Louis Lecoin

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Louis Lecoin
Image illustrative de l’article Louis Lecoin

Naissance
Saint-Amand-Montrond (Cher)
Décès (à 82 ans)
Les Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis)
Première incarcération novembre 1912 : 5 ans de prison pour « provocation au meurtre, à l'incendie et au pillage » suite à la publication d'une affiche antimilitariste
Origine français
Type de militance secrétaire de la Fédération communiste anarchiste
fondateur de l'Union pacifiste de France
Cause défendue libertaire
pacifisme
antimilitarisme
syndicaliste révolutionnaire
objection de conscience
Fichier:Montjuic 1931.jpg
García Vivancos, Juan García Oliver, Louis Lecoin, Pierre Odéon, Francisco Ascaso et Buenaventura Durruti à Montjuïc (Barcelone) en mai 1931.

Louis Lecoin, né le à Saint-Amand-Montrond dans le Cher et mort le à Les Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) est un militant pacifiste et anarchiste. Il est à l'origine de la fondation de l'Union pacifiste de France.

Correcteur d’imprimerie et militant syndicaliste révolutionnaire, défenseur de l’objection de conscience[1], il passe douze années de sa vie en prison pour ses idées.

Biographie

L'affiche du Groupe des conscrits de la Fédération communiste anarchiste, octobre 1912.

Louis Lecoin était issu d'une famille très pauvre, de parents illettrés : il ne possédait lui-même qu'un certificat d'études. Il devint correcteur d'imprimerie après avoir exercé les professions de manœuvre, jardinier, cimentier et avoir été aussi mendiant. Il se lia avec une travailleuse des PTT, Marie Morand, jusqu'à la mort de celle-ci en 1958.

Au cours de sa vie il créa différentes publications : Ce qu'il faut dire, Le Libertaire, Défense de l’Homme et Liberté[2].

En octobre 1910, jeune recrue, il reçut l'ordre avec son régiment d'aller casser une grève de cheminots. Il refusa, ce qui lui valut 6 mois de prison[3] pour « refus d'obéissance à l'intérieur de l'armée », par le conseil de guerre siégeant à Bourges le 15 novembre. Démobilisé en 1912, il alla à Paris et devint, après avoir pris contact avec les milieux libertaires, secrétaire de la Fédération anarchiste communiste. En novembre 1912, il est arrêté pour la publication avec Pierre Ruff d'une affiche antimilitariste et condamné à cinq ans de prison pour « provocation au meurtre, à l'incendie et au pillage ».

Libéré en novembre 1916, il reçoi son ordre de mobilisation immédiat pour Bourges dans une section disciplinaire de l’armée. Il se réfugie alors chez l’anarchiste Georges Reimeringer non sans avoir adressé au gouvernement militaire de Paris une lettre dans laquelle il l’informait de son refus d’être incorporé.

Insoumis, il ne se cache pas et fait montre au contraire d’une grande activité. Avec Pierre Ruff et Claude Content, il rédige un tract signé du Libertaire et intitulé « Imposons la paix ». Il le distribue seul à Belleville le 11 décembre, ce qui entraîne immédiatement son arrestation puis celle de ses deux camarades. Tous trois comparaissent le 5 mars 1917 devant la 10e chambre du Tribunal correctionnel pour « propos alarmistes » et sont condamnés : Lecoin et Ruff à un an de prison et 1000 francs d’amende, Content à 6 mois de prison et 500 francs d’amende. En outre, il est condamné 18 mois supplémentaires pour trouble à l'ordre public, sans même pouvoir s'exprimer. Il sera libéré en 1920, bénéficiant d'une grâce.

Il créa le Secours aux Objecteurs de Conscience, puis le mensuel Liberté (en 1958), consacré à la défense des objecteurs de conscience et à la lutte pour un statut légal pour ceux-ci.

En 1921, présent au congrès de la CGT à Lille, devant les menaces des « gros bras » de la direction, il tira en l'air avec son revolver pour que les syndicalistes révolutionnaires puissent s'exprimer.

Maison natale de Louis Lecoin à Saint-Amand-Montrond

Il mena deux combats qui eurent des retentissements dans le monde entier.

  • Le premier fut de défendre trois militants de la Confédération nationale du travail espagnole, Buenaventura Durruti, Gregorio Jover et Francisco Ascaso demandés par l'Argentine et l'Espagne dictatoriale qui les accusait d'avoir préparé un attentat contre le roi d'Espagne Alphonse XIII dont on annonçait une visite en France. Ils furent arrêtés en France pour port d'armes prohibées. Lecoin monta un Comité du droit d'asile et saisit la Ligue des droits de l'homme. L'extradition des trois hommes n'eut pas lieu.
  • Le deuxième fut en faveur de Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, exécutés aux États-Unis le . Lecoin fit un coup d'éclat peu de temps après au sein du congrès de l'American Legion (regroupant les anciens combattants américains de 14-18). Après avoir infiltré les lieux au prix d'un déguisement de militaire (car Lecoin était suivi par la police), il s'installa au sein du congrès. Le président prit la parole, Lecoin se leva et répéta trois fois « Vivent Sacco et Vanzetti ! ». Il fut arrêté. Mais le ministre de l'Intérieur dut rapidement le remettre en liberté: toute la presse avait pris fait et cause pour Sacco et Vanzetti et donc pour Louis Lecoin, secrétaire du Comité de défense.

Dès la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1939, Louis Lecoin rédigea un tract intitulé « Paix immédiate », distribué à 100.000 exemplaires avec l'aide Nicolas Faucier et de Albert Dremière[4]. Il fut, à cause de cela, emprisonné jusqu'en 1943.

Après la guerre il fonda le comité de soutien à Garry Davis pour créer une Citoyenneté mondiale. Louis Lecoin lança en 1958 sa campagne pour l'obtention d'un statut pour les objecteurs de conscience. Albert Camus participa activement à cette campagne dont il ne put voir l'aboutissement. Le gouvernement refusait de tenir sa promesse et le 1er juin 1962, Louis Lecoin déclencha une grève de la faim à l'âge de 74 ans. Cette action, démarra dans l'indifférence, mais après quelques jours, Lecoin reçut le soutien de la grande presse, notamment du Canard enchaînéHenri Jeanson interpella les intellectuels par un retentissant « Holà ! Les Grandes Gueules ! Laisserez-vous mourir Louis Lecoin ? »[5]. Lecoin fut alors hospitalisé de force. Au 21e jour, le Premier Ministre Georges Pompidou lui transmit la promesse qu'un projet de loi allait être soumis au Parlement. Mais cela parut dans un premier temps insuffisant pour Lecoin, « morpion sublime » et ce n'est que le lendemain qu'il interrompit son jeûne. En août 1963, voyant que le projet de loi n'était toujours pas voté, Louis Lecoin menaça de recommencer sa grève de la faim. Le gouvernement céda et le statut fut promulgué le , et tous les objecteurs furent libérés.

Buste de Louis Lecoin dans sa ville natale de Saint-Amand-Montrond

Son nom fut proposé pour le Prix Nobel de la paix en 1964 mais il demanda son retrait afin de laisser plus de chances à Martin Luther King.

En avril 1966, il obtint, à égalité avec Jean Rostand, le « Nobel Du Canard ».

Louis Lecoin et Bernard Clavel

L'écrivain Bernard Clavel a écrit de nombreux articles dans la revue créée par Louis Lecoin l'Union pacifiste de France ainsi qu'une préface de ses écrits et cet homme qu'il lui rend dans son essai Le Silence des armes.

Pour Bernard Clavel, Louis Lecoin est à l'image de Gandhi et de Martin Luther King : un héros de son temps et surtout un exemple. « Toute sa vie témoigne de sa vertu, de sa valeur, de sa grandeur d'âme et de son désintéressement total de ce qui n'est pas directement lié au combat pour la justice et pour la paix. » Son combat, ce n'est pas seulement l'objection de conscience en tant que telle, c'est aussi « celui du bon sens contre l'absurdité, de l'intelligence contre la sottise, de l'honnêteté contre la corruption, de la pureté contre le vice.

Ce qui frappait d'abord dans cet homme d'aspect chétif, c'était son regard bienveillant, son humanité : « il portait le monde en son cœur et c'était en regardant au-dedans de lui qu'il en avait la vision la plus sensible, la plus chargée d'affection. » Toute sa vie, il a lutté contre la guerre, demandant à Pierre Mendès France en 1954 de supprimer l'armée et il n'aura pas de mots assez durs pour dénoncer son rôle néfaste et sa logique de guerre.

Bernard Clavel qui l'a très bien connu, soutenu dans son combat et lui a dédié son roman Le Silence des armes où il dénonce la guerre, les massacres et la torture en Algérie, roman qui a suscité bien des réactions et des polémiques qui ont incité Clavel à répondre par sa longue Lettre à un képi blanc.

C'était un homme d'une tolérance infinie, « une vertu à laquelle il attachait beaucoup de prix. » Bien que matérialiste, il appliquait à la lettre le précepte de l'Évangile Tu ne tueras point. Poussant jusqu'au bout ses convictions, il a réussi à faire plier le général de Gaulle lui-même, arrachant à force d'acharnement, contre l'armée et les tenants d'un patriotisme primaire, le statut d'objecteur de conscience. S'il a vaincu, il est arrivé à ce résultat avec pour seul arme, son courage.

A l'automne 1967, Bernard Clavel propose à son ami Louis d'être à la tête d'un comité pour promouvoir le désarmement unilatéral. Ils fondent, avec Pierre Valentin Berthier, Max-Pol Fouchet, Jean Gauchon, Henri Jeanson, Alfred Kastler, Théodore Monod, Yves Montand, Simone Signoret, Raymond Rageau et bien d'autres le Comité pour l'extinction des guerres.

Le 23 juin 1971, Louis Lecoin décède d'une embolie pulmonaire. Auparavant, il avait confié à l'Union Pacifiste le soin de mener son dernier combat.

Œuvres

Citations

  • Si un bon révolutionnaire doit demeurer insensible à la souffrance qu'il voit ou devine, je suis un mauvais révolutionnaire car ce n'est pas moi qui souhaiterai jamais que les régimes abhorrés accumulent plus d'horreurs pour pouvoir rassembler plus d'arguments contre eux.
  • Je pense fermement qu'un homme peut et doit se refuser à en assassiner d'autres ... Je suis logique avec mes idées et reste d'accord avec mon cœur qui souffre au spectacle de ces laideurs et avec ma conscience qui s'indigne que des individus accumulent tant de misères.
  • Alors que tenter pour que la vie devienne moins sale s’il nous faut désespérer d’améliorer les hommes ? Que tenter pour que la paix coule de source sur notre terre desséchée par les guerres et les innombrables conneries de ses habitants ?
  • Tout ! Pour la paix, c’est très simple : rendre les hommes pacifistes même malgré eux. Les empêcher d’entrer en guerre en supprimant auparavant leurs armées et leurs armements. (Liberté, 1er février 1970)'
  • S'il m'était prouvé qu'en faisant la guerre mon idéal avait des chances de prendre corps, je dirais quand même non à la guerre. Car on n'élabore pas une société humaine sur des monceaux de cadavres.

Notes et références

  1. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, « Le Maitron » : notice biographique.
  2. Worldcat : notice bibliographique.
  3. Philippe Alméras, Céline. Entre haines et passion, Robert Laffont 1994, Pour afficher « p. 30 », veuillez utiliser le modèle {{p.|30}}
  4. Dictionnaire des anarchistes, « Le Maitron » : Albert Dremière.
  5. Henri Jeanson, Le Canard enchaîné, 13 juin 1962

Annexes

Bibliographie

  • Garel Sylvain, Louis Lecoin et le mouvement anarchiste, Fresnes, Volonté anarchiste, 1982.
  • Lemonnier Jean-Claude, Louis Lecoin combattant de la Paix Saint-Amand-Montrond, Anima, 1991.
  • Bernard Clavel, Le Silence des armes et Récits et essais.
  • Union pacifiste et Amis de Louis Lecoin, Louis LECOIN, homme de paix, Union pacifiste, 2011.
  • Lucien Seroux, Parcours croisés : Nicolas Faucier, Louis Lecoin et May Picqueray, intervention aux IXèmes Rencontres du Front libertaire, Saint-Nazaire, 27 mai 2006, texte intégral.

Documentaire

Notices

Articles connexes

Liens externes

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