant le grec, Manéthon a eu accès au fonds documentaire de la bibliothèque d'Alexandrie. Pour la première fois dans l'Égypte antique, un Égyptien a essayé de faire de l'histoire comme les Grecs avant lui, en recoupant les informations de sources variées. Mais son œuvre, truffée d'erreurs[9] et d'affabulations[7], souffre des mêmes défauts que celle d'Hérodote.

Bribes fragmentaires et indirectes[modifier | modifier le code]

L'Ægyptiaca de Manéthon n'est connue que par des citations fragmentaires et souvent déformées, données principalement par l'historien juif Flavius Josèphe[10] et par les historiens chrétiens comme Sextus Julius Africanus (vers 202 de notre ère) et Eusèbe de Césarée (vers 325 de notre ère), le tout compilé au VIIIe siècle par un moine byzantin, Georges le Syncelle. Flavius Josèphe ne s'intéresse qu'à ce qui a trait aux Hébreux et au peuple juif ; quant à Julius Africanus et Eusèbe, ils cherchent à cautionner la chronologie chrétienne par celle de Manéthon. Ces deux derniers n'ont donc conservé que l'ossature de l'œuvre de Manéthon, des listes de rois, alors qu'il semble, d'après Josèphe, que Manéthon y avait adjoint de longs développements dont il ne reste que des traces.

Écrits religieux[modifier | modifier le code]

Manéthon a également livré des travaux sur la religion : « Le Livre sacré », « Des fêtes » et « Des anciennes coutumes et de la piété ». Ces ouvrages, également rédigés en grec, ont tous été perdus, et ce sont encore des auteurs postérieurs qui en ont révélé l'existence.

Autres écrits[modifier | modifier le code]

Manéthon est aussi connu pour avoir écrit un traité nommé « Préparation du kyphi - Recettes », mais aucune copie ne nous est parvenue.

Évocations artistiques[modifier | modifier le code]

Dans Le Mystère de la Grande Pyramide, un album de la série Blake et Mortimer sorti en deux tomes en 1954 et 1955, Edgar P. Jacobs met en scène la découverte d'un texte de Manéthon qui révèle la cache de la mythique chambre d'Horus.

Pseudo-Manéthon[modifier | modifier le code]

Georges le Syncelle cite Manéthon dans un texte qui fait référence à des « stèles portant des inscriptions en langue sacrée et en caractères hiéroglyphiques écrits par Thot, le premier Hermès »[11]. Ce texte probablement tardif est attribué à un Pseudo-Manéthon.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Waddell (1940), p. ix, n. 1.
  2. Corpus Inscriptionum Latinarum viii. 1007: "ΜΑΝΕΘΩΝ"
  3. Waddell (1940), p. 188-189.
  4. Tacite, Histories, 4.83 ; Plutarque, De Iside et Osiride, 28.
  5. François de Bovet, dans « Les dynasties égyptiennes » (1835), p. 76.
  6. François de Bovet, op. cit, écrit p. 78 « Manethon allonge, autant qu’il l’a cru permis, les temps qui appartenaient proprement aux habitants de l’Égypte, et flattaient davantage la vanité nationale. »
  7. a et b François de Bovet, op. cit, p. 79.
  8. François de Bovet, op. cit, p. 78.
  9. François de Bovet, op. cit., p. 75.
  10. David Nirenberg: Antijudaïsme : Un pilier de la pensée occidentale, chap. 1, 2023, Éd. Labor et Fides, (ISBN 978-2830917994).
  11. cité par Georges le Syncelle, Ecloga chronographica, éd. A. A. Mosshammer, Leipzig, 1984, p. 72.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Fragments in F. Jacoby, Die Fragmente der griechischen Historiker, Berlin-Leyde, 1923-1958. no 609-610.
  • Richard Laqueur, Manethon, 1928. In Paulys Real-Encyclopädie der classischen Altertumswissenschaft, édité par August Friedrich von Pauly, Georg Wissowa, et Wilhelm Kroll. Vol. 14 sur 24 vols. Stuttgart: Alfred Druckenmüller Verlag. 1060–1106. (ISBN 3-476-01018-X).
  • (en) Gerald P. Verbrugghe et John M. Wickersham, Berossos and Manetho, Introduced and Translated, University of Michigan Press, 1996.
  • (en) John Dillery, The First Egyptian Narrative History : Manetho and Greek Historiography, ZPE, 127, 1999, p. 113-116
  • Pseudo-Manéthon, Apotelesmaticorum libri VI, éd. A. Koechly, Leipzig, 1858.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]