Lyon sous la Révolution

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Lyon, sous la Révolution, connait un destin funeste en osant s'opposer en 1793 aux montagnards. Prise militairement, elle est sévèrement réprimée et sort de la tourmente révolutionnaire très affaiblie[1].

Les prémices de la Révolution à Lyon[modifier | modifier le code]

À Lyon, la révolte des canuts de 1786 (voir Révolte des deux sous) a préparé de manière originale les soubresauts révolutionnaires. Brutalement réprimée, elle a permis aux ouvriers en soie de se structurer, et surtout à le faire en secret[a 1]. Des éléments populaires se regroupent, éditent des tracts pour mobiliser la population, font circuler des pétitions. À ce climat agité au sein des masses travailleuses se surimpose une très mauvaise année agricole en 1788, faisant grimper les prix et exacerbant les tensions. Lyon entre dans la période révolutionnaire en crise. Les années 1787-1788 sont difficiles pour l'industrie soyeuse, la production étant globalement divisée par deux[x 1].

En parallèle, les élites lyonnaises sont éveillées à la politique, dans un climat intellectuel propice aux réformes. De nombreuses personnalités ou sociétés évoquent et débattent des projets de Turgot, Maupeou ou Loménie de Brienne[a 1].

Les premiers temps révolutionnaires[modifier | modifier le code]

Plan de Lyon en 1789.

La préparation des États généraux[modifier | modifier le code]

Lors des assemblées préparatoires à la convocation des états généraux, nombreux sont ceux dans l'élite lyonnaise qui souhaitent des réformes, tels Mathon de la Tour, Delandine, Berenger ; contre un groupe de modérés ou de conservateurs déterminés, comme l'archevêque Mgr Marbeuf. Dès cette époque, des coteries se forment, qui préfigurent les partis politiques de la Révolution.

Le , la première réunion des trois ordres a lieu à l'église des Cordeliers. Dès cette première réunion, des éléments nobles, ecclésiastiques et bourgeois proposent l'abandon de leurs privilèges pour résoudre les problèmes financiers du pays[a 2]. Sur le moment, ils dominent les personnes désireuses de ne pas trop bousculer l'ordre établi. Les cahiers de doléances sont donc largement imprégnés des idées nouvelles.

En 1789, lors de la préparation des États généraux, le vote des représentants de la ville de Lyon à l'assemblée générales des trois ordres de la généralité révèle la coupure irrémédiable entre les tisserands et les marchands. Aucun représentant de ces derniers n'est élu en , seuls ceux des maîtres-ouvriers se rendent aux États généraux. Parmi les 34 élus, la plupart sont des meneurs des protestations de 1786, dont Denis Monnet[e 1]. Dans les cahiers de doléances, ils expriment leur volonté d'une organisation plus juste, désignant les maîtres-marchands comme étant les responsables de leur misère[r 1].

Les élus de la Sénéchaussée de Lyon aux États généraux sont Jean-Jacques Millanais, avocat au présidial, franc-maçon ; Jean-Baptiste Périsse-Duluc, imprimeur-libraire, franc-maçon ; Goudard, négociant et Couderc, banquier, protestant[d 1].

Lyon et le début de la Révolution[modifier | modifier le code]

Durant les premiers mois révolutionnaires, comme à Paris, les masses populaires débordent régulièrement la bourgeoisie libérale, que ce soit celle de l'autorité municipale comme celle qui tient les clubs. Le , à l'annonce de la fusion des trois ordres, une émeute se déclenche contre les octrois, accusés du renchérissement des denrées, et cible de toutes les accusations en temps de disette. Le roi envoie des troupes pour rétablir l'ordre. Mais le 14 juillet, le château de Pierre Scize est pris. L'ordre est de nouveau rétabli de force[a 3].

Les tisserands obtiennent un tarif officiel en , et décident de se séparer des marchands en créant une communauté distincte à la Cathédrale Saint-Jean le . Ils fondent également de grands espoirs dans la loi du qui supprime les corporations et leurs privilèges. En parallèle, les autorités tentent de protéger les soies françaises en établissant des droits de douane[r 1].

Durant la Grande Peur, des pillages ont lieu contre des maisons nobles ou de propriétaires bourgeois. Pour rétablir l'ordre, une ébauche de garde nationale s'établit à Lyon. Finalement, les factions les plus avancées renversent le les milices de volontaires issues de la bourgeoisie, qui sont remplacées par la garde nationale. Imbert-Colomès, premier échevin, qui avait réprimé les révoltes précédentes, s'enfuit[a 3].

La Constituante fait de Lyon le chef-lieu du département de Rhône-et-Loire qui est scindé en deux après l'insurrection lyonnaise par décret de la Convention Nationale du 29 Brumaire an II (19 novembre 1793).

Lyon de la Révolution à la rébellion[modifier | modifier le code]

Buste de Marie Joseph Chalier

La nouvelle municipalité, modérée et dirigée par Palerme de Savy est immédiatement confrontée aux clubs radicaux, qui l'accusent d'être liée aux conservateurs de tous horizons. Ces groupes ont pour meneur Marie Joseph Chalier qui entretient et développe une atmosphère revendicative, et toujours plus révolutionnaire.

En face, un groupe de royalistes met au point un complot destiné à faire venir le roi à Lyon, à monter des armées de fidèles et à s'appuyer sur des forces étrangères pour renverser la constituante et revenir sur les avancées révolutionnaires. Le plan est lentement monté durant l'année 1790, mais il est éventé et échoue[a 4].

La même année, la division religieuse se met en place à Lyon, plus qu'ailleurs, car l'archevêque Marbeuf s'oppose vigoureusement et très tôt aux prétentions religieuses de l'assemblée nationale et à la constitution civile du clergé. Le , il fait un discours solennel rappelant fermement que l'autorité sur le clergé ne vient que de lui et du Saint-Siège. Il refuse tout serment[a 5].

Les années 1789, 1790 et 1791 sont mauvaises pour les récoltes et l'économie. La population, qui en souffre, devient de plus en plus sensible aux thèmes véhiculés par les clubs démocrates au travers d'une presse combative[N 1]. La nouvelle de la fuite du roi déclenche de nombreux troubles, essentiellement ruraux[N 2],[a 6]. C'est dans cette ambiance que les premières élections municipales portent au pouvoir une majorité rolandine, avec Louis Vitet comme maire, face à un directoire beaucoup plus modéré. Celui-ci est suspendu en à la suite d'un conflit avec Chalier ; Lyon s'enfonce dans les troubles révolutionnaires. Le début de l'année 1792 voit encore poindre une disette, et pour prévenir de nouveaux débordements, des troupes sont massées près de la ville, ce qui ajoute encore à l'inquiétude. Le , une foule émeutière massacre huit officiers royalistes du régiment Royal-Pologne (presque tous nobles) détenus dans le vieux fort de Pierre-Scize (la "Bastille lyonnaise", située au nord de la ville, en surplomb de la Saône, détruite quelques mois plus tard) depuis les derniers jours d'août, et trois prêtres réfractaires (l'un arraché de la prison de Saint-Joseph par la foule, un second de celle de Roanne, un troisième rencontré dans la rue par les émeutiers, déguisé en femme..). Leurs corps sont décapités et leurs têtes fichées sur des piques, trophées macabres derrière lesquels la foule parcourt la ville. Survenu quelques jours après les événements parisiens (les massacres de , qui ensanglantent la capitale du 2 au , laissant derrière eux entre 1000 et 1400 victimes), cet épisode est passé à la postérité sous l'appellation de "septembrisade lyonnaise". Les jours qui précèdent le massacre comme ceux qui les suivent voient s'affronter les républicains lyonnais, entre républicains modérés et partisans d'une révolution plus radicale. Autour des massacres de septembre lyonnais, puis de leur mémoire, s'affrontent en effet les "Rolandins" et les "Chalier", mettant ainsi aux prises, pour la première fois, quelques-uns des protagonistes majeurs des événements du printemps 1793 à Lyon [2].

Avec l'exode d'une partie de la noblesse, la Fabrique perd logiquement une grande partie de sa clientèle[f 1]. La crise s'installe avec l'inflation et la guerre, qui entrave le commerce. Les riches tissus façonnés sont remplacés par des tissus plus simples, unis, décorés de broderies[x 2].

Un tribunal révolutionnaire

L'apogée de cette radicalisation intervient lors des élections de , lorsque Chalier et plusieurs montagnards sont élus à la mairie. Toujours pas majoritaires, ils déploient une propagande violente pour tenter de rallier la population à leurs vues, en vain. Le , une nouvelle élection porte Antoine Nivière-Chol au poste de maire, avec toujours une majorité de modérés. Mais l'agitation des jacobins lyonnais porte ses fruits. À la suite de troubles et de combats de rue, la Convention envoie trois des siens pour traquer les contre-révolutionnaires, avec pour ordre de monter sur Lyon une armée révolutionnaire. Plusieurs membres modérés de la mairie sont arrêtés. Grâce à l'intervention des trois conventionnels, les élections suivantes portent à la mairie une majorité de jacobins, avec Antoine-Marie Bertrand comme maire.

Enfin libres d'agir à leur gré, ils multiplient les décisions extrêmes et se trouvent très rapidement fortement impopulaires. Ils sont donc renversés dès le par un coup de force des girondins. Avec ce retour à une majorité modérée, même si pleinement républicaine, Lyon se retrouve à contre-temps, puisque quelques jours plus tard, c'est la gironde qui est mise hors la loi par les montagnards parisiens.

La nouvelle mairie, dont le chef est Jean-Jacques Coindre, est trop éloignée des idéaux jacobins au pouvoir, et la rupture est inévitable. le , la Convention décrète Lyon "en état de rébellion contre l'autorité légitime"[a 7].

Le siège de Lyon[modifier | modifier le code]

Le comte de Précy

Les autorités lyonnaises, malgré les menaces d'un affrontement avec Paris, restent fidèles à leur ligne de conduite. Des procès condamnent Chalier et plusieurs de ses amis, lui-même étant exécuté le . Devant l'avance des armées révolutionnaires, conduites par Kellermann, les autorités préparent un siège tout en lançant des appels à l'aide, qui restent sans réponse. La défense est organisée par Louis François Perrin, comte de Précy, qui édifie des redoutes, met en place une organisation défensive et mobilise une armée d'environ 12 000 à 14 000 hommes.

Le siège de Lyon commence le , mais les armées révolutionnaires ne peuvent assurer un blocus complet que le . Le siège commence par des duels d'artillerie et tentatives de prise de points stratégiques durant lesquels les Lyonnais se montrent opiniâtres. Devant l'échec de ses premières tentatives, Kellermann décide de bombarder la ville pour saper le moral des habitants. Le pilonnage commence dans la nuit du 22 au pour ne cesser qu'avec la reddition de Lyon. Durant les premières semaines, cependant, les Lyonnais tiennent toujours bon. Kellermann est remplacé fin septembre par Doppet, qui bénéficie dès son arrivée d'une trahison pour prendre sans combat une position stratégique à Sainte-Foy-lès-Lyon. Dès lors les positions lyonnaises ne sont plus tenables et après deux semaines de combat, Lyon capitule le [s 1],[a 8].

Estampe représentant les fusillades de Lyon en présence de Joseph Fouché.
Gravure d'après Auguste Raffet, 1834.

Le , la Convention Nationale décrète que "le nom de Lyon sera effacé du tableau des villes de la République et portera désormais le nom de Ville-affranchie". Le conventionnel Barère se vante de son succès en ces termes : « Lyon fit la guerre à la liberté, Lyon n'est plus », phrase reprise dans le décret susvisé. 1 604 personnes[3] sont fusillées ou guillotinées, et plusieurs riches immeubles autour de la place Bellecour sont détruits conformément à la décision de la Convention Nationale. Durant de nombreux mois, la terreur jacobine s'abat sur Lyon, et les fêtes révolutionnaires ne mobilisent ni ne convainquent des populations traumatisées. Dans leur volonté de faire table rase, les vainqueurs suppriment l'école royale de dessin en 1793[c 1].

Ainsi Joseph Fouché est chargé de faire exécuter le décret qui ordonnait la destruction de la ville de Lyon, il encourage les cruautés qui furent commises alors. A cette occasion, il gagne le surnom de « mitrailleur de Lyon », pour avoir substitué à la guillotine, jugée trop lente, l'exécution de masse des habitants jugés suspects par la mitraille (des canons tiraient sur des groupes de plusieurs dizaines de condamnés). 1683 lyonnais sont tués, victimes de la répression de Fouché.

Le siège de Lyon en 1793 cause un exode terrible, qui obère largement les possibilités de production de la soierie lyonnaise ; d'environ 150 000 habitants, Lyon passe à 102 000 en 1794, et 88 000 en 1800. La répression qui s'ensuivit causa la mort de 115 des 400 entrepreneurs en soierie que compte la ville[x 2], qui s'ajoutent à un grand nombre d'émigrations de la part des maîtres soyeux souvent mal vus des forces populaires, départ qui seront pour certains d'entre eux définitifs[f 2].

Lorsque Lyon, le apprend la chute de Robespierre, elle bascule dans un nouveau cycle de violences vengeresses.

Le 12 octobre 1794, la ville retrouve son nom d'origine.

Reconstruire la société lyonnaise[modifier | modifier le code]

Massacre dans les prisons de Lyon, en avril 1795

Dans une ville affaiblie, les autorités révolutionnaires ou civiles tentent de modérer les passions, mais rapidement, les jacobins sont recherchés et persécutés. Les bustes de Chalier sont détruits. Durant toute l'année 1795, Lyon est le théâtre de violences, dont les points d'orgue sont le massacre de personnes emprisonnées et en attente de jugement, toutes des anciens "mathevons", les jacobins lyonnais, dont Antoine Dorfeuille. Les autorités locales ne parviennent pas à maîtriser les mouvements de foule, et craignant une complicité, la Convention déclare à nouveau Lyon en état de siège, envoyant des troupes aux Brotteaux[a 9]. Malgré tout, des tentatives de reprendre un cours normal des activités ont lieu. Ainsi, une école de dessin, utile à la Fabrique de soierie, est créée en 1795 sous le nom d'« école de dessin des fleurs »[c 2].

Entre 1794 et 1799, le monde des marchands-fabricants se reconstitue grâce à l'arrivée de maisons qui travaillent dans d'autres villes françaises. Dès 1794, de Nîmes et d'Anduze arrivent les soyeux Laguelline, Ourson et Benoit[x 3]. À la fin de la même année, Guérin s'installe, venant de Saint-Chamond[y 1]. Le soyeux et dessinateur Pierre Toussaint de Chazelle tente également de relancer l’économie locale, et devient ambassadeur de la scène artistique lyonnaise à Paris et favorise ainsi l’introduction dans la capitale de jeunes artistes de Lyon, tels Grobon, Révoil et Richard[4]

Aux élections d', ces craintes se voient renforcées par l'élection pour le premier Directoire de trois députés monarchistes constitutionnels, Pierre Rambaud, Mayeuvre-Champvieux et Paul Béraud. Aussi le Directoire nomme-t-il à la tête de Lyon un républicain éprouvé, Paul Cayré.

Monument aux victimes de la répression de Lyon de 1793, construit en 1795 et détruit l'année suivante. ADRML, Fonds Galle, FG/A114

Durant deux ans, jusqu'en 1797, un conflit larvé entre républicains et contre-révolutionnaires se tient dans toute la ville. Profondément divisée, celle-ci ne s'unifie pas autour des fêtes et des projets officiels. La population fréquente clubs et théâtres, où les rivalités s'expriment ouvertement et s'aiguisent. Les forces monarchistes parviennent, en 1797 à faire entrer au Conseil des Cinq-Cents Jacques Imbert-Colomès et Camille Jordan.

Ces derniers sont contraints à la fuite à la suite du coup d'État du 18 fructidor an V (le ). Les élections sont cassées dans le Rhône, des autorités énergiques remplacent les précédentes, accusées de ne pas avoir suffisamment combattu les contre-révolutionnaires. Durant les deux dernières années de la Révolution française, les autorités s'échinent sans succès à instiller l'idéologie républicaine à une population qui n'adhère pas. Elles tentent également de contrer les libelles monarchistes et contre-révolutionnaires, sans grand succès. Un dernier complot est ourdi en par l'anglais William Wickham, mais il sera arrêté par la victoire de Masséna à Zurich.

Durant ces années difficiles, pour faire face au manque de main-d'œuvre, les innovations techniques sont soutenues par l'État au travers concours et fondations d'écoles. En particulier, l'école de dessin est recréée en 1795 sous l'appellation d'« école de dessin de la fleur »[c 2]. Les soyeux lyonnais vont chercher des idées auprès des ingénieurs anglais, au sein de la production de tissu en coton et cet élan participe de l'effort de mécanisation de l'outil de production qui aboutit au début du XIXe siècle à la mécanique Jacquart[z 1].

En définitive, les Lyonnais ne sont dans leur majorité pas des monarchistes fervents. Engagés dans l'idéal révolutionnaire des premières années, ils furent surtout traumatisés par le siège de Lyon et la répression qui s'ensuivit. Ils n'ont plus confiance dans les autorités parisiennes et veulent surtout retrouver la paix et la prospérité[a 10].

L'Église lyonnaise sous la Révolution[modifier | modifier le code]

Comme la plupart des diocèses de France, celui de Lyon subit sévèrement l'épisode révolutionnaire, qui divise les consciences, affaiblit fortement les communautés religieuses de la région. L'archevêque Marbeuf refuse de quitter son poste, fuit dès les débuts de la Révolution, et organise la résistance de l'Italie avec l'aide d'hommes déterminés sur place[5].

Un clergé qui se divise[modifier | modifier le code]

Antoine-Adrien Lamourette, prélat constitutionnel de Lyon

À la veille de la Révolution, Lyon voit arriver à la tête du diocèse un archevêque conservateur, Mgr de Marbeuf. Dès la préparation de la réunion des États généraux, il se fait remarquer de l'opinion lyonnaise en s'inquiétant des troubles et du désordre que cette initiative engendre. Des groupes de lyonnais le raillent alors dans une mascarade, et il n'ose pas venir dans son diocèse, craignant que sa venue provoque des émeutes[b 1]. Les évènements s'aggravant, il émigre rapidement, et Lyon ne voit pas de toute la Révolution celui qui luttera férocement contre elle.

Le clergé, dès la préparation des cahiers de doléances, se divise entre le clergé de second ordre et les vicaires et autres titulaires de bénéfices ecclésiastiques[b 2]. Cette division est accentuée par le refus définitif de l'archevêque de la constitution civile du clergé et des serments. À partir de ce moment, il s'engage dans une opposition systématique envers l'église constitutionnelle et organise depuis l'étranger l'Église « légitime ».

Le remplaçant de Mgr Marbeuf est Antoine-Adrien Lamourette qui réside assez peu dans son diocèse, étant élu à l'Assemblée législative. Au début, dans les années 1791 - 1793, un grand nombre de prêtres restent dans le giron de l'Église constitutionnelle[b 3]. Mais progressivement, au fur et à mesure des anathèmes prononcés par Mgr de Marbeuf contre les différents serments, de plus en plus de prêtres les refusent ou se rétractent. Durant cette période, toutefois, les deux clergés coexistent correctement, les mesures d'exil contre les réfractaires étant appliquées très souplement[b 4].

Déchéance de l'Église constitutionnelle et résistance de l'Église réfractaire[modifier | modifier le code]

Tout change avec l'opposition de Lyon à la Convention et le siège de la ville en . Tombée aux mains des révolutionnaires lyonnais les plus acharnés, les mesures antireligieuses se multiplient, avec la transformation de la cathédrale Saint-Jean en temple de la Raison, des processions burlesques, la destruction de nombreux symboles publics religieux, l'arrestation de nombreux prêtres, notamment de nombreux constitutionnels. Cette première vague déstructure complètement l'Église officielle lyonnaise, qui ne s'en remet pas, et qui subit un deuxième assaut lors des persécutions de Fructidor. Après la mort de Lamourette, guillotiné en , on attend pour lui élire un remplaçant, Claude François Marie Primat, qui, par crainte du climat local, ne viendra qu'en [b 5].

Pendant toute la Révolution, un culte caché se développe et survit, massivement soutenu par la population, surtout dans les campagnes. Dès après la journée du 10 août 1792, un vicaire de Marbeuf, De Castillon, rentre secrètement et prend contact avec l'abbé Linsolas. À eux deux, ils réorganisent secrètement le clergé légitime, entretenant une correspondance étroite et régulière avec l'archevêque resté en exil. De Castillon pris et exécuté à la fin de , Linsolas tient seul jusqu'à la fin de la période révolutionnaire les rênes du clergé réfractaire lyonnais. Il développe une organisation pastorale complète, avec vingt cinq missions réparties dans tout le diocèse, parvenant à construire un petit séminaire et à jeter les bases d'un grand séminaire[b 6].

À la sortie de la période révolutionnaire, l'indifférence religieuse ou l'hostilité envers l'Église semble avoir nettement progressé. Dans les bourgs ouvriers (Roanne, Saint-Étienne, par exemple), encore très pratiquants, de larges pans de la population se sont éloignés de la religion[b 7]. Très divisés, les deux clergés ne se rapprochent pas aisément, Marbeuf et Linsolas refusant toute conciliation avec les constitutionnels. Ainsi, à la mort de Marbeuf, en , le diocèse est délabré et doit attendre trois ans pour retrouver un prélat qui entame le relèvement.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Avec, surtout, "Le Journal de Lyon" et "Le courrier de Lyon"
  2. L'épisode le plus sanglant voit un seigneur honni, Guillin de Montat, être massacré par la population villageoise environnante.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  1. a et b page 621
  2. page 623
  3. a et b page 624 - 625
  4. page 628
  5. page 629 - 630
  6. page 633
  7. page 642
  8. page 643
  9. page 649
  10. page 654
  • Jacques Gadille (dir.), René Fédou, Henri Hours et Bernard de Vregille, Le diocèse de Lyon, Paris, Beauchesne, coll. « Histoire des diocèses de France » (no 16), , 350 p. (ISBN 2-7010-1066-7, BNF 34728148)
  1. page 191
  2. page 192 & 193
  3. page 197
  4. page 199
  5. page 200
  6. page 202
  7. page 205
  1. pages 144 à 147
  • Marie-Claude Chaudenneret, « L'enseignement artistique à Lyon au service de la Fabrique ? », dans Gérard Bruyère, Sylvie Ramond, Léna Widerkehr, Le temps de la peinture : Lyon 1800-1914, Lyon, Fage, , 335 p. (ISBN 978-2-84975-101-5, BNF 41073771), p. 28-35
  1. Chaudenneret 2007, p. 29.
  2. a et b Chaudenneret 2007, p. 30.
  1. Trenard 1992, p. 159.
  • Bruno Benoit et Roland Saussac, Guide historique de la Révolution à Lyon : 1789-1799, Lyon, Éditions de Trévoux, , 190 p. (ISBN 2-85698-043-0, BNF 36633132)
  • Bruno Benoit, « Lyon rouge ou/et blanche 1789-1799 : approche historique et historiographique des minorités politiques lyonnaises », dans Christine Peyrard (dir.), Minorités politiques en Révolution, 1789-1799, Aix-en-Provence, Publications de l'Université de Provence, coll. « Le temps de l'histoire », , 208 p. (ISBN 978-2-85399-675-4, lire en ligne), p. 181-195.
  • Renée Fuoc, La Réaction thermidorienne à Lyon, 1795, Vaulx-en-Velin, Vive 89 Rhône, , 2e éd. (1re éd. 1957), 223 p. (ISBN 2-85792-069-5, BNF 35024666)
  1. Fuoc 1957, p. 24.
  2. Fuoc 1957, p. 25.
  • Pierre Arizzoli-Clémentel et Chantal Gastinet-Coural, Soieries de Lyon : commandes royales au XVIIIe siècle, 1730-1800, Lyon, Musée historique des tissus, coll. « Les dossiers du Musée des tissus » (no 2), , 143 p. (BNF 35411714)
  • Pierre Cayez, « Entreprises et entrepreneurs lyonnais sous la révolution et l'Empire », Histoire, économie et société, Armand Colin, no 1,‎ , p. 17-27 (ISSN 0752-5702)
  1. Cayez 1993, p. 18.
  2. a et b Cayez 1993, p. 19.
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  • Serge Chassagne, Veuve Guerin et fils : banque et soie : une affaire de famille : Saint-Chamond-Lyon, 1716-1932, Lyon, BGA Permezel, , 381 p. (ISBN 978-2-909929-38-5, BNF 43521085)
  1. Chassagne 2012, p. 33.
  • Serge Chassagne, « L'innovation technique dans l'industrie textile pendant la Révolution », Histoire, économie et société, Armand Colin, no 1,‎ , p. 51-61 (ISSN 0752-5702)
  1. Chassagne 1993, p. 51.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Sur la Révolution à Lyon, l'ouvrage de référence est Louis Trenard, La Révolution française dans la région Rhône-Alpes, Perrin, 1992, Paris, 819p., (ISBN 2-262-00826-4). On peut également consulter le très pratique Bruno Benoit, Roland Saussac, Guide historique de la Révolution à Lyon ; 1789-1799, Éditions de Trévoux, 1988, Lyon, 190p., (ISBN 2-85698-043-0).
  2. Côme Simien, Les massacres de septembre 1792 à Lyon, 2011, Lyon, Aléas, 239p. (ISBN 978-2-84301-318-8).
  3. Jean Tulard, Joseph Fouché, Paris, Fayard, , 496 p. (ISBN 2-213-59991-2), p. 50.
  4. Fleury, Richard., "Artistes lyonnais. Dechazelle, Granet et Grobon", Revue du Lyonnais, 2e série, n°2, 1851, p. 44-49.
  5. Sur l'église de Lyon sous la Révolution, on peut consulter l'ouvrage de Paul Chopelin : Ville patriote et ville martyre. Lyon, l'Église et la Révolution, 1788-1805, Letouzey & Ané, 2010, Paris, 463 p., (ISBN 978-2-7063-0270-1).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]