Maman (sculpture)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis Maman (Bourgeois))
Maman
Exemplaire en bronze devant le Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa.
Artiste
Date
Type
Technique
Acier inoxydable ou bronze (cela dépend des exemplaires), marbre pour les œufs
Lieu de création
Modern Art Foundry (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Dimensions (H × L)
1 023,6 × 892,7 cmVoir et modifier les données sur Wikidata
Localisation
Plusieurs endroits dans le monde (localisation multiple)
Coordonnées
Carte

Maman est une sculpture contemporaine de la plasticienne Louise Bourgeois. Dédiée à la mère de l'artiste, elle prend la forme d'une gigantesque araignée. Il en existe plusieurs exemplaires exposés dans différents endroits du monde.

Description[modifier | modifier le code]

La sculpture représente une araignée monumentale, d'environ 10 m de hauteur pour autant de large. Son abdomen et son thorax sont, dans la plupart des versions, en bronze[1]. Sous son corps, elle comporte un sac contenant vingt-six œufs en marbre. Les extrémités des huit pattes de l'araignée sont les seuls points de contact de la sculpture avec le sol, et les pattes s'élancent ensuite presque à la verticale, avant d'obliquer sous l'horizontale pour rejoindre le reste du corps de l'animal. Les visiteurs peuvent entrer dans l'œuvre car celle-ci est publique et ouverte.

Historique et contexte[modifier | modifier le code]

Genèse et conception de l'œuvre[modifier | modifier le code]

La sculpture est commandée à Louise Bourgeois pour sa participation inaugurale aux Unilever Series en 1999, et exposée dans le vaste Turbine Hall de la Tate Modern à Londres, Royaume-Uni.

L'artiste a réalisé plusieurs sculptures d'araignées : cet animal occupe une place importante dans l'œuvre de Louise Bourgeois dans les années 1990[2].

Maman reprend le thème de l'araignée que Bourgeois avait déjà contemplé dans un petit dessin à l'encre et au charbon en 1947[1].

Contexte artistique[modifier | modifier le code]

L'œuvre de Louise Bourgeois s'inscrit dans l'histoire de la sculpture monumentale, c'est-à-dire de grandes dimensions, à la mesure de l'architecture. Dans l'Antiquité, plusieurs statues mesurant parfois plusieurs mètres de haut ont marqué l'histoire des arts, en Egypte (Sphinx de Gizeh, statues de Ramsès II), dans le monde grec (Athéna Parthénos, Colosse de Rhodes) et romain (statues équestres des empereurs). Elles avaient alors pour objectif d'honorer les dieux et les souverains, et leurs fonctions politiques et religieuses perdurèrent pendant les siècles. Dans la Première moitié du XXème siècle, les sculptures monumentales ne manifestent que peu de créativité[3] : les statues des monuments aux morts de la Grande Guerre sont le plus souvent classiques et réalistes ; il s'agit alors d'honorer les victimes du conflit de façon consensuelle. Dans les années 1930, la production de sculptures monumentales répond à des commandes officielles, notamment dans les dictatures nazie et stalinienne : en URSS et sous le IIIème Reich, les statues gigantesques sont des outils de propagande au service de l'idéologie officielle. Elles représentent des héros intemporels dans un style plutôt classique (l'ouvrier et la kolkhozienne, l'Aryen, etc.). Elles affirment la puissance de l'Etat. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les besoins en métal, notamment en bronze, font que de grandes statues publiques sont fondues.

Après 1945, la sculpture de grandes dimensions réapparait dans l'espace public : des expériences abstraites sont menées par des sculpteurs comme Alexander Calder ou Henry Moore. Les nouvelles techniques et les innovations industrielles sont mises à contribution pour créer des sculptures gigantesques et originales. Les grandes sculptures publiques répondent alors à un besoin d'orner les places, les rues, etc. mais aussi de donner du prestige aux villes et aux Etats qui les commandent[3]. Elles permettent un renouvellement du rapport à l'espace et une expérience physique nouvelle du spectateur[3] qui peut parfois entrer dans la sculpture.

Maman de Louise Bourgeois se distingue des tendances abstraites mises en œuvre par de nombreux sculpteurs contemporains : elle choisit de représenter un animal en respectant ses principaux traits anatomiques (huit pattes, aspect général ...). Elle s'inscrit dans le renouveau des statues de grandes dimensions figuratives, à la suite d'artistes comme Claes Oldenburg (statue d'un rat géant à Liverpool) ou encore Arturo Di Modica (Charging Bull à New York) qui jouent sur les effets d'échelle. Elle fait référence aux collections des museums d'histoire naturelle en représentant un animal. Mais elle s'en éloigne aussi car sa statue est dans l'espace public et n'a pas un objectif scientifique ou pédagogique. En quelque sorte, cette araignée est un élément personnel et autobiographique de l'artiste, comme l'indique son titre « Maman ».

Interprétation[modifier | modifier le code]

L'œuvre fait référence à la force de la mère de Bourgeois et inclut des métaphores de filage, tissage, soin et protection[4]. La mère de Louise Bourgeois, Joséphine Bourgeois, réparait des tapisseries dans l'atelier de restauration textile de son mari à Paris[1]. Louise Bourgeois a perdu sa mère à 21 ans et, quelques jours plus tard, a tenté de mettre fin à ses jours en se jetant dans la Bièvre devant son père (qui l'a secourue)[5]. Selon les propres termes de l'artiste : « L'araignée est une ode à ma mère. Elle était ma meilleure amie. Comme une araignée, ma mère était une tisserande. Ma famille était dans le métier de la restauration de tapisserie et ma mère avait la charge de l'atelier. Comme les araignées, ma mère était très intelligente. Les araignées sont des présences amicales qui dévorent les moustiques. Nous savons que les moustiques propagent les maladies et sont donc indésirables. Par conséquent, les araignées sont bénéfiques et protectrices, comme ma mère[4]. »

L'association du titre Maman avec la représentation d'une araignée peut sembler contradictoire : le mot « maman » évoque la douceur, la protection, la tendresse, la bienveillance alors que la structure en métal ainsi que la couleur sombre de la sculpture renvoient une image de froideur et de dureté. La hauteur gigantesque de la statue s'oppose également à la figure traditionnelle de la mère.

Dans l'imaginaire collectif, l'araignée est perçue comme un animal laid, dangereux, monstrueux et prédateur[2]. Elle provoque des phobies chez de nombreuses personnes. En réalité, l'araignée est aussi un animal utile, puisqu'elle dévore les moustiques et les insectes nuisibles. Les pattes sont graciles et semblent posées en équilibre : elles montrent la vulnérabilité du sujet représenté[2].

Les pattes de l'animal peuvent faire penser à des arcs gothiques et évoquent chez le spectateur une cage ou un terrier protégeant le sac rempli d'œufs[2].

Exemplaires[modifier | modifier le code]

Tate Modern, Londres[modifier | modifier le code]

Tate Modern, Londres, Royaume-Uni.

Maman est exposée pour la première fois en 2000 à l'extérieur de la Tate à Londres, au Royaume-Uni.

Il s'agit de la version originale, en acier inoxydable. Initialement en prêt à long terme, elle est acquise par la Tate en janvier 2008[4].

Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa[modifier | modifier le code]

Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa, Canada.

Le Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa acquiert la sculpture en 2005 pour 3,2 millions de dollars. À l'époque, le prix est considéré excessif par certains critiques, puisqu'il s'agit du tiers du budget annuel du musée[6]. Elle devient cependant rapidement l'œuvre iconique du musée, et un des points focaux du tourisme à Ottawa[7].

Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg[modifier | modifier le code]

Musée Guggenheim, Bilbao[modifier | modifier le code]

Musée Guggenheim, Bilbao, Espagne.

La sculpture exposée date de 2001, mais la fonte remonte à 1999[8]. Elle mesure 927 × 891 cm pour 10,23 mètres de hauteur[8] ; elle est constituée de bronze, marbre et acier inoxydable[9]. Elle fait partie des collections permanentes du musée Guggenheim de Bilbao[2]. Elle est exposée à l'extérieur côté nord, entre le bâtiment du musée et le fleuve Nervion. Elle a des points communs avec le musée comme le matériau métallique, la couleur et le gigantisme. Elle entre en résonance avec les murs et les courbes organiques du bâtiment[8]. Tout comme le plan du musée, elle n'est pas symétrique. La sculpture fait partie des œuvres monumentales du musée Guggenheim de Bilbao comme celles de Jeff Koons, Anselm Kiefer ou Richard Serra. Maman est devenu l'un des emblèmes culturels de Bilbao et fait désormais partie intégrante du paysage urbain de cette ville espagnole.

Musée d'art Mori, Tokyo[modifier | modifier le code]

La sculpture se trouve en espace urbain, au pied de la Roppongi Hills Mori Tower dans laquelle se trouve le musée d'art Mori. Pour célébrer le 15e anniversaire de Roppongi Hills, du 25 avril au 27 mai 2018, la sculpture a été recouverte de fils par l'artiste textile Magda Sayeg de Knitta Please[10].

Leeum, Séoul[modifier | modifier le code]

Qatar National Convention Center, Doha[modifier | modifier le code]

La sculpture est installée en 2012 au Qatar National Convention Center de Doha, Qatar. Elle est le centre de la première exposition des œuvres de Bourgeois au Moyen-Orient[11],[12].

Pappajohn Sculpture Park, Des Moines[modifier | modifier le code]

Le moulage de bronze est l'une des 16 sculptures initialement données au Des Moines Art Center par John et Mary Pappajohn[13],[14].

Installations temporaires[modifier | modifier le code]

Lac de Zurich, Zurich, Suisse.
Kunsthalle, Hambourg, Allemagne.

Des moulages en bronze de Maman ont été temporairement installés dans les lieux suivants :

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c (en) « Louise Bourgeois, Spider (1996) », Christie's,
  2. a b c d et e « Maman, 1999 », sur Musée Guggenheim de Bilbao (consulté le )
  3. a b et c Judi Hendricks, La Sculpture. De l'Antiquité au XXe siècle, Paris, VERGREEN, , 1152 p. (ISBN 978-3836544832), p. 1037-1038
  4. a b et c (en-GB) Tate, « Tate acquires Louise Bourgeois’s giant spider, Maman – Press Release », sur Tate, (consulté le )
  5. « Louise Bourgeois, 5 mars - 2 juin 2008 », Centre Pompidou
  6. (en) M. Bruneau, « Home To Maman: getting to know the mother of all sculptures in the Ottawa landscape »
  7. R. Joanisse, « "Maman", une œuvre icône du Musée des beaux-arts du Canada »
  8. a b et c Louis Gevart, « « Maman » de Louise Bourgeois, un monstre de tendresse », sur Beaux Arts Magazine, (consulté le )
  9. « Maman », sur Musée Guggenheim de Bilbao (consulté le )
  10. (en) « Roppongi Hills 15th Anniversary Installation », sur Musée d'art Mori (consulté le ).
  11. (en) « Louise Bourgeois Solo Show to Open in Qatar », Galerist NY,
  12. (en) « Louise Bourgeois: Conscious and Unconscious », Qatar Museums Authority.
  13. (en) « John and Mary Pappajohn Sculpture Park ».
  14. (en) B. Rubiner, « Cure for Urban Blight: Plant Lots of Sculpture », The New York Times, .
  15. (es) A. de Arteaga, « Una araña gigante en La Boca », La Nacion,
  16. (en) « Bourgeois’ iconic spider installation to go on display in Athens », sur www.ekathimerini.com, (consulté le )

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :